Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du 27 juin 2013 à 9h30
Consommation — Après l'article 4, amendement 166

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Nous partageons les mêmes objectifs. Je me félicite d'ailleurs que deux ministres soient présents ce matin, le ministre de la consommation et la ministre du tourisme. C'est un sujet qui intéresse la consommation, mais également le tourisme, et la ministre a eu parfaitement raison de le rappeler. Ce sujet touche également les PME et les restaurateurs que vous défendez.

Pourquoi est-ce aussi important ?

Tout d'abord, il s'agit d'une question de transparence, que nous devons aux consommateurs. Ce qui avait attiré mon attention il y a plusieurs mois est le fait que dans le Var, un couple a créé un site internet : « restaurantsquifontamanger.fr ». Que dans notre pays, dont la gastronomie est inscrite au patrimoine mondial de l'humanité, des consommateurs en soient réduits à créer des sites internet pour dresser la liste des restaurants où l'on fait à manger indique que quelque chose ne tourne pas rond. Dans un restaurant, on doit naturellement faire à manger. Cela prouve le trouble des consommateurs qui souhaitent de la transparence. Ils veulent savoir si ce qui est servi a été préparé sur place ou non, et si les lieux dans lesquels on les accueille font réellement à manger.

Ce sujet concerne également la gastronomie française. Il y a aujourd'hui une véritable banalisation de notre gastronomie. La ministre a rappelé l'intérêt des touristes ; pour être précis, un sondage a établi que 40 % des touristes étrangers viennent en France pour notre gastronomie. Or petit à petit, morceau par morceau, les cartes des restaurants se banalisent à mesure que la restauration industrielle pénètre nos restaurants. On trouve les mêmes desserts ou les mêmes plats un peu partout. C'est extrêmement grave car c'est notre patrimoine qui est mis en péril.

L'emploi est également en jeu. Nous souhaitons tous préserver l'emploi dans notre pays. Dans ma commune se trouve un lycée hôtelier ; à quoi sert-il de former des jeunes à la restauration si demain, dans les cuisines de nos restaurants, il n'y a plus que des fours à micro-ondes et des paires de ciseaux pour ouvrir les sacs sous-vides que l'on réchauffe et que l'on sert en salle ? Or c'est ce qui est en train de se passer. Quand un restaurateur décide de proposer dans sa carte de la pâtisserie préparée à l'extérieur, notamment de façon industrielle, c'est un emploi qui disparaît. Les arguments sont connus : « Pourquoi s'ennuyer à embaucher du personnel ? Cela coûte plus cher et c'est compliqué. Licenciez ou ne remplacez pas celui qui part en retraite, nous allons vous livrer ce qui est préparé ailleurs et vous n'aurez plus qu'à le servir en salle. »

Ce n'est pas normal. Si nous voulons préserver l'emploi, nous avons la possibilité de prendre ce matin une mesure très forte visant à assurer la transparence pour les consommateurs, protéger notre gastronomie et préserver l'emploi.

Il faut aller au bout de la démarche. Nous ne pouvons nous satisfaire de demi-mesures en adoptant une disposition qui n'en est pas véritablement une et qui donne l'impression d'être efficace alors qu'elle ne l'est pas – un peu comme ces plats proposés dans les restaurants, apparemment préparés sur place mais qui nous déçoivent quand on les mange, parce qu'on s'aperçoit qu'ils ont été préparés à l'extérieur et qu'on ne retrouve pas la saveur que l'on espérait.

Pour aller au bout de la démarche, l'amendement n° 74 est la seule vraie solution : il s'agit de réglementer l'appellation « restaurant » comme on l'a fait pour la boulangerie. Une telle mesure a fonctionné pour la boulangerie : on ne peut s'appeler « boulangerie » que si l'on prépare le pain sur place. Si nous n'avions pas adopté cette mesure, que se serait-il passé ? Certains démarcheraient les boulangers en leur disant : « Pourquoi vous embêtez-vous à vous lever à quatre heures du matin et à embaucher du personnel ? Nous vous livrerons le pain à quatre heures : vous n'aurez qu'à le réchauffer avant de le proposer à vos clients ou de le livrer. » Par une mesure courageuse, nous avons réglementé l'appellation « boulangerie » : ainsi, nous avons préservé la boulangerie française, et les boulangers proposent aujourd'hui une plus grande diversité de pains qu'auparavant. Cela n'a pas empêché le développement d'autres réseaux par ailleurs – je ne citerai pas de noms.

Il ne faut donc pas avoir peur de réglementer l'appellation « restaurant ». Certains bénéficieront de cette appellation : ils seront soutenus parce qu'ils font l'effort de préparer à manger et d'avoir du personnel en cuisine. Demain, quand on poussera la porte d'un restaurant, on saura que les plats proposés auront été préparés sur place ; les autres établissements s'appelleront « pizzeria », « brasserie », « snack » ou « grill ». Cela n'empêchera pas ces derniers d'exister et se développer, mais nous devons à nos consommateurs une véritable transparence.

Mme la ministre nous propose de ne pas aller si loin, mais de résoudre le problème en prévoyant les conditions de l'apposition de la mention « fait maison » sur les cartes. Je comprends tout à fait la préoccupation de Mme la ministre, qui essaie d'être attentive aux uns et aux autres, mais je crains malheureusement que cette mesure ne change rien en réalité. En effet, dès lors que cette mention n'est pas obligatoire, quel restaurateur indiquera sur sa carte que certains plats sont faits maison, avouant par là même que d'autres plats ne le sont pas ? Si l'amendement du Gouvernement était adopté en l'état, il ne changerait absolument rien en réalité ! Peut-être quelques restaurateurs, dans le cadre d'une démarche volontaire, accepteraient-ils de mentionner le « fait maison » sur leur carte, mais ils seraient à mon avis extrêmement rares : je ne crois pas un seul instant à l'efficacité de cette mesure.

Madame la ministre, il ne faut pas nous rouler dans la farine !

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