Madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur, puisque Mme Taubira vient de faire un panorama cursif on ne peut plus complet des sujets dont nous aurons à débattre pendant quelques heures, je voudrais – précisément pour laisser la place au débat – aller à l’essentiel sur les sujets qui relèvent de ma compétence.Le texte que nous abordons ensemble s’inscrit dans le contexte très particulier du redressement de nos comptes publics. Puisque c’est dans cette enceinte comme au Sénat que l’on débat, année après année, des lois de finances, nous savons les efforts auxquels les Français sont appelés pour réussir le redressement de nos comptes dans un contexte de crise qui n’est pas sans leur imposer des souffrances. Par conséquent, il serait tout à fait absurde, incongru et injuste d’appeler les Français à contribution – car nous ne pouvons pas redresser nos comptes publics sans un effort collectif – et, dans le même temps, de laisser à l’écart de notre vigilance toutes celles et tous ceux qui, parfois depuis de nombreuses années, ne remplissent pas leur devoir de citoyen, en oubliant de s’acquitter de leurs impôts.Dans la crise, plus qu’à tout autre moment, le fait de s’acquitter de ses impôts est non seulement une manière d’accomplir son devoir de citoyen, mais aussi de garantir que les patrimoines de ceux qui n’ont rien, c’est-à-dire les services publics et la protection sociale, pourront être financés dans des conditions qui garantiront la pérennisation de notre modèle social.C’est la raison pour laquelle il est important que nous débattions de ces textes dont la garde des sceaux vient de rappeler excellemment le contenu à l’instant, et avec le souci de l’efficacité pour que ces sommes détournées depuis de très nombreuses années, parfois même depuis des décennies, puissent enfin être perçues par l’État au bénéfice de l’intérêt général et de la communauté nationale.Je voudrais beaucoup insister sur le fait que les premiers résultats, en matière de recouvrement d’impôts depuis longtemps détournés, sont là. Je vais donner quelques chiffres et rappeler quelques-unes des actions dans lesquelles nous sommes engagés depuis plus de douze mois.Tout d’abord, de 2011 à 2012, le nombre des droits et pénalités ayant vocation à être recouvrés par l’État est passé de 16 milliards d’euros à 18 milliards d’euros, augmentant donc de près de 2 milliards d’euros.Ces 2 milliards supplémentaires sont très significatifs. Lorsque l’on regarde la structure des 18 milliards, il apparaît qu’environ 14,3 milliards correspondent à des droits et 3,7 milliards à des pénalités. Notre objectif, à travers les dispositions nouvelles dont nous allons débattre, est d’aller plus loin dans le recouvrement des impôts dus à l’État, dans le cadre de la lute contre la fraude fiscale, en nous dotant des outils adéquats.Qu’avons-nous fait et que nous reste-t-il à faire ?Depuis un an, il a été pris un certain nombre de dispositions nouvelles, en loi de finances rectificative comme en loi de finances initiale, et à travers d’autres textes dont votre assemblée a eu à débattre. Ces dispositions se sont révélées très utiles pour lutter efficacement contre la fraude fiscale. Je veux en rappeler quelques-unes.Tout d’abord, pour ce qui concerne les particuliers, a été décidé en loi de finances rectificative pour ceux qui détiennent des comptes à l’étranger dont la traçabilité des sommes n’est pas susceptible d’être établie, que lesdits comptes seront taxés à hauteur de 60 %, taxation qui viendra s’ajouter aux nombreuses pénalités et autres impôts dont les contribuables indélicats sont redevables.Nous avons également décidé de prendre de nouvelles dispositions concernant les entreprises. Désormais, il n’appartiendra plus à l’administration fiscale de faire la démonstration des raisons pour lesquelles de grandes entreprises ont procédé à des transferts vers des filiales créées à l’étranger et éventuellement à des mouvements avec celles-ci : ce sera aux entreprises elles-mêmes de s’en expliquer.Nous avons également, grâce à la loi bancaire et aux amendements que vous avez adoptés, pris des dispositions nouvelles qui rendent beaucoup plus transparente l’activité du secteur financier et bancaire. Je pense à l’obligation de déclaration par les banques de toutes leurs filiales à l’étranger, de la description du contenu de l’activité de celles-ci et des mouvements qui transitent par elles. Je pense aussi à l’obligation faite désormais aux banques de rendre compte devant TRACFIN des mouvements suscitant la suspicion et susceptibles de faire l’objet d’investigations dès lors qu’ils sont portés à la connaissance de l’administration.S’ajoute à ces dispositions nouvelles qui concernent les particuliers, les entreprises et les banques, l’action résolue engagée par le Président de la République au plan international et au plan européen, action qui nous conduit à resserrer le dispositif afin que les fraudeurs aient la conviction qu’ils ne pourront plus échapper à la vigilance des États, qui coopèrent désormais entre eux. Je vais prendre, là aussi, quelques exemples en rappelant plusieurs des sujets que nous avons mis sur le métier et qui constituent autant d’étapes de notre agenda.Tout d’abord, la France souhaite que l’Union européenne, qui affirme très souvent sa vocation à être un marché intérieur, n’oublie pas que ses États doivent coopérer entre eux lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude fiscale. Quel serait le sens d’un grand marché au sein duquel nous n’avancerions pas sur le chemin de l’harmonisation fiscale et sociale ? Nous devons profiter des travaux en cours sur la directive « épargne » et la quatrième directive « blanchiment » pour harmoniser davantage notre fiscalité. À cet égard, les travaux menés sous l’autorité du commissaire Semeta sur l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne constituent une première étape que nous devons approfondir en étant à l’avant-garde, résolus et déterminés.Mais la France doit aussi profiter des discussions et des négociations en cours pour rendre possibles des conventions harmonisées d’échanges automatiques d’informations au sein de l’Union européenne. Cela permettrait de garantir à chaque État qu’il sera en situation de savoir exactement quels sont les avoirs de ses ressortissants déposés sur des comptes à l’étranger. Il importe que les conditions soient établies pour que l’Union élabore – car cela aura encore plus de force et de sens politiques – une liste des États et territoires non coopératifs européens, afin de montrer l’ambition de l’Europe, en tant qu’espace politique et pas seulement en tant que grand marché, de lutter contre la fraude fiscale.Il importe également que mandat soit donné à l’Union européenne, dès lors que ces conventions auront été signées, pour qu’elle puisse négocier avec les pays tiers des conventions de type FATCA, à l’instar de ce qu’ont fait les États-Unis avec plusieurs de leurs voisins. Nous disposerons alors, avec les conventions automatiques d’échanges d’informations, le dispositif FATCA et la liste des États et territoires non coopératifs, d’un ensemble de dispositions valant arsenal de lutte contre la fraude fiscale au plan européen mais aussi au plan international.Outre les dispositions nationales et européennes, des initiatives internationales ont été prises à l’occasion du récent G8. Nous avons en effet progressé – moins que nous ne l’aurions souhaité mais plus que si nous n’avions pas été à l’avant-garde – sur l’élaboration de mesures destinées à mettre en place le registre des sociétés dites trusts, lesquelles contribuent à l’opacité et accompagnent incontestablement les fraudeurs…