Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 10 juillet 2013 à 14h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative :

Monsieur Hetzel, la mission d'inspection conjointe rendra ses conclusions en septembre ; elles pourront difficilement être utilisées dans le cadre du prochain projet de loi de finances, mais devraient être traduites dans la législation en 2014.

La dimension internationale du sport ne nous a pas échappé. J'avais souhaité que la mission d'inspection comprenne une comparaison des approches – y compris fiscales – adoptées par différents pays. Si les inspecteurs, par manque de temps, n'ont pu pousser cette logique à son terme, nous devrions, de notre côté, améliorer tout ce qui peut l'être. Le rapport sur le fair-play financier montre que les disparités internationales fragilisent la situation économique du football, et l'UEFA tend à en tenir compte. La Commission européenne accorde, pour sa part, de plus en plus d'attention aux aides publiques au sport professionnel, tant dans le dossier de l'Euro 2016 que sur l'ensemble des financements publics des grands équipements. La sécurisation de ces financements, tout comme la gestion de la relation entre l'utilisateur et le propriétaire de l'équipement – souvent le bloc communal –, constituent des enjeux importants.

La situation du CNDS reste délicate : en 2012, ses engagements dépassaient ses recettes de 100 millions d'euros ; l'établissement a connu trois exercices déficitaires consécutifs et prévoit un fonds de roulement encore négatif en 2016. Aux termes du plan de redressement extrêmement contraignant voté en novembre 2012, les moyens du CNDS se retrouvent étroitement limités. Courant jusqu'en 2016, ce plan rend impératif le réexamen des critères d'intervention, notamment des règles d'attribution de la part territoriale versée aux régions. Aujourd'hui, son montant comprend une part fixe par région, le reste étant attribué selon différents critères tels que le nombre de licenciés – 40 % –, la population totale ou celle des moins de 25 ans. Au total, 84 % de l'enveloppe sont répartis sans lien direct avec les inégalités de pratique sur le territoire. Il faut donc réinterroger ces critères pour donner la priorité aux publics fragiles et aux territoires dans lesquels la pratique reste faible. Ce chantier est aujourd'hui engagé, et les partenaires – collectivités locales et mouvement sportif – doivent réfléchir ensemble à l'avenir du CNDS. Il faut non seulement mener à bien le plan de redressement, mais également sécuriser les recettes qui diminuent du fait de la baisse du rendement de la taxe « Buffet » adossée aux droits de retransmission télévisée. Les nouveaux critères seront mis en application en 2014.

Vous recommandez dans votre rapport de prolonger le prélèvement exceptionnel sur les mises de la Française des jeux ; en effet, nos engagements sur les stades de l'Euro 2016 s'élèvent à 160 millions d'euros – dont 138 millions actuellement engagés –, alors que les recettes n'atteignent que 120 millions. Des engagements annoncés sur les grands équipements pèsent également sur le plan de redressement que nous avons voté. Il fallait donc à la fois sécuriser l'avenir des recettes du CNDS – chose faite – et s'assurer que toute dépense au-delà des 120 millions d'euros pour les stades de l'Euro 2016 sera gagée par des recettes affectées, de manière à ne pas fragiliser la situation du sport amateur. Faut-il pour cela prolonger le prélèvement exceptionnel de 0,3 % ? Les modalités du financement ne sont pas encore arrêtées, car nous ne savons pas encore à combien s'élèvera l'engagement total du CNDS pour les stades de l'Euro 2016. Nous ajusterons les recettes en fonction des dépenses – qui dépendront par exemple du coût du stade de Lens –, mais ces dernières ne pèseront pas sur les moyens du CNDS destinés au sport amateur.

En dehors des performances récentes de nos équipes féminines, plusieurs éléments entrent en ligne de compte dans ce domaine qui m'est particulièrement cher. Le CSA et la Commission européenne examinent actuellement l'évolution de la directive Télévision sans frontières en vue de porter la retransmission des compétitions féminines d'importance – en particulier pour le football et le rugby – au même niveau que celle des compétitions masculines. Ce texte fait pourtant souvent l'objet de confusions : certains pensent qu'une fois qu'on y est inscrit, la retransmission des compétitions à la télévision d'accès gratuit devient automatique, alors que l'inscription n'offre qu'une possibilité d'achat des droits pour bénéficier d'une transmission. Espérons enfin que ce décret, à la liste particulièrement longue, ne sera pas rejeté au niveau européen. Afin d'aller plus loin, nous avons engagé avec le CSA – et en particulier avec Mme Christine Kelly – un travail sur la médiatisation du sport féminin. Une étude réalisée fin 2012 par le CSA montrait que 7 % seulement des compétitions retransmises sur nos écrans étaient féminines. À partir de fin 2013, le CSA mènera également un travail plus qualitatif par discipline pour améliorer la reconnaissance des performances du sport féminin par l'ensemble des médias.

