Intervention de Thierry Lazaro

Séance en hémicycle du 27 juin 2013 à 15h00
Consommation — Après l'article 17, amendement 32

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Lazaro :

Le tabac étant assurément un produit dangereux pour la santé et la première cause de décès prématurés évitable, les pouvoirs publics français se sont engagés à lutter contre le tabagisme, depuis la loi Veil en 1976 et surtout la loi Évin en 1991. Cet engagement s'est également traduit par la ratification, en octobre 2004, du premier traité international de santé publique élaboré sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé, consacré à la lutte contre le tabagisme. Plus récemment, les mesures visant à imposer l'interdiction de fumer dans les lieux publics, en février 2007 et janvier 2008, les photos choc et l'interdiction de vente de tabac aux mineurs en 2009, notamment, ont confirmé cette volonté.

C'est également la raison pour laquelle la vente du tabac est sévèrement encadrée. Elle se fait par le réseau des buralistes qui sont, pour cette part de leur activité, préposés de l'administration. Le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010, pris en application de l'article 568 du code général des impôts, fixe les règles attachées à la qualité de débitant de tabac. Le débitant est lié à l'État – en l'occurrence, à l'administration des douanes et des droits indirects – par un contrat de gérance d'une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction par période de trois ans, qui fixe les obligations du débitant au titre de la vente au détail des tabacs ainsi que les missions de service public qui peuvent lui être confiées par l'État. Des conditions draconiennes sont imposées à l'activité des buralistes.

Ce cadre contraignant pour la vente du tabac contraste avec le flou qui entoure la commercialisation des cigarettes électroniques. Quand elles sont alimentées par une cartouche contenant au moins 10 mg de nicotine, elles sont considérées comme des dispositifs médicaux et doivent, à ce titre, disposer d'un marquage CE attribué par un laboratoire agréé auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament. Si la concentration en nicotine de la recharge est inférieure à 10 mg, elles sont considérées comme des biens de consommation courante.

Pourtant, la cigarette électronique ne devrait pouvoir être en vente libre et donc accessible aux jeunes gens, car elle reste un produit pouvant contenir de la nicotine, donc susceptible, à ce titre, d'entraîner une dépendance – d'autant qu'elle devient un phénomène de société. Il existe des risques d'initiation au geste de fumer chez des populations qui n'auraient peut-être pas commencé autrement. La vente des cigarettes électroniques ne doit donc se faire que dans le réseau des buralistes français, un réseau extrêmement contrôlé par l'administration.

L'article 564 decies du code général des impôts dispose que « sont assimilés aux tabacs manufacturés […] les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux », tandis que l'article L. 3511-1 du code de santé publique précise que « sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu'ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux […] ».

Les buralistes, dont la profession est stigmatisée, pour ne pas dire piétinée, par certains et qui traversent, comme on le sait, de graves turbulences, ne se contentent pas de vendre les cigarettes électroniques : ils prennent le temps d'en expliquer l'utilisation. Il en est de même des investisseurs dans les magasins de cigarettes électroniques, qui prennent assurément des risques financiers et dispensent, eux aussi, les conseils nécessaires à l'utilisation de ce produit. Je ne ferai toutefois aucun commentaire sur ce point car, pour prendre un exemple similaire, je sais parfaitement me servir d'une machine Nespresso alors que je n'ai jamais mis les pieds dans une boutique de cette marque. Il me semble qu'il serait également intéressant de se pencher sur la vente par Internet de la cigarette électronique.

Quoi qu'il en soit, dans l'intérêt de ces deux professions assurément respectables et qu'il ne faut pas, à mon sens, liguer l'une contre l'autre, il serait utile et urgent que le Gouvernement prenne position. La Belgique et le Luxembourg ont déjà décidé d'interdire la cigarette électronique en l'assimilant au tabac. Je sais, madame la ministre, que vous travaillez notamment avec la Commission européenne sur la question de la cigarette électronique afin d'en définir le contour légal – médicament, tabac ou autre. Vous avez récemment entériné une partie des propositions du rapport Dautzenberg, à savoir les interdictions de vente aux mineurs, de fumer dans les lieux publics et de faire de la publicité de ce produit. Ce sont là, assurément, trois mesures courageuses et que je salue, mais je pense qu'il conviendrait d'aller plus loin en rendant explicite l'assimilation de la cigarette électronique au tabac dit normal.

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