La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi portant création des emplois d'avenir (n° 237).
La parole est à M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage, chers collègues, nous voici parvenus au terme du débat sur les emplois d'avenir, sujet dont je tiens, une dernière fois, à rappeler l'importance.
Notre pays est sans doute dans la situation la plus difficile qu'il ait eue à connaître en temps de paix : déficit financier, avec 600 milliards d'endettement supplémentaire depuis cinq ans et un doublement en dix ans ; déficit de compétitivité, avec 80 milliards de déficit du commerce extérieur ; déficit d'emplois, avec un chômage qui vient de franchir la barre des trois millions de personnes et un chômage de longue durée sans précédent.
Nous avons une stratégie de crise, celle qui a été voulue par les Français et qui consiste à réduire tous ces déficits en même temps. Car séparément, cela ne marche pas. On a déjà essayé l'austérité ajoutée à l'austérité, l'exemple grec montre qu'une telle voie ne permet ni réduction des déficits, ni redressement économique.
Alors, comment résoudre la quadrature du cercle ? Le projet de budget pour 2013, rendu public vendredi, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, annoncé lundi, apportent une réponse.
La première exigence est que chaque euro soit bien dépensé, ce qui implique d'abord des priorités, et les nôtres sont claires : l'éducation, l'emploi, le redressement économique, la santé et la sécurité. Cela implique aussi de bien gérer les administrations publiques, et des efforts sont faits dans tous les ministères.
Ensuite, il faut trouver des ressources qui ne pénalisent pas la croissance. C'est pourquoi le projet de budget taxe les grandes entreprises, puisque celles du CAC 40 ne payent que 10 % d'impôt contre 33 % pour les PME, et cible les ménages qui ont les moyens de contribuer au budget de la nation sans que cela ne pénalise leur consommation.
Enfin, quand on est de gauche, il est évident de demander plus à ceux qui ont plus. Ce budget réintroduit donc de la progressivité dans les impôts.
Des efforts, des emplois et de la justice, voilà les priorités du prochain budget.
Mais la réponse vient aussi de l'Europe, et c'est tout l'enjeu du débat que nous venons d'avoir sur les nouvelles perspectives européennes. Pour desserrer la contrainte nationale, il fallait soulever le couvercle de l'austérité européenne. C'est ce qu'a obtenu François Hollande le 28 juin.
D'un texte qui a vocation à aider notre pays à sortir du chômage et de la crise économique.
Plan d'investissement de 120 milliards, taxe sur les transactions financières, régulation financière : voilà ce qui a été obtenu le 28 juin et qui permet à l'Europe de repartir dans une autre direction. Le balancier de l'Europe, qui était scotché sur l'austérité, est repassé du côté de la croissance et de la solidarité.
La réponse est enfin dans la politique de l'emploi. C'est une politique à double détente.
Le premier aspect, c'est la compétitivité – la vraie, celle qui passe par la recherche, par une nouvelle politique industrielle, par la coopération des salariés au lieu de la compétition à tous crins dans l'entreprise, celle qui consiste à aider nos entreprises à réussir dans la mondialisation. Nous aurons un débat sur le financement de la protection sociale et ferons en sorte notamment qu'il pèse moins sur l'emploi et davantage sur le capital.
Mais la réussite passera par la nouvelle politique industrielle que nous déployons. Nous avons lancé en juillet un plan pour l'industrie automobile – il y en aura d'autres – et nous mettrons en place dans quelques jours la Banque publique d'investissement, dotée de 40 milliards de fonds, qui sera le bras armé de cette nouvelle politique industrielle.
Dans le débat sur le coût du travail, il faudra trouver des solutions pour que le capital contribue autant que le travail – autrement dit, des solutions qui ne reviennent pas à faire payer les cotisations patronales par les ménages. Je plaide ainsi pour une extension des cotisations salariales à l'ensemble des revenus et pour un élargissement de l'assiette des cotisations patronales vers des éléments environnementaux ou de valeur ajoutée, par exemple. Le Haut conseil du financement de la protection sociale qui vient d'être créé devra s'y pencher, ainsi que les partenaires sociaux, mais il nous faudra des principes clairs pour aborder ce débat.
Le deuxième aspect de la politique de l'emploi, ce sont les aides à l'embauche. Car, au-delà de la priorité donnée à la croissance et à la restauration de la compétitivité, nous assumons, à gauche, la nécessité de répondre à l'urgence. Il est hors de question de se contenter de dire aux chômeurs que dans deux ans, ils auront de nouvelles perspectives ! Il faut aider ceux qui rencontrent le plus de difficultés à accéder plus facilement au marché du travail.
Chacun doit bien mesurer l'ampleur des mesures prises par le Gouvernement. Avec 150 000 emplois d'avenir et 500 000 contrats de génération, à comparer aux 400 000 emplois aidés actuels, c'est un véritable électrochoc qu'il va provoquer sur le marché du travail.
Dans la stratégie d'ensemble du Gouvernement, les emplois d'avenir sont la réponse apportée à ceux qui sont le plus en difficulté sur le marché du travail : les jeunes de 16 à 25 ans sortis de l'école sans diplôme ni qualification, ou presque. La tâche est ardue. Nous nous attaquons au fléau du chômage par la face nord ! Mais nous avons mis toutes les chances de notre côté. Je salue à nouveau la pertinence des choix faits par le ministre du travail et par vous-même, monsieur le ministre, afin que les emplois d'avenir soient un vrai tremplin pour les jeunes qui en bénéficieront.
Les fondations étaient bonnes, mais nous avons aussi bien travaillé ici pour améliorer ce texte, et j'en remercie tous les députés, sur tous les bancs.
Les trois clés de la réussite sont la durée, la formation et le suivi.
Pour ce qui est de la durée, le texte qui nous était soumis prévoyait une priorité aux CDI et des aides publiques de trois ans. Ce sera un élément essentiel du dispositif, comme cela a été le cas pour les emplois jeunes. Nous avons amélioré le texte en précisant que dans les cas où un CDI ne serait pas possible, les CDD devaient être de trois ans, sauf dérogation. Nous avons aussi privilégié le temps plein, car c'est la mise au travail qui fonde le dispositif : il faut un vrai contrat de travail, un vrai salaire, une vraie durée.
Pour ce qui est de la formation, ensuite, nous l'avons voulue obligatoire, qualifiante et vérifiée. C'est extrêmement important. C'est d'ailleurs ce qui fait la réussite des contrats d'apprentissage, que nous défendons sur tous les bancs et que nous espérons voir se développer à la reprise économique.
Le suivi, enfin, nous est très cher. La sortie doit se préparer dès l'entrée. À cet effet, il faut à la fois un suivi dans l'entreprise – le tutorat, qui sera systématique – et un suivi par les missions locales ou l'ANPE, avec des rendez-vous réguliers qui seront fonction des difficultés rencontrées par les jeunes. Ces rendez-vous permettront de vérifier que les formations sont bien suivies, que des progrès sont enregistrés, que les validations sont faites. Ils seront aussi l'occasion de résoudre d'autres difficultés qui pourraient apparaître en cours de contrat, notamment d'ordre social ou de santé.
Nous avons aussi enrichi le dispositif en insérant un volet sur le handicap, ainsi que le Président de la République souhaite qu'il en figure dans chaque projet de loi. Les bénéficiaires auront jusqu'à trente ans et les textes d'application devront prévoir le moyen de leur assurer toutes les aides liées à l'amélioration du quotidien des personnes handicapées. Nous avons mis l'utilité environnementale au même rang que l'utilité sociale à l'initiative du groupe écologiste. Nous avons prévu, à l'initiative du groupe GDR, d'une part l'exigence de pérennisation et, d'autre part, le remboursement des aides en cas de non-respect des engagements. Après un débat avec le groupe UDI sur la place que devait prendre le secteur privé, nous avons ouvert un volet du dispositif aux entreprises privées. Il ne sera que de 5 à 10 %, ce qui ne va sans doute pas aussi loin que souhaité, mais c'est autant de contrats bien utiles pour l'insertion des jeunes. Enfin, nous avons ouvert les emplois d'avenir de professeur à l'enseignement agricole et privé.
Le texte a été aussi enrichi au Sénat, qu'il s'agisse notamment de la priorité à l'embauche pendant un an pour les titulaires d'un CDD ; de la compétence transférable permettant d'accéder à une qualification supérieure – ce qui clarifie la nature du dispositif : il ne s'agit pas de se substituer au contrat d'apprentissage, mais de progresser vers une qualification supérieure ; de la suppression des CDD saisonniers, parce que nous ne sommes pas parvenus à éviter la précarité dans ce cas ; enfin, des entreprises privées délégataires de service public.
Ce texte a été l'occasion de beaux débats, notamment sur l'égalité. Il défend une notion d'égalité réelle, c'est-à-dire qui donne plus à ceux qui ont moins – plus dans les ZUS ou les DOM, plus aux associations et collectivités locales qu'aux entreprises privées, plus aux jeunes boursiers, plus aux peu ou pas qualifiés. Mais, et c'est le débat le plus important que nous avons eu avec nos collègues sénateurs, il permet tout de même aux jeunes au-delà du niveau bac, à titre dérogatoire, d'accéder aux emplois d'avenir. Le Sénat avait supprimé cette disposition. Elle a été rétablie, avec le verrou d'une autorisation administrative. Cela permet de conserver notre ordre de priorités tout en assurant la souplesse nécessaire au dispositif.
Dans un mois quasiment jour pour jour, les premiers emplois d'avenir seront signés. J'espère que nous serons les plus nombreux possibles à voter ce texte mardi prochain. L'Assemblée nationale adressera ainsi à la jeunesse de ce pays le message d'espoir qu'elle attend. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
L'Assemblée nationale arrive ce matin au terme de l'examen du projet de loi portant création des emplois d'avenir, avec les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue mardi. Je voudrais remercier chacun de ceux qui ont participé à l'élaboration de ce texte, sur quelque banc que ce soit. Je remercie aussi chaleureusement Mme la présidente de la commission des affaires sociales, qui est retenue au ministère des affaires sociales, ainsi que les rapporteurs – M. Jean-Marc Germain pour la commission des affaires sociales et Mme Françoise Dumas pour celle des affaires culturelles et de l'éducation – pour leur travail et leur disponibilité. Je note d'ailleurs qu'il s'agit de deux nouveaux députés, qui témoignent du visage nouveau de l'Assemblée et dont la maîtrise du sujet a été à juste titre remarquée.
Ce premier grand texte sur le front de la bataille de l'emploi a été, je m'en réjouis, un bel exemple de la coproduction législative : je confirme par là les propos que vient de tenir Jean-Marc Germain.
Je crois aussi pouvoir dire qu'il y eut peu de points de désaccord entre les deux chambres.
Dès les travaux en commission en première lecture, l'Assemblée nationale – pour ne citer que quelques dispositions prises dans mon champ de compétence, sachant que Michel Sapin, aujourd'hui retenu par un conseil des ministres de l'emploi au niveau européen, s'exprimera plus largement sur ces sujets mardi prochain – a précisé qu'il était possible de bénéficier de ces emplois jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans au moment de la signature, élargi les territoires prioritaires aux zones de revitalisation rurales et aux départements et collectivités d'outre-mer, ouvert l'accès au dispositif aux jeunes en situation de handicap jusqu'à leurs trente ans, et ajouté les structures d'insertion par l'activité économique aux employeurs de droit commun.
Votre assemblée a également souhaité étoffer, préciser, renforcer le volet formation du dispositif lors de l'examen en séance publique notamment. Cela ne peut que réjouir le ministre délégué que je suis.
Ces enrichissements ont d'ailleurs été confortés par le Sénat qui les a maintenus une très large part, tout en marquant lui aussi le texte de son empreinte.
Pour m'en tenir à des exemples relevant plus spécifiquement de ma compétence, la Haute assemblée a ainsi adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit que les jeunes recrutés en emploi d'avenir par une collectivité locale ont accès aux formations délivrées par le Centre national de la fonction publique territoriale, financées par une contribution dont le taux sera fixé par décret. Deux autres amendements ont précisé que les actions de formation se déroulaient prioritairement pendant le temps de travail – je sais, madame Buffet, que votre groupe y tenait beaucoup – et qu'elles privilégiaient l'acquisition de compétences de base et de compétences transférables permettant au jeune d'accéder à un niveau de qualification supérieur.
Enfin, vos travaux en commission mixte paritaire ont permis l'élaboration d'un compromis entre les deux assemblées.
