On peut se demander si les Américains, contrairement aux Européens, ne sont pas en train de sortir d'une logique s'appuyant sur les indicateurs non observables, et donc plus aisément manipulables !
Par ailleurs, tandis que l'on se concentre sur les banques, le shadow banking se déploie à très grande vitesse. Sa régulation est pourtant urgente car les nouvelles contraintes sur les banques traditionnelles ont pour corollaire le développement d'acteurs qui ne sont pas soumis aux mêmes règles. Le poids de la finance de l'ombre équivaut à la moitié des actifs des banques. Et que dire des produits dérivés et de la spéculation sur les matières premières agricoles, principalement échangées non pas par les banques mais par des marchés de gré à gré ?
Avec le développement de la finance de l'ombre, n'assiste-t-on pas à la démultiplication de plusieurs grosses bombes, les banques systémiques, en de plus petites grenades, dont la déflagration, incontrôlable serait peut-être encore plus dommageable que dans le cas où nous avions affaire à de grands établissements de crédits ? Cette réflexion, nous devrons l'avoir, et il nous faudra certainement légiférer. Une loi de régulation financière devra s'attaquer en priorité à la finance de l'ombre. J'espère que ce sera le cas.
L'autre facteur de déstabilisation de la finance internationale, c'est la fraude fiscale. Lutter contre cette fraude n'est pas seulement un impératif de justice fiscale, c'est aussi un moyen de mieux contrôler les flux de capitaux. Le texte que nous examinons n'en traitait pas dans sa version initiale. Or une loi de régulation bancaire sans régulation de la fraude fiscale aurait été incomplète. Les banques jouent un rôle majeur dans l'institutionnalisation de la fraude et de l'évasion fiscale. Nous avons ici commencé à nous attaquer aux paradis fiscaux. Ce n'est qu'une porte d'entrée. Il nous faudra bien colmater les très nombreuses brèches.
Le rapport d'information du rapporteur général sur la gestion de la fameuse liste HSBC et les recommandations de MM. Pierre-Alain Muet et Éric Woerth pour contrer les stratégies d'optimisation fiscale agressive font consensus. On voit bien que les positions pour lutter contre l'évasion fiscale évoluent, dans le bon sens. Ceux qui passaient pour utopistes il y a encore quelques mois ne sont pas loin d'être considérés comme des modérés aujourd'hui. Au vu des intentions des uns et des autres, nous pouvons espérer l'adoption de dispositions substantielles dès le projet de loi de finances pour 2014. Ainsi, nous pourrons oeuvrer à une meilleure régulation de la finance, sans attendre une nouvelle loi.
En dépit de ses imperfections, le projet de loi a plusieurs mérites, la résolution des crises, je l'ai évoquée tout à l'heure, mais aussi nombre de dispositifs favorables aux consommateurs.
La commission mixte paritaire s'est beaucoup attardée sur le plafonnement des commissions d'intervention, à juste titre. Cette mesure symbolise les excès des banques à l'encontre de nos concitoyens. À l'initiative des parlementaires, tous les consommateurs pourront bénéficier de ce plafonnement.
Toutefois, je voudrais une nouvelle fois signaler les abus constatés dans les départements d'outre-mer. Je regrette vivement que ce texte ne serve pas à lutter contre cette injustice, en dépit des amendements que nous avions déposés. Ainsi, il n'a toujours pas été mis fin à la tarification excessive des services bancaires dans les outre-mer, et l'inégalité d'accès aux crédits et services d'une banque entre la métropole et les outre-mer perdure. Certains services bancaires continueront d'être gratuits en métropole et tarifés outre-mer.
Néanmoins, le texte comporte des progrès que nous ne devons pas sous-estimer. Les députés du groupe RRDP sont donc favorables à l'adoption définitive du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.