Reprendre la main face aux dérives de la finance, répondre avec précision aux causes profondes de la crise financière qui a ébranlé les économies occidentales, renforcer le contrôle démocratique sur un secteur qui, depuis, fait l'objet d'une défiance certaine : tels étaient les objectifs énoncés par Pierre Moscovici lors de la présentation du texte que nous allons définitivement adopter, après le succès, dont, comme Mme la rapporteure, je me félicite, de la commission mixte paritaire la semaine dernière.
Ces objectifs, madame la ministre, nous les avons faits nôtres et nous les avons atteints au terme d'une discussion parlementaire dans les deux assemblées riche et fructueuse. Je veux saluer le travail de notre rapporteure, Karine Berger, du rapporteur du Sénat, Richard Yung, ainsi que de l'ensemble de nos collègues et des groupes, mais aussi l'écoute du Gouvernement devant les préoccupations de la représentation nationale, qui a permis l'enrichissement de ce texte. C'est aussi probablement ce qui explique que l'ensemble des groupes de la majorité gouvernementale vont le voter. Je ne suis pas certain que l'abstention du Front de gauche à l'Assemblée nationale reflète la position de leur groupe au Sénat, mais j'ai bien compris qu'il s'agissait d'une abstention positive, d'un encouragement à aller plus loin, ce qui est bien notre intention.
Ce texte traduit l'engagement pris par le Président de la République François Hollande de remettre la finance au service de l'économie réelle et d'apporter une réponse forte aux dérives constatées et aux carences évidentes de la régulation qui ont conduit à la crise de 2008. Ce texte est-il, madame la ministre, suffisant ? Probablement pas. Était-il néanmoins nécessaire et marque-t-il des avancées considérables ? Oui, à l'évidence.
Nous le savons, sur ce sujet comme sur bien d'autres – je pense en particulier à la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales – les choses se jouent aussi et surtout aux plans européen et mondial. Mais, contrairement à nos collègues de l'opposition, nous avons considéré que notre responsabilité était de montrer la voie, sans attendre l'adoption de dispositifs de régulation communautaire et internationale. Le résultat, c'est que nous sommes d'une certaine manière les fers de lance de la lutte contre les dérives financières aux niveaux européen et international, et que nous influençons et même anticipons dans de nombreux domaines les règles communautaires à venir. Je pense en particulier au dispositif permettant l'application immédiate, lorsqu'ils entreront en vigueur, des accords d'échange automatique d'informations de type FATCA : c'est une grande avancée que nous puissions les appliquer directement et rapidement.
Je voudrais revenir sur l'objectif commun qui est le nôtre, sous-jacent à ce texte. Ce que nous voulons, c'est la croissance ; nous voulons la croissance parce que nous voulons l'emploi, et pour cela il faut une économie compétitive, dynamique, financée. C'est notamment, mais pas seulement – nous avons fait, avec Karine Berger, des propositions sur le financement de l'économie qui devraient se traduire prochainement, si j'ai bien compris, en loi de finances – le rôle des banques. Aussi devons-nous conforter les banques françaises et les inciter à concentrer leur activité sur le financement de l'économie réelle. Nous devons aussi les protéger contre des risques trop importants qu'elles prendraient et qui pourraient les affaiblir et affaiblir notre pays. C'est ce que nous faisons dans ce texte, de même que nous faisons en sorte que les mécanismes nécessaires soient adoptés au plan européen et au plan mondial.
Efficacité économique, stabilité et contrôle, justice fiscale et sociale : ce sont les trois axes que je veux retenir de ce texte.
En ce qui concerne l'efficacité économique, je pense en premier lieu à la séparation des activités spéculatives des banques des activités de crédit utiles à l'investissement et à la croissance. Ces dispositions ont été complétées par l'encadrement des hedge funds et du trading à haute fréquence. Je pense aussi à l'interdiction, pour les banques, de détenir des stocks physiques de matières premières agricoles, mesure qui constitue une avancée importante contre l'immoralité financière. C'est enfin la lutte contre les paradis fiscaux. Je partage le propos de la rapporteure sur le périmètre de communication, qui porte désormais sur la publication des bénéfices et des impôts des filiales, pour éviter toute échappatoire.
Au sujet du contrôle des banques, nous pouvons nous féliciter du renforcement des pouvoirs de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui pourra interdire à un établissement de se livrer à des activités présentant des risques trop élevés pour elle-même et pour le système bancaire, ainsi que ceux du Haut conseil de stabilité financière, doté de pouvoirs d'intervention juridiquement contraignants.
La justice sociale, enfin, c'est protéger les clients des banques, les épargnants. Cela passe par la mise en avant de la responsabilité des actionnaires et des créanciers, juniors et seniors, des banques. Cela touche également au plafonnement des commissions d'intervention des banques. Je me félicite que le Gouvernement et les sénateurs aient enregistré la demande de la représentation nationale d'un plafond général pour tous.
Je crois que le texte de la CMP est un bon compromis. J'espère que le Gouvernement confirmera rapidement les chiffres annoncés en début de semaine dans la presse, qui permettront que la volonté des députés socialistes et des sénateurs socialistes, écologistes et du Front de gauche, qui avaient également demandé un plafond pour les plus fragiles, ne reste pas sans force.