COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 10 juillet 2013
La séance est ouverte à quatorze heures quarante.
(Co-présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission, et de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition, commune avec la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, dans le cadre de la mission d'information commune sur la politique de soutien au sport professionnel et de solidarité avec le sport amateur (MM. Guénhaël Huet et Régis Juanico, rapporteurs)
Le président Patrick Bloche et moi-même sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Votre audition s'inscrit dans la série de trois réunions conjointes que nous avons commencée hier avec la Commission de la défense sur l'équipement des forces armées et que nous achèverons prochainement, de nouveau avec la Commission des affaires culturelles, sur l'évaluation des zones d'éducation prioritaire. Je rappelle que ces trois réunions conjointes font suite aux réflexions de François Cornut-Gentille et de Régis Juanico conduites à la demande du Président de l'Assemblée nationale et à la décision prise par la Conférence des Présidents de valoriser l'examen du projet de loi de règlement et, plus généralement, le rôle d'évaluation des politiques publiques de notre Assemblée.
Deux rapporteurs ont été désignés pour la mission d'information commune qui nous occupe aujourd'hui : le rapporteur spécial Régis Juanico, pour la Commission des finances, et notre collègue Guénhaël Huet, pour la Commission des affaires culturelles et de l'éducation. Leurs travaux ont porté sur le soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur, politique qui fait l'objet d'une évaluation menée par le gouvernement dans le cadre de la modernisation de l'action publique.
Je voudrais par ailleurs saluer la présence de M. Lacomi Lorcendy Traoré, Premier questeur de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, accompagné de fonctionnaires des services administratifs de cette assemblée.
Je me réjouis de cette réunion commune, qui fait suite aux travaux de la mission conduite par François Cornut-Gentille et Régis Juanico visant à faire de l'examen des lois de règlement un temps fort du travail parlementaire.
Je m'en félicite d'autant plus que c'est un très grand plaisir de vous retrouver, madame la ministre, vous qui, en tant que membre éminent de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation durant la législature précédente, vous êtes pleinement investie dans les sujets qui sont aujourd'hui au coeur de votre périmètre ministériel. Comme vous le savez, notre Commission a examiné la semaine dernière un rapport d'information sur l'application du fair-play financier européen au modèle économique des clubs de football professionnel français, sujet qui rejoint à bien des égards les préoccupations qui seront les nôtres aujourd'hui. Par ailleurs, notre Commission a décidé à l'unanimité de rendre public le rapport de la mission sur l'accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs, présidée par Annie Genevard et dont le rapporteur est Michel Ménard.
Je vous prie d'excuser l'absence de notre collègue Guénhaël Huet, avec lequel j'ai mené les travaux de cette mission d'information commune. Il serait difficile de lui tenir rigueur de cette absence dont les raisons sont éminemment sportives : en effet, les hasards du calendrier font qu'aujourd'hui même, la ville d'Avranches, dont Guénhaël Huet est le maire, organise le départ de l'étape du Tour de France.
Cette mission d'information commune fait suite à la décision prise par la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale, le 23 avril dernier, d'expérimenter la mise en oeuvre de missions d'information communes évaluant des politiques publiques, associant la Commission des finances et les commissions compétentes au fond, les rapporteurs étant un député de la majorité et un de l'opposition.
Nos travaux portaient donc sur le soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur, politique publique relevant du premier cycle d'évaluations lancé en janvier dernier par le Gouvernement, dans le cadre de la modernisation de l'action publique, la MAP. L'objet principal de nos travaux était d'apporter l'éclairage du Parlement sur la politique publique de soutien aux mécanismes de solidarité entre sport professionnel et sport amateur.
Ces travaux viennent utilement compléter ceux réalisés par la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, notamment la mission d'information sur le fair-play financier : le rapport de cette mission, rédigé par nos collègues Thierry Braillard, Marie-George Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, a été publié la semaine dernière et j'approuve l'ensemble de ses conclusions. Ils poursuivent également, pour partie ceux que la Cour des comptes a entrepris en début d'année, avec la publication de son rapport thématique invitant l'État à réorienter son action dans le domaine du sport pour tous et du sport de haut niveau.
Nous avons, dans le cadre des travaux de notre mission commune, rencontré de nombreux acteurs du monde sportif, notamment les représentants du Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, ceux des principales fédérations et ligues professionnelles, mais aussi des organisateurs d'événements sportifs, des partenaires publics et privés finançant le sport, l'association des élus locaux chargés du sport, des économistes du sport, ainsi que le Conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – pour les questions de retransmission audiovisuelle. Je tiens ici à remercier ces différents intervenants d'avoir su se rendre disponibles dans des délais relativement contraints. Ces auditions ont permis de compléter utilement les informations issues des travaux de la mission d'évaluation de la MAP et de formuler une quinzaine de préconisations, dont la mise en oeuvre serait de nature, selon nous, à renforcer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur.
Parmi les données économiques que nous avons pu recueillir, il en est une qui permet de mieux cerner les enjeux financiers liés au sport professionnel : les clubs professionnels de basket, de football, de handball et de rugby développent à eux seuls un chiffre d'affaires de près de 1,7 milliard d'euros.
Les principaux flux financiers qui vont du sport professionnel vers le sport amateur représentent environ 200 millions d'euros, soit plus de 11 % du chiffre d'affaires : environ 40 millions d'euros au titre de la taxe « Buffet » sur les retransmissions audiovisuelles, 31 millions d'euros au titre de la taxe sur les paris sportifs en ligne et environ 126 millions par an au titre des conventions liant les ligues et clubs professionnels aux fédérations et aux associations support. Ces données ne sont évidemment qu'indicatives et ne reflètent pas l'ensemble des actions de solidarité du secteur professionnel au profit du sport amateur. En outre, le montant de 1,7 milliard d'euros ne prend pas en compte les flux générés par l'ensemble des activités connexes liées au sport professionnel, activités des prestataires ou des médias, dépenses d'équipement, de restauration et de transport induites par cette activité.
Vous aurez compris que le secteur sportif est une véritable filière économique et un réel moteur de croissance. Un autre chiffre donne la mesure de l'importance économique de ce secteur : en 2009, la dépense sportive s'est élevée à 34,9 milliards d'euros en France.
Cependant les données économiques relatives au sport sont souvent diffuses et parcellaires, dans un environnement financier et juridique en constante évolution. Or, pour évaluer une politique publique, il est indispensable de la connaître. C'est la raison pour laquelle la première de nos propositions est la création d'un Observatoire national de l'économie et de l'évolution du droit du sport.
