Intervention de Valérie Boyer

Séance en hémicycle du 25 juin 2013 à 15h00
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter de problématiques éminemment délicates reposant sur un juste équilibre entre protection des droits des consommateurs et préservation du dynamisme économique.

Or force est de constater que le texte socialiste fait l'impasse sur un certain nombre de sujets qui constituent à mon sens une priorité. C'est pourquoi j'ai souhaité déposer plusieurs amendements visant à améliorer la protection du consommateur-locataire en donnant une définition législative précise de la location meublée et en l'assortissant de l'obligation pour le propriétaire de produire un certificat d'habitabilité à la signature du bail, et en encadrant la pratique des vendeurs de listes qui, en dépit de la loi Hoguet de 1970, continuent à exiger le paiement avant même l'exécution du service de fourniture des listes de logements.

Nous nous souvenons tous des images de certains drames causés par les activités sans scrupule de véritables marchands de sommeil. J'ose croire qu'un meilleur encadrement législatif permettra d'en réduire la survenance.

Je constate également que le Gouvernement socialiste peine dans ce texte à faire preuve de créativité, d'inventivité et peine davantage encore à reconnaître quand celles-ci n'émanent pas de leur famille politique.

Je veux parler ici de ma proposition de loi visant à rendre obligatoire la mention « photographie retouchée » sur les photographies de personnes dont l'apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d'image. Les enjeux ici sont au-delà des enjeux sanitaires, car il y a une distorsion de la réalité. Les publicitaires donnent à voir des corps qui n'existent pas tout en faisant croire qu'ils existent ainsi, mais les enjeux relèvent également de la protection du consommateur. Par exemple, les supports publicitaires qui vantent les mérites des produits de beauté et, dans le même temps, mettent en scène des photographies retouchées donnant à voir des corps transformés amènent le consommateur à imputer au produit le résultat montré en photographie alors même que celle-ci a fait l'objet d'une retouche par logiciel de traitement de l'image. Il en va de même pour tous les produits.

L'article L. 121-1 du code de la consommation protège d'ores et déjà les consommateurs des pratiques commerciales trompeuses lorsqu'elles reposent sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir les résultats attendus de son utilisation. Par ailleurs, la jurisprudence a déjà eu l'occasion de se pencher sur des cas de publicité trompeuse ou mensongère mettant en cause des illustrations retouchées. Je citerai à cet égard l'arrêt de la cour d'appel de Paris chambre 13 section B, du 5 décembre 1997, et celui de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle 6, du 1er mars 2005. Pourtant, comme le relève l'avocate Ilana Soskin, dans les deux cas, l'efficacité du produit avait également été sujette à contestation, raison pour laquelle le grief de publicité trompeuse avait été retenu. Dès lors, qu'en est-il lorsque la photographie est retouchée, mais que le produit permet potentiellement le résultat escompté ? Il s'agit de protéger le consommateur qui peut être induit en erreur, surtout les plus vulnérables.

L'amendement que j'ai déposé vise précisément à clarifier cet aspect et à permettre une meilleure information du consommateur quant aux conditions de réalisation de la publicité quand bien même la publicité ne serait pas trompeuse.

Concernant le rachat des métaux précieux, j'ai obtenu la création d'un groupe d'études et en assure la présidence. La hausse spectaculaire du cours de l'or qui a plus que triplé a entraîné la multiplication des points de rachat : dans le contexte de crise économique, les Français sont de plus en plus nombreux à s'y rendre pour vendre leurs bijoux. Il y a également une multiplication de publicités pour le rachat d'or, qui proposent aux particuliers de vendre leurs bijoux en profitant de la hausse des cours, mais en ne les rachetant pas au cours de l'or.

La prise de conscience publique de la situation des marchés de l'or, et des métaux précieux en général, favorisée par cette publicité désormais diffusée via de nombreux médias – télévision, presse, Internet, relance téléphonique auprès des particuliers, notamment des personnes âgées – entraîne le développement de commerces dont les pratiques ne sont pas ou mal réglementées et permettent certains abus auprès des personnes les plus vulnérables ainsi que la recrudescence des vols à l'arrachée et la vente à des sociétés qui s'exonèrent du paiement des taxes, notamment la taxe de 8 %.

Il convient de mettre fin à ces pratiques. Des exigences doivent donc s'imposer à ces activités, l'objectif étant de faire obstacle à l'augmentation des vols de métaux précieux devenus très rentables pour les délinquants et hautement préjudiciables pour la société dans son ensemble. La violence liée à ces actes devient insupportable.