J'ai pu noter la suppression de la possibilité pour les organismes privés de placement d'assurer un suivi personnalisé professionnel des jeunes en emploi d'avenir et de prescrire des contrats uniques d'insertion, mais aussi la volonté de clarifier qui sont les prescripteurs des contrats uniques d'insertion destinés aux personnes en grande difficulté d'insertion sociale et professionnelle. Il ressort de l'amendement adopté sur ce point que seuls Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, ainsi que les présidents des conseils généraux pour les personnes au RSA, et, par ailleurs, les recteurs d'académie pour les emplois d'avenir professeur, sont habilités à prendre la décision d'attribution de l'aide à l'insertion professionnelle, donc de conclure un contrat unique d'insertion. L'amendement supprime ainsi la possibilité pour les organismes privés de placement de prescrire ce contrat aidé.
De même, il ressort de vos travaux que le suivi personnalisé des jeunes en emploi d'avenir doit relever de Pôle emploi ou des missions locales ou de Cap emploi pour les jeunes travailleurs handicapés, ou des présidents de conseils généraux pour les jeunes au RSA.
Enfin, les deux rapporteurs, MM. Jean-Marc Germain, pour l'Assemblée nationale, et Claude Jeannerot, pour le Sénat, ont proposé de revenir à un dispositif ouvert aux jeunes post-bac, en précisant qu'il sera limité aux jeunes ayant engagé des études universitaires. La commission des affaires sociales du Sénat avait pourtant, c'est vrai, supprimé dans un premier temps cette possibilité ; la CMP a donc décidé, après discussion, de la réintroduire.
Je le répète : la cible essentielle des emplois d'avenir, tout le monde en convient, ce sont les jeunes sans diplôme qui ne sont ni en emploi ni en formation. Ce sont eux, et de loin, qui rencontrent les plus grandes difficultés d'accès au marché de l'emploi. C'est à eux que la collectivité ne peut aujourd'hui offrir de perspectives. Les emplois d'avenir doivent donc être une chance avant tout pour ces jeunes.
Ils ne sont pas et ne doivent pas être une modalité de droit commun d'accès à l'emploi. La modalité de droit commun d'accès à l'emploi devrait, pour nous, être le recrutement en CDI par une entreprise, ou une structure non marchande. Le marchepied des emplois d'avenir n'a de sens que si le dispositif est bien ciblé et ouvre de vrais horizons à ceux qui n'en avaient aucun.
Cette ouverture nécessite donc des garde-fous qui permettent de s'assurer qu'elle ne conduira pas à une remise en cause de l'esprit du dispositif. Ils sont prévus dans le décret, qui devra poser une condition de durée minimum de recherche d'emploi de douze mois sur les dix-huit derniers mois pour les jeunes ayant un niveau d'étude égal ou supérieur au baccalauréat. Ils ont été renforcés par la commission mixte paritaire, qui a introduit, pour l'entrée des jeunes ayant engagé des études supérieures, la nécessité d'une autorisation expresse du directeur de l'unité territoriale de la DIRECCTE – la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi –, c'est-à-dire l'ancien directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Dans ces conditions très encadrées, nous pouvons entrouvrir une porte, sans que cela expose l'équilibre global du dispositif à un véritable risque. Il s'agit d'un signal important, que vous avez voulu, à la fois pour les jeunes qui ont réussi à atteindre un premier niveau de diplôme et qui peuvent se trouver découragés par des mois de recherches infructueuses et pour les employeurs, qui peuvent, pour certains métiers, vouloir recruter des jeunes en emploi d'avenir un peu plus qualifiés. Bien sûr, nous demanderons à nos services d'être bien attentifs au fait que les emplois d'avenir bénéficient bien en priorité à ceux pour lesquels ils ont été conçus, en veillant à ce que les exceptions demeurent limitées et dûment justifiées.
Mesdames et messieurs les députés, même si vous n'aurez pas à vous prononcer sur ce texte aujourd'hui – il est prévu que vous le fassiez mardi prochain par un vote solennel –, je ne peux que vous encourager d'ores et déjà à l'adopter tel qu'il est issu de vos travaux ; ceux-ci ont grandement contribué à ce qu'il soit plus précis qu'au début de son examen. Par son vote en faveur de ce texte, l'Assemblée nationale offrira à 150 000 jeunes la première expérience professionnelle qu'ils attendent et la formation professionnelle à laquelle je vous sais très attachés, car c'est le sésame pour une insertion durable. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'étais arrivé ce matin…
…guilleret, malgré la pluie. Le texte inscrit à l'ordre du jour, il faut le reconnaître, s'est considérablement amélioré depuis sa première lecture – j'y reviendrai en détail.
J'étais déjà monté à cette tribune, il y a maintenant une quinzaine de jours, pour me livrer à un exercice similaire à celui d'aujourd'hui, expliquant que quelques articles de la version d'alors pouvaient présenter des risques d'inconstitutionnalité. Je constate qu'ils ont été retirés. Il se confirmait donc, pensais-je, que le débat parlementaire, après tout, sert à quelque chose. Certes, vous avez fait, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le choix d'emplois publics aidés dans les proportions que vous venez de rappeler ; ce n'est pas notre choix, mais on peut se satisfaire que le travail parlementaire soit ainsi.
Et puis, même si je peux comprendre le zèle des convertis, « v'là t'y pas », comme dirait l'autre, (Sourires) que nous entamons la discussion de ce matin par un rappel des bienfaits du traité européen, ce qui a bien failli me mettre de mauvaise humeur. Je sais bien que les ouvriers de la onzième heure sont rétribués comme ceux de la première heure, monsieur le rapporteur, et qu'un très grand nombre de dispositions du pacte de croissance, qui n'est à nul autre pareil, seront appliquées et sortiront notre pays du « bazar », mais je doute que tout le monde l'ait lu en détail. Quand on voit qu'il va vous falloir régler dans les deux ans qui viennent la question de l'ouverture du marché pour les entreprises de réseau, cela risque de ne pas être drôle – je ne suis pas certain que votre électorat vous ait envoyé aux affaires précisément pour cela. Il en va de même de la nécessité de réduire la dépense publique, en particulier en économisant sur les charges administratives : je ne suis pas certain que votre électorat vous ait choisi pour un tel objectif.
C'est au rapporteur, monsieur le président du groupe socialiste, qu'il fallait le dire ! En tout cas, je suis bien obligé de lui répondre car nous avons été interpellés. Aussi, monsieur Le Roux, vous voudrez bien respecter ma liberté de parole, si cela vous agrée.
Cette mise au point faite – en ces jours où il est de bon ton de faire des revendications de paternité ! –, j'en reviens aux emplois d'avenir, comme m'y invite le président du groupe socialiste.
La majorité est cohérente dans ses choix politiques, personne ne peut le lui reprocher : vous avez le projet d'employer 150 000 jeunes sans qualification pour essayer de leur donner – ce qui n'est pas simple, tout le monde le sait – une qualification professionnelle, et vous avez fait le nécessaire pour que le texte le permette.
Il y a une quinzaine de jours, je suis donc monté à la tribune pour expliquer qu'inclure dans un dispositif d'emplois aidés publics, quels qu'ils soient, premièrement, un article sur le droit et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, deuxièmement, des dispositions portant sur les régimes de retraite complémentaire ou principale des employés de Pôle emploi, c'était introduire des dispositions qui n'avaient rien à voir avec l'objet du texte.
J'ai entendu M. Sapin railler quelque peu ma démarche et M. le rapporteur juger que mes propos n'étaient pas adaptés. Je constate avec une certaine satisfaction que les risques juridiques que comportaient ces articles et que je dénonçais ont disparu puisque ces articles eux-mêmes ne sont plus, ce qui signifie que la qualité du texte s'est améliorée.
Cela signifie aussi que nous serons présents le jour où l'Assemblée sera saisie de dispositions sur les retraites ou sur l'égalité salariale.
Je me concentrerai ce matin sur les emplois d'avenir professeur, dispositif qui contient tout de même des éléments quelque peu originaux et étonnants.
Tout d'abord, nous pensons que le texte ne respecte pas le principe d'égalité et la liberté contractuelle. Si on peut accepter que l'accès à certains dispositifs sociaux soit soumis à une condition de ressources, réserver des emplois d'avenir aux titulaires de bourse nous paraît rompre avec le principe d'égalité. Il n'y a pas, en effet, de raison d'intérêt général particulière qui justifie, eu égard à l'emploi occupé ou à l'organisation qui accueillera les personnes concernées, que l'accès à l'emploi d'avenir professeur soit réservé aux titulaires d'une bourse et aux personnes qui y auraient droit.
Ensuite, la question se pose à nouveau du pré-recrutement. Le dispositif n'est pas complètement nouveau, mais le rapporteur de la commission des affaires sociales considère qu'ainsi les emplois d'avenir professeur constituent une première manière de tenir les engagements du Président de la République. Soit, mais lorsque le ministre du travail est interpellé sur le sujet en séance publique, il répond que cela ne correspond pas, en réalité, à une filière de pré-recrutement car les titulaires des emplois d'avenir pourraient en sortir quand ils le souhaitent. Cela ne nous paraît pas une précision suffisante, car le ministre de l'éducation nationale n'a indiqué à aucun moment que les emplois d'avenir ne donnaient aucune facilité d'accès particulière aux concours, ce qui, de notre point de vue, est le problème de fond. En méconnaissant l'égale admissibilité et l'égal accès aux fonctions publiques, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'alinéa 18 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article L. 5134-118 que le projet de loi tend à introduire dans le code du travail méconnaît, selon nous, le principe d'égalité.
Par ailleurs, nous contestons les dispositions de l'article L. 5143-123 introduit dans le même code. Si l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'État, comme nous le rappelle aussi le Préambule de la Constitution de 1946, ce sont, avec les emplois d'avenir professeur, des contrats de droit privé qui sont créés.
La première version du texte, transmise aux partenaires sociaux, précisait : « le contrat de travail associé à une aide à la formation et à l'insertion professionnelle au titre d'un emploi d'avenir professeur est un contrat de travail de droit privé d'une durée d'un an renouvelable dans la limite d'une durée totale de trente-six mois ».
Mais, selon les termes mêmes de la loi qui avait été transmise, ces emplois d'avenir professeur sont recrutés sur décision administrative, conformément aux articles L. 5134-121 et 5134-19-1. Ils sont principalement accordés par des personnes morales de droit public, c'est-à-dire les établissements publics locaux d'enseignement et les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Ces contrats sont également signés par d'autres gestionnaires du service public d'enseignement.
L'emploi d'avenir professeur est très explicitement destiné à participer au service public de l'enseignement. Ses titulaires exercent une action d'appui éducatif au sein de la mission pédagogique qui est dévolue à ce service, ainsi que le précise l'article L. 111-1 du code de l'éducation. Ils le font en vue de présenter les concours de recrutement d'enseignants des premier et second degrés organisés par l'État – je vous fais grâce du détail de l'organisation de ces concours.
Ces contrats sont donc très clairement inscrits dans le service public de l'enseignement. Pourtant, les emplois d'avenir professeur dérogent aux principes organisant le travail des agents qui participent au service public de l'enseignement. Tous ces agents sont qualifiés d'agents publics ou ressortissent au droit public. C'est le cas, par exemple, des enseignants vacataires au cours de leur année de pré-titularisation. C'est le cas également des titulaires de contrats d'association à l'enseignement public. C'est le cas encore des maîtres des établissements privés d'enseignement sous contrat, et des assistants d'éducation. D'ailleurs, aucune des conditions qui autorisent, à titre exceptionnel, que des agents travaillant pour le compte d'un service public soient recrutés ou accueillis dans un cadre de droit privé, n'est ici remplie. Pourtant, ces dérogations peuvent être motivées par des raisons impérieuses d'intérêt général.
Premièrement, le fait de qualifier de droit privé les contrats d'emplois d'avenir professeur ne se justifie pas par la nécessité de maintenir une dualité des statuts à l'intérieur de cette organisation, comme cela a été le cas, par exemple, pour La Poste, ou pour Pôle Emploi.
Deuxièmement, ce choix ne répond pas à la nécessité d'introduire la faculté de recruter des contractuels de droit privé, comme cela a été le cas pour la consécration de l'autonomie d'entités spécialisées, comme les autorités administratives indépendantes.
Troisièmement, ce choix ne relève pas non plus de la nécessité de maintenir l'existence d'un lien contractuel antécédent au recrutement des emplois d'avenir dans la fonction publique.
Autant dire qu'aucune raison d'intérêt général ne justifie le recours à des contrats de droit privé dans ce contexte. C'est la raison pour laquelle nous considérons que l'article L. 5134-123, comme son prédécesseur, l'article L. 5134-118, sont contraires à la Constitution.