Dans le même but, nous préconisons de procéder à une évaluation complète des dépenses fiscales rattachées à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », telles celles liées aux dons ou au mécénat, qui permette de juger de leur efficacité et de leur impact sur le développement du secteur sportif, tant il est vrai que nous manquons d'informations sur ces sujets. À partir du même constat, la Cour des comptes a fait la même recommandation.
Concernant la fiscalité, nous proposons aussi d'étudier, avec les représentants du football professionnel, l'impact et les modalités de mise en oeuvre de la contribution exceptionnelle de 75 % due par les entreprises sur les salaires annuels supérieurs à un million d'euros. Le but n'est pas d'exclure a priori le secteur du football de cette taxe – nos concitoyens ne le comprendraient pas, à juste raison –, mais de définir des modalités d'application qui ne mettent pas en danger les clubs professionnels, dont la santé financière est précaire.
Nous souhaitons également conforter les ressources du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, qui joue un rôle central en faveur du sport pour tous. Deux mesures pourraient être décidées dans cet objectif : l'extension de l'assiette de la taxe « Buffet » aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français par des détenteurs de droits situés à l'étranger, qui devrait rapporter 13,5 millions d'euros ; la prolongation au-delà de 2015 du prélèvement exceptionnel de 0,3 % sur les mises, hors paris sportifs, de la Française des jeux, destiné à financer les stades de l'Euro 2016 et plafonné actuellement à 24 millions d'euros par an.
Mais il faut aussi mieux contrôler les dépenses du CNDS, afin qu'elles contribuent davantage à la solidarité entre sport professionnel et sport amateur : c'est une tâche à laquelle vous vous êtes déjà attelée, madame la ministre. Dans cette perspective, la politique de subvention du Centre doit tenir compte de l'importance des ressources propres des fédérations concernées et du contexte économique de leur secteur – c'est notre proposition n° 6.
Pour conforter la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, nous pensons qu'il est indispensable de maintenir le lien entre l'État et les fédérations sportives via les conventions d'objectifs et les subventions qui y sont rattachées : c'est notre septième proposition.
Nous souhaitons également, et c'est notre huitième proposition, que les conventions liant les fédérations et les ligues et celles liant les associations support et les sociétés sportives comportent obligatoirement une dimension de solidarité entre sport professionnel et sport amateur.
Par ailleurs, les représentants du monde sportif nous ont interpellés sur le risque de voir se distendre les liens entre le monde professionnel et le monde amateur, alors que nos équipes nationales constituent un vecteur fondamental de solidarité. C'est pourquoi nous proposons que soient mieux définis le statut des équipes nationales et les conditions de mise à disposition des joueurs des équipes de France par les clubs. Il s'agit là de notre neuvième proposition.
Les « bonnes pratiques » mises en oeuvre par les partenaires privés et les mécènes du sport ou les organisateurs de grands événements, dont les auditions nous ont permis de prendre connaissance, doivent être valorisées et diffusées. Il serait utile, par exemple, d'exploiter systématiquement les retombées des grands événements sportifs – Tour de France, Roland-Garros, etc. – au profit du sport amateur. Il faut se saisir aussi de l'occasion offerte par la tenue en France de l'Euro 2016 pour mettre en oeuvre des actions en faveur des clubs de football amateurs : ce sont nos dixième et onzième propositions.
Notre douzième proposition vise à généraliser une des bonnes pratiques mises en oeuvre dans le cadre de partenariats avec des entreprises, telles que la Française des jeux, en préconisant d'intégrer dans les conventions de partenariat un volet « sport pour tous » – éducation par le sport, soutien au sport amateur, intégrité du sport, etc.
Il convient enfin de diversifier les sources de financements du sport. Outre le maintien des dépenses fiscales de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » dont le bénéfice pour le développement du sport est avéré, nous proposons de favoriser la création de fonds de dotation et de faire bénéficier le sport du fonds de l'innovation sociale dans le cadre du développement de l'économie sociale et solidaire. Certaines mesures annoncées récemment par le Gouvernement vont dans ce sens. Enfin, nous souhaitons que soit étudiée la possibilité pour les investissements sportifs des collectivités territoriales, des fédérations et des associations sportives de bénéficier des financements de la Banque publique d'investissement – BPI. Il s'agit de nos trois dernières propositions.
Comme vous voyez, nous nous sommes concentrés sur le sujet de la solidarité du sport professionnel envers le sport amateur. Le champ de l'évaluation de la MAP est bien plus large, puisqu'il englobe les questions relatives à la gouvernance des fédérations sportives ou encore au rôle des collectivités territoriales, sujets que nous n'avons fait qu'effleurer dans le délai imparti à cette mission d'information commune.
Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point des travaux entrepris par l'équipe d'inspecteurs chargés de l'évaluation dans le cadre de la MAP depuis le 28 mai dernier, date de la présentation de leur diagnostic, et nous donner des éléments d'informations sur les mesures envisagées à ce stade pour améliorer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur ?
Permettez-moi tout d'abord de saluer votre initiative d'organiser, en marge de la discussion de la loi de règlement, une série de débats prospectifs sur l'évaluation des politiques publiques, en résonance avec le chantier de modernisation de l'action publique engagé par le Gouvernement. Vous traitez dans ce cadre des zones d'éducation prioritaire et des forces armées. Je suis heureuse de constater que le sport suscite chez les députés le même niveau d'intérêt !
Je salue le travail mené conjointement par Régis Juanico et Guénhaël Huet – dont on me dit qu'il est parti faire des travaux pratiques cet après-midi sur le Tour de France. Leur rapport s'appuie sur la mission d'évaluation « Soutien au sport professionnel et solidarités avec le sport amateur », dont j'ai souhaité qu'elle fasse partie du premier cycle d'évaluation de politiques publiques lancé par le Gouvernement. Je reviendrai dans quelques instants sur les raisons de ce choix.
Cette contribution des députés, articulée autour de quinze préconisations ayant trait à une grande variété de sujets, est particulièrement éclairante sur les enjeux auxquels nous devons répondre collectivement, Gouvernement et Parlement. Le sport professionnel véhicule de nombreux fantasmes et alimente régulièrement la chronique médiatique, et pas toujours pour des raisons sportives. Je suis d'autant plus heureuse de l'occasion qui nous est donnée cet après midi par les Commissions des finances et des affaires culturelles d'avoir un échange sur le fond.
