Cela signifie aussi que nous serons présents le jour où l'Assemblée sera saisie de dispositions sur les retraites ou sur l'égalité salariale.
Je me concentrerai ce matin sur les emplois d'avenir professeur, dispositif qui contient tout de même des éléments quelque peu originaux et étonnants.
Tout d'abord, nous pensons que le texte ne respecte pas le principe d'égalité et la liberté contractuelle. Si on peut accepter que l'accès à certains dispositifs sociaux soit soumis à une condition de ressources, réserver des emplois d'avenir aux titulaires de bourse nous paraît rompre avec le principe d'égalité. Il n'y a pas, en effet, de raison d'intérêt général particulière qui justifie, eu égard à l'emploi occupé ou à l'organisation qui accueillera les personnes concernées, que l'accès à l'emploi d'avenir professeur soit réservé aux titulaires d'une bourse et aux personnes qui y auraient droit.
Ensuite, la question se pose à nouveau du pré-recrutement. Le dispositif n'est pas complètement nouveau, mais le rapporteur de la commission des affaires sociales considère qu'ainsi les emplois d'avenir professeur constituent une première manière de tenir les engagements du Président de la République. Soit, mais lorsque le ministre du travail est interpellé sur le sujet en séance publique, il répond que cela ne correspond pas, en réalité, à une filière de pré-recrutement car les titulaires des emplois d'avenir pourraient en sortir quand ils le souhaitent. Cela ne nous paraît pas une précision suffisante, car le ministre de l'éducation nationale n'a indiqué à aucun moment que les emplois d'avenir ne donnaient aucune facilité d'accès particulière aux concours, ce qui, de notre point de vue, est le problème de fond. En méconnaissant l'égale admissibilité et l'égal accès aux fonctions publiques, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'alinéa 18 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article L. 5134-118 que le projet de loi tend à introduire dans le code du travail méconnaît, selon nous, le principe d'égalité.
Par ailleurs, nous contestons les dispositions de l'article L. 5143-123 introduit dans le même code. Si l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'État, comme nous le rappelle aussi le Préambule de la Constitution de 1946, ce sont, avec les emplois d'avenir professeur, des contrats de droit privé qui sont créés.
La première version du texte, transmise aux partenaires sociaux, précisait : « le contrat de travail associé à une aide à la formation et à l'insertion professionnelle au titre d'un emploi d'avenir professeur est un contrat de travail de droit privé d'une durée d'un an renouvelable dans la limite d'une durée totale de trente-six mois ».
Mais, selon les termes mêmes de la loi qui avait été transmise, ces emplois d'avenir professeur sont recrutés sur décision administrative, conformément aux articles L. 5134-121 et 5134-19-1. Ils sont principalement accordés par des personnes morales de droit public, c'est-à-dire les établissements publics locaux d'enseignement et les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Ces contrats sont également signés par d'autres gestionnaires du service public d'enseignement.
L'emploi d'avenir professeur est très explicitement destiné à participer au service public de l'enseignement. Ses titulaires exercent une action d'appui éducatif au sein de la mission pédagogique qui est dévolue à ce service, ainsi que le précise l'article L. 111-1 du code de l'éducation. Ils le font en vue de présenter les concours de recrutement d'enseignants des premier et second degrés organisés par l'État – je vous fais grâce du détail de l'organisation de ces concours.
Ces contrats sont donc très clairement inscrits dans le service public de l'enseignement. Pourtant, les emplois d'avenir professeur dérogent aux principes organisant le travail des agents qui participent au service public de l'enseignement. Tous ces agents sont qualifiés d'agents publics ou ressortissent au droit public. C'est le cas, par exemple, des enseignants vacataires au cours de leur année de pré-titularisation. C'est le cas également des titulaires de contrats d'association à l'enseignement public. C'est le cas encore des maîtres des établissements privés d'enseignement sous contrat, et des assistants d'éducation. D'ailleurs, aucune des conditions qui autorisent, à titre exceptionnel, que des agents travaillant pour le compte d'un service public soient recrutés ou accueillis dans un cadre de droit privé, n'est ici remplie. Pourtant, ces dérogations peuvent être motivées par des raisons impérieuses d'intérêt général.
Premièrement, le fait de qualifier de droit privé les contrats d'emplois d'avenir professeur ne se justifie pas par la nécessité de maintenir une dualité des statuts à l'intérieur de cette organisation, comme cela a été le cas, par exemple, pour La Poste, ou pour Pôle Emploi.
Deuxièmement, ce choix ne répond pas à la nécessité d'introduire la faculté de recruter des contractuels de droit privé, comme cela a été le cas pour la consécration de l'autonomie d'entités spécialisées, comme les autorités administratives indépendantes.
Troisièmement, ce choix ne relève pas non plus de la nécessité de maintenir l'existence d'un lien contractuel antécédent au recrutement des emplois d'avenir dans la fonction publique.
Autant dire qu'aucune raison d'intérêt général ne justifie le recours à des contrats de droit privé dans ce contexte. C'est la raison pour laquelle nous considérons que l'article L. 5134-123, comme son prédécesseur, l'article L. 5134-118, sont contraires à la Constitution.
Pour ces motifs, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)