J'interviens ici en tant que représentant des salles, là où les films bénéficient de leur première et de leur plus spectaculaire exposition, comme de leurs premières recettes, qui déterminent largement la suite du circuit financier d'exploitation. Nous sommes donc parfaitement solidaires du secteur de la production lorsqu'il défend sa diversité, point fort de l'attrait des salles pour le grand public.
L'Europe compte 30 000 écrans de cinéma, ce qui est beaucoup par rapport au reste du monde. Les salles ont accompli, au cours des dernières années, de remarquables efforts de modernisation et d'adaptation au numérique, pour environ 3 milliards d'euros.
La chronologie des médias, qui repose sur la primauté de la sortie en salles, reste pour nous un important facteur de maintien et de développement. Le système n'est certes pas verrouillé au détriment des autres supports, mais si, demain, les films étaient privés de leur premier espace d'exposition, l'industrie du cinéma entrerait dans un déclin irrémédiable. Prenons l'exemple de La Vie d'Adèle, projeté à Cannes sur un écran de 20 mètres de large et bientôt proposé ainsi dans nos salles. Ramené aux petits écrans des téléviseurs, des ordinateurs et des tablettes, le film perdra sa dimension spectaculaire. N'oublions jamais que le cinéma, industrie publique du spectacle, a besoin de supports adaptés au lancement de ses oeuvres, à la fois pour leur qualité et pour leur convivialité.
C'est pourquoi le secteur de la distribution cinématographique s'est d'emblée et activement solidarisé avec la démarche des producteurs, qu'il s'agisse de l'Union internationale des cinémas (UNIC), qui représente tous les exploitants de salles d'Europe, d'Europa Cinémas, réseau des salles de cinéma pour la diffusion des films européens, ou de la Confédération internationale des cinémas d'art et d'essai (CICAE).
Les salles de cinéma sont évidemment libres de leur programmation, offrant ainsi aux films américains, notamment des majors, entre 60 et 65 % du marché. Notre réseau compte 2 200 écrans pour l'ensemble de l'Europe. La plupart relève de salles indépendantes, mais certaines appartiennent à des circuits qui ont fait des choix de programmation : l'année dernière, 63 % des séances étaient consacrées à des films européens.
Nous tenons beaucoup à la circulation des oeuvres, condition indispensable à la diversité de la production et, partant, à la satisfaction d'un important public de cinéphiles.
Le programme européen MEDIA a, pendant vingt ans, à raison de 10 à 12 millions d'euros par an, soutenu l'exploitation du cinéma en salles, certes avec de petites sommes unitaires, mais néanmoins déterminantes à certains moments. S'y ajoutent des aides nationales et régionales, qu'il faut aussi conserver.
Le secteur de la distribution souffre cependant de quelques fragilités. Il s'est effondré en Espagne avec la disparition de 180 salles d'art et d'essai. Il se porte mal en Italie et au Portugal. Dans bien des pays, les salles ne survivent que grâce aux installations de multiplex.
Le cinéma d'auteur propose chaque année un peu plus de 1 000 films en Europe. La diversification des salles de cinéma doit rester à la hauteur de celle de la création.