Monsieur Auštrevičius, voir aujourd'hui la Lituanie assumer la présidence de l'Union européenne suscite en moi une émotion singulière parce que je me souviens des jours que j'ai passés en compagnie de M. Vytautas Landbergis dans l'enceinte du Seimas, alors que les chars de M. Gorbatchev encerclaient Vilnius.
J'approuve votre position sur l'Europe de la défense. Il faut dire les choses comme elles sont : on n'avance pas. Je me féliciterais que la présidence lituanienne permette qu'il en soit autrement. Certains affirment qu'il ne peut y avoir de politique européenne de la défense sans politique étrangère commune. Je pense à l'inverse qu'une politique de la défense commune peut conduire à une évolution en matière de politique étrangère. Il est donc bon de s'attacher à promouvoir l'industrie européenne de la défense, mais il faut aussi crever l'abcès et mettre au point la coopération avancée prévue par les traités. Les pays « qui le veulent et le peuvent », selon les mots de M. Jacques Delors, doivent, sans fermer la porte aux autres États, définir une stratégie concertée ; l'Europe de la défense ne verra jamais le jour si on essaie de la construire à vingt-huit.
L'article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance permet un progrès démocratique. Sur un autre plan, je suis convaincu que nous devons désigner un ministre européen des finances. C'est la position de la France mais aussi de l'Allemagne, qui jugent cette évolution indispensable pour définir une politique commune de lutte contre la crise. Que fera la présidence lituanienne pour faire progresser cette idée ?
Enfin, l'issue des élections européennes de 2014 suscite de très vives inquiétudes, en particulier parce que la forte abstention traditionnellement constatée lors de ces élections va permettre à tous les populismes de s'exprimer. Au-delà de nos divergences politiques, la présidente de notre Commission et moi-même avons demandé d'une même voix, lors de la « petite » COSAC, à Vilnius, que la présidence lituanienne invite l'ensemble des parlements nationaux à s'engager dans une campagne d'explication de l'Union européenne, car les parlementaires européens ne suffisent pas à la tâche. La présidence lituanienne répondra-t-elle à cette demande qui tend à éviter une sombre surprise ?