Vous le savez, la modernisation de l'action publique répond à l'impératif de renforcement de l'efficacité du modèle français de service public. Elle repose sur deux principes transversaux qui trouvent bien entendu à s'appliquer en matière sportive. Le premier principe est la concertation. Comment faire autrement si l'on veut un changement durable ? S'agissant du sport, le modèle français ne fait que renforcer ce besoin de concertation tant il repose sur un partenariat étroit entre l'État, le mouvement sportif, les collectivités et les entreprises. Les missions d'évaluation de politiques publiques ont été conçues pour répondre à ce besoin d'analyse concertée de politiques dites « partenariales ». Elles articulent donc toutes un travail d'étude mené par des corps d'inspection générale et des espaces de débat avec les parties prenantes.
S'agissant de la mission « Soutien au sport professionnel », elle rend compte de ses travaux devant un comité de pilotage stratégique associant le CNOSF, les représentants des ligues professionnelles, des sportifs, des collectivités territoriales, des partenaires sociaux, etc. Deux comités de pilotage ont eu lieu, pour le lancement de la mission d'une part et le partage du diagnostic d'autre part. Le troisième, qui sera celui de la restitution de ces travaux, aura lieu début septembre.
Concertation ne veut pas dire que l'on est toujours d'accord. J'ai même entendu ces derniers jours certains acteurs déplorer ne pas pouvoir participer à toutes les concertations que je menais, tout en en réclamant davantage. J'ai fait pour ma part le choix déterminé de toujours privilégier le dialogue sur tous ces sujets de préoccupation, et j'essaie de m'y tenir. J'en veux pour preuve l'installation la semaine dernière du Conseil national du sport. Il répond à la demande d'une nouvelle gouvernance du sport français, dans toutes ses dimensions : sport de haut niveau, développement des pratiques, économie du sport, santé, éthique et enjeux sociaux, etc. Ce dépassement de la seule dimension de la pratique sportive est un changement significatif et indispensable pour l'avenir des politiques sportives. Il est désormais sur les rails.
La responsabilisation des ministres dans la réforme de l'État est le second principe de la MAP. Contrairement à des pratiques anciennes, chaque ministre est responsable de sa stratégie ministérielle de modernisation. Elle s'articule autour des programmes de modernisation et de simplification, validés en comités interministériels mais conçus en interne. J'ai pour ma part choisi de porter dans ce cadre plusieurs réformes importantes de l'État sportif, comme celle des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives, les CREPS, du CNDS ou de la certification, conjointement avec de nombreuses mesures de simplification administrative. Les missions d'évaluation des politiques publiques, comme celle qui nous réunit aujourd'hui, complètent les programmes de modernisation des ministères.
Si nous avons choisi d'évaluer le soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur, c'est d'abord parce que cette politique est mal connue ou très partiellement documentée. Il s'agit de déterminer quelle est exactement l'intervention des pouvoirs publics, État, opérateurs, collectivités territoriales, quelles en sont les finalités. Sont-elles mises en oeuvre, contrôlées ou évaluées, dans un contexte de maîtrise publique ?
J'ai évoqué les préjugés entourant le sport professionnel. La présence médiatique intense de ses acteurs véhicule des messages qu'il convient, a minima, d'analyser au fond. Il m'a semblé nécessaire d'y répondre par la première analyse sérieuse que constitue cette mission d'évaluation.
La seconde raison qui m'a poussée à demander que ce sujet fasse partie du premier cycle d'évaluation est la volonté d'appliquer l'exigence, portée par ce gouvernement et renforcée par le contexte économique, de transparence, d'exemplarité et de solidarité, au domaine du sport professionnel. L'actualité européenne, parfois française, charrie trop de contre-exemples pour que nous renoncions à une telle exigence. Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de faire la morale au sport professionnel, ni de contester ou limiter son droit à dégager des profits ou à participer à la compétition internationale. Nous devons au contraire l'accompagner car il contribue ce faisant à l'image et à la compétitivité de la nation.
Mais l'État doit aussi être là pour prévenir des dérives qui menaceraient à terme tout un secteur économique. Des exemples voisins nous incitent à la vigilance. Ainsi, des grands clubs en Espagne n'ont plus les moyens de payer leurs impôts, alors que des efforts considérables sont demandés aux citoyens de ce pays pour réduire le déficit. La compétition sportive doit-elle être à ce prix ?
L'État doit enfin être là pour défendre un principe immuable de notre modèle français : l'unité du sport. Le sport ne peut être découpé en secteurs étanches, en pratiques amateur ou professionnelle, encadrée ou spontanée, en compétition ou en loisir. Sur le plan financier, ce principe d'unité se traduit par celui de la solidarité avec le sport amateur. Je crois que tous ici nous nous rassemblerons pour veiller à ce qu'une fraction d'une discipline, qui devient lucrative, ne confisque pas à son profit l'ensemble des recettes qu'elle génère et qui n'auraient pas été possibles sans le socle du secteur amateur, qui détecte les champions, qui les forme et qui en assure dans bien des cas la reconversion. Il est de notre responsabilité d'alimenter et de préserver ce cercle vertueux, ce modèle français où le sport amateur et le sport professionnel ne s'opposent pas, mais se nourrissent l'un de l'autre.
Je sais que ces interrogations sont partagées par les parlementaires. J'en veux pour preuve la mission d'information sur le fair-play financier, menée par les députés Thierry Braillard, Pascal Deguilhem, Marie-George Buffet et Guénhaël Huet. Ils sont venus me présenter leurs conclusions il y a quelques jours et nous nous sommes retrouvés sur nombre de leurs propositions. Les initiatives de l'Union des associations européennes de football – UEFA – et de la Commission européenne sur le football ainsi que le travail qui nous rassemble aujourd'hui me confortent dans cette analyse.
Je conclurai en décrivant en quelques mots l'état d'avancement de cette mission. Nous l'avons lancée le 26 février 2013 en mettant en place un premier comité de pilotage et en saisissant les inspections générales des finances, de l'administration et de la jeunesse et des sports. Le diagnostic est aujourd'hui établi et nous l'avons communiqué à tous les acteurs le 28 mai dernier. La présentation de la phase de diagnostic est annexée au rapport d'information rédigé par vos collègues.
Les inspecteurs ont également proposé des pistes de réforme. J'en ai retenu certaines pour la phase d'approfondissement, qui doit se terminer par la restitution finale en septembre prochain. Elles ont fait l'objet d'une seconde lettre de mission de ma part.
Le débat de ce jour intervient donc à un moment particulier. Je ne suis pas en mesure de discuter des préconisations de la mission dans la mesure où elles ne sont pas finalisées. Les inspecteurs y travaillent. Elles seront ensuite débattues et le Gouvernement fera ses choix selon ce qu'il estime devoir mettre en oeuvre. Nous n'en sommes pas là.
Mais ce débat est l'occasion de dresser un état du sport professionnel, marquant à plusieurs égards, et d'abord par la diversité des situations. La mission montre à quel point les modèles économiques, les modes de gestion, le potentiel de ressource sont variables d'une discipline à l'autre, mais aussi d'une division à l'autre au sein d'un même sport. Cette diversité appelle de notre part des réponses adaptées et différenciées. C'est un enseignement important.
Cette diversité ne doit pas dissimuler une constante : une relative fragilité financière. Les causes ne sont pas les mêmes mais le constat est identique : la situation financière des structures professionnelles, sans être partout préoccupante, est fragile. Cela est dû notamment au caractère aléatoire des ressources du sport professionnel qui sont aléatoires ; qu'il s'agisse des subventions publiques pour les disciplines les moins populaires ou des droits de retransmission télévisuelle pour les plus médiatiques, telles que le football. Nous sommes encore loin de pouvoir traiter le sport professionnel comme une activité économique comme les autres, capables d'assurer son autosubsistance. Peu d'activités commerciales pourraient reposer sur des financements aussi aléatoires sans être menacées à court terme. Nous ne pouvons continuer d'ignorer cette situation. Le sport professionnel doit sécuriser et diversifier ses recettes ; il doit, lorsque cela est possible, créer de la valeur à long terme et adapter ses outils de régulation aux enjeux économiques.
L'ampleur du diagnostic ne permettait pas de demander à la mission, dans des délais contraints, d'embrasser l'ensemble des sujets. J'ai donc retenu, après en avoir débattu avec l'ensemble des acteurs, des axes de réforme à expertiser. Cela n'interdit pas d'engager d'autres chantiers sous diverses formes. Depuis un an, je me suis déjà saisie de nombre d'entre eux ; d'autres initiatives suivront et pourront trouver leur traduction dans le projet de loi d'orientation pour le sport qui vous sera présenté en 2014.
J'ai donc demandé aux inspecteurs généraux de nous aider dans un premier temps à progresser sur les sujets de la gouvernance et de la régulation du secteur. Cela nous amène à préciser les finalités qui doivent être poursuivies par les pouvoirs publics et qui sont bien explicitées dans le rapport : la performance sportive de la nation, le développement du sport, l'emploi, l'ordre public, l'éthique et la transparence.
Mais, comme la Cour des comptes l'a parfaitement montré en janvier dernier, l'adéquation entre ces objectifs et les moyens employés n'est pas optimale. Je pense notamment à l'action du CNDS, dont je me félicite d'avoir, dès l'été 2012, engagé un profond recentrage. Ce chantier complexe comporte plusieurs dimensions : le redressement financier, la sécurisation des recettes, le ciblage des interventions. Il est aujourd'hui engagé et devrait connaître une étape majeure à l'automne, avec l'aboutissement de la réforme de ses critères d'intervention.
Je pense aussi au rôle des collectivités territoriales, essentiel pour le sport professionnel. Il pourrait, nous dit-on, être mieux évalué. Notre but est d'abord de l'améliorer, de renforcer la transparence vis-à-vis des citoyens et de limiter les risques pesant sur les contribuables locaux. Je veux cependant rassurer les élus : il n'y a pas de volonté cachée de brider à terme la capacité des collectivités à soutenir les clubs professionnels.
La question des équipements sportifs est cruciale à ce titre. Il faut sans doute trouver un meilleur équilibre dans le financement de leur construction, dans le partage des risques, dans les conditions de leur exploitation.
Je terminerai en évoquant la solidarité avec le sport amateur, axe privilégié par le Gouvernement. Elle existe dans bien des situations, mais, à l'image du sport professionnel, ses modalités sont très hétérogènes et trop peu lisibles. Il arrive même parfois que le sport amateur finance le sport professionnel, comme la Cour des comptes l'avait déjà montré.
J'ai demandé aux inspecteurs généraux de nous éclairer sur les outils, notamment juridiques, qui pourraient nous aider à mieux définir cette solidarité et à la faire jouer pleinement et plus systématiquement, sans menacer l'équilibre du secteur professionnel. La question de la formation est importante de ce point de vue. Elle doit trouver un juste retour lorsque les sportifs qu'elle permet de faire émerger génèrent ensuite d'importants gains financiers pour leurs clubs.
Mieux définir le sport professionnel ; faire progresser les conditions de sa régulation ; clarifier et sécuriser l'intervention des collectivités territoriales, en particulier pour le financement des équipements sportifs ; rendre plus opérationnels et transparents les liens de solidarité avec le sport amateur : tels sont les chantiers que nous approfondirons dans le cadre de cette mission. Ils sont conformes aux préconisations issues de votre travail.
Le rapport des inspections générales formule certaines préconisations pour assurer l'autonomie financière du sport professionnel. Quelle traduction opérationnelle comptez-vous apporter à ces recommandations ? L'élaboration du budget pour 2014 en tient-elle compte ? Ce travail n'est-il pas, en dépit de ses indéniables qualités, excessivement centré sur la situation hexagonale, négligeant ainsi la dimension européenne, voire mondiale, du sport professionnel ? C'est le défaut de beaucoup de nos politiques publiques en faveur du sport, ce qui explique le peu de résultats de certains dispositifs d'incitation fiscale.
Sur la question du sport professionnel et de ses rapports avec le sport amateur, je partage le diagnostic et les préconisations du rapport d'information, même si nous pouvons débattre des modalités de leur mise en oeuvre, ainsi que votre analyse de la situation, madame la ministre, qu'il s'agisse de votre ministère, des opérateurs ou des acteurs du sport. Si on y ajoute notre propre rapport d'information sur le fair-play financier européen, qui aborde cette question, ainsi que les travaux de la Cour des comptes, on voit que le sujet est aujourd'hui abondamment documenté.
Cette question continue pourtant à susciter la suspicion, alors même qu'il s'agit de trouver une issue à la crise qui frappe notre modèle de sport professionnel. Pour nous, la solution passe par l'affirmation du rôle régulateur de l'État, même s'il doit s'adapter aux mutations que connaît le secteur sportif – émergence de nouveaux types de pratiques, telles que les paris sportifs, problèmes de dopage, professionnalisation et internationalisation de certaines disciplines. L'État doit conserver ses prérogatives de pilote et de stratège.
Il y a aujourd'hui des décisions qui s'imposent dans ce domaine des solidarités entre le sport professionnel et le sport amateur. Ainsi il est impératif de conforter dès 2013 les ressources du CNDS si nous voulons pouvoir mener une politique ambitieuse de sport pour tous, qui doit être l'objectif central de l'action publique. L'État doit être le moteur de cette action publique rénovée en faveur de tous les sports.
