S'agissant du mécanisme de surveillance unique, je rappelle que nous auditionnons demain matin le président de la BCE, auquel nous pourrons ainsi poser toutes les questions que nous souhaitons.
Alors qu'elle va mener cette nouvelle mission de supervision, la BCE va engager sa crédibilité, c'est pourquoi elle souhaite procéder auparavant à une « opération vérité » sur la situation des actifs bancaires des banques qui vont entrer dans son champ de compétence. On ne sait pas trop ce qui va sortir de cela. Des chiffres circulent, notamment celui de l'existence de 1000 milliards d'actifs dégradés sur l'ensemble de la zone euro. Cela soulève plusieurs problèmes, dont le risque de susciter une certaine inquiétude sur les marchés et la possibilité de procéder à des recapitalisations qui pourraient éventuellement s'avérer importantes. À cet égard, il convient de souligner que l'Allemagne ne veut pas s'engager dans une recapitalisation rendue nécessaire par les « dettes héritées » et estime que c'est aux États qu'il revient d'assumer cette charge.
Il ressort de notre déplacement en Allemagne que l'ensemble de nos interlocuteurs, du directeur d'administration au secrétaire d'Etat placé auprès de Wolfgang Schäuble, ont été très clairs : nous ne sommes pas pleinement engagés parce que la chancelière a pu déclarer ou écrire. C'est très étonnant pour nous, mais c'est le résultat de leur culture institutionnelle. Helmut Kohl n'avait-il pas déjà dit à François Mitterrand qu'il n'était que le primus inter pares ? Enfin, il y a peut-être une part de posture.
S'agissant de la résolution des banques, c'est-à-dire des mécanismes à mettre en oeuvre en cas de faillite d'une banque comme nous en avons adopté un avec la loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires, les discussions sur la proposition de directive relative à l'harmonisation de ces règles sont cours de finalisation et pourraient aboutir demain. L'objectif est d'harmoniser les mécanismes de renflouement interne ou « bail-in », en définissant notamment l'ordre d'appel à la contribution des créanciers privés, dont nous avons vu un premier cas à Chypre. Seraient ainsi d'abord appelés les actionnaires, puis les créanciers juniors puis les créanciers seniors. Tout le monde est d'accord qu'il faut protéger les dépôts inférieurs à 100 000 euros. En revanche, il y a des discussions sur les autres dépôts. L'Allemagne et les pays du Nord pensent que tous doivent contribuer. La France met en garde devant les risques de « bank run ». Elle souhaitait ainsi, au départ, une exclusion systématique des dépôts des particuliers et des PME supérieurs à 100 000 euros, mais plaide aujourd'hui pour une exclusion au cas par cas.
Toutefois, la résolution resterait au niveau national. Il conviendrait d'aller plus loin et de faire monter le sujet au niveau européen. Cela suppose la mise en place d'un mécanisme de résolution unique, reposant sur une autorité de résolution unique et un fonds unique de résolution. A terme, cela pourrait être le MES.
Un dernier point, à la croisée des sujets économiques et bancaires, celui des difficultés liées à la transmission de la politique monétaire. Cela recouvre la défiance des banques vis-à-vis de certains acteurs économiques, en particulier les PME, que l'on constate dans certains pays comme l'Italie. La BCE et la Banque européenne d'investissement travaillent à y remédier.
La dimension sociale de l'Union économique et monétaire (UEM) a été affirmée avec force à l'initiative de la France par le Conseil européen de décembre dernier. Il faut maintenir en tirer les conséquences en intégrant cette dimension relative aux politiques sociales et de l'emploi dans l'ensemble des processus mis en place dans le cadre de l'UEM.
L'idée qui préside à la mise en place des contrats de compétitivité et de croissance est de sortir de la logique punitive en privilégiant une logique de contractualisation. On en est encore au stade de la gestation. Des questions juridiques sont soulevées. L'Allemagne a une vision restrictive du champ qui doit être couvert et vise seulement les réformes structurelles. La France y voit surtout la préfiguration d'une capacité budgétaire.
En ce qui concerne enfin la gouvernance de la zone euro, des propositions ont été faites par la France et reprises dans la contribution franco-allemande, en particulier en ce qui concerne la mise en place d'un président stable de l'Eurogroupe. Les Pays-Bas l'ont forcément mal pris. La gouvernance de la zone euro soulève plusieurs questions : est-il justifié que le président du Conseil européen continue à présider les sommets de la zone euro ? Cela permettrait de renforcer la visibilité de la zone euro, ainsi que le Secrétaire général des affaires européennes nous l'a indiqué. Faut-il un président distinct pour l'Eurogroupe ? Le président de la zone euro doit-il être également le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires ?