C'est une assez bonne surprise de constater que des salles de cinéma, dans de nombreux pays du monde, présentent des films européens. L'hégémonie du cinéma américain existe, certes, mais on ne peut tout y ramener. Il y a partout dans le monde un public qui aime le cinéma d'auteur.
Sans doute faut-il agir en faveur d'une diversification de la diffusion, car les multiplexes sont généralement occupés par un certain type de cinéma. Le réseau Europa Cinemas rassemble en majorité des salles indépendantes et il présente des oeuvres de tous les pays du monde. Le cinéma vient du monde entier, c'est ce qui fait sa force.
Cela dit, si on demande aux salles de faire un effort en matière de diversification, il convient de respecter la chronologie des médias. Cinéphile avant d'être exploitant et distributeur, je pense qu'il est essentiel que les salles conservent la capacité à donner au film sa vraie dimension. Si nous permettions une diffusion simultanée en salle et sur les ordinateurs ou les tablettes, nous ferions paradoxalement le jeu du cinéma américain qui, lui, est très attaché à la chronologie des médias, sachant qu'un film doit d'abord être bien exposé en salle pour être bien rentabilisé ensuite sur d'autres supports. Le cinéma européen ne doit pas se rapetisser en laissant entendre qu'il ne vaut peut-être pas tout à fait le grand écran et qu'un petit écran pourrait faire aussi bien l'affaire. Une telle dérive serait fatale aux cinéastes européens, qui ont besoin de s'exprimer sur grand écran et dont les oeuvres doivent avoir accès aux salles.
Les salles de cinéma sont capables d'assurer cette diversité qui est aussi une nécessité pour elles – le spectateur, bien entendu, ne veut pas se voir proposer un seul produit. Aussi faut-il respecter l'étape de la salle. Un film qui quitte les écrans perd une dimension. Non que la diffusion en format réduit et démultiplié ne soit pas utile, mais il faut conserver la priorité de la salle.