La question du financement du sport féminin est trop souvent reléguée au second plan. Pourtant les chiffres sont éloquents : on ne compte aujourd'hui qu'une seule femme présidente de fédération olympique et aucune directrice technique nationale. Seules douze fédérations approchent la parité dans la composition de leur comité directeur. Les clubs féminins continuent d'être gravement désavantagés par rapport aux clubs masculins de même niveau sur le plan du financement, qu'il s'agisse du sponsoring privé ou des subventions publiques. Sur les 141 membres du Comité international olympique, le CIO, on ne recense que 16 % de femmes. 85 % de la couverture médiatique du sport sont consacrés aux sportifs et seuls 9 % des articles de la presse sportive sont signés par des femmes.
Je pense, madame la ministre, que vous partagez ce constat. Lançant les États généraux du sport féminin, votre collègue Najat Vallaud-Belkacem a fixé une feuille de route ambitieuse pour favoriser l'égalité entre hommes et femmes à tous les niveaux. Je souhaiterais vous interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.
Le décret de décembre 2004 qui a fait suite à la directive Télévision sans frontières impose la diffusion gratuite de vingt-huit grands événements sportifs. Parmi eux, cinq sont mixtes et cinq uniquement féminins. Sachant que la visibilité d'un sport est le vecteur le plus important pour attirer des financements, ne faudrait-il pas envisager d'inscrire dans cette liste le football ou le rugby féminin ? Quel est, sur ce point, l'avancement des discussions avec la Commission européenne ?
Le financement du sport féminin passe aussi par sa représentation dans les instances sportives. Alors que la loi prévoit que la composition des instances dirigeantes soit proportionnelle au pourcentage de licenciées féminines de plus de 18 ans, aujourd'hui, la représentativité des femmes au sein des comités directeurs n'est assurée que dans 52 % des cas. Près de la moitié des fédérations sont donc hors la loi. Des sanctions sont-elles prévues ? De quelle nature sont-elles ? Comment pourrait-on bousculer ces conservatismes ?
Quel est le bilan de la politique de soutien au développement du sport féminin, notamment au regard des chiffres que j'évoquais tout à l'heure ? Quel bilan tirez-vous des « plans de féminisation » mis en place par certaines fédérations ? Qui contrôle leur mise en oeuvre ? Qui s'assure que les objectifs sont tenus ?
Compte tenu de la forte implication de nombreuses collectivités locales dans le financement du sport professionnel, l'État ne devrait-il pas réfléchir au moyen d'inciter ces collectivités à faire du développement du sport pour tous un critère de leur soutien au sport professionnel ?
Au titre de ses préconisations pour assurer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, le rapport propose que la politique de subventions du CNDS tienne compte de l'importance des ressources propres et de l'économie du secteur professionnel des fédérations concernées. Les fédérations sportives étant délégataires de l'État pour l'organisation de leur discipline, celui-ci ne devrait-il pas veiller à ce que les adhérents des clubs et les comités départementaux ne contribuent pas excessivement au budget des fédérations ?
Je salue la qualité de ce rapport et de certaines de ses propositions en matière de soutien au sport et de solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, par exemple la proposition de création d'un Observatoire de l'économie et de l'évolution du droit du sport. En effet, le sport est un réel moteur de croissance, notamment par l'impact qu'il a sur le moral de nos concitoyens.
Dans ce domaine, il convient de veiller à un bon usage des deniers publics, notamment par les collectivités territoriales. Mais les conseils généraux ont-ils encore les moyens de financer le sport autant qu'ils le voudraient ?
S'agissant par ailleurs de la proposition des rapporteurs d'exploiter l'Euro 2016 en faveur des clubs de football amateur, les événements survenus récemment au Brésil doivent nous inciter à la prudence.
Je pense enfin que la solidarité entre sport professionnel et sport pour tous nous impose de rechercher les moyens de permettre aux sportifs amateurs de concilier sport de haut niveau et insertion professionnelle, conciliation qui reste très difficile en France.
Madame la ministre, le rapport d'information sur la politique de soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur, tout comme la mission d'évaluation, préconisent d'engager une réflexion sur la faisabilité et les conditions juridiques et économiques du transfert de la propriété des enceintes sportives aux clubs professionnels. La semaine dernière, cette question a été abordée dans le cadre de l'examen du rapport de la mission d'information sur le fair-play financier appliqué au modèle économique des clubs de football professionnel français ; vous-même l'avez également évoquée.
L'annonce de la relégation en division d'honneur – DH – du club de football du Mans donne un écho particulier à ce problème. En effet, la construction du stade, en 2010, avait coûté 104 millions d'euros, dont 31 ont été financés par la ville dans le cadre d'un partenariat public privé. Si cette décision pouvait se justifier pour un club évoluant en Ligue l, elle apparaît moins pertinente pour des compétitions en DH. En outre, le constructeur avait prévu une clause l'autorisant à résilier le contrat de concession dans un délai de six mois si le club devait descendre en National ou en dessous, la résiliation s'accompagnant d'une compensation financière de plusieurs dizaines de millions d'euros.
Étant donné la situation difficile de nos finances publiques et locales, est-ce au contribuable de financer l'aléa sportif qui peut lourdement affecter les budgets ? Quelles pistes votre ministère envisage-t-il actuellement afin de concilier les intérêts des clubs sportifs et ceux des collectivités territoriales qui doivent promouvoir leur mission d'intérêt général qu'est le sport pour tous ?
L'excellent travail de cette mission d'information et de ses rapporteurs permet d'étayer notre réflexion commune sur la nécessaire solidarité entre sport professionnel et sport amateur. Ces dernières années, les politiques publiques n'ont pas toujours servi l'intérêt général ; les inégalités d'accès à la pratique sportive et les disparités territoriales se sont accrues, et la solidarité devient exception.
Madame la ministre, dans ce contexte, je salue votre démarche tant sur le fond que sur la méthode. Suivant les préconisations de la Cour des comptes, qui a mis en évidence que le financement public du sport professionnel se faisait parfois au détriment de l'intérêt général, vous souhaitez revenir à une véritable politique publique du sport. Pour le faire, vous organisez une évaluation des politiques publiques ; l'installation officielle, cette semaine, du Conseil national du sport témoigne d'une approche partenariale du sport – à l'image du Conseil national des activités physiques et sportives – CNAPS –, créé par la loi de 1984 et présidé par Mme Edwige Avice – qui n'aurait jamais dû être abandonnée.
La création de cette instance de concertation qui réunira tous les acteurs du monde du sport m'apparaît salutaire. Il est particulièrement pertinent d'y avoir associé les collectivités territoriales, dont les financements ont permis de maintenir la pratique sportive sur tous les territoires. Les missions d'information comme celle-là, la concertation et la réorientation des politiques publiques permettront de parvenir à la nécessaire solidarité.
La préconisation relative à la création d'outils performants de mesure et d'analyse de l'impact économique et social au sport me paraît excellente. L'évaluation de l'impact réel des réductions d'impôts à titre de dons – près de 2 milliards d'euros – sur la promotion et le développement de la vie associative sportive semble également très opportune. Nous ne pouvons enfin qu'adhérer aux deux propositions relatives à l'extension de la taxe « Buffet » et au prolongement du prélèvement exceptionnel sur les mises de la Française des jeux. Seules ces mesures permettraient de restaurer les finances d'un CNDS exsangue qui représente pourtant l'outil de régulation pertinent par excellence. Le rapport présenté par mon collègue Deguilhem soulignait d'ailleurs la nécessité de cette régulation.
La partie concernant l'implication des collectivités territoriales mériterait un approfondissement, afin d'améliorer la répartition des responsabilités entre différents acteurs dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Quelles orientations préconisées par la mission d'information comptez-vous privilégier ?
J'ai beaucoup apprécié le rapport de cette mission d'information. N'opposons pas sport de haut niveau et sport de masse, celui-ci ne pouvant exister sans celui-là !
Les fédérations – notamment celle de football – laissent quelquefois l'impression de se livrer à un racket ; il faudrait en assurer le suivi.
L'an passé, j'avais préconisé d'augmenter la taxe sur les paris sportifs en ligne pour alimenter le CNDS ; cela permettrait peut-être d'aider les jeunes de nos quartiers.
La proposition n° 4, relative à l'élargissement de l'assiette de la taxe « Buffet » aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français, m'apparaît particulièrement pertinente. J'espère que le nouveau diffuseur – qui déstabilise les retransmissions – est bien de droit français ; il serait intéressant de redistribuer une partie des sommes astronomiques en jeu au sport amateur.
Régis Juanico s'était déjà beaucoup exprimé, lors du débat budgétaire pour 2013, sur le CNDS, qui constitue un outil important de réduction des inégalités. Les mesures de confortation n° 4 et n° 5 me semblent indispensables. Cependant, comme pour le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce – FISAC –, il faut fixer des critères à la distribution des aides par le CNDS, en lien avec le Parlement et le ministère de l'Égalité des territoires. Les communes moyennes – dont certaines directives territoriales d'aménagement mettent en avant le rôle fédérateur – méritent d'être confortées, surtout lorsqu'elles accueillent des établissements scolaires sur leur territoire.
Les inégalités salariales entre les hommes et les femmes sont particulièrement criantes dans le sport. Bien moins médiatisé, le sport féminin ne génère évidemment pas de revenus suffisants pour concurrencer son équivalent masculin. Exemple de ces disparités : les footballeuses de l'équipe de France ont reçu une prime de 7 000 euros pour leur qualification en demi-finale, alors que l'équipe masculine avait négocié une prime de 300 000 euros en cas de qualification à la Coupe du monde. Le sport féminin souffre également d'une sous-représentation dans les instances d'encadrement.
La plupart des équipements sportifs appartiennent aux collectivités, principalement au bloc communal. C'est donc à elles – en tant que propriétaire – qu'incombe leur mise aux normes ; or, ces normes leur sont imposées par les fédérations sportives, et ce pouvoir normatif devrait être davantage encadré.
Enfin, même si le rapport n'aborde pas la question du handisport – dont les dépenses sont actuellement couvertes par les clubs support –, celui-ci devrait bénéficier de la même prise en charge par les fédérations que le sport classique.
Le rapport de Régis Juanico et Guénhaël Huet complète utilement celui qui a été rendu la semaine dernière. En travaillant sur différents aspects du problème, on arrive donc aux mêmes conclusions sur le sport professionnel et amateur.
Nous avons proposé qu'un pourcentage du montant des transferts entre clubs de football soit reversé – en compensation – au club formateur du joueur.
S'agissant de la proposition n° 10, citons un bon et un mauvais exemple. La Coupe du monde de rugby organisée en France en 2009 n'a rien rapporté aux collectivités, la Fédération française de rugby s'appropriant tous les gains sans rien redistribuer pour conforter les investissements dans les infrastructures. Au contraire, l'expérience du « fonds Sastre » est éminemment positive. Si on reproduit cette expérience pour l'Euro 2016, les investissements ne bénéficieront pas exclusivement aux villes qui accueillent l'événement mais au pays tout entier grâce à cet outil de mutualisation.
Dans le football, le rugby et plus largement dans tous les sports d'équipe, il faut imposer les jeunes issus de la formation sur les feuilles de match. On ne peut plus tolérer que l'équipe type de volley-ball à Cannes ne comporte aucun sportif formé dans cette ville, mais cinq personnes venant de l'Union européenne, voire d'Amérique latine. Le sport professionnel devrait amener un jeune talentueux, qui a commencé à 10 ans, à jouer un jour dans l'équipe première, au lieu de laisser la place aux mercenaires qui passent d'un club à l'autre. Une étude récente a montré que cette situation pèse sur le niveau de l'équipe nationale.
Pour aller dans le sens de votre proposition n° 15, créer un fonds d'avance dans le cadre de la Caisse des dépôts et consignations permettrait aux clubs amateurs de pallier le caractère saisonnier de leur activité. Fonctionnant sur la saison sportive – et non sur l'année civile, comme les collectivités –, beaucoup d'entre eux connaissent des problèmes de trésorerie parce que les subventions leur sont versées au mois de février ou mars, soit quasiment en fin de saison. En leur garantissant une avance sur les subventions octroyées par une collectivité, un fonds de ce type éviterait aux clubs de passer par la – coûteuse – opération Dailly.
Enfin, on a du mal à saisir dans votre rapport le rôle du CNOSF, qui devrait pourtant permettre au jeune amateur d'un excellent niveau de défendre un jour les couleurs de la France aux Jeux olympiques. Pourquoi le CNOSF n'est-il impliqué dans aucune de vos propositions ?
Monsieur Hetzel, la mission d'inspection conjointe rendra ses conclusions en septembre ; elles pourront difficilement être utilisées dans le cadre du prochain projet de loi de finances, mais devraient être traduites dans la législation en 2014.
