Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 27 juin 2013 à 15h00
Consommation — Après l'article 18, amendement 736

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

On parle de moralisation et de morale, mais le capitalisme financier n'en a rien à faire ! Le capitalisme financier est par nature amoral.

Pour lutter contre la pauvreté et le surendettement, il faut réglementer un système bancaire et financier fou, qui nous conduit dans le mur. Payer ces errements coûtera cher. Les victimes de ce type de crédits, ce sont celles qui, aujourd'hui, au lieu d'aller voter rester chez elles ou quand elles votent, votent de plus en plus pour des solutions qui ne font qu'aggraver la situation. Je veux appeler l'attention sur ce phénomène. C'est de la pauvreté, de ceux qui sont étranglés que naît aujourd'hui un vote que je persiste à définir comme s'apparentant à la peste brune.

J'insisterai sur un autre point, les arguments des lobbies bancaires. Des auditions ont eu lieu. Il est normal que le rapporteur et les membres de la commission procèdent à des auditions et écoutent les arguments du lobby bancaire ou tout simplement des banques. On ne peut qualifier de lobbyistes tous ceux que nous auditionnons dans le cadre de notre travail législatif. Que le crédit renouvelable rencontre un succès important n'est pas un signe de qualité, contrairement à ce qu'ils disent et à ce que vous dites. Il est bien souvent proposé de façon déguisée par les grandes enseignes. Le Gouvernement le sait parfaitement, puisqu'il propose de timides avancées en la matière.

Le crédit renouvelable présente l'avantage – avantage pour celui qui le propose – d'être vendu non comme un crédit, mais comme une facilité de paiement. Il est présenté comme une simple carte de crédit : c'est un outil pervers utilisé par les banques pour maintenir les familles dans la dépendance. C'est en outre la contrepartie évidente de salaires structurellement trop faibles. On ne veut pas augmenter les salaires, on propose ce type de système et on pousse les gens dans une immense misère.

L'argument de l'efficacité du crédit revolving pour financer la consommation d'électroménager par exemple ne tient pas. Ce qu'un crédit renouvelable peut financer, un crédit classique, un crédit amortissable peut également le faire. Mais 15 % des ménages n'ont accès qu'à ce type de crédit toxique. Si un jeune couple de diplômés, tous deux en CDI, peut accéder à un prêt personnel au taux de 6 % pour acheter une voiture d'occasion, un couple du même âge, en emploi précaire, n'aura accès qu'au crédit revolving à 16 % ! C'est dire qu'il convient de démocratiser le crédit amortissable en contraignant les banques à renoncer aux produits financiers usuraires. Je déplore que différents amendements proposés sur d'autres bancs et visant à cela n'aient pas été acceptés.

Rappelons que ce mode d'endettement frappe d'abord les plus modestes. Dans une enquête publiée en mai 2008, le magazine 60 millions de consommateurs constatait que 54 % des demandes effectuées dans des grands magasins ont été acceptées malgré un fort endettement des demandeurs et que 41 % des vendeurs n'avaient posé aucune question sur l'existence de crédits en cours. Aussi est-il quelque peu vertigineux d'entendre de votre bouche, monsieur le ministre – je le dis sans provocation cette fois, mais avec passion – les mêmes propos que ceux que tenait à l'époque dans cette enceinte Mme Lagarde ! Elle tenait les mêmes propos !

Sur cet enjeu essentiel du crédit, ne laissons plus le lobby bancaire décider. Aussi, j'appelle mes collègues de tous les groupes, en particulier des groupes de la gauche de cette assemblée, à se mobiliser pour interdire le crédit revolving comme la gauche le réclamait il y a quelques mois alors qu'elle ne disposait pas encore de la majorité pour le faire. Enfin, cessons de considérer que « vérité en deçà des élections, erreur au-delà »... Si nous voulons redonner à la politique ses lettres de noblesse, soyons capables de faire aujourd'hui ce que l'on disait hier. Il y en a marre que, pendant une campagne électorale, ce soit : « à gauche toute », et qu'après ce soit : « circulez, il n'y a rien à voir » !

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