Si une interdiction générale de publicité se révèle très difficile à justifier, une réglementation stricte peut néanmoins être mise en oeuvre. D'autres secteurs commerciaux, à l'image des armes à feu, ont vu leurs droits à la publicité encadrés dans le but de protéger le consommateur. Il pourrait en être de même pour l'or. Cette protection est aujourd'hui nécessaire. Elle fera l'objet de la réflexion du groupe d'études. J'ai également souhaité déposer un amendement reprenant le dispositif de ma proposition de loi.

Je défends par ailleurs l'extension des indications géographiques protégées – IGP – aux produits manufacturés. À cet égard, nous avions eu un débat particulièrement intéressant au moment de l'examen de la loi Lefebvre et Roland Chassaigne avait alors approuvé mes propositions. Cela fait vingt ans que la question des IGP pour les produits manufacturés, industriels ou artisanaux, fait l'objet d'études et de débats par les pouvoirs publics.

Cette question est intimement liée à la protection de leurs noms par les collectivités territoriales. En effet, depuis Keynes, nous savons que le consommateur oriente son choix non seulement en vertu de facteurs objectifs, mais également subjectifs. L'image du produit pèse de manière déterminante dans son choix. Lorsque le consommateur choisit d'acheter des fraises du Périgord, des pruneaux d'Agen ou encore du miel de Provence, tous protégés au titre des IGP, il attend du produit qu'il présente une qualité, une réputation, une caractéristique qui puissent être liées à son origine géographique.

Quant aux produits manufacturés, la seule protection existant à ce jour est l'appellation d'origine – AO. Or seuls la poterie de Vallauris, la dentelle du Puy, l'émail de Limoges et les mouchoirs et toiles de Cholet en bénéficient. L'appellation d'origine est en effet très stricte ; la qualité ou les caractères du produit doivent être attribués essentiellement au milieu géographique.

Marseillaise et fière de l'être, j'ai alors compris que le savon de Marseille, symbole de notre patrimoine provençal, présent dans toutes les maisons marseillaises et au-delà dans le monde entier, cadeau traditionnel du touriste qui veut rapporter un souvenir de notre belle ville, n'était pas protégé et que quiconque pouvait utiliser la dénomination « savon de Marseille » sans respecter aucune de ses caractéristiques.

On a ainsi pu voir fleurir dans les boutiques de souvenirs des savons roses en forme de ballons de football estampillés Olympique de Marseille, parfumés de toutes les manières et déclinés de toutes les façons tant et si bien que le nom sur l'emballage « savon de Marseille » ne semblait plus rien vouloir dire, surtout lorsqu'ils étaient made in China.

Ce qu'il faut savoir et qui est assez spécifique avec le savon de Marseille par rapport à tous les autres produits français pouvant prétendre obtenir la future IGP, c'est que le cahier des charges auquel les producteurs devront se conformer pour obtenir l'IGP existe déjà et depuis fort longtemps. Il date de 1688 : l'édit de Colbert définit ainsi les conditions de fabrication du savon en Provence sans aucune graisse animale. Pour sa part, le décret de Napoléon Bonaparte du 22 décembre 1812 précise que la ville de Marseille possède une marque pour ses savons à l'huile d'olive constituée par un pentagone dans lequel apparaissent, en son milieu, les mots « huile d'olive », le nom du fabricant et celui de la ville de Marseille.

Enfin, deux arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence – celui du 28 décembre 1927, confirmé par la Cour de cassation le 24 octobre 1928, et celui du 12 novembre 1928 – disposent que la dénomination savon de Marseille s'applique à un produit bien déterminé fabriqué avec un mélange d'huiles végétales contenant, après la fabrication, approximativement 62 % à 64 % d'acide gras ainsi que de la résine, des alcalis combinés, de l'alcali libre, du chlorure de sodium, de la glycérine et de l'eau. Or, aujourd'hui, seules quatre savonneries se conforment à la recette traditionnelle. Elles ont eu l'intelligence de se regrouper en créant l'Union des professionnels du savon de Marseille et de se doter d'une charte qui reprend cette recette. Autrement dit, dès que ce texte sera voté, elles pourront bénéficier d'une indication géographique protégée car elles sont déjà prêtes.

Malheureusement, la santé économique de ces savonneries, qui font l'effort de respecter le produit et surtout de respecter le consommateur, est fragile.

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