La dimension internationale du sport ne nous a pas échappé. J'avais souhaité que la mission d'inspection comprenne une comparaison des approches – y compris fiscales – adoptées par différents pays. Si les inspecteurs, par manque de temps, n'ont pu pousser cette logique à son terme, nous devrions, de notre côté, améliorer tout ce qui peut l'être. Le rapport sur le fair-play financier montre que les disparités internationales fragilisent la situation économique du football, et l'UEFA tend à en tenir compte. La Commission européenne accorde, pour sa part, de plus en plus d'attention aux aides publiques au sport professionnel, tant dans le dossier de l'Euro 2016 que sur l'ensemble des financements publics des grands équipements. La sécurisation de ces financements, tout comme la gestion de la relation entre l'utilisateur et le propriétaire de l'équipement – souvent le bloc communal –, constituent des enjeux importants.
La situation du CNDS reste délicate : en 2012, ses engagements dépassaient ses recettes de 100 millions d'euros ; l'établissement a connu trois exercices déficitaires consécutifs et prévoit un fonds de roulement encore négatif en 2016. Aux termes du plan de redressement extrêmement contraignant voté en novembre 2012, les moyens du CNDS se retrouvent étroitement limités. Courant jusqu'en 2016, ce plan rend impératif le réexamen des critères d'intervention, notamment des règles d'attribution de la part territoriale versée aux régions. Aujourd'hui, son montant comprend une part fixe par région, le reste étant attribué selon différents critères tels que le nombre de licenciés – 40 % –, la population totale ou celle des moins de 25 ans. Au total, 84 % de l'enveloppe sont répartis sans lien direct avec les inégalités de pratique sur le territoire. Il faut donc réinterroger ces critères pour donner la priorité aux publics fragiles et aux territoires dans lesquels la pratique reste faible. Ce chantier est aujourd'hui engagé, et les partenaires – collectivités locales et mouvement sportif – doivent réfléchir ensemble à l'avenir du CNDS. Il faut non seulement mener à bien le plan de redressement, mais également sécuriser les recettes qui diminuent du fait de la baisse du rendement de la taxe « Buffet » adossée aux droits de retransmission télévisée. Les nouveaux critères seront mis en application en 2014.
Vous recommandez dans votre rapport de prolonger le prélèvement exceptionnel sur les mises de la Française des jeux ; en effet, nos engagements sur les stades de l'Euro 2016 s'élèvent à 160 millions d'euros – dont 138 millions actuellement engagés –, alors que les recettes n'atteignent que 120 millions. Des engagements annoncés sur les grands équipements pèsent également sur le plan de redressement que nous avons voté. Il fallait donc à la fois sécuriser l'avenir des recettes du CNDS – chose faite – et s'assurer que toute dépense au-delà des 120 millions d'euros pour les stades de l'Euro 2016 sera gagée par des recettes affectées, de manière à ne pas fragiliser la situation du sport amateur. Faut-il pour cela prolonger le prélèvement exceptionnel de 0,3 % ? Les modalités du financement ne sont pas encore arrêtées, car nous ne savons pas encore à combien s'élèvera l'engagement total du CNDS pour les stades de l'Euro 2016. Nous ajusterons les recettes en fonction des dépenses – qui dépendront par exemple du coût du stade de Lens –, mais ces dernières ne pèseront pas sur les moyens du CNDS destinés au sport amateur.
En dehors des performances récentes de nos équipes féminines, plusieurs éléments entrent en ligne de compte dans ce domaine qui m'est particulièrement cher. Le CSA et la Commission européenne examinent actuellement l'évolution de la directive Télévision sans frontières en vue de porter la retransmission des compétitions féminines d'importance – en particulier pour le football et le rugby – au même niveau que celle des compétitions masculines. Ce texte fait pourtant souvent l'objet de confusions : certains pensent qu'une fois qu'on y est inscrit, la retransmission des compétitions à la télévision d'accès gratuit devient automatique, alors que l'inscription n'offre qu'une possibilité d'achat des droits pour bénéficier d'une transmission. Espérons enfin que ce décret, à la liste particulièrement longue, ne sera pas rejeté au niveau européen. Afin d'aller plus loin, nous avons engagé avec le CSA – et en particulier avec Mme Christine Kelly – un travail sur la médiatisation du sport féminin. Une étude réalisée fin 2012 par le CSA montrait que 7 % seulement des compétitions retransmises sur nos écrans étaient féminines. À partir de fin 2013, le CSA mènera également un travail plus qualitatif par discipline pour améliorer la reconnaissance des performances du sport féminin par l'ensemble des médias.
L'absence de reconnaissance des dirigeantes sportives dans nos instances de gouvernance est également prise en compte dans le cadre de la loi qui sera présentée par Mme Najat Vallaud-Belkacem et qui visera à faire progresser la parité, surtout dans les disciplines qui affichent plus de 25 % de licenciées. Il est dommage qu'au sein du nouveau conseil d'administration du CNOSF, les femmes soient moins nombreuses qu'avant ; notre démarche doit être plus active, et nos moyens, plus coercitifs. C'est pourquoi j'ai exigé de l'ensemble des fédérations sportives qu'elles me présentent, dans le cadre des conventions d'objectifs, un plan de féminisation. À ce jour, seules quatre fédérations en ont adopté un ; à l'avenir, celles qui y dérogeront ne bénéficieront pas des moyens financiers correspondants.
Monsieur Reiss, j'ai déjà évoqué l'attention portée par la Commission européenne aux aides publiques destinées à la préparation de l'Euro 2016 ; mais il faut également réfléchir à l'acceptation sociale des grands événements. Il y a quelques semaines, à la Conférence mondiale des ministres du sport – MINEPS – organisée à Berlin dans le cadre de l'Unesco, 120 pays – dont la France – ont signé une déclaration commune rappelant que l'augmentation permanente du cahier des charges des compétitions internationales – marquées par une explosion des coûts – devenait un véritable obstacle à leur acceptation. Dans le cadre de l'Euro 2016, si nous accueillons avec enthousiasme cet événement qui fait rayonner notre pays, les villes et territoires hôtes demandent la mise en place d'un dispositif de solidarité avec le football amateur, dont les modalités restent à définir. Nos comités de pilotage de l'Euro 2016 sont très sensibles à cette exigence d'améliorer le projet social autour de l'accueil des grands événements.
Si l'on souhaite bénéficier d'un meilleur accès aux compétitions sportives – y compris féminines –, n'oublions pas que les droits de retransmission télévisée financent le sport professionnel, de manière parfois très significative. En France, ils assurent 54 % des financements de la Ligue 1, contre seulement 30 % en Allemagne. Cette situation peut constituer une source de fragilité, comme lors du dernier appel d'offre pour la ligue professionnelle de football.
