Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 10 juillet 2013 à 15h00
Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

L'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 pose le principe que la loi doit être la même pour tous. Près de deux cent trente ans après, nous allons enfin supprimer l'insidieuse possibilité d'arranger des affaires personnelles au détriment de l'intérêt général : c'est le sens du nécessaire rétablissement de la prohibition explicite des instructions individuelles.

Le présent projet de loi organise également, de manière plus claire, la définition et l'exécution de la politique pénale. Nous devons revenir aux fondamentaux d'une politique déterminée par le ministre et appliquée par les parquets dans l'intérêt général.

La conduite de cette politique doit se faire dans la sérénité, loin de la frénésie textuelle qui avait agité le précédent quinquennat. Faut-il rappeler qu'en 2011, il arrivait près d'une circulaire d'instruction générale tous les trois jours dans les tribunaux ? Est-ce ainsi que l'on entend conduire une politique cohérente et intelligible ? Bien sûr que non.

En outre, ce texte sécurise notre droit vis-à-vis des règles européennes. Nous ne pouvions en effet continuer à prendre le risque de fragiliser le parquet dans son action. Il suffit de relire l'arrêt Medvedev de 2010 pour comprendre qu'une grande partie de nos procédures judiciaires pourraient être mises en péril au regard de la position européenne si nous ne précisions pas la place du parquet comme une entité hiérarchisée, certes, mais exempte de pressions individuelles.

C'est là tout l'équilibre de ce texte : l'opportunité des poursuites exige en retour le respect absolu de l'intérêt général et, vous avez raison, monsieur le rapporteur, le respect du principe d'impartialité.

Par ailleurs, la question de la transparence publique des instructions générales a fait l'objet d'un débat durant cet examen parlementaire. Au cours de la première lecture, il avait semblé logique aux députés du groupe SRC que les citoyens puissent accéder à ces informations ; c'était le sens de notre vote. Après nos débats et ceux du Sénat, nous nous en remettrons sans doute à votre sagesse, madame la garde des sceaux, même si, par le dépôt d'un amendement proposant de revenir au texte initial, nous souhaitons, à tout le moins, approfondir notre réflexion.

Ce projet de loi est important également parce qu'il organise méthodiquement une politique d'évaluation des objectifs et de leur mise en oeuvre effective. L'administration de la justice doit respecter le principe d'unité de la République.

Il importe donc d'apprécier l'exécution des politiques voulues par le Gouvernement ressort par ressort pour garantir le respect de l'égalité des citoyens devant la loi sur l'ensemble du territoire. Il est de plus essentiel, en cette période où l'argent public est rare et où le besoin de justice au sens le plus élevé du terme s'exprime avec une acuité particulière, de pouvoir évaluer concrètement les résultats de l'action des parquets.

Enfin, l'information du Parlement sur la mise en oeuvre de la politique pénale en vue d'un débat me paraît essentielle. À cet égard, je ne partage par les craintes d'ordre constitutionnel émises au Sénat quant à l'instauration d'un débat annuel au Parlement sur la politique pénale, débat qui me paraît indispensable.

J'irai même plus loin : de même que nous votons les missions budgétaires, de même l'Assemblée devrait s'engager plus avant dans la co-construction d'une politique judiciaire plus partagée.

Chers collègues, le Sénat a, si ce n'est dénaturé, en tout cas modifié significativement le texte que nous avions adopté en première lecture. Croyant en la sagesse de la Haute assemblée – pari pascalien sans doute –, croyant en tout dans l'intérêt du débat entre nos deux chambres, je crois qu'il est de notre responsabilité de rétablir le texte dans son économie générale, tel qu'issu de la première lecture.

Je renouvelle en tout cas, au nom du groupe SRC, notre attachement au principe d'une claire définition de la politique pénale par le garde des sceaux, au principe de transparence et de respect de l'intérêt général qui est absolument contraire à la pratique des instructions individuelles, à la nécessité, enfin, d'une évaluation des politiques générales qui sont conduites ressort par ressort.

Pour ces raisons, à l'issue de notre débat, le groupe SRC appellera à voter ce beau texte – vous avez raison de le qualifier ainsi, monsieur le rapporteur –, qui inscrira ces principes dans notre réalité judiciaire, en vue de poser l'une des pierres sur lesquelles doit reposer la République exemplaire que nous appelons de nos voeux.

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