Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 3 juillet 2013 à 21h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur -interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au parlement européen — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Dans Le Populaire d'août 2012, elle affirmait : « J'estime qu'il est préférable que les parlementaires émanent du terrain plutôt que d'un système technocrate de partis imposants leurs candidats. » Elle ajoutait : « Martine Aubry fait de la démagogie ».

De même, notre collègue Jean-Pierre Fougerat, suppléant de M. le Premier ministre, affirmait en septembre 2012 dans les colonnes de 20 minutes : « Imaginez que Jean-Marc Ayrault redevienne député ; il faut faire attention à ce qu'il n'y ait pas un jour des parlementaires coupés des réalités ». Voilà des paroles de parlementaires proches des plus hautes autorités de l'État qui me semblent frappées au coin de la sagesse et du bon sens. Nous sommes en réalité une majorité à les partager au sein de cet hémicycle – peut-être pas ce soir, mais lorsque nous sommes au complet –, même si nous verrons lors de l'étude de ce texte à quel point l'exécutif sait tordre le bras aux plus réticents de la majorité.

Et ne vous cachez pas, monsieur le ministre, en opposant l'intérêt national censé être représenté par les partis, par les appareils, à ceux qui tirent leur légitimité de la gestion de leurs territoires. Une fois ôtés les masques de l'hypocrisie, nous savons tous ici combien les appareils politiques doivent aujourd'hui tenir compte du poids électoral et de la force de leurs grands élus locaux dans la désignation de leurs candidats. Ces appareils seront libérés de ce poids demain, particulièrement s'agissant des élections législatives.

Pis encore, si les élus locaux continuaient à peser électoralement sur la désignation des députés, cela reviendrait à faire d'un grand nombre d'entre eux de simples commettants de leurs soutiens locaux ; des espèces de super-sénateurs.

Si l'on ajoute à cela les règles de financement des campagnes électorales dans notre pays, où le Président de la République ne peut faire campagne et être élu qu'avec l'aide du financement du parti politique qui le soutient, parti qui lui-même reçoit l'essentiel de ses ressources du financement public lié aux élections parlementaires, on constate alors un renforcement considérable du pouvoir du Président de la République sur les députés de sa majorité, un véritable corsetage déjà à l'oeuvre et que l'exécutif souhaite aggraver en rendant les parlementaires encore plus dépendants de lui. Et vous allez y consentir !

Le quinquennat – présenté à l'époque comme une grande avancée démocratique – et ses conséquences sur le calendrier électoral ont ainsi réduit l'Assemblée nationale et Matignon à des annexes de la présidence. Avec votre projet de loi, vous vous apprêtez à porter le coup de grâce à ces institutions.

Dans le système institutionnel tel qu'on le connaît aujourd'hui, et plus encore depuis la réforme du quinquennat, la présence au Parlement de présidents d'exécutifs locaux est ainsi un atout, et même une nécessité, pour notre démocratie face à la concentration à outrance du pouvoir dans les mains du Président de la République. Affirmer le contraire serait nier la réalité.

Pour nous, cette présence d'élus locaux au Parlement est nécessaire à double titre.

D'une part, le statut de ces élus ne dépend pas du seul mandat parlementaire. Ainsi, face au pouvoir exécutif, ils ont plus de puissance et d'indépendance qu'ils n'en auraient face à leur parti politique s'ils n'avaient qu'un seul mandat.

D'autre part, alors que notre culture politique est trop faite d'affrontements, dont le paroxysme est atteint lors de l'élection présidentielle, il serait malsain que, dans la foulée de cette dernière, les députés ne soient élus que sur une base partisane, sans réel ancrage local. Si vous souhaitiez d'ailleurs éviter, même partiellement, cet écueil, vous devriez accepter nos amendements prévoyant que les élections législatives et présidentielle aient lieu les mêmes jours. Cela aurait au moins l'avantage de libérer le premier tour de la pression de l'élection présidentielle.

À y regarder de près, l'exception française du cumul des mandats n'est donc pas une anomalie au regard des pratiques des autres démocraties, mais une réponse adaptée et nécessaire au système institutionnel de ce pays.

Face à la concentration extrême des pouvoirs entre les mains du Président de la République, le cumul entre un mandat de parlementaire et celui d'un exécutif local contribue, sans doute de façon insatisfaisante, à l'équilibre des pouvoirs et permet souvent à nos débats de sortir de l'idéologie pour remettre les pieds dans la réalité vécue par les élus locaux et nos concitoyens. Vous le savez, monsieur le ministre, puisque vous avez été maire et parlementaire pendant dix ans.

Je garde le souvenir du jeune Manuel Valls, député, lors du débat sur la LOPPSI.

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