La baisse du rendement de la taxe « Buffet » diminue les moyens du CNDS et nous oblige, comme pour l'exercice 2013, de nous tourner vers les ressources de la Française des jeux. Pour assurer les moyens à l'effort de solidarité, nous avons décidé de sécuriser l'assiette actuelle de la taxe, tout en travaillant sur son élargissement – chantier que j'avais évoqué dès le projet de loi de finances pour 2013, sans qu'il ait pu aboutir. Aujourd'hui, si l'on ne change rien, on perdra 4 millions d'euros dès cette année. L'assiette pourrait être élargie aux compétitions organisées en France par des organismes étrangers, comme l'Euro 2016. Nous menons ce travail en concertation avec les diffuseurs – tant la télévision publique que la télévision d'accès payant – et en lien avec le CSA. La diminution des droits de retransmission télévisée compromet la solidarité avec le sport amateur tout en fragilisant le financement du sport professionnel.
Monsieur Darmanin, une étude menée dans le cadre de la mission d'inspection permet de constater, sur une carte, que les territoires qui accueillent nos grands équipements et nos équipes professionnelles ne voient que rarement augmenter le nombre de licenciés des disciplines correspondantes – par exemple de volley-ball féminin. L'enjeu est important : si la mission de service public impose aux fédérations d'organiser les pratiques – et jusqu'à la réglementation interne – des clubs de proximité, celles d'entre elles qui bénéficient de ressources économiques importantes pourraient alléger considérablement la pression financière sur ces derniers.
Monsieur Braillard, le rapport concerne la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, et non la gouvernance du sport. Cependant, nous reprenons à notre compte plusieurs propositions portées par le CNOSF : uniformisation des règles relatives à la taxe sur les spectacles ; nécessité d'une réflexion sur l'exploitation des enceintes sportives et les relations avec les collectivités locales ; accès aux financements de la BPI pour les petites et moyennes entreprises, les clubs professionnels et les collectivités territoriales souhaitant participer à un plan de financement des équipements sportifs ; développement du volet social du sport professionnel. En effet, je souhaite moderniser le dialogue social dans le sport professionnel pour renforcer le poids et la représentation des joueurs, élargir les possibilités de formation et de reconversion, et garantir les droits sociaux des sportifs de haut niveau et professionnels.
Je suis Madame la ministre dans l'idée que l'ensemble des dépenses liées à la rénovation ou à la construction des stades de l'Euro 2016 – dont le montant précis sera déterminé dans les prochains mois – doivent être couvertes par des ressources spécifiques. Ces investissements devraient également générer un retour en direction du sport amateur et des bénévoles qui se mobiliseront pour cet événement. Sans forcément reprendre le schéma du « fonds Sastre » – dont les 45 millions d'euros avaient permis de porter plus de 2 000 projets sur l'ensemble du territoire –, nous devons réfléchir aux modalités qui permettront ce type de retombées. À ce propos, à l'occasion de la Coupe du monde de rugby, la fédération avait quand même participé à la rénovation de terrains en synthétique de Saint-Étienne ; le nombre de jeunes licenciés ayant augmenté après cet événement, elle a également financé par la suite le travail d'éducateurs sportifs dans les clubs.
D'une façon générale, la philosophie de notre rapport consiste à exploiter tous les moyens possibles pour conforter et développer le sport professionnel et l'économie du sport – qui pèse 35 milliards d'euros –, tout en favorisant les mécanismes d'une solidarité qui reste insuffisante. L'idée de créer un Observatoire national de l'économie et de l'évolution du droit du sport apparaît à cet égard capitale. En effet, on ne sait pas aujourd'hui mesurer de façon précise les flux financiers entre sports amateur et professionnel, pas plus que les retombées économiques sur les territoires, notamment en termes d'emploi.
À titre d'exemple, les ressources de la Fédération française de football s'élèvent aujourd'hui à 200 millions d'euros, dont 15 millions seulement lui viennent de la ligue professionnelle. L'effort de solidarité paraît donc assez faible si l'on rapporte cette somme aux 660 millions générés par les droits télévisuels ou les 1,2 milliard, par l'économie du football. Cependant 90 % des recettes de la Fédération viennent de partenariats qui concernent l'équipe de France et la Coupe de France. Par ailleurs, la Fédération redirige plus de 50 millions d'euros vers le sport amateur, notamment les clubs locaux. L'observatoire nous fournira un outil de mesure précis de ces flux.
La Fédération française de tennis se passe, pour sa part, d'un appui fort de l'État puisque Roland-Garros génère chaque année plus de 150 millions d'euros de bénéfices. Mais une grande partie de ces sommes est redistribuée vers les échelons locaux, sous forme d'équipements et de près de 10 000 emplois.
S'agissant de la taxe « Buffet », il ne me reste qu'à préciser que nous préconisons d'exonérer de l'élargissement de l'assiette les événements majeurs qui seront prochainement ajoutés à la liste du décret Télévision sans frontières. Cela permettra aux chaînes publiques gratuites de continuer à les diffuser sans devoir s'acquitter d'une taxe supplémentaire. Il nous faudra toutefois analyser l'érosion de son rendement, en partie générée par le fait que le numérique vient concurrencer les retransmissions télévisuelles.
Monsieur Darmanin, en matière de partenariat privé – objet de la proposition n° 12 –, il faut généraliser les bonnes pratiques pour inclure dans les conventions, à côté du volet marketing, un volet social et un volet relatif à l'éthique et à l'intégrité du sport. Nous devrions être capables de diffuser ce modèle vertueux.
Sans les subventions publiques de certaines collectivités locales, tout un pan du sport professionnel ne pourrait pas exister. Le volley-ball féminin est par exemple subventionné à 66 %. Les conventions liant les collectivités locales aux clubs professionnels et aux sociétés sportives restent parfois trop légères ou confuses. Or, les achats de prestations pour les missions d'intérêt général doivent être clairement identifiés et évalués. Il faut donc renforcer le contrôle et les exigences sur l'apport des collectivités locales au financement du sport professionnel.
Enfin, monsieur Goua, la loi prévoit qu'une partie non négligeable des recettes des taxes sur les paris sportifs en ligne soit reversée aux fédérations. Ainsi, la Fédération française de football reçoit 2 millions d'euros, destinés au programme de lutte contre les addictions et pour l'intégrité du sport. Reste à contrôler la bonne utilisation de ces fonds.
Les entreprises sportives pourraient être éligibles à un accompagnement de la BPI. Par ailleurs, les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts pourraient soutenir les collectivités locales qui investissent dans les équipements sportifs de proximité, en renfort des moyens du CNDS. Nous travaillons sur ces deux aspects avec M. Jean-Pierre Jouyet.
La Commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport de la mission d'information commune sur la politique de soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur.
La séance est levée à seize heures dix.