Pour ces motifs, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
À l'occasion du débat en première lecture, Michel Sapin s'est exprimé longuement sur les arguments que vous avez défendus, monsieur Poisson. Je n'y reviendrai donc pas sur le fond. Je dirai simplement notre surprise de vous voir persister dans votre résolution de saisir le Conseil constitutionnel.
Il s'agit tout de même de la création de 150 000 emplois pour la jeunesse de France, chiffre qui est à mettre en regard de ces quelque 500 000 jeunes femmes et jeunes hommes qui sont totalement désorientés face au marché du travail ! Cette situation est d'ailleurs le fruit, hélas, d'un échec de l'éducation nationale au cours des dernières années. Faut-il le rappeler, 150 000 jeunes sont sortis du système scolaire ces dernières années sans aucune formation et sans aucun diplôme ? Je ne doute donc pas que l'Assemblée nationale rejettera votre motion.
Mais au-delà de ce rejet, je ne peux pas penser, quand la loi sera adoptée, que vous oserez saisir le Conseil constitutionnel.
Il faudra alors expliquer, dans chacun des territoires concernés, que vous avez refusé de donner à la jeunesse de France une chance qui n'existe pas aujourd'hui : celle d'un contrat de travail pour des jeunes qui ne sont pas, hélas, en position de force pour accéder au marché du travail. Qui plus est, vous leur refusez une formation professionnelle, car c'est la première fois, ce qui est tout à l'honneur de cette nouvelle majorité, qu'un contrat de travail imposera une formation diplômante ou qualifiante pour des jeunes qui n'ont aucune formation. Une telle avancée devrait selon moi réunir l'ensemble des parlementaires de cette assemblée, notamment celles et ceux qui ont des responsabilités dans des collectivités territoriales, et qui connaissent la réalité sur le terrain.
Bien évidemment, j'invite votre assemblée à repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je me réjouis que M. Poisson ait reconnu que le texte a évolué : un compte approximatif m'a permis de conclure que sur les dix motifs de rejet identifiés au départ, il n'en reste plus qu'un seul, concernant les emplois d'avenir professeur.
Un autre motif de satisfaction est d'avoir entendu un grand plaidoyer de notre collègue en faveur de la fonction publique.
Je vous demande donc un petit effort : ne rejetez pas ces emplois d'avenir, qui sont des emplois associatifs ou dans les collectivités territoriales.
Le respect des décisions du Conseil constitutionnel est supérieur aux intérêts d'une partie de la population !
Il n'y a pas, de notre part, une quelconque défiance vis-à-vis des entreprises. Nous pensons simplement que, compte tenu de l'ampleur des subventions publiques qui nous semblent nécessaires pour aider ces jeunes les plus en difficulté à accéder à l'emploi, il vaut mieux se concentrer sur le secteur à but non lucratif. Les contrats de génération, vous le savez, seront ouverts à l'ensemble du secteur privé, et répondront à cette préoccupation.
J'ai bien senti, par ailleurs, que votre opposition aux emplois d'avenir professeur n'était pas une opposition de fond. Il ne s'agit d'ailleurs pas du tout de se substituer à des missions d'enseignement. Il s'agit au contraire d'aider des jeunes, dont on sait qu'ils n'accéderont pas au métier de professeur – l'expérience le montre –, à réussir leurs études et à ne pas abandonner au niveau de la licence. Cela permettra d'avoir des professeurs à l'image des enfants auxquels ils enseignent. Voilà quelle est l'ambition de ce dispositif.
Les jeunes qui en ont les moyens prennent des cours privés pour pouvoir réussir les concours. Il s'agit pour nous d'aider tous les jeunes à s'assurer un revenu, dans des limites raisonnables : on sait que des activités extérieures trop importantes nuisent à la réussite dans les études. Cela leur permettra d'avoir une expérience des salles de classe qui les aidera à se préparer aux concours. Ils passeront ensuite les concours comme tout le monde : s'ils les réussissent, ils accéderont au métier d'enseignant, et s'ils échouent, ils n'y accéderont pas. Nous leur demandons qu'une chose en contrepartie de la priorité qui leur est donnée avec les emplois d'avenir professeur : c'est de passer les concours.
Ce point précis étant éclairé, je ne doute pas, votre argumentation étant mise en échec, que votre renoncement aux neuf autres motifs de rejet que vous avez identifiés se traduira mardi prochain par un vote en faveur de ce texte. Je sais même que, au fond de vous, vous avez envie de le faire !
Dans les explications de vote, la parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je souhaite simplement réagir aux propos pour le moins spécieux de M. le ministre, qui nous explique qu'il est absolument scandaleux de saisir le Conseil constitutionnel sous prétexte qu'un certain nombre de jeunes attendent avec impatience les emplois d'avenir. Soit ce texte est constitutionnel, et alors son passage devant le Conseil constitutionnel ne posera aucun problème, soit il ne l'est pas, et alors il est normal que le Conseil constitutionnel ait été appelé à se prononcer. Comme vient de le dire très justement notre collègue Jean-Frédéric Poisson, la constitutionnalité est supérieure aux intérêts, aussi légitimes soient-ils, d'une catégorie de la population.
Peut-être craignez-vous, en fait, ce recours devant le Conseil constitutionnel et que cette loi soit déclarée inconstitutionnelle ? Permettez-nous en tout cas de déposer un recours, si cela nous paraît légitime et judicieux sur le plan juridique, sans exercer sur nous le chantage selon lequel il nous faudrait alors venir nous expliquer devant les 150 000 jeunes en question si le Conseil constitutionnel déclarait la loi contraire à la Constitution. Je le répète : soit ce texte est constitutionnel, soit il ne l'est pas.
Il l'est plutôt !
Ce n'est ni à vous ni à nous d'en juger, mais au Conseil constitutionnel.
Concernant plus précisément les emplois d'avenir professeur que vous avez évoqués à l'instant, monsieur le rapporteur, nous connaissons tous l'histoire de ce type d'emplois. Comment cela se termine-t-il, en règle générale ? Par un concours spécifique !
Un certain nombre de jeunes sont engagés par une voie détournée, travaillent dans des établissements d'enseignement, et demandent quelques années plus tard – on l'a tous accepté malheureusement – un concours spécifique dérivatif pour pouvoir intégrer la fonction publique et le corps des professeurs des écoles. Ce système n'est pas sain : c'est la raison pour laquelle nous sommes opposés aux emplois d'avenir professeur, lesquels d'ailleurs, comme vous venez de le dire vous-même, ne sont pas des emplois d'avenir enseignant, mais des emplois d'avenir surveillant : ce n'est pas la même chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ceux qui ont eu le loisir de débattre avec Jean-Frédéric Poisson au cours de ces dernières années l'ont connu plus perspicace et plus convaincant.
Voilà qui commence bien !
Je suis profondément déçu, cher collègue, de vous voir déposer une motion de rejet préalable sur un sujet aussi important que celui des emplois d'avenir, en développant des arguties juridiques qui n'ont, à l'évidence, rien à voir avec les enjeux qui nous mobilisent aujourd'hui.
Quelqu'un a-t-il pu considérer, à un seul moment au cours de nos débats, que la situation n'est pas urgente ? Non. Quelqu'un a-t-il pu considérer, à un seul moment au cours de nos débats, qu'il n'est pas nécessaire de trouver les outils qui permettront d'accompagner les jeunes, que ce soient les emplois d'avenir ou les autres outils présentés par le Gouvernement pour compléter la panoplie de lutte contre le chômage ? Non. Si chacun est conscient de l'urgence, si chacun comprend que 450 000 jeunes, malheureusement, ne disposent pas d'emploi et n'ont pas de qualification suffisante, alors il est bon que l'urgence soit décrétée ! C'est ce que nous proposons par ce projet de loi.
Des éléments sont peut-être à améliorer. Vous avez vous-mêmes considéré que le travail parlementaire a permis d'entreprendre cette démarche. Cela signifie que les éléments nécessaires ont été pris en compte pour rendre plus sûrs la durée des contrats, la formation et l'accompagnement, et pour mettre en place des mesures permettant une certaine souplesse. Tous ces éléments sont concrets et permettront, dès le mois de novembre, de redonner un peu d'espoir aux jeunes grâce à ce dispositif. Cela balaye vos arguties juridiques qui ne justifient pas votre motion de rejet préalable, que nous allons, bien entendu, repousser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La lutte contre le chômage est un défi majeur que nous gagnerions à relever ensemble. Alors que nous avons franchi la barre des 3 millions de chômeurs, il est de notre devoir collectif d'agir avec efficacité pour soutenir l'emploi, et donc ceux qui créent les emplois : les entreprises. Or, je dois dire qu'en la matière, les décisions que le Gouvernement a prises depuis mai, ou que la majorité va prendre dans le cadre du projet de loi de finances, nous font craindre le pire.
Je donnerai quelques exemples pour tenter de vous faire mesurer l'ampleur des dégâts. Avec le retour des charges salariales et patronales sur les heures supplémentaires et leur fiscalisation, vous portez atteinte au pouvoir d'achat de millions de salariés. Ils s'en sont rendus compte et vous en veulent. Avec le passage de 8 à 20 % du forfait social, vous cassez l'engouement des entreprises et des salariés pour l'intéressement et la participation. Avec la remise en cause de la déductibilité des intérêts d'emprunts, la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire, et la taxation des plus-values mobilières jusqu'à 60 %, vous ponctionnerez, sauf revirement salutaire, 10 milliards d'euros aux entreprises en 2013, à l'heure où elles vous exhortent à tout mettre en oeuvre pour favoriser leur compétitivité et pour baisser le coût du travail.
Cette liste des mesures qui attaquent frontalement l'esprit d'entreprise dans notre pays n'est malheureusement pas exhaustive. La crise est d'une telle ampleur que ce n'est vraiment pas le moment de prendre de telles mesures. À ce rythme-là, il y aura malheureusement des victimes.
À cet égard, votre texte sur les emplois d'avenir, déconnecté d'une stratégie globale de développement de l'emploi, n'est assurément pas à la hauteur du défi à relever, s'agissant du chômage des jeunes. Je souligne, d'ailleurs, que, seul, l'article 1er du projet de loi évoque les emplois d'avenir. Les autres articles n'ont rien à voir avec le sujet. Leur présence dans ce texte reste pour nous une énigme.
Monsieur le ministre, chers collègues, nous avons, début septembre, abordé la discussion de ce texte, dans un esprit constructif et pour le moins participatif. Vous n'avez accepté aucun amendement, retenu aucune amélioration.
Le groupe UMP votera contre ce texte. Je vous entends déjà pousser des cris d'orfraie – encore que vous êtes peu nombreux ce matin pour ce texte d'une telle importance à vos yeux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais soyez rassurés ! Ce vote ne signifie en rien une opposition aux emplois aidés singulièrement destinés aux jeunes. Les emplois aidés sont un mal nécessaire en période de crise et les majorités, de droite comme de gauche, en usent. Ce vote contre adresse quatre messages : le premier aux jeunes demandeurs d'emplois : tous ne seront pas concernés ; le deuxième, aux employeurs potentiels : tous ne seront pas appelés ; le troisième aux acteurs locaux de l'emploi : ils nous demandent de simplifier alors que vous empilez les dispositifs ; le quatrième aux contribuables : le coût de la mesure reste flou, mais sera coûteux.
Tout d'abord, les jeunes. Monsieur le ministre – et je l'aurais dit tout autant au ministre du travail, s'il nous avait fait l'honneur de sa présence ce matin –,…
Il est retenu par un Conseil européen !
…il y a un point de « fâcherie » profond entre nous. Au terme de dix heures de débat en commission et près de vingt heures dans cet hémicycle, en dépit des très nombreuses questions de mes collègues, nous ne savons toujours pas précisément qui sont les jeunes qui bénéficieront effectivement de ce dispositif. La DARES estime, en effet, à 470 000 le nombre de jeunes de seize à vingt-cinq ans peu ou pas qualifiés ceux que vous ciblez a priori. Or votre dispositif ne concernera que 100 000 jeunes en 2013 et 50 000 en 2014…
…auxquels il faut, bien entendu, soustraire les 6 000 emplois d'avenir professeur sur lesquels je reviendrai. D'emblée, le compte n'y est pas. Votre dispositif ne concerne, en réalité, même pas un jeune sur cinq de ceux que vous ciblez,…
…alors que vous l'avez présenté, pendant la campagne électorale, comme « La » solution au problème des jeunes. C'était un leurre. Vous l'avez implicitement reconnu, puisque vous vous êtes évertué à resserrer les critères d'éligibilité en instituant un « zonage ». Dans le texte, la notion évoquée par le candidat Hollande, de « zone d'emploi où le taux de chômage des jeunes est supérieur à la moyenne nationale », a curieusement disparu.
