Nous avons produit et distribué La Vie d'Adèle, Palme d'or au dernier festival de Cannes. Une part significative des films récompensés avait d'ailleurs bénéficié d'un financement français. Cette force du cinéma français s'explique en grande partie par le mécanisme de soutien mis en place depuis de nombreuses années.
Plusieurs calendriers se croisent en ce moment : celui de la défense de l'exception culturelle et de la résolution qui vient d'être votée, celui du projet de communication de la Commission européenne, celui des suites qui seront données au rapport de Pierre Lescure, celui des assises du cinéma, auxquels s'ajoute le changement radical du modèle de diffusion des oeuvres avec le développement du numérique, dans les salles comme sur les autres supports. Tous ces débats vont probablement bouleverser les conditions de production et d'exploitation des films dans les années qui viennent.
Le syndicat des Distributeurs indépendants réunis européens (DIRE) regroupe treize distributeurs et détenait, en 2012, 17 % du marché des salles de cinéma de France, soit environ 34 millions d'entrées et 140 films : 46 % étaient français, 25 % européens, 15 % américains et 14 % en provenance du reste du monde. Tandis que les chiffres du box-office national donnent, en répartition comparable, 40 % de films français, 45 % de films américains et 15 % pour tous les autres. Cela devrait inciter les distributeurs indépendants à se concentrer sur les films purement français ou américains : s'ils ne le font pas, c'est justement parce notre système de soutien leur permet une programmation conforme, non à leurs intérêts commerciaux immédiats, mais à l'exception culturelle européenne. Toute remise en cause de ce système basculerait donc le secteur de la distribution dans le mercantilisme ordinaire.
Il faut aussi tenir compte de l'exportation de notre cinéma. Si je m'en tiens à l'expérience de Wild Bunch, j'observe que nous avons présenté quarante et un nouveaux films en prévente à l'ensemble des acheteurs étrangers potentiels, dont vingt-quatre films français, dix films européens (soit 25 % de notre catalogue), cinq films américains et deux films venus d'ailleurs. Les sociétés françaises d'exportation de films sont les plus importantes au monde après les sociétés américaines, toujours grâce à cet ensemble de mesures d'aides publiques.
Pour le rendre encore plus performant, il faudrait aussi combattre la lourdeur des procédures administratives qui handicape la mise en place rapide de coproductions européennes, et réviser la chronologie des médias en fonction des résultats que nous fournirons les quelques expériences en cours afin de mesurer ses éventuelles modifications : notre profession n'est plus aussi arc-boutée qu'elle le fut sur cette question sensible.
Enfin, on ne parle pas assez des problèmes soulevés par les pratiques de piratage des oeuvres. Des pans entiers de l'industrie cinématographiques se sont ainsi effondrés, notamment en Espagne et en Italie. Des mesures ont déjà été prises pour lutter contre ce fléau, mais il faudra aller beaucoup plus loin.