Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 26 juin 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt, rapporteur :

Le nécessaire redressement de nos comptes publics et le respect de nos engagements européens supposent une approche globale des finances publiques, consacrée par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Le Gouvernement doit présenter en application de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur les orientations des finances sociales qui peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le débat d'orientation des finances sociales a toujours été concomitant au débat d'orientation des finances publiques, et se fonde sur un rapport commun à celui sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques mentionné à l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Par ailleurs, le débat d'orientation des finances publiques intervient peu de temps après la réunion de printemps de la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui a eu lieu le 6 juin dernier. Mon rapport peut donc s'appuyer sur les résultats de l'année 2012 et les prévisions actualisées par la commission pour 2013.

La présentation de la Commission des comptes de la sécurité sociale a montré que les mesures votées en 2012 ont permis un redressement important des finances sociales en 2012, mais que l'augmentation du chômage en 2013 contrarie cette trajectoire en diminuant les recettes de la sécurité sociale.

Le débat d'orientation des finances publiques pour 2014 doit donc permettre d'examiner comment ramener nos comptes sociaux à l'équilibre sans compromettre la reprise économique espérée l'an prochain. La recherche d'une trajectoire de retour à l'équilibre est en effet un impératif moral vis-à-vis des générations futures. C'est aussi une question de souveraineté : le niveau très élevé de la dette publique et le poids de la charge de la dette dans les comptes publics nous rendent extrêmement vulnérables à une hausse éventuelle des taux d'intérêts pratiqués par nos créanciers.

Enfin, il s'agit de respecter nos engagements vis-à-vis de nos partenaires de la zone euro.

À cet égard, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012 à Bruxelles, a renforcé la discipline budgétaire et la coordination des politiques économiques. Nous sommes donc en continuité des engagements anciens de l'État français. Le traité prescrit aux États signataires de se fixer un objectif de solde structurel ne pouvant être inférieur à - 0,5 % du PIB pour les États dont l'endettement public brut dépasse 60 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui est notre cas.

Aussi la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques met en oeuvre ce traité en le transposant dans notre droit interne. Elle prévoit que des lois de programmation des finances publiques traceront le chemin du retour à l'équilibre structurel, sous la surveillance d'un Haut Conseil des finances publiques qui pourra donner l'alerte en cas de déviation de la trajectoire. La loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 fixe, pour l'ensemble des dépenses publiques, l'objectif d'un solde structurel supérieur ou égal à - 0,5 % du PIB en 2015, et l'objectif d'un équilibre structurel à partir de 2016. L'objectif pour fin 2013 est de - 1,6 % du PIB.

Le rapport préparatoire transmis par le Gouvernement révise l'objectif pour fin 2013 à - 2 %, compte tenu de la conjoncture économique, dans la ligne du programme de stabilité. Cela reste un niveau de déficit structurel jamais atteint depuis 2000.

Pour 2014, le Gouvernement prévoit la poursuite de l'effort structurel, à un rythme moins rapide de un point de PIB, porté à 70 % par des économies en dépenses. L'effort se poursuivra sur la période 2015-2017 pour permettre à la France de revenir à l'équilibre structurel en fin de période, conformément à la loi de programmation. Les administrations de sécurité sociale doivent participer à cet effort structurel à hauteur de 5 milliards d'euros en 2014.

Venons-en aux comptes sociaux proprement dits.

Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est passé de 20,9 milliards d'euros en 2011 à 17,5 milliards d'euros en 2012 et ce solde sera maintenu en 2013.

D'importants efforts structurels en recettes et en dépenses ont donc sensiblement redressé les comptes sociaux en 2012. En 2013, les dépenses sont toujours bien maîtrisées mais les recettes pâtissent du ralentissement de la croissance de la masse salariale, si bien que la trajectoire de redressement des comptes devrait connaître un palier. La poursuite des réformes structurelles en 2014 devrait permettre de poursuivre l'amélioration du solde structurel sans compromettre la reprise économique.

L'exécution des comptes 2012 a finalement été conforme aux objectifs de la loi de financement grâce aux mesures de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 qui a prévu la hausse du forfait social, l'augmentation des prélèvements sociaux sur le capital et la hausse des impositions sur les stock-options. Les produits du régime général ont augmenté de 4,4 % en 2012. Le supplément de recettes correspondant aux nouvelles mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et de la loi de finances rectificative est estimé à 7 milliards d'euros en 2012.

Les dépenses de santé ont été bien maîtrisées en 2012, avec une sous-exécution de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 860 millions d'euros de moins que l'objectif fixé en loi de financement, écart presque intégralement imputable aux soins de ville. On observe également que les comptes des hôpitaux se sont globalement améliorés.

En 2013, la faible progression de la masse salariale freine le redressement des comptes. Selon les prévisions économiques, le produit intérieur brut ne croît que de 0,1 % en 2013 et la croissance de la masse salariale qui sera de 1,3 % est en retrait de un point par rapport aux prévisions initiales. En revanche, l'inflation escomptée à 1,75 % ne sera que de 1,2 %.

Les recettes sont inférieures de 3,4 milliards d'euros aux prévisions initiales, avec 4 milliards d'euros de moindres recettes fiscales et sociales, en partie compensés par une augmentation des transferts du FSV de 600 millions d'euros au titre de la prise en charge des cotisations chômage.

Ce sont, au total, 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour le régime général et le FSV qui sont liées aux mesures de la loi de financement pour 2013 et du collectif budgétaire de l'été 2012.

Ainsi, les cotisations nettes devraient augmenter de 3,2 % en 2013. En revanche, les recettes de CSG ne progresseraient que de 0,8 % (après + 3,9 % en 2012) en raison de l'atonie des revenus d'activité et d'une répartition de la CSG défavorable à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS).

En définitive, l'évolution des soldes des différentes branches de la sécurité sociale entre 2012 et 2013 est contrastée. Le déficit de la branche maladie augmente de 2 milliards d'euros en 2013, atteignant 7,9 milliards d'euros au lieu de 5,2 milliards d'euros prévus en loi de financement. Le déficit de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), après une stabilisation en 2011 et 2012 autour de 2,5 milliards d'euros, s'accroîtrait de 700 millions d'euros en 2013, du fait du freinage marqué de la croissance des recettes de cotisations et de CSG qui constituent 83 % des recettes de la branche famille. En revanche, l'amélioration du solde de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) se poursuit en 2013.

Les incertitudes de l'année 2014 se traduisent par une baisse limitée des déficits des dépenses publiques, qui passent de - 4,8 % du PIB en 2012 à - 3,7 % en 2013 pour l'ensemble des administrations publiques. Pour la sécurité sociale, il reste stable à - 0,6 % du PIB puis diminuerait progressivement et l'équilibre serait atteint en 2016.

Vous savez les polémiques qui opposent au Gouvernement, sur ce sujet, le Président de la commission des finances de l'Assemblée. Elles devraient être résolues par l'audition prochaine de la Cour des comptes.

Ces projections reposent sur l'hypothèse d'un taux de croissance de 1,2 % en 2014 et de 2 % par an à partir de 2015, soit un chiffre légèrement supérieur à la croissance potentielle évaluée à 1,5 % en moyenne.

L'objectif de retour à - 3 % de déficit public effectif en 2013, fixé par la loi de programmation des finances publiques, a été repoussé à 2014 par le programme de stabilité. La Commission européenne a néanmoins accepté d'accorder un délai supplémentaire d'un an à la France. En revanche, ce délai n'autorise aucun relâchement de l'effort structurel de réduction du déficit.

Des mesures structurelles doivent donc être prises afin de corriger la trajectoire des finances sociales. En dépenses comme en recettes, elles doivent permettre de ramener les comptes sociaux à l'équilibre tout en préservant notre modèle social.

Concernant les dépenses d'assurance maladie, la croissance de l'ONDAM devrait être ramenée à 2,6 % en 2014 (contre + 2,7 % en 2013) puis 2,5 % les années suivantes. Ralentir la progression de l'ONDAM de 0,1 point représente un effort d'environ 175 millions d'euros par rapport à 2013 – mais aux alentours de 3 milliards d'euros par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses de santé.

La sous-exécution de l'ONDAM en 2012, et vraisemblablement aussi en 2013, montre que cette maîtrise des dépenses de santé est réaliste. On peut s'interroger sur la pertinence du maintien de taux de progression équivalents entre dépenses de soins de ville et dépenses hospitalières alors que les dépenses de soins de ville sont mieux maîtrisées, comme en témoigne leur sous-consommation en 2012. Je suggère que les sous-consommations soient partiellement réinvesties dans l'amélioration de l'offre de soins dans les zones de faible densité, dans le développement de la télémédecine, dans la rémunération à la performance des médecins ruraux, etc.

En ce qui concerne l'hôpital, la stratégie nationale de santé vise à structurer le système de santé autour de la notion de parcours de soins, en donnant sa juste place à l'hôpital. Cela suppose de décloisonner les secteurs des soins de ville, des soins hospitaliers et le secteur médico-social. Les améliorations en ce sens renforcent l'efficience de la gestion, à l'image du logiciel « Trajectoire » qui est un outil d'aide à l'orientation pour mieux transférer des patients en court séjour à l'hôpital vers les soins de suite et de réadaptation. Lancé en 2008 à Lyon, il s'est étendu à la quasi-totalité des régions. Ce type d'amélioration de l'efficience peut englober également l'hospitalisation à domicile et le secteur médico-social.

L'amélioration de la gestion des lits passe aussi par une rationalisation et une harmonisation des systèmes d'information hospitaliers. Il faudrait mettre en oeuvre des règles d'homologation et d'interopérabilité des systèmes. Certaines formules coopératives existent déjà dans quelques villes : il faut que ce genre de méthodes se généralise au niveau régional, dans la mesure où elle favorise l'efficience.

Je vous propose également que le Fonds d'intervention régionale (FIR) soit conforté, afin de permettre aux agences régionales de santé de mener une politique régionale d'organisation des soins.

Le débat doit s'ouvrir sur les dépenses de médicaments : vous avez eu connaissance de propositions diverse, parfois peu crédibles… Je propose des pistes de réflexion et souhaite rappeler que le développement des approches thérapeutiques personnalisées, basées sur les progrès réalisés en matière de génomique et de biomarqueurs, impose un nouveau modèle médico-économique pour contenir l'envolée du coût des médicaments innovants.

La gestion des dépenses de retraites a occupé nos travaux récemment. En ce qui concerne l'ensemble des régimes de retraite obligatoires de base et complémentaires, les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) publiées en décembre 2012 montrent que le besoin de financement total atteindra de l'ordre de 20 milliards d'euros en 2020, malgré la réforme de 2010 dont l'objectif était l'équilibre à cet horizon.

Pour la branche famille, l'économie nette des mesures présentées par le Gouvernement doit être d'environ un milliard d'euros, ce dont le programme de stabilité présenté en avril tient déjà compte.

Des propositions supplémentaires pourraient être faites pour moduler le montant d'un certain nombre d'autres allocations, en fonction des revenus, dans un esprit de redistribution et de justice sociale : je pense au complément de mode de garde par exemple.

Enfin, le recours à des appels d'offre ouverts et impartiaux concernant les systèmes d'information devrait permettre à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) de réaliser de substantielles économies de fonctionnement. J'ai noté que nos deux coprésidents de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) s'en étaient souciés à l'occasion d'une récente audition.

Il convient en outre de renforcer et de simplifier les recettes de la protection sociale : il faut accroître la lisibilité des prélèvements et des recettes affectées car un prélèvement simple jouit d'une plus forte acceptabilité. Ce doit être le cas en particulier pour la branche famille.

Des mesures supplémentaires de réduction des niches fiscales et sociales pourraient compenser en partie le moindre rendement des mesures de recettes mises en oeuvre en 2013.

En matière de niches, je souhaite que soit revue la situation des travailleurs frontaliers, lorsque la mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection des finances rendra ses conclusions au cours de l'été.

En matière de taxes comportementales, l'action sur l'alcool et le tabac doit être poursuivie. Le rapport d'étape de juin 2013 du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale fait le point sur la complexité de ce type de recettes. La prochaine loi de financement devra permettre d'opérer les clarifications nécessaires.

Enfin, sur la question de la dette de la sécurité sociale, les déficits de la branche vieillesse sont repris chaque année jusqu'en 2018 par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) en vertu de la loi de financement pour 2011, dans le cadre de la réforme des retraites de 2010.

En revanche, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) accumule les déficits des autres branches. La loi de financement pour 2012 avait fixé son plafond de trésorerie à 22 milliards d'euros. Cette limite a été respectée, avec un point bas de trésorerie qui s'est établi à - 18,4 milliards d'euros. Je rappelle l'importance de ce non-dépassement du plafond : l'ACOSS a en effet initialement bénéficié de l'ouverture de lignes de crédits privilégiées de la part de la Caisse des dépôts et consignations.

En juin 2013, la CADES devrait reprendre 7,7 milliards d'euros à la CNAV et au FSV. Toutefois, la trésorerie de l'ACOSS devrait atteindre un point bas à - 27,8 milliards d'euros, sans dépasser le plafond de trésorerie fixé à 29,5 milliards pour 2013.

L'accumulation de ces déficits pose inévitablement la question de leur reprise par la CADES, ou, pourquoi pas, par le budget de l'État, comme c'était le cas avant 1996.

Dans le cadre des dispositions organiques en vigueur, les transferts de dette à la CADES doivent s'accompagner d'un relèvement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Une autre solution consiste à repousser l'échéance de remboursement de la dette, comme ce fut le cas lors du report de quatre ans de cette échéance. Cette mesure n'a pourtant d'autre effet que de reporter sur les générations futures le paiement des dépenses d'aujourd'hui.

Le Gouvernement doit donc apporter une réponse à la question de la dette qui s'accumule sur le compte de l'ACOSS.

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