Mon amendement de suppression, dont je pressens qu'il sera rejeté, n'est en rien un plaidoyer pro domo puisque je n'exerce que le mandat de député.
Quatre arguments, à mes yeux, plaident pour le maintien de la possibilité de cumuler un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale. Le premier est que cette dernière assure un enracinement local qui permet aux parlementaires d'être informés des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens : un simple conseiller municipal, général ou régional ne peut avoir une vision aussi générale des problèmes que les dirigeants de ces collectivités.
En second lieu, cet article risque de priver nos assemblées de l'apport de grands élus qui, par leur notoriété, voire par leur autorité, contribuent à donner du poids au Parlement face au Gouvernement. C'est cet équilibre que le projet menace.
Troisièmement, la plupart des pays qui ont interdit un tel cumul sont des pays fortement décentralisés, voire fédéraux : les dirigeants des collectivités y sont logiquement moins disponibles que ne peuvent l'être leurs homologues français, même si ceux-ci sont également très occupés.
Enfin, il serait préférable, en vertu de la hiérarchie des normes juridiques, de commencer par réformer la Constitution, qui autorise le cumul entre un mandat exécutif local et une fonction ministérielle : ce cumul, pratiqué dans le passé, ne l'est plus aujourd'hui, mais il pourrait l'être demain en l'absence de réforme constitutionnelle. Il serait ensuite temps de se préoccuper du cumul concernant les parlementaires, qui est régi, lui par des lois organiques ou des lois ordinaires.
Cela étant, je trouve parfaitement normal de chercher à limiter le cumul des mandats, mais deux gouvernements auxquels j'ai eu l'honneur d'appartenir, celui de Laurent Fabius et celui de Lionel Jospin, ont déjà fait adopter des lois en ce sens, en 1985 et en 2000, et ces textes, qui ont abouti à un certain équilibre, me paraissent suffisants.