Je tiens à prendre un peu du temps imparti au groupe RRDP pour donner la position d'ensemble des députés du groupe sur le fichier positif et sur la lutte contre le surendettement.
Nous l'avons dit en commission et confirmé lors de la discussion générale : nous ne sommes pas favorables au « répertoire national du crédit aux particuliers » prévu par cet article.
Nous nous retrouvons tous ici, j'espère, sur un point : la nécessité de lutter contre le fléau social qu'est le surendettement des ménages. Le débat, qui existe depuis longtemps, porte sur l'efficacité des moyens de lutte contre le surendettement. Mais il est sage de rester humble face aux difficultés posées, tant les formes, les causes et les effets du surendettement évoluent et sont complexes à appréhender.
La loi Lagarde portant réforme du crédit à la consommation a certainement constitué une avancée dans l'encadrement du crédit à la consommation – en particulier du crédit renouvelable – et dans la lutte contre le surendettement.
Cependant, au regard de l'objet ambitieux qui lui avait été fixé – « développer un crédit plus responsable » –, force est de constater que le chemin qui reste à parcourir est encore long.
Le rapport des sénatrices Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier sur l'application de cette loi met en évidence la persistance de certaines difficultés et l'apparition de nouveaux obstacles. Ceux-ci rendent nécessaire l'adoption de nouvelles mesures pour compléter et améliorer cette réforme, ce qu'a confirmé le rapport du Comité consultatif du secteur financier, qui pointe les désormais fameuses « zones grises ».
Le surendettement a évolué. S'il résultait souvent d'un abus de crédits ces quinze dernières années, il provient de plus en plus des difficultés croissantes que rencontrent les ménages et de l'instabilité de plus en plus grande de leur situation. La crise économique et son corollaire, le chômage, ont touché de plein fouet des familles dont les ressources sont devenues insuffisantes pour faire face à des charges fixes qui, elles, ne diminuent pas.
Le nombre de dépenses « contraintes » – loyer, facture énergétique ou téléphonie – et la part qu'elles représentent dans le budget des ménages ne cessent d'augmenter. De surcroît, la facture d'essence pèse très lourdement sur les familles vivant en dehors des grandes villes et qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule pour aller travailler ou faire des courses.
Une approche simple et efficace doit être privilégiée pour que les plus fragiles ne contractent pas le « crédit de trop ». Ainsi, mon amendement à l'article 18, qui a été rejeté, prévoyait une évaluation de la solvabilité et du « reste à vivre » préalablement à l'octroi d'un crédit à la consommation.
Ce projet de loi permettra peut-être que soient accordés moins de crédits à la consommation, mais notre conviction, qui a guidé la rédaction de nos amendements, demeure intacte : le crédit à la consommation doit rester un acte volontaire, qui engage le consommateur et responsabilise le préteur.
C'était le sens de nos amendements, qui proposaient de limiter le démarchage pour le crédit renouvelable et d'interdire les liaisons dangereuses entre cartes de crédit et cartes de fidélité.
Les députés radicaux sont très soucieux de la protection des libertés publiques. Tout fichier comporte des risques, c'est la raison même de l'existence de la CNIL. Cette dernière a toujours manifesté une très grande prudence vis-à-vis du fichier positif – même limité à 10 millions de personnes et strictement encadré par la banque de France –, et notamment de l'utilisation du NIR comme identifiant.
Je comprends l'argument selon lequel les libertés publiques sont davantage menacées par les fichiers privés ou par les nouvelles technologies. C'est d'ailleurs l'objet du dernier rapport de la CNIL. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour justifier la création d'un nouveau fichier, laquelle n'est jamais sans risque.
La disproportion qui existe entre l'objectif poursuivi par le fichier positif et la lourdeur du dispositif prévu fonde également notre opposition à ce fichier.
Certes, l'obligation de consulter le registre avant d'accorder un crédit à la consommation permettra de rationaliser et de responsabiliser la distribution du crédit en France. Les cas d'abus déraisonnables – les consommateurs disposant de très nombreux crédits renouvelables – seront ainsi limités.
Mais la lourdeur, les complexités techniques de mise à jour, et surtout le coût du fichier positif sont clairement disproportionnés.
Cet argent pourrait être mieux employé pour l'éducation à la gestion ou l'accompagnement de personnes surendettées. Une infirme partie du coût du fichier suffirait à financer une proposition qui me paraît prioritaire, et qui consisterait à nommer un référent social en cas de dépôt d'un dossier de surendettement, pour un meilleur soutien aux personnes qui se trouvent dans un état de détresse financière, psychologique et sociale.
Lutter contre le surendettement passe aussi par l'éducation. La proposition du rapport du Sénat visant à la mise en place des modules d'éducation budgétaire à la fin du primaire, du collège et du lycée nous paraît également prioritaire et bien moins coûteuse.
Au final, je crois que le fichier positif ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. Je tenais à exprimer la conviction des députés RRDP et à dire clairement notre désaccord avec le Gouvernement sur ce sujet, désaccord qui ne remet nullement en cause notre position sur la loi dans sa globalité.