Manifestement, la carte de ces zones d'emploi, maintes fois demandée en séance, a l'air d'être difficile à obtenir ! Peut-être ne souhaitez-vous pas que sa parution ne suscite des déconvenues aux territoires qui, en définitive, ne seront pas éligibles aux emplois d'avenir. Vous avez, en effet, égrené les territoires prioritaires : les zones urbaines sensibles, les territoires d'outre-mer, les zones de revitalisation rurale. Dont acte. Mais ne laissez pas croire, qu'il en restera pour les « jeunes qui connaissent des difficultés particulières d'accès à l'emploi ». Il n'y en aura pas ! D'où l'incongruité de l'amendement adopté par les députés et sénateurs de la majorité, en commission mixte paritaire, ce mardi, tendant à ouvrir le dispositif aux jeunes post-bac de ces dites zones prioritaires. Jugeant, au final, l'exercice du « ciblage » périlleux, vous avez donc opté pour le renvoi à un décret en Conseil d'État qui précisera les conditions d'application, notamment les niveaux de qualification, et les critères d'appréciation des « difficultés particulières d'accès à l'emploi ». Il nous faudra ainsi attendre le rapport d'évaluation, dans un an, pour savoir qui a réellement bénéficié de ces emplois d'avenir.
Pour que nous votions ce texte, il aurait fallu la clarté.
Notre vote contre adresse un message aux employeurs potentiels Nous l'avons maintes fois exprimé en commission et en séance : nous regrettons vivement, le fait que ces emplois, dits d'avenir, mais qui ressemblent comme deux gouttes d'eau aux emplois jeunes, ne s'adressent, en réalité, qu'au secteur non marchand : les associations, les collectivités locales, les personnes morales de droit public, auxquels s'ajoutent, et c'est bien le minimum, les groupements d'employeurs qui organisent des parcours d'insertion et de qualification, les structures d'insertion par l'activité économique et les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public,… mais cette dernière catégorie par exception !
Pour ne parler que des collectivités locales, vous faites des emplois d'avenir des emplois sans lendemain. Pourquoi ? Parce que vous semblez désormais disposés, et ce n'était pas le cas avant le changement, à demander aux collectivités de participer à l'effort de redressement de nos finances publiques qui passe par une maîtrise de la masse salariale. Vous gelez les dotations des collectivités en 2013 et les diminuerez en 2014 !
Nouveauté pour les collectivités à qui je recommande de bien lire le texte, elles devront s'acquitter, pour la formation de leurs jeunes, d'une cotisation obligatoire au CNFPT assise sur les rémunérations des bénéficiaires, et ce en plus de la cotisation de 1 % qu'elles versent déjà à cet organisme.
S'agissant des associations, chacun connaît leur situation de fragilité. Or vous exigez de l'employeur qu'il puisse justifier de sa capacité, notamment financière, à maintenir l'emploi au moins le temps du versement de l'aide. Quelles associations auront cette lisibilité dans le temps ?
Alors, oui, nous regrettons que lorsque vous raisonnez « emploi des jeunes », vous rêviez « emplois publics ». Ne pensez-vous pas que, parmi les centaines de milliers d'offres d'emplois non satisfaites, certaines pourraient, à tout le moins, être proposées à ces jeunes moyennant une formation ? Ne pensez-vous pas qu'avec cette mesure, vous prenez le risque de détourner des jeunes, qui pourraient tout à fait s'y épanouir, de l'apprentissage qui a apporté les preuves de sa capacité à insérer durablement. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre délégué chargé de l'apprentissage, vous que nous avons trouvé bien silencieux jusqu'à présent ? Ne vous désolez-vous pas de voir des sections fermer dans des centres de formation d'apprentis…
Pour que nous votions ce texte, il aurait fallu la lucidité.
Ce message s'adresse également aux acteurs locaux de l'emploi. Qu'ils sachent que vous avez ajouté de la complexité, et que le pilotage de la mesure reste à préciser. Les dispositifs existent pour les jeunes peu ou pas qualifiés. Pour ne citer qu'eux : le CIVIS, le contrat d'autonomie, les dispositifs deuxième chance, les avez-vous seulement évalués avant de créer le concept d'emploi d'avenir ? Pourquoi avoir légiféré, d'ailleurs, puisque, dans l'étude d'impact, vous évoquiez la possibilité de « ne pas légiférer et d'utiliser les bases existantes du CUI ». En effet, il suffisait d'adapter le CUI en termes de ciblage, je n'y reviens pas, et en termes de durée du contrat. Nous partageons l'idée qu'il convient de sécuriser les parcours de ces jeunes en difficulté et une durée de trois ans – un an renouvelable trois fois – aurait été parfaitement acceptable.
Pour que nous votions ce texte, il aurait fallu la simplicité.
Ce message s'adresse, enfin, aux contribuables. Les mauvaises surprises sont pour « presque maintenant ». Vous avancez que votre dispositif coûtera 1,5 milliard d'euros en régime de croisière. C'est 2,5 milliards, selon les économistes de l'OFCE ! Qui dit mieux ? Le débat sur le projet de loi de finances arrive devant notre assemblée. Nous en aurons le coeur net, mais, en attendant, ne nous demandez pas de vous signer un chèque en blanc ! Notre responsabilité à l'égard des deniers publics nous invite à la prudence, pour ne pas dire à la méfiance.
Pour que nous votions ce texte, il aurait fallu la sincérité.
J'ai donc évoqué devant vous quatre raisons qui nous conduisent, hélas, à ne pas voter ce texte.
La seule maigre concession que nous y avons vue, et soyez en remerciés pour les jeunes, n'aura pas suffi, je le regrette, à nous amadouer. Je veux parler de la nécessité de profiter de ces trois ans de contrat pour offrir aux jeunes une véritable formation pendant les heures de travail, madame Buffet, et favoriser au maximum le tutorat. Les compétences acquises feront l'objet soit d'une attestation de formation, soit d'une VAE, soit encore d'une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles. Cela fait consensus entre nous. Gageons que les régions, promptes à revendiquer toujours davantage de compétences, auront à coeur de réussir ce pari de la formation des jeunes peu ou pas qualifiés ; une évolution, voire une révolution, puisque chacun sait ici que la formation professionnelle profite, aujourd'hui, davantage aux plus qualifiés.
Je conclurai sur la création des emplois d'avenir professeur, c'est-à-dire l'article 2, dont nous ne comprenons toujours pas pourquoi il figure dans un texte supposé créer les emplois d'avenir,…
… à moins que nous ne comprenions trop bien, monsieur le ministre.
Je dirai simplement deux mots sur le fond et sur la forme.
Sur le fond, le projet de loi prévoit que « l'emploi d'avenir professeur s'adresse à des étudiants boursiers ». La loi conférerait un monopole d'accès à certains jeunes, rompant ainsi avec le principe d'égalité. Vous obligez notre groupe à saisir le Conseil constitutionnel.
Sur le fond et sur la forme, nous considérons comme une petite victoire pour notre groupe,…
…le fait que le projet permettra aux établissements privés sous contrat d'association et aux établissements agricoles publics et privés de recourir aux emplois d'avenir professeur. Cela n'allait pas de soi, chers collègues. La version initiale n'ouvrait cette possibilité qu'aux seuls établissements d'enseignement public, et le rapporteur y a opposé une certaine résistance. Permettez-moi de saluer cette conversion et de me réjouir d'avoir été entendue… ou presque.
En effet, plutôt que d'accepter mon amendement – un amendement UMP, horreur ! – vous l'avez repoussé et demandé à vos collègues d'en déposer un pour consentir à voter cette disposition. Ce n'est ni élégant ni fair-play… et si peu acceptable pour les Français, et je pense tout particulièrement aux jeunes et leurs familles qui vous demandent, face à la crise, de laisser de côté toute forme d'idéologie et de faire preuve de pragmatisme et d'esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la force d'une nation se trouve dans sa ressource humaine. Un pays n'est puissant que grâce aux femmes et aux hommes qui le composent, grâce à l'envie qu'ils ont de vivre et de construire ensemble, grâce au rayonnement et à la confiance qu'ils ont en l'avenir, grâce enfin à la cohésion qui les unit.
Les gouvernements passés ont tous voulu mobiliser l'ensemble des ressources de la nation pour amener ces jeunes à entrer dans le parcours d'accès à la vie active. Je ne crois pas, même si cela fait rire mes collègues de l'UMP, qu'il puisse y avoir deux France : celle qui travaille et celle qui serait assistée. Mes chers collègues, il faut savoir sortir de cette vision simpliste qui entretient, voire légitime, une société à deux vitesses.
L'avenir de notre pays est déterminé par notre capacité à fédérer tous ses talents. Or depuis quinze ans, le fossé continue inexorablement à se creuser entre ceux dont les enfants ont un avenir et ceux dont la descendance en est privée. D'innombrables talents sont gâchés, recevant la rage en lieu et place de diplômes.
Les jeunes sont l'énergie vitale de notre pays. Or, la situation est alarmante. Face à ces 150 000 jeunes – même s'ils n'étaient que 100 000, ce ne serait que trop – qui sortent du système éducatif sans diplôme, il convient de trouver des solutions. Tenter d'y parvenir est tout à l'honneur de ce gouvernement comme des précédents. Face à cette massification territoriale et générationnelle du chômage et de la désespérance, le texte tente de tirer des leçons des dispositifs précédents mis en place au fil des années. Certains considèrent – et je suis de ceux-là – que les perspectives de croissance bien maussades justifient cette voie.
Je remercie les rapporteurs qui, pour de jeunes parlementaires, ont fait un travail de qualité ainsi que les ministres du « pôle travail » pour leur courtoisie lors de nos débats. Sur un tel sujet, la modestie et l'honnêteté intellectuelle doivent prévaloir. La volonté du Gouvernement s'est exprimée et elle est respectable.
Cela dit, ce dernier n'a pas inventé grand-chose. Il ne suffit pas de changer le nom d'une mesure qui existe depuis longtemps pour qu'elle fonctionne. Jean Jaurès disait que l'on change les mots quand on ne veut pas changer les choses. Espérons, en l'occurrence, que l'avenir lui donnera tort ! Ma collègue ne vient-elle pas d'expliquer que l'on aurait pu adapter assez vite – dès le mois de juillet – le CUI, ce qui aurait ainsi montré le volontarisme du Gouvernement à traiter dans l'urgence ce sujet crucial pour notre pays ?
Je me refuse, pour autant, à me limiter à une analyse simpliste et réductrice consistant à considérer que le traitement social du chômage, puisqu'il faut l'appeler ainsi, ne sert à rien et que les politiques conduites en la matière depuis vingt ans n'ont eu aucun résultat. À cet égard, je suis heureux, monsieur le ministre de la formation professionnelle, que vous soyez présent ce matin – je comprends tout à fait que le ministre du travail assiste à un sommet européen sur l'emploi – parce que c'est à vous que va revenir la responsabilité de mettre en oeuvre la formation.
Si les gouvernements précédents ont exprimé leur volonté d'agir sur un sujet aussi difficile, je crois cependant que la différence viendra de la méthode et de la capacité à mobiliser l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle dans notre pays. Cette volonté du Gouvernement, mais également des précédents, doit être contagieuse et doit devenir l'absolue détermination dans l'ensemble des canaux de la société française. En effet, le gâchis humain est proprement insupportable que ce soit dans ce que l'on appelle les quartiers difficiles, dans certains territoires ruraux et en outre-mer.
Le texte de la CMP fait état du travail accompli par les deux assemblées dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas, si ce n'est pour souligner qu'elles ont été quelque peu délicates, voire peu supportables face à la difficulté rencontrée par ces jeunes.
Si ce texte n'a pas apporté d'innovation majeure, je partage l'avis de M. Poisson s'agissant des améliorations que les uns et les autres ont pu y apporter, que ce soit à l'Assemblée ou au Sénat. Il demeure tout de même des limites, des faiblesses pratiques et des zones d'ombre au niveau de sa mise en oeuvre – nous l'avons évoqué au cours de la discussion. Aucun des opérateurs – région, département, agglomération, hormis les maisons locales et, bien évidemment, Pôle emploi – n'ont été cités dans le débat et dans le texte. La mise en application de ces mesures, que ce soit par des décrets ou par des circulaires, devra, par conséquent, être regardée de près. Le diable est, en l'occurrence, dans les détails.
