Intervention de Petras Auštrevičius

Réunion du 10 juillet 2013 à 15h45
Commission des affaires européennes

Petras Auštrevičius, vice-président du Seimas et vice-président de la commission des affaires européennes :

Je remercie tous les orateurs, dont les informations, observations et questions contribueront utilement à la recherche des meilleures solutions par la présidence lituanienne.

Pour encourager la participation des citoyens à la politique européenne, les institutions communautaires doivent s'efforcer de s'ouvrir et de devenir plus transparentes. Les pays nordiques ont fait des propositions très intéressantes à ce sujet, et je pense vraiment que l'on pourrait améliorer les choses. Trop souvent, l'Union européenne est critiquée pour ses penchants bureaucratiques et parce que les mesures adoptées semblent être imposées sans débat préalable. Il faut aussi accorder une attention constante à la jeunesse ; le programme « Erasmus plus » est un excellent exemple de ce qu'il est possible de faire. Il ne s'agit pas d'effacer les identités nationales mais de faire un lien de nos valeurs communes. La Commission et le Parlement européen seraient bien inspirés de multiplier les initiatives semblables à l'Année européenne des citoyens, ce qui permettrait d'intensifier les échanges. Pendant la période 2014-2020, le partenariat européen en faveur des jeunes prendra la forme du programme Erasmus Plus. Au-delà, l'Union européenne doit faire abstraction de la crise et anticiper : qui travaillera dans nos usines, qui balaiera nos rues, qui payera nos pensions de retraite ? L'Europe doit attirer et accueillir des jeunes gens qualifiés, comme le font les États-Unis et l'Australie ; sinon, nous nous préparons un triste avenir.

Je sais que la question des appellations d'origine, singulièrement pour les vins, a une importance majeure pour les producteurs français ; elle retiendra toute notre attention lors des négociations futures. Dans les accords de libre-échange signés avec les pays de l'Est de l'Europe, nous avons prévu une période transitoire de dix ans pendant laquelle le calvados et autres boissons alcoolisées françaises ne pourront être fabriqués en Ukraine. Je ne connais pas suffisamment la question des extensions de noms de domaine auxquelles s'apprête à procéder l'ICANN pour vous faire une réponse aujourd'hui, mais j'étudierai le dossier et vous ferai parvenir une réponse par notre ambassade à Paris.

J'ai constaté que vous étiez tout à fait au courant des séminaires consacrés à la politique européenne de défense prévus à Paris et Londres. Il n'existe pas réellement de politique de sécurité et de défense commune aujourd'hui. La question aurait dû être réglée depuis si longtemps que je demande souvent à nos partenaires européens s'ils ont peur d'une Europe de la défense plus forte. Les Américains souhaitent qu'une telle politique ne dépasse pas le cadre de l'OTAN. Il faut, bien sûr, maintenir la coopération dans le cadre de l'Alