En 2011, au terme de quelque 170 auditions, nous avions présenté un rapport d'information expliquant l'histoire, l'utilité et le fonctionnement du G20. Nous y formulions aussi de nombreuses propositions ; plusieurs d'entre elles se sont d'ailleurs concrétisées dans la déclaration finale du sommet de Cannes, qui, rappelons-le, s'est tenu à Cannes les 3 et 4 novembre 2011.
Compte tenu du mode de fonctionnement du G20, le pays qui exerce la présidence annuelle dispose d'une certaine latitude pour orienter la réflexion, en fonction de sa sensibilité à certaines thématiques et de l'actualité économique.
La présidence française a d'abord été l'occasion d'approfondir les dossiers du « coeur de métier » du G20, à savoir les questions économiques, qu'il s'agisse de la régulation des marchés financiers et des activités bancaires, de la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives, de la lutte contre la corruption ou du commerce international.
Tous ces sujets font notamment l'objet d'implémentations réglementaires des deux côtés de l'Atlantique : en Europe, dans le cadre du projet d'Union bancaire porté par le commissaire Barnier ; aux États-Unis, avec le Dodd-Frank Act et ses multiples textes réglementaires dérivés.
Mais le volontarisme français a aussi permis, à cette occasion, de creuser de nouveaux sillons de régulation, ayant trait à la refonte du système monétaire international, à la lutte contre la volatilité excessive des prix des matières premières et à la recherche de financements innovants en faveur de l'aide au développement, sans oublier le début d'une réflexion commune sur l'harmonisation universelle des normes sociales.
Le succès obtenu sur le dossier agricole est sans doute le plus probant : premièrement, un système d'information sur les marchés agricoles, dit « AMIS », a été créé pour coordonner la collecte et l'analyse des principales données mondiales sur la production, la consommation et les stocks, et aider les pays en développement à renforcer leurs capacités d'analyse des marchés ; deuxièmement, un Forum de réaction rapide a été mis sur pied pour prévenir et gérer les crises de marché de façon coordonnée.
Toutefois, sous la pression du contexte économique et financier, le G20 semble courir inexorablement après la crise qui sévit depuis sa création sous sa forme actuelle, en 2008.
La présidence mexicaine de 2012 s'est avérée un millésime moins ambitieux que celui de l'année précédente et son bilan traduit une session de transition, avec l'appauvrissement du nombre de filières ministérielles actives.
Les relations très tendues entre la France et le Mexique, à l'époque, à cause de l'affaire Florence Cassez, laissaient craindre un passage de témoin délicat entre les deux pays. Les deux pays ont en réalité fait preuve d'esprit de responsabilité pour que le G20 ne soit pas perturbé par un sujet complètement étranger aux questions économiques.
En revanche, le contexte intérieur mexicain a un peu tronqué la présidence du G20 en 2012. L'élection du Président et le renouvellement des deux chambres du Congrès ont en effet eu lieu le 1er juillet 2012, ce qui a conduit le Président sortant à programmer le sommet du G20 les 18 et 19 juin, alors que cet événement constitue en principe l'apogée d'une présidence.
Le Mexique, de surcroît, a théorisé le repli du G20 sur deux filières – celle des sherpas et celle des ministres des finances –, tandis que la France, l'année précédente, avait au contraire cherché à démultiplier le travail pour s'attaquer avec efficacité aux différents aspects de la mondialisation.
Ce changement de cap montre que l'institutionnalisation du G20 demeure toute relative. L'absence de consensus sur l'intérêt qu'il y aurait à mettre en place un secrétariat permanent nuit à la continuité de l'oeuvre régulatrice et ne permet pas d'optimiser la veille à exercer sur les politiques nationales. Le suivi des travaux du G20 repose sur l'efficacité de la collaboration entre les pays de la troïka, sur l'expertise des organisations internationales et sur la coopération permanente entre les vingt administrations nationales, trois mécanismes qui, il faut en convenir, sont de mieux en mieux rodés.
En outre, les sommets annuels sont soumis à la dictature de l'urgence, qui impose de prendre en compte l'actualité pour éviter la survenance de nouvelles crises systémiques. Ce phénomène a été particulièrement visible au sommet de Cannes, qui est intervenu au plus fort de la crise des dettes souveraines européennes.
La présidence russe du G20, en 2013, marque une nouvelle étape importante du G20 car il s'agit du premier membre des BRICS – le groupe des cinq grands émergents – à prendre cette responsabilité.
La Russie, République fédérale constituée de 83 « sujets de la Fédération », est le pays le plus vaste du monde : ce « pays-continent » s'étend sur un territoire de 17 millions de kilomètres carrés, soit trente-trois fois la France. Avec 143 millions d'habitants, vivant principalement dans les grandes villes de la partie européenne du pays, il s'agit de la dixième puissance économique mondiale et du neuvième marché du monde.
Après une décennie 1990-1999 difficile, compte tenu de la remise à plat des fondamentaux économiques et d'une certaine instabilité politique liée à l'éclatement de l'empire soviétique, qui s'est achevée par un état de cessation de paiement, la Russie a connu un taux de croissance moyen de 7 à 8 % par an entre 2000 et 2008. Elle a ensuite été durement touchée par la crise, avec une récession de 8 % en 2009, puis a renoué très rapidement à la croissance, autour de 4 % par an entre 2010 et 2012.
Alors que le taux de croissance nécessaire pour assainir l'économie russe et achever la transition amorcée il y a deux décennies est évalué à 5 % par an, les derniers chiffres traduisent une atonie inquiétante. La situation s'est tellement détériorée que le spectre du scénario de 2008-2009 réapparaît : la crise mondiale et la chute des cours du pétrole avaient alors conduit le pays à une situation de défaut de paiement.
Les économistes que nous avons rencontrés à Moscou estiment que leur pays doit s'appuyer sur son environnement macroéconomique sain pour s'attaquer à une problématique économique fondamentale que l'on peut résumer en une phrase : relancer la consommation intérieure et réorienter les investissements pour actionner de nouveaux moteurs de croissance et ainsi s'extraire de la dépendance au pétrole.
La machine économique russe tourne en effet essentiellement grâce au produit de ses ressources naturelles, qui lui garantissent des résultats commerciaux très excédentaires mais ne l'incitent pas à prendre des mesures pour rendre son appareil productif plus compétitif.