Nous avons eu des débats difficiles concernant l'élargissement des périmètres. S'agissait-il de concentrer, de « lasériser » ces moyens sur les quartiers les plus difficiles ? Les deux assemblées ont choisi, en CMP, de les étendre aux zones rurales et, ce qui est bien dommage, seulement à certaines zones en outre-mer.
Toujours est-il que le zonage prévu initialement pendant la campagne électorale, c'est-à-dire des zones où le taux de chômage était supérieur à la moyenne nationale, ne voulait rien dire et que nous avons bien fait de l'éviter.
Si des avancées ont eu lieu concernant les structures d'accueil ainsi que les risques d'effets d'éviction, c'est essentiellement sur la formation que le texte a été approfondi – point sur lequel le groupe UDI a d'emblée insisté. Il faut souligner cette avancée car c'est là la clé de la réussite de ce contrat aidé – disons les choses telles qu'elles sont.
Je ne reviendrai pas sur toutes ces avancées dont nous partagions – même si elles ont été obtenues grâce à des amendements communistes, socialistes ou écologistes – l'objectif, qui est avant tout que ce type de dispositif fonctionne.
Nous avons eu finalement des réponses – ce qui est heureux, même si elles ont été assez tardives – concernant les conditions de financement de ces formations, et nous avons également constaté des avancées sur l'acquisition des compétences, sur le suivi personnalisé ou sur le tutorat rendu obligatoire.
Le fait que la mention des collectivités d'outre-mer ait disparu me laisse une petite inquiétude quant à la mise en oeuvre du dispositif dans quelques collectivités d'outre-mer pour lesquelles l'étude d'impact était extrêmement réduite. Surtout, la suppression des emplois saisonniers me semble regrettable.
Une modification de dernière minute pourrait dénaturer la cohérence du dispositif en élevant le niveau de formation des jeunes bénéficiaires, sujet sur lequel le débat s'est d'ailleurs révélé quelque peu compliqué au cours de la CMP entre les députés et les sénateurs socialistes. La question est toute pragmatique : elle est de savoir de savoir si vous allez ou pas en revenir aux emplois-jeunes du gouvernement Jospin. Certes, il a finalement été considéré qu'il s'agirait d'une exception, autorisée sur prescription spécifique du directeur de l'unité territoriale – encore que l'on aurait pu faire confiance au préfet, ou plus généralement, à l'autorité administrative. Toujours est-il que c'est un risque que vous prenez. C'est peut-être une brèche qui empêchera le dispositif de fonctionner.
La question de fond que l'on doit se poser, et qui d'ailleurs l'a été sur l'ensemble des bancs des deux assemblées, c'est de savoir si les deniers publics doivent prendre en charge à 75 % la rémunération de jeunes gens déjà formés pour qu'ils trouvent un emploi. Pour eux, la solution est certainement ailleurs que dans des emplois d'avenir, qui sont tout de même plutôt destinés à permettre à des jeunes vraiment dans la galère de reprendre pied dans l'emploi, des jeunes qui, pour la plupart, accumulent des obstacles sociaux, familiaux, culturels, souvent relationnels, et qui ont certainement bien plus de difficultés à accéder à l'emploi que ceux qui sont déjà dans le processus de formation.
Mes chers collègues, un tel sujet ne doit pas se résumer à un combat tactique ou médiatique, parce que c'est l'avenir de la France qui est en cause. Il faut laisser sa chance à ce dispositif, en espérant que le ministre de la formation professionnelle trouve les voies et moyens de mettre en oeuvre la formation obligatoire.
J'ai eu la chance de participer à la commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales. Le paritarisme conduisant dans notre pays les organisations syndicales à gérer en partie la formation professionnelle, je mesure combien il sera difficile de bouger tous les tuyaux d'orgue ainsi concernés !
Nous aurons pour notre part un choix cornélien à faire, que nous traiterons en réunion de groupe la semaine prochaine, mais j'ose espérer qu'un certain nombre d'entre nous donnera la chance à ce dispositif, qui n'est évidemment pas parfait, mais les précédents ne l'étaient pas non plus. Ils ont aussi existé et il ne faut pas non plus les oublier. Il y a eu des succès.
Je reste convaincu qu'il faut mettre à mal ce sentiment dans notre pays que toute politique en la matière serait de l'argent perdu, de l'argent gâché. Dans mon esprit, cette dépense sociale est un investissement pour l'avenir. Notre responsabilité est de faire partager ce sentiment à un bon nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant création des emplois d'avenir a été présenté en procédure accélérée. Il s'agit d'un signal fort envoyé dans une situation d'urgence. D'aucuns sur les bancs de l'opposition s'en ont offusqués, voire s'en sont moqué, raillant les méthodes de travail du Gouvernement. Or, ce texte est bien une mesure d'urgence visant à résoudre, au moins en partie, ce fléau qu'est le chômage, notamment chez les jeunes. La jeunesse a été érigée comme priorité par François Hollande, et le Gouvernement et les écologistes s'associent à cette priorité.
Mon collègue sénateur Jean Desessard le rappelait à juste titre, la situation de la jeunesse est depuis longtemps le miroir grossissant de la société. Au regard de cette situation, il est indispensable de réagir, à défaut d'avoir su agir en amont. Aujourd'hui, il faut apporter des solutions à une population en difficulté, en souffrance.
Lorsque l'on voit que l'âge moyen d'un premier CDI est de vingt-huit ans, cela conduit à réfléchir sur les fonctionnements, ou, plutôt, sur les dysfonctionnements du monde professionnel. Cette difficulté concerne bien évidemment non pas seulement les habitants des ZUS, mais également les diplômés, les jeunes qualifiés voire surqualifiés. C'est pourquoi je me permets une légère digression, en marquant notre impatience de voir le projet de loi sur les contrats de génération, qui apportera une nouvelle réponse à ce problème grave du chômage, bientôt présenté.
Ces dysfonctionnements sont également ceux du système scolaire. Celui-ci est tel qu'il laisse sur le bord de la route de nombreux élèves qui rencontrent des difficultés, lesquelles peuvent être sociales, familiales voire d'intégration dans un système souvent trop rigide, inadapté dans certains cas. Que faire alors de ces jeunes laissés pour compte ? Comment les réintégrer dans la société ? Comment les intégrer dans le monde professionnel ? Comment les lancer dans la vie active alors qu'ils sont dépourvus de tout diplôme, de toute formation ? C'est bien à ces questions que le texte dont nous débattons essaie de répondre.
Bien sûr, il n'a pas la prétention de tout résoudre, mais, sincèrement, et je m'adresse notamment à mes collègues de l'opposition, pouvons-nous vraiment refuser un dispositif qui va permettre à 150 000 jeunes de trouver un premier emploi ? Nous sommes d'accord, c'est une mesure d'urgence, elle ne va pas, d'un coup de baguette magique, redonner du travail à tous les jeunes sans emploi de seize à vingt-cinq ans. Nous sommes d'accord, ce texte prévoit une certaine catégorisation, à laquelle les écologistes ne sont généralement pas favorables. Mais force est de constater que la situation actuelle est telle qu'il est nécessaire de cibler des citoyens plus défavorisés que d'autres. Lorsque 500 000 jeunes sont touchés par le chômage alors qu'ils n'ont aucune qualification, aucun moyen de mettre le pied à l'étrier, et, bien souvent, ne sont pas inscrits à Pôle emploi, il ne me semble pas totalement incongru de prioriser la solidarité.
M. Poisson, en défendant sa motion de rejet préalable, dénonçait l'atteinte au principe d'égalité, mais le projet de loi prévoit une aide prioritaire aux ZUS notamment, pas une exclusivité. Comme M. le ministre le rappelait très justement, le principe d'égalité, ce n'est pas traiter tout le monde de la même manière, c'est traiter de la même manière les gens qui sont dans la même situation. Ainsi, tout jeune de seize à vingt-cinq ans en situation d'échec, d'exclusion du système scolaire, sans qualification et sans emploi, pourra prétendre à cet emploi d'avenir.
Le groupe écologiste aurait préféré encore quelques améliorations, mais il est toutefois globalement satisfait du texte adopté par la CMP, et je réaffirme ainsi que nous sommes très favorables à ce dispositif. Nous nous félicitons notamment de la prise en compte d'un de nos amendements qui intègre le caractère d'utilité environnementale aux activités ciblées par ces emplois d'avenir.
La filière verte est créatrice d'emplois, il aurait été dommage de s'en priver. La transition écologique de l'économie que nous portons et que nous prônons permet de développer de nouveaux corps de métiers, de nouveaux emplois, elle permet la multiplication de secteurs d'avenirs, auxquels il semble ainsi logique d'associer des emplois d'avenir. L'article 1er bis prévu par le Sénat et confirmé par la CMP devrait corroborer mes dires.
Si ce dispositif permet de répondre à une urgence, il convient de mener une véritable réflexion sur la politique éducative, réflexion à laquelle nous prendrons part activement, nous, écologistes, aux côtés du Gouvernement. La formation doit être l'un des objectifs prioritaires du Gouvernement, et il doit ainsi notamment mettre l'accent sur la formation professionnelle, l'apprentissage et l'alternance. Tout le monde n'est pas fait pour suivre un cursus universitaire. L'alternance, l'apprentissage permettent d'acquérir des diplômes, des compétences via une intégration progressive mais souvent plus rapide dans le monde professionnel.
C'est pourquoi le deuxième aspect de ce dispositif sur lequel je souhaite insister, c'est la partie formation. Selon certaines études, 80 % des bénéficiaires des contrats uniques d'insertion ayant suivi une formation trouvent un emploi à l'expiration du contrat, contre 72 % de ceux qui n'en ont pas suivi. Cela démontre toute l'importance qu'il faut accorder à cette partie. Cela nécessite également un suivi pointu et consciencieux par l'employeur, non pas un suivi de méfiance, mais bien un accompagnement afin d'aider le bénéficiaire de l'emploi d'avenir à progresser, à suivre la formation dans les meilleures dispositions. En ce sens, la sous-section 3 bis et l'article 1er bis A tels qu'ils ressortent des travaux de la CMP semblent aller dans la bonne direction.
Parler de formation m'amène tout naturellement à l'article 2 de ce texte, les emplois d'avenir professeur. Le groupe écologiste soutient tout particulièrement cette disposition. En effet, ce dispositif propose une solution aux conséquences plus que négatives des politiques éducatives mises en place par la précédente majorité : diminution des moyens, suppression de postes dans l'éducation nationale, réforme de la mastérisation, toutes mesures prises lors de la dernière législature qui ont été non pas seulement inutiles mais surtout néfastes. L'attrait des métiers de l'enseignement, la qualité de la formation en ont pâti, toutes ces politiques ayant également évincé les étudiants issus des milieux les plus modestes, en difficulté, notamment sur le plan financier, pour suivre des formations longues. Le dispositif d'emplois d'avenir professeur leur apporte une première solution. La rémunération ou la bourse qui complétera le dispositif offriront de nouvelles ressources financières à ces jeunes, qui pourront alors passer les concours de l'enseignement. C'est une très bonne nouvelle pour les métiers de l'éducation si souvent dénigrés et mis à mal politiquement ces dernières années. Cela va notamment permettre une démocratisation de ces métiers.
Accompagner ces jeunes dans leur emploi en les formant est primordial. Moi-même, je suis allée à l'école normale, en Belgique, mon pays d'origine, afin de devenir institutrice. Dans ce cadre, j'ai été amenée à suivre une formation professionnalisante. Durant la deuxième année du cursus, la moitié du programme était consacrée à une mise en pratique dans des classes afin d'avoir une première expérience de terrain, si je puis dire. Je peux donc vous dire en connaissance de cause tout le bien que je pense du dispositif prévu par ce texte. J'y suis d'ailleurs tellement favorable que je souhaite ardemment qu'il soit étendu à tous les étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement. La formation professionnelle permet d'acquérir des bases pédagogiques que l'on ne peut se forger qu'en cas de mise en situation. C'est pourquoi elle doit être intégrée au parcours standard et, surtout, à une réforme d'envergure de la mastérisation.
Cette réforme, les écologistes y sont fortement attachés. Il est nécessaire qu'elle propose une réelle formation en alternance pour tous les étudiants qui se destinent à l'enseignement. L'on pourra alors intégrer les emplois d'avenir à cette formation, et il conviendra de créer un important système de bourse afin d'aider les étudiants socialement et financièrement défavorisés. Le groupe écologiste sera donc particulièrement vigilant sur les résultats de la concertation sur la refonte de l'école.