L'absence de reconnaissance des dirigeantes sportives dans nos instances de gouvernance est également prise en compte dans le cadre de la loi qui sera présentée par Mme Najat Vallaud-Belkacem et qui visera à faire progresser la parité, surtout dans les disciplines qui affichent plus de 25 % de licenciées. Il est dommage qu'au sein du nouveau conseil d'administration du CNOSF, les femmes soient moins nombreuses qu'avant ; notre démarche doit être plus active, et nos moyens, plus coercitifs. C'est pourquoi j'ai exigé de l'ensemble des fédérations sportives qu'elles me présentent, dans le cadre des conventions d'objectifs, un plan de féminisation. À ce jour, seules quatre fédérations en ont adopté un ; à l'avenir, celles qui y dérogeront ne bénéficieront pas des moyens financiers correspondants.

Monsieur Reiss, j'ai déjà évoqué l'attention portée par la Commission européenne aux aides publiques destinées à la préparation de l'Euro 2016 ; mais il faut également réfléchir à l'acceptation sociale des grands événements. Il y a quelques semaines, à la Conférence mondiale des ministres du sport – MINEPS – organisée à Berlin dans le cadre de l'Unesco, 120 pays – dont la France – ont signé une déclaration commune rappelant que l'augmentation permanente du cahier des charges des compétitions internationales – marquées par une explosion des coûts – devenait un véritable obstacle à leur acceptation. Dans le cadre de l'Euro 2016, si nous accueillons avec enthousiasme cet événement qui fait rayonner notre pays, les villes et territoires hôtes demandent la mise en place d'un dispositif de solidarité avec le football amateur, dont les modalités restent à définir. Nos comités de pilotage de l'Euro 2016 sont très sensibles à cette exigence d'améliorer le projet social autour de l'accueil des grands événements.

Si l'on souhaite bénéficier d'un meilleur accès aux compétitions sportives – y compris féminines –, n'oublions pas que les droits de retransmission télévisée financent le sport professionnel, de manière parfois très significative. En France, ils assurent 54 % des financements de la Ligue 1, contre seulement 30 % en Allemagne. Cette situation peut constituer une source de fragilité, comme lors du dernier appel d'offre pour la ligue professionnelle de football.

La baisse du rendement de la taxe « Buffet » diminue les moyens du CNDS et nous oblige, comme pour l'exercice 2013, de nous tourner vers les ressources de la Française des jeux. Pour assurer les moyens à l'effort de solidarité, nous avons décidé de sécuriser l'assiette actuelle de la taxe, tout en travaillant sur son élargissement – chantier que j'avais évoqué dès le projet de loi de finances pour 2013, sans qu'il ait pu aboutir. Aujourd'hui, si l'on ne change rien, on perdra 4 millions d'euros dès cette année. L'assiette pourrait être élargie aux compétitions organisées en France par des organismes étrangers, comme l'Euro 2016. Nous menons ce travail en concertation avec les diffuseurs – tant la télévision publique que la télévision d'accès payant – et en lien avec le CSA. La diminution des droits de retransmission télévisée compromet la solidarité avec le sport amateur tout en fragilisant le financement du sport professionnel.

Monsieur Darmanin, une étude menée dans le cadre de la mission d'inspection permet de constater, sur une carte, que les territoires qui accueillent nos grands équipements et nos équipes professionnelles ne voient que rarement augmenter le nombre de licenciés des disciplines correspondantes – par exemple de volley-ball féminin. L'enjeu est important : si la mission de service public impose aux fédérations d'organiser les pratiques – et jusqu'à la réglementation interne – des clubs de proximité, celles d'entre elles qui bénéficient de ressources économiques importantes pourraient alléger considérablement la pression financière sur ces derniers.

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