Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du 10 juillet 2013 à 15h00
Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Madame la garde des sceaux, ce texte pose deux problèmes à la représentation nationale : il s'agit d'un recul du droit, et d'un problème politique.

Il s'agit tout d'abord d'un affaiblissement du droit. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! Il existe des instructions individuelles. Vous voulez les supprimer. Si elles existent, c'est pourtant qu'elles ont une utilité. Croire qu'elles n'existeront plus parce que vous les supprimerez en droit, cela relève d'une démarche très optimiste quant à la nature humaine. Cela peut aussi témoigner d'une forme de reconnaissance du fait que le ministre de la justice est incapable de piloter son administration.

Or, comme mon collègue Georges Fenech l'a souligné, vous privez les citoyens de tout recours pour excès de pouvoir dans le cas où une instruction individuelle restreignant les droits serait donnée par voie orale. C'est en cela qu'à mon avis, vous affaiblissez le droit : vous enlevez aux citoyens un moyen de corriger les dysfonctionnements éventuels de la justice.

Le deuxième problème est encore plus grave : il touche à l'esprit de ce texte. Qu'il s'agisse de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ou du texte qui nous est présenté aujourd'hui, vous suivez toujours la même logique, et présidez à un repli de l'autorité judiciaire sur elle-même, faisant ainsi de la réussite au concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature le seul titre permettant aux magistrats de diriger la politique pénale et judiciaire de ce pays. À cela, nous répondons : non ! Il doit y avoir une politique pénale, car il n'y a pas de pouvoir judiciaire, simplement une autorité judiciaire. C'est au Parlement de contrôler cette politique. Vous ne pouvez pas l'émanciper totalement du politique.

Que cache la tentation de dire que le garde des sceaux doit flotter quelque part au-dessus de son ministère, qu'il doit se contenter d'être une sorte de concierge de la place Vendôme ? Une méfiance profonde envers le politique. Cette méfiance profonde, vous l'avez alimentée avec les projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique, en pointant systématiquement du doigt les responsables politiques. Pour vous, dès que l'on prononce le mot « politique », il faut se méfier ! Vous vous méfiez du politique, des hommes politiques : c'est pourquoi vous voulez interdire les instructions individuelles. Quelque part, en effet, le message que vous envoyez aux citoyens est le suivant : il faut se méfier du ministre de la justice, car il peut cacher des arrière-pensées

À mon avis, c'est pour cela que vous vous trompez. Il doit y avoir une politique pénale : il ne faut la remplacer par une forme de bureaucratisme pénal.

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