Ce texte est une mesure d'urgence qui n'a pas pour objectif de résoudre à elle seule la crise sociale que nous traversons. Nous savons aussi que ce dispositif est la première étape d'un projet à plus long terme, et nous partageons ce projet. C'est pourquoi, vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, les écologistes sont très favorables à ce projet de loi et au dispositif qu'il mettra en place dès le 2 novembre prochain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, au nom de l'ensemble des députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, de me féliciter de l'accord intervenu en commission mixte paritaire, mardi 2 octobre, au Sénat, sur le projet de loi portant création des emplois d'avenir, augurant d'une adoption définitive prochaine et d'une mise en place rapide du dispositif, tant attendu par les jeunes sans qualification de notre pays, jeunes qui sont les victimes les plus durement et les plus cruellement touchées par la très grave crise que nous traversons.
Les jeunes sans diplôme ou n'ayant que le brevet des collèges subissent un taux de chômage quatre fois et demi plus élevé que les jeunes diplômés. Il s'agit donc de répondre à leurs difficultés d'insertion professionnelle, difficultés accrues par la défaillance du lien social qui les éloigne toujours du marché de l'emploi. Contrairement à ce qui a souvent été dit, les contrats d'avenir ne sont pas un pis-aller. Leur durée de trois ans à temps plein doit permettre à ces jeunes de réussir leur insertion professionnelle.
La procédure accélérée se justifiait ici pleinement, ce qui n'a pas toujours été le cas. Depuis le début de cette législature, pas un seul projet de loi n'a été déposé selon la procédure de droit commun, à savoir une navette permettant aux deux chambres de s'accorder sur un texte après deux lectures. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude…
Malgré tout, au cours de la procédure, le texte s'est enrichi et une certaine souplesse a été introduite. Cette souplesse concerne la durée du contrat, sans préjudice de la sécurisation des parcours et du renforcement de l'accès à une formation qualifiante, les publics bénéficiaires, avec notamment la prise en compte des personnes en situation de handicap, mais aussi les catégories d'employeurs. Tout ceci afin de garantir la pleine efficacité du dispositif, d'autant plus qu'un grand nombre de contrats doivent être conclus très rapidement, puisqu'il s'agit, encore une fois, de répondre à l'urgence de la situation.
Notre groupe, par la voix de mon collègue Joël Giraud, avait défendu l'idée d'inclure les emplois saisonniers dans le dispositif. Le Sénat s'est montré moins sensible que l'Assemblée aux préoccupations exprimées par les territoires de montagne. Nous ne partageons pas, monsieur le rapporteur, le point de vue que vous avez exprimé en CMP. En effet, l'emploi saisonnier constitue un vivier de recrutement et l'élargissement du dispositif à cette catégorie d'emploi n'aurait pas constitué un dévoiement, bien au contraire. Beaucoup de jeunes rencontrent de vraies difficultés d'insertion dans les zones rurales et agricoles et ils auraient gagné à être éligibles à des emplois qui, pour être par nature saisonniers, n'en sont pas moins d'avenir. La succession de deux activités saisonnières aurait permis de remplir le critère de durabilité dont vous vous souciez à juste titre.
Je me félicite en revanche que le terme de « collectivités d'outre-mer » ait été remplacé par la dénomination des collectivités concernées, afin d'éviter le chevauchement de normes contradictoires, puisque certaines de ces collectivités sont compétentes en matière d'emploi. Je sais que ma collègue Annick Girardin avait à coeur que Saint-Pierre-et-Miquelon soit éligible au dispositif des emplois d'avenir.
Il faut également relever l'initiative bienvenue du Gouvernement, qui a fait voter au Sénat un amendement confortant les missions de l'Association pour la formation professionnelle des adultes et sécurisant les versements que l'État effectuera auprès de l'association, actuellement en rupture de paiement. Sauver l'AFPA, organisme assurant un service public irremplaçable, est absolument essentiel.
Les formations, combinées à la validation des acquis de l'expérience, permettent la certification progressive menant au titre professionnel, diplôme reconnu par l'État. Nous savons tous, puisque c'est la cause de la détresse de ceux dont nous essayons d'améliorer le sort, que l'absence de diplôme et de formation qualifiante est le handicap le plus lourd pour trouver un emploi. L'accès effectif des jeunes à la formation initiale et continue est une nécessité, et la réforme d'ensemble de la filière de la formation professionnelle d'une criante actualité, tant du point de vue de l'efficacité que des coûts pour la collectivité entière. Nous nous y attellerons avec vous, monsieur le ministre délégué.
Les élus du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apportent leur soutien à ce texte, première étape vers l'indispensable baisse du chômage des jeunes dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen de ce projet de loi portant création des emplois d'avenir. Les députés du groupe GDR se félicitent que le débat ait permis des avancées concernant la pérennisation de ces emplois, l'accompagnement et la formation des jeunes concernés. Je veux en remercier les rapporteurs, les ministres, et souligner que le débat a été particulièrement riche, sur tous les bancs de l'Assemblée.
Ces avancées répondent en partie aux préoccupations exprimées par les représentants des associations de jeunesse et des syndicats. Ils ne se satisfaisaient pas d'un souffle trop temporaire ou d'un contrat ne permettant pas un projet de vie. Ces jeunes en grande difficulté ont en effet besoin d'être accompagnés, et ils ont besoin de durée pour pouvoir se construire dans le travail.
L'article 1er précise désormais que l'aide est également attribuée au vu des engagements de l'employeur sur les possibilités de pérennisation et instaure une priorité d'embauche durant un délai d'un an. Ces dispositions devraient limiter les effets d'aubaine et les abus et encourager à signer ces contrats sur des postes innovants non occupés précédemment.
Mais soyons lucides : la pérennisation de ces emplois exigera de dégager des moyens nouveaux pour les collectivités locales et les associations. Les premières voient le montant de leur dotation de fonctionnement gelé depuis des années et sont trop souvent, à tort, montrées du doigt comme dépensières, alors qu'elles montrent leur capacité à répondre aux aspirations de plus en plus larges et diverses des populations. Les secondes, les associations, qui ont vu leurs subventions diminuer toutes ces dernières années, ont dû se séparer de 22 000 emplois associatifs en 2011. Elles réclament, par la voix de la Conférence permanente des coordinations associatives, des moyens pour créer de l'emploi durable et de qualité. L'examen du budget permettra, je l'espère, de répondre aux attentes des élus et des bénévoles. C'est la condition pour que ces emplois d'avenir en aient vraiment un…
Pérennisation et formation : le projet de loi s'adresse, à son article 1er, à des jeunes sans qualification ou peu qualifiés, dont certains connaissent une très grande précarité sociale. Sans un réel effort d'accompagnement et de formation, l'emploi d'avenir aurait pu se transformer en une expérience amère et contreproductive pour le jeune dans son rapport au travail. Les améliorations apportées au cours du débat concernant les conditions d'encadrement, de tutorat, de qualification et de valorisation des compétences devraient permettre, si les employeurs font preuve de responsabilité, d'enclencher une logique constructive pour le jeune dans son rapport au travail et son projet de vie.
Je regrette toutefois que nous soyons restés au milieu du gué concernant le temps de formation, qui ne sera que prioritairement réalisé sur le temps de travail. De même, ce projet aurait pu être plus incitatif sur la nature des contrats. Il suffisait, comme le demandaient les associations de jeunesse, de moduler l'aide de l'État en faveur du contrat à durée indéterminée. J'espère que les contrats de génération à venir seront, eux, garants d'une sécurisation de l'emploi et de la formation pour les jeunes, une sécurisation source d'innovation, de savoir-faire et donc de développement économique et de progrès sociaux.
Quelques remarques sur les emplois d'avenir professeur. Je veux tout d'abord exprimer à nouveau une préoccupation. L'embauche par les établissements publics locaux d'enseignement pose le problème de l'égalité de traitement, mais aussi celui de l'accès pour les jeunes à d'autres territoires que ceux des zones urbaines sensibles ou ceux relevant de l'éducation prioritaire dont ils sont issus. Une nouvelle fois, je voudrais alerter sur le sentiment qu'ont beaucoup de jeunes d'être enfermés dans un territoire et de n'avoir jamais la possibilité d'en sortir pour étudier ou exercer un métier ailleurs.
J'aurais également souhaité que le recrutement et l'affectation des futurs professeurs concernés par ce dispositif relèvent des autorités compétentes de l'éducation nationale. Il était également nécessaire de rappeler que, si le principe des emplois d'avenir professeur reconnaît enfin la nécessité de démocratiser l'accès des métiers de l'enseignement aux jeunes issus des classes populaires et défavorisées, ce contrat d'accompagnement par l'emploi est encore loin d'un système de pré-recrutement. Les syndicats s'accordent à dire que la réponse réside dans un véritable pré-recrutement dans le cadre de l'éducation nationale, préservant des inégalités de territoires ou de moyens, et permettant une véritable démocratisation du recrutement des enseignants. Ce pré-recrutement implique de mettre en place des contrats de droit public, avec un statut d'élève-professeur garantissant des conditions d'encadrement et de formation pour réussir le master et le concours. J'espère vivement que la prochaine loi d'orientation, actuellement à l'étude, répondra à cette exigence. J'espère également qu'elle mettra en oeuvre l'allocation d'autonomie pour les étudiants, afin de permettre à chacun, quelle que soit sa situation sociale et territoriale, de poursuivre ses études.
Monsieur le ministre délégué, chers collègues, ce projet de loi nous a été présenté en urgence. Il est en effet urgent de se pencher sur la situation des jeunes, pas seulement pour leur répéter une énième fois qu'ils sont l'avenir de la France, mais bien pour rendre effectifs ici et maintenant leurs droits à l'éducation, à la santé, au logement, à un travail qualifié et stable. Leur situation est aujourd'hui insupportable : le taux de chômage dépasse les 23 %, voire les 30 % dans des villes populaires telles que La Courneuve. Derrière ces chiffres, il y a aussi des licenciements silencieux. Je pense à une grande entreprise comme PSA ; on parle beaucoup aujourd'hui des licenciements dans ce groupe, de la fermeture du site d'Aulnay, mais, dans le silence, avant tout cela, 500 jeunes en intérim ont perdu leur emploi.
Oui, c'est insupportable, d'autant qu'aux difficultés particulières d'accès à l'emploi s'ajoutent bien d'autres discriminations, y compris des discriminations territoriales qui enferment des jeunes de familles populaires dans un vocable « jeunes des quartiers ». Ces jeunes réclament des actions concrètes, des politiques soutenues, qui leur permettent de sortir durablement d'un quotidien rongé par la précarité et bridé par les obstacles quotidiens. Beaucoup ont la volonté de sortir de cette situation ; ils demandent juste qu'on leur ouvre les portes. Les problèmes de la jeunesse ne sont pas des maladies que l'on peut soigner à doses homéopathiques ; un jeune est avant tout un citoyen qui doit bénéficier de tous les droits que garantir notre République afin de se construire et d'être acteur dans notre société.
Nous avons donc besoin d'une grande loi-cadre rendant ces droits effectifs. Les associations de jeunesse ont travaillé sur une proposition de loi qui peut initier ce travail. C'est un vaste et ambitieux chantier qui pourrait s'ouvrir à nous.
Monsieur le ministre délégué, le groupe GDR votera ce projet de loi, mais avec une double détermination : celle de suivre avec vigilance la mise en place des processus de formation et de pérennisation de ces emplois d'avenir, et surtout celle d'agir pour le retour au contrat à durée indéterminée, à la reconnaissance du diplôme comme la norme et non plus comme l'exception pour l'entrée des jeunes dans le travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'examen de ce projet de loi sur les emplois d'avenir doit nous amener à rappeler un contexte, une volonté et une responsabilité.
Un contexte, tout d'abord : s'il est un texte de loi dont l'urgence n'est pas contestable, c'est bien celui dont nous débattons depuis quelques semaines. Urgence en raison du nombre des demandeurs d'emploi : chacun sait qu'il a franchi la barre des trois millions et qu'il est aujourd'hui dans une propension méritant cette mobilisation. Urgence plus grande encore pour les jeunes, dont le taux de chômage frôle, globalement, les 25 %. Urgence surtout pour les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification et dont le taux de chômage dans les quatre années qui suivent la sortie du système dépasse les 45 %. Urgence enfin car, à travers ces jeunes, ce sont des familles et, au-delà, une société qui sont marquées par le désespoir et attendent que nous trouvions des outils qui permettent de rendre l'espoir perdu et de remettre le système en marche.
