Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme notre groupe l'a indiqué avec force en première lecture, la clarification des compétences respectives du ministre de la justice et des magistrats du parquet constitue une exigence républicaine et un impératif démocratique.
Le renforcement de l'indépendance des magistrats du parquet est aujourd'hui une nécessité afin de lever le soupçon qui pèse de manière récurrente sur la capacité du parquet à mener ses missions en toute impartialité.
Ce projet de loi, simple et lisible, vise à empêcher toute ingérence de l'exécutif dans le déroulement des procédures pénales par la clarification de l'architecture des relations entre le garde des sceaux et les magistrats du ministère public. Sans remettre en cause le statut du parquet à la française et le principe de subordination hiérarchique, il restitue au garde des sceaux la responsabilité de conduire la politique pénale, et confie au ministère public le plein exercice de l'action publique.
L'article 30 du code de procédure pénale, largement réécrit, dispose que le garde des sceaux « conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement » sur le territoire de la République, conformément à l'article 20 de la Constitution. Cette nouvelle rédaction lève toute équivoque sur la possibilité pour le garde des sceaux d'intervenir dans la mise en oeuvre de l'action publique devant les tribunaux.
Le ministère public, pour sa part, se voit confier le plein exercice de l'action publique et constitue ainsi le véritable relais local de la politique pénale du garde des sceaux.
Les instructions générales du garde des sceaux – justifiées par le principe de la subordination hiérarchique des membres du ministère public – apparaissent nécessaires, tant pour garantir une bonne conduite de la politique pénale de la nation que pour assurer l'égalité des citoyens devant la loi sur l'ensemble du territoire de la République.
Au contraire, les instructions individuelles alimentent les soupçons de pression politique qui pèsent sur les magistrats du parquet. C'est pourquoi l'inscription explicite dans la loi de l'interdiction sans exception des instructions du garde des sceaux dans les affaires individuelles constitue une avancée importante et revêt une forte valeur symbolique.
C'est aussi la raison pour laquelle, en commission, nous avons souscrit à la proposition de notre rapporteur de rétablir à l'article 1er cette prohibition curieusement supprimée par le Sénat.
C'est évidemment la disposition majeure de ce projet de loi. Elle affirme clairement que les consignes particulières données par le ministre dans le cadre d'affaires spécifiques ne relèvent pas d'une politique pénale légitime, mais s'apparentent au contraire à des pressions exercées sur l'autorité judiciaire.
Cette disposition permet de concilier le principe selon lequel le Gouvernement conduit la politique de la nation, en l'occurrence la politique pénale, avec l'exercice de l'action publique par des magistrats indépendants et impartiaux, bien que hiérarchiquement subordonnés. Cette prohibition sera désormais gravée dans le marbre de la loi, même s'il est vrai qu'aucune disposition du texte n'en garantit l'effectivité.
Notre groupe est également satisfait que la commission des lois ait rétabli l'essentiel des garanties supplémentaires de transparence votées en première lecture par notre assemblée, notamment en ce qui concerne la publicité des instructions générales de politique pénale. Nous préférerions cependant, madame la garde des sceaux, que cette publicité ne connaisse pas d'exception.
Je terminerai en vous faisant part de deux remarques. Tout d'abord, la question des moyens alloués aux parquets, et plus généralement à la justice, reste cruciale. Sans l'attribution de moyens adaptés, ce projet de loi pourrait ne pas avoir d'incidence réelle sur le fonctionnement des parquets.
Par ailleurs, il s'inscrit explicitement dans le prolongement du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, lequel renforce l'indépendance statutaire des magistrats du parquet, par une modification de leur mode de nomination et de leur régime disciplinaire. Ces deux textes sont évidemment complémentaires.
C'est pourquoi nous ne pouvons que déplorer que la discussion du projet de loi réformant le CSM soit actuellement suspendue. C'est aussi pour cela que nous souhaitons, comme la garde des sceaux et le rapporteur, que le processus parlementaire soit rapidement réengagé sur ce projet de loi constitutionnelle.
Ceci étant précisé, c'est avec conviction que les députés du front de gauche confirmeront en deuxième lecture leur vote de première lecture en faveur de ce projet de loi clarifiant les attributions du garde des sceaux et des magistrats du parquet.