Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 10 juillet 2013 à 15h00
Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

En tout état de cause, il convient de supprimer dès aujourd'hui, dans la loi, les types de pressions qui peuvent déjà l'être. Les instructions individuelles sont autorisées par le dernier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale résultant de la loi du 9 mars 2004. Mettons-y un terme, en veillant à ce que le terme d'« instructions individuelles » couvre le spectre le plus large de pratiques. Il ne faudrait pas qu'avec la suppression des instructions écrites, versées au dossier, nous oubliions les instructions orales qui, pour être moins visibles – parce que non versées au dossier – n'en existent pas moins.

Sur ce point, nous avons été rassurés par la garde des sceaux lors de la première lecture : elle nous a affirmé que, depuis sa prise de fonctions, aucune instruction, de quelque type que ce soit, n'avait été donnée. Elle renoue ainsi avec une pratique de la gauche héritée du gouvernement de Lionel Jospin, puisqu'aucune instruction écrite n'avait été relevée entre 1997 et 2002 – à titre de comparaison, une centaine d'instructions écrites ont été rédigées entre 2002 et 2012. C'est bien là l'exemple de deux visions totalement différentes du rôle de la justice et de son assujettissement. On ne peut, dès lors, que se féliciter que ce projet de loi contribue à la réalisation de l'engagement n° 53 du Président de la République, stipulant qu'il garantirait « l'indépendance de la justice et de tous les magistrats », en même temps qu'il interdirait « les interventions du Gouvernement dans les dossiers individuels ».

En première lecture, nous avions affiché notre satisfaction lorsque, à l'initiative du rapporteur, il a été décidé de donner une plus forte publicité aux instructions générales de politique pénale adressées par le garde des sceaux. Encore une fois, je ne peux que regretter que le Sénat se soit opposé à ce principe de transparence et qu'il n'ait pas jugé utile de reprendre les modalités d'information introduites par notre commission.

Je vous avoue toutefois notre scepticisme quant à la nouvelle formulation proposée par notre rapporteur, qui vise à instaurer un principe d'exception à cette nécessité de transparence si la publicité est de nature à porter atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou au déroulement des procédures engagées devant les juridictions, ou des investigations préliminaires à de telles procédures. Par définition, la reconnaissance d'exceptions au principe de transparence ne peut qu'en affaiblir la portée : il sera toujours sujet à interprétation, voire à des instrumentalisations de tous types. C'est une vraie difficulté.

Nous sommes, en revanche, satisfaits que notre rapporteur ait réintroduit l'information, au moins une fois par an, de l'assemblée des magistrats du siège et du parquet sur les conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, de la politique pénale et des instructions générales adressées par le garde des sceaux. Nous sommes par ailleurs attachés au caractère obligatoire de cette information, tel que réintroduit par notre commission. Cela procède de la logique de transparence, à laquelle nous tenons beaucoup.

Au final, même si elle est amputée de celle du Conseil supérieur de la magistrature, cette réforme est emblématique des principes directeurs qui guident la nouvelle politique pénale qu'a décidé d'impulser notre garde des sceaux, et nous la soutenons totalement dans cette voie. Cette réforme s'inscrit également dans la lignée de la politique du Gouvernement qui, depuis le début, s'est efforcé d'être responsable et garant de l'indépendance de la justice : la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac en est l'exemple. En instaurant des rapports plus sains et transparents entre la chancellerie et le parquet, la gauche désire ainsi mettre fin aux soupçons d'une justice qui serait aux ordres, et dont les citoyens en ont plus qu'assez d'apprendre les ressorts dans la presse.

Consacrer l'indépendance de la justice était un engagement du Président de la République, et nous sommes fiers de pouvoir y contribuer aujourd'hui. C'est donc avec la même conviction qu'en première lecture que nous voterons, une nouvelle fois, pour ce projet de loi.

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