Ce contexte, personne ne peut feindre de l'oublier, et, en tout état de cause, il ne peut justifier des prises de position qui pourraient s'apparenter davantage à du positionnement politique qu'à de la responsabilité, sur laquelle je reviendrai.
Ce texte, c'est aussi une volonté, qui fixe la priorité sur les jeunes conformément aux engagements pris par le Président de la République. Surtout, il s'inscrit dans un plan d'ensemble qui, des contrats de génération à la Banque publique d'investissement, des discussions en cours sur la compétitivité à la relance de la croissance, a pour cible la baisse du nombre de demandeurs d'emploi dans notre pays. C'est une volonté qu'il faut saluer, mais, au-delà, une fois admis le fait que se battre pour l'emploi est une nécessité, encore faut-il accepter de s'en donner les moyens.
Je veux saluer l'importance des apports parlementaires sur le texte initial, le travail accompli sous la houlette de notre rapporteur pour permettre que ce que nous ressentons, les uns et les autres, dans chacune de nos circonscriptions soit pris en compte afin d'améliorer le texte.
Les emplois d'avenir, c'est d'abord une première expérience professionnelle. Qui n'a pas reçu dans sa permanence un jeune expliquant qu'il avait envie de travailler mais qu'on lui demandait une expérience, et que faute d'en avoir une, il ne pouvait trouver un emploi ? Nous lui offrons aujourd'hui cette possibilité, celle de s'inscrire dans un parcours, et puis au terme du contrat, de se prévaloir de cette première expérience professionnelle tant attendue, tant demandée.
Deuxième élément : c'est un contrat d'une durée de trois ans. Chacun sait que, dans toutes les études publiées, c'est le délai nécessaire pour que l'essai se transforme en expérience, cette expérience indispensable pour entrer enfin dans la vie active.
Troisième élément : le souci de la formation professionnelle. C'est indispensable : quand on a entre seize et vingt-cinq ans, on a besoin de voir si le bagage est insuffisant, si des lacunes doivent être comblées.
L'expérience est la clef pour la réussite du parcours professionnel de ces jeunes. Le travail que nous avons accompli a permis d'affiner le dispositif et de mettre en place les éléments nécessaires à notre objectif.
S'agissant des emplois d'avenir professeur, j'ai entendu ce matin une critique qui m'a quelque peu surpris. Le retour de l'ascenseur social, dans une société où l'on a parfois le sentiment que les métiers de l'enseignement risquent d'être confisqués par quelques-uns, c'est tout de même un élément essentiel. Cela me fait penser, dans une certaine mesure, à ce qu'étaient les écoles normales : on sait combien celles-ci ont contribué à cet ascenseur social. Enfin, face à ceux qui ont tant décrié le métier d'enseignant, tant mis à mal l'éducation nationale, il était grand temps que nous puissions participer, à travers ce dispositif, à la nécessaire revalorisation de cette profession.
C'est aussi un texte de loi qui, après les échanges entre le Sénat et notre assemblée, nous a permis d'apporter de la souplesse. Les carcans, lorsqu'il est question de parcours individuels, sont les pires des modèles. Souplesse sur les zones, mais aussi par la prise en compte les études universitaires entamées, sans pour autant oublier l'objet initial du texte, qui vise d'abord les jeunes en situation de non-qualification. Offrir à tous ces jeunes une possibilité d'accompagnement, voilà l'objectif : tous ces éléments ont été maintes fois répétés au cours des débats. Quand j'entends Mme Le Callennec nous redire qu'elle ne comprenait pas à qui le dispositif était destiné, j'en reste pantois : oui il est destiné d'abord et très prioritairement aux jeunes en situation d'échec, mais on ne peut ignorer que, dans certains secteurs, on rencontre des difficultés plus grandes que dans d'autres. D'où cette indispensable souplesse, et je suis ravi que l'issue du débat parlementaire l'ait permise.
Ce texte organise, avec les partenaires irremplaçables que sont Pôle Emploi, les missions locales, les départements et les régions, l'accompagnement des jeunes, afin de rendre cette synergie la plus efficace possible.
Il s'agit, disais-je, à la fois d'un contexte, d'une volonté et d'une responsabilité.
Ne pas soutenir ce texte au motif qu'il ne serait pas parfait, voilà un argument qui me laisse perplexe. Qu'est-ce qu'un texte parfait ? Je n'en sais rien. On sait que 450 000 jeunes sont potentiellement cibles du dispositif et que 150 000 d'entre eux pourront trouver satisfaction. Certains refusent de nous suivre parce qu'ils ne sont que 150 000 : ils voudraient les 450 000 tout de suite ? Mais qui peut le plus peut le moins. J'avoue ne pas comprendre cette logique : il faudrait couvrir tout le monde et tout de suite. mais que ne l'avez-vous fait !
Je souris, avec un peut-être un brin de malice, madame Le Callennec, en vous entendant parler de la fragilité des associations. Mais qui les a mises dans une telle situation ? L'apprentissage est insuffisant, dites-vous, mais qui a fragilisé le monde économique et mis à mal son dynamisme, sinon les politiques que vous soutenez ? Vous nous expliquez que les jeunes sont désespérés, mais qui les a désespérés, sinon les politiques de votre ancienne majorité ? La responsabilité, ce n'est pas de soutenir que ce serait le meilleur des meilleurs textes, mais de le considérer comme un outil de plus, une volonté politique affirmée, dans le contexte général que j'ai rappelé, parmi d'autres outils. Michel Sapin et Thierry Repentin nous les ont présentés, en décrivant l'ensemble du dispositif. Vouloir l'ignorer systématiquement, reposer les mêmes questions alors que les réponses ont été apportées, voilà une attitude qui relève davantage de la posture politique que d'un positionnement responsable.
Pour ce qui nous concerne, nous avons évidemment la volonté de voir ce texte aboutir vite, parce que nous devons répondre à des situations d'urgence, et surtout parce que le redressement passe aussi par les jeunes. C'est ce que le Gouvernement propose au travers de ce projet de loi que le groupe SRC soutiendra avec force et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voilà presque au terme du parcours législatif du projet de loi portant création des emplois d'avenir, texte hautement symbolique pour ce début de législature. Symbolique, car il met au coeur de l'agenda politique et de l'action gouvernementale la question de l'emploi : l'emploi, l'emploi et encore l'emploi, comme l'a rappelé à plusieurs reprises M. le ministre du travail. Symbolique mais certainement pas incantatoire, car ce texte est porteur de changements concrets pour la vie de plusieurs milliers de jeunes dans notre pays, et ce dès les semaines à venir.
Je veux à nouveau nous féliciter collectivement du travail par les députés et leurs rapporteurs, par les sénateurs et par le Gouvernement. Les échanges avec nos collègues du Sénat ont été particulièrement fructueux, et la navette a permis d'enrichir encore le texte.
Je souhaite revenir ici sur plusieurs éléments.
S'agissant tout d'abord des publics potentiellement bénéficiaires des emplois d'avenir, le texte présenté aujourd'hui est conforme à l'esprit initial du projet de loi : il a pour ambition de s'adresser en priorité aux publics les plus éloignés de l'emploi, aux jeunes peu ou pas qualifiés. Ce sont ces jeunes que nous voulons toucher, ceux qui ont été les plus exclus des politiques de l'emploi depuis dix ans, ceux pour lesquels les perspectives d'avenir sont les plus sombres et dont on s'est trop souvent attardé à déplorer le nombre croissant sans pour cela agir en leur direction. Nous voulons casser un déterminisme insupportable qui fait qu'une situation d'échec à vingt ans induirait une vie entière d'échecs et d'exclusion.
Mais le texte issu de la commission mixte paritaire ne ferme pas complètement la porte aux jeunes dont le niveau est au-dessus du baccalauréat car ils peuvent être, eux aussi, confrontés à des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Dans certaines zones territoriales bien ciblées, et à titre exceptionnel, le dispositif pourra leur être ouvert, sur décision de l'autorité administrative compétente. Il s'agit de pouvoir apporter demain une réponse concrète à des situations rencontrées par des jeunes qui se sont lancés dans des parcours d'études supérieures et n'ont pas trouvé d'emploi, pour des raisons de contexte économique et parfois aussi, il faut le dire, en raison de discriminations. L'accès aux emplois d'avenir permettra de leur proposer une solution à la hauteur des exigences que doit tenir notre république. Et nous les tiendrons. Il s'agira également de permettre aux structures employeurs, en particulier associatives, de développer des emplois spécifiques en lien avec des filières d'avenir, porteurs de croissance durable et au service de l'intérêt général : c'est un autre enjeu du projet de loi, nous l'avions rappelé lors du premier débat. Je souligne à ce propos que le texte du Sénat a réintroduit l'association des CRESS – les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire – au dispositif régional de concertation sur les emplois d'avenir. Ce sera la première fois que ces structures seront mentionnées dans un texte de loi. Le secteur de l'économie sociale et solidaire sera ainsi pleinement associé au dispositif.
Le travail parlementaire a également permis de clarifier la nature des structures pouvant intervenir dans la prescription des contrats uniques d'insertion et le suivi des jeunes en emploi d'avenir. La loi que nous allons adopter désigne notamment à cet effet Pôle Emploi, les missions locales et Cap Emploi. Elle exclut en revanche clairement les organismes privés de placement et les agences d'intérim, qui sont pour nous inadaptés pour accompagner ce public : Nous avons ainsi souhaité réaffirmer fortement la pleine légitimité du service public de l'emploi, qu'il faudra par ailleurs encore renforcer tant il a été maltraité, nous le savons, ces dernières années.
Sans être plus longue sur les apports du texte, c'est sur l'esprit de cette loi que je vais revenir en conclusion.
La situation des jeunes vis-à-vis du marché de l'emploi est une urgence sociale, politique et démocratique. Aujourd'hui, avec ce projet portant création des emplois d'avenir, et demain avec les contrats de génération et la sécurisation des parcours professionnels, nous faisons le choix du volontarisme politique : oui, nous utilisons le levier de la création d'emplois publics ; oui, contrairement à ce qui a prévalu en matière de politique de l'emploi ces dernières années, nous ne sommes pas dans l'incantatoire, dans l'immobilisme, dans la posture. Avec ce texte, nous parlons du concret, des 150 000 jeunes qui seront employés en emplois d'avenir d'ici 2014, avec signature des premiers contrats dans les mois qui viennent. Le combat pour l'emploi doit se poursuivre. Il sera encore long, mais nous posons aujourd'hui une première pierre solide. C'est à cela que doit servir l'action publique et nous en faisons, avec ce projet de loi, une première belle démonstration. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
Je tenais à apporter quelques éléments de réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale, y compris à ceux qui se sont laissés aller à certaines contrevérités que je ne pouvais laisser passer.
Madame Le Callennec, vous avez regretté que les dispositions que nous proposons n'aient pas été adoptées plus tôt. À vous entendre, nous aurions pu les faire voter dès l'été dernier..
Or c'est le premier texte que le Gouvernement a présenté à votre assemblée, dès le début de la session extraordinaire. Ce qui traduit bien, comme l'avait dit à juste titre le président du groupe socialiste, l'affirmation de cette double priorité par le Président de la République : l'emploi et la jeunesse de France.
Si vous ne voterez pas ce texte, avez-vous expliqué, c'est parce que nous proposons une solution segmentée : tous les employeurs ne pourront pas émarger à ce nouveau contrat aidé. Mais Michel Sapin l'a indiqué clairement à plusieurs occasions : nous traitons aujourd'hui une des pièces du puzzle de la lutte contre le chômage, une des pièces du puzzle de propositions pour le retour à l'emploi. Vous serez saisis dans quelques semaines du contrat de génération –Arnaud Richard lui aussi a demandé quelles dispositions seront proposées pour les entreprises – mais également du dispositif des emplois francs que vous présentera mon collègue François Lamy, ministre de la ville. Ce qui répond également à l'interrogation de Mme Buffet qui, à juste titre, a rappelé que les jeunes vivant dans les zones populaires devaient en sortir par l'emploi, et grâce à des dispositifs qui n'existent pas aujourd'hui.
Autrement dit, madame Le Callenec, qui vous est proposé aujourd'hui n'est qu'une des premières pièces du puzzle. Votre groupe va voter contre parce que nous n'apportons qu'une réponse, expliquez-vous ? Est-ce à dire que sur les contrats de génération ou sur les emplois francs, vous aurez la même réaction : voterez-vous contre au motif que ce ne sera qu'une pièce du puzzle ? Avec un tel raisonnement segmenté sur quelques semaines, vous vous condamnez à refuser toutes les propositions que vous présentera le Gouvernement en direction de la jeunesse et des chômeurs…
Vous refuserez toutes les solutions, les après les autres, faute d'avoir fait l'effort d'une réflexion globale. Or ce schéma global, je le rappelle, vous a été présenté ici même par Michel Sapin et il sera décliné, segment par segment, à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Je ne comprends pas cette cécité, madame Le Callennec.
De même, vous vous interrogez à propos de deux sujets. Quels territoires seront éligibles ? Michel Sapin vous l'a dit : un seul, celui de la carte de France.
Tous les territoires seront éligibles aux emplois d'avenir. Faut-il le redire encore, même s'il vaut mieux se répéter que se contredire ? Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de zones prioritaires : les élus locaux que nous sommes savent que certains territoires souffrent de conditions plus difficiles que d'autres en ce qui concerne l'accès à l'emploi, notamment les territoires ultramarins, les zones urbaines sensibles ou les zones de revitalisation rurales.
S'il le faut, je veux bien aller dans vos circonscriptions en novembre pour expliquer aux jeunes que l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté un texte qui rend les emplois d'avenir éligibles sur tout le territoire national. Je veux bien m'engager à me déplacer dans vos circonscriptions en novembre et en décembre prochains pour expliquer qu'il est possible d'y signer des contrats d'emploi d'avenir.
Vous avez aussi expliqué, Mme Callennec, que vous étiez soucieuse des deniers publics. Je pense que cette exigence n'est pas nouvelle…
…et qu'elle prévalait avant le changement de majorité intervenu il y a quelques semaines. C'est donc que vous condamnez donc la dérive des comptes publics qui s'est traduite dans le déficit : 60 % du PIB il y a cinq ans et plus de 90 % à la veille de la discussion du nouveau projet de loi de finances.
Je vous invite à revenir à l'occasion du débat budgétaire qui sera piloté par mon collègue Jérôme Cahuzac pour lui redire que vous êtes soucieuse des deniers publics et que vous êtes prête à soutenir les efforts demandés par le Gouvernement à l'occasion du projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous regrettez même que le CNFPT soit appelé à la solidarité pour la formation des jeunes dans les collectivités locales.
Oui, le Gouvernement a souhaité que les efforts de formation sur l'emploi d'avenir que nous demandions à des employeurs associatifs ou du secteur marchand soient aussi demandés aux collectivités locales. Pour la première fois, c'est vrai, le CNFPT va devoir accompagner des jeunes en emploi d'avenir de droit privé avec un volet formation. Nous en avons discuté avec le CNFPT, et le texte amendé prévoit désormais une cotisation supplémentaire au bénéfice du CNFPT pour accompagner la formation professionnelle des jeunes qui seront engagés par les collectivités territoriales de France.
J'aurais eu plaisir à entendre de votre part des propos un peu plus équilibrés : ainsi M. Arnaud Richard, tout en exprimant son souhait d'aller plus loin, a convenu que le travail parlementaire avait apporté des éléments de nature à conforter ce texte, notamment sa partie formation professionnelle. C'est la première fois, je le répète, que la signature d'un contrat de travail s'accompagnera de l'obligation d'un volet formation qui apportera au jeune bénéficiaire des atouts dont il disposera sur le marché du travail.
En ma qualité de ministre de la formation professionnelle, je serai très attentif à ce que le volet formation soit effectivement une condition sine qua non de la signature bien évidemment, mais aussi du respect de ladite signature.
Nous avons déjà sollicité les missions locales, Pôle emploi et les responsables dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, pour que cet aspect soit suivi et que l'agrément d'un emploi d'avenir soit retiré si d'aventure un employeur oubliait qu'il avait pris des engagements en matière de formation au moment de la signature du contrat.
Monsieur Arnaud Richard et madame Fanélie Carrey-Conte, vous avez relevé l'ouverture sur les emplois d'avenir post-bac, notamment dans les zones urbaines sensibles. Cela correspond à l'esprit de beaucoup de textes adoptés par la représentation nationale au cours des dernières années. Dans les zones urbaines sensibles notamment, des jeunes ont fait l'effort non seulement de passer le bac mais aussi de s'engager dans un processus universitaire. Nous ne devons pas donner le sentiment qu'ils seraient exclus de ce nouveau dispositif. Comme cela a été indiqué, nous regarderons au cas par cas, sous l'autorité des représentants des unités territoriales de la DIRRECT, afin de répondre à la situation particulière de ces jeunes qui pourraient ainsi recevoir non seulement un salaire mais aussi une formation.
Mesdames et messieurs, la présentation de ce premier texte de la session parlementaire montre le respect des engagements pris – la création de 150 000 emplois d'avenir – par le Président de la République pendant la campagne. Dans notre pays, quand on prend des engagements, il faut les tenir.
Monsieur Richard, vous avez cité Jean Jaurès : il ne faut pas s'en tenir à des mots. Nous ne nous en tenons pas à des mots, nous changeons très concrètement le code du travail. Au-delà des mots, c'est la certitude que les dispositions que je vous propose seront appliquées dans le respect à la fois de leur contenu et de l'esprit dans lesquelles nous les auront adoptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Il s'agit d'un amendement de coordination avec les modifications apportées en CMP qui visent la suppression des opérateurs privés de placement dans les prescripteurs possibles de contrats uniques d'insertion.
Je n'ai pas évoqué cette disposition importante dans mon intervention liminaire. Nous avons voulu que la prescription et le suivi des emplois d'avenir soient assurés par des opérateurs publics : Pôle emploi, les missions locales ou Cap emploi pour les personnes handicapées.
Madame Buffet, nous partageons bien sûr votre volonté de privilégier les CDI ; ce texte constitue clairement à cet égard un progrès par rapport aux dispositifs précédents, puisqu'il flèche les CDI.
Nous avons aussi été sensibles aux amendements qui proposaient de moduler l'aide en fonction du type de contrat, des aides supérieures étant prévues pour les contrats longs. Cependant, nous ne sommes pas dans le cas d'un dispositif qui s'adresserait à l'ensemble des entreprises privées et où il faudrait agir par l'incitation. Dans le cas présent, la création du CDI sera le fait du prescripteur, en l'occurrence le service public de l'emploi.
En revanche, vous avez raison, la question sera très différente pour les contrats de génération. Une négociation commence aujourd'hui sur cette question fondamentale.
Madame Le Callennec, vous êtes vice-présidente d'une maison de l'emploi. À vous entendre, les dispositifs précédents répondaient à la crise. Lorsque l'on a 3 millions de chômeurs et 40 % de chômage dans les ZUS ; un jeune sur deux est au chômage dans les publics dont nous parlons, on peut difficilement parler de réussite !
De même, lorsqu'on est vice-présidente d'une maison de l'emploi, on ne peut pas ne pas avoir envie d'ajouter deux pièces manquantes aux mesures de lutte contre le chômage. À cet égard, je salue le discours très responsable de M. Richard. Il manque un dispositif long de remise au travail pour les jeunes, avec des formations qualifiantes : c'est ce que proposent les emplois d'avenir. Il manque aussi un dispositif qui fera le lien entre les générations : l'embauche d'un jeune et le maintien d'un senior dans l'emploi. Ce sera le but des contrats de génération.
Quelque 650 000 réponses vont être apportées. Je parlais d'un électrochoc : quand on veut aider à résoudre le problème du chômage, on doit soutenir ces dispositions.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2 .
Je ne laisserai pas caricaturer les positions que mes collègues et moi-même défendons. Il s'agit en rien d'une posture politique : nous vous l'avons prouvé en nous efforçant de proposer des améliorations, mais vous avez repoussé tous nos amendements.
Ensuite, relisez mes propos, monsieur le ministre. Je n'ai pas dit « dès juillet », mais simplement qu'il fallait adapter le contrat unique d'insertion existant qui, d'ores et déjà, apporte des réponses concrètes –je le vois concrètement en tant que vice-présidente d'une maison de l'emploi.
Si, comme vous le dites, ces emplois d'avenir sont une des pièces d'un puzzle, nous aimerions voir l'ensemble du puzzle. S'il s'agit d'une urgence, pourquoi attendre des semaines et des semaines avant de nous présenter concrètement ce que seront les contrats de génération ?
Venons-en à la principale raison de notre opposition à ce texte. Tous les territoires seront éligibles aux emplois d'avenir, dites-vous. Or il n'y en aura pas partout : vous-même précisez, ce que nous comprenons parfaitement, qu'il y aura des zones prioritaires. Je le redis, vos 150 000 emplois d'avenir ne répondront pas aux 470 000 cas que vous ciblez. Voilà la principale raison de notre opposition à ce texte : ne laissez pas croire que tous les jeunes de toutes les zones d'emploi seront concernés.
Par ailleurs, comment allez-vous distribuer les dotations de ces contrats d'avenir ? Normalement, les régions via les préfets disposent d'enveloppes pour les contrats aidés. Concrètement, comment vont se partager ces enveloppes ? Nous ne savons toujours pas.
S'agissant du CNFPT, je n'ai pas de regret, au contraire : je trouve que c'est son travail de financer la formation des emplois d'avenir alors que jusqu'à présent, il ne prenait jamais à sa charge les contrats aidés. Je trouve que c'est un plus. Cela étant, le CNFPT a maintenu les cotisations à 1 % alors que nous avions souhaité qu'elles soient abaissées à 0,9 %, considérant que ce n'était déjà pas mal. Était-ce la peine de rajouter une cotisation supplémentaire ?
S'agissant du financement, j'aimerais que vous répondiez à Mme Buffet quand elle dit que si l'on veut favoriser ces emplois d'avenir, il va falloir augmenter les dotations aux collectivités locales et aux associations.
L'examen de cet amendement, qui évoque les opérateurs privés de placement, me donne l'occasion de demander au Gouvernement ce qu'il souhaite faire du contrat d'autonomie ce sujet qui avait soulevé pas mal d'émotion lors des débats sur les différents budgets.
Tout le monde n'est pas totalement favorable à ce dispositif qui coûte très cher et dont l'objectif est d'aller chercher, entre autre par le biais des opérateurs privés de placement, les jeunes vraiment les plus éloignés de l'emploi et avec lesquels les missions locales ont le plus de mal à réussir, ce que l'on peut comprendre.
Le Gouvernement imagine-t-il continuer ce contrat d'autonomie, le mettre à mal ou au moins faire – ce qu'avait demandé la commission des affaires sociales au cours de la précédente mandature – un bilan très précis de ce dispositif relativement coûteux ?
Enfin, je suis un peu inquiet sur la manière dont le contrat aidé dans le secteur marchand qui existait jusqu'à présent, le CUI, coexistera avec le contrat de génération. Je voudrais être certain que tous les moyens alloués au CUI pendant la précédente législature et en particulier l'an dernier seront maintenus et que vous ne chercherez pas à orienter une partie des moyens jusqu'alors réservés aux CUI vers les contrats de génération ou les emplois d'avenir, désormais ouverts à un certain nombre d'entreprises.
Je ne veux pas laisser ces questions sans réponse.
Je réponds en général à toutes les interpellations, monsieur Poisson, et je vais continuer à le faire.
Monsieur Arnaud Richard, je vous confirme le maintien des moyens des CUI et CAE. Il n'y a donc pas d'ambiguïté possible. Dans la loi de finances, vous trouverez la suppression des autres contrats auxquels vous avez fait référence précédemment et qui sont, comme vous l'avez dit vous-même, dispositifs très coûteux et parfois même en contradiction avec le travail effectué par les missions locales.
Madame Le Callennec, la modification des CUI exigeait dans tous les cas un dispositif législatif, sans oublier la mise en place par la loi d'un volet formation, incontournable, qui n'existait pas auparavant. Il fallait effectivement que nous siégions, ce que nous faisons aujourd'hui.
(L'amendement n° 2 est adopté.)
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Il s'agit à nouveau d'un amendement de coordination avec les modifications apportées au Sénat qui prévoient que les emplois d'avenir professeur sont attribués par les recteurs.
Favorable.
J'en profite pour répondre à la question, effectivement apparente, posée par M. Apparu : la solution ne passera pas par la création d'un concours spécifique pour les emplois d'avenir professeur, mais par une réforme de la formation des enseignants.
(L'amendement n° 3 est adopté.)
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet auront lieu le mardi 9 octobre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la proposition de loi relative à la tarification progressive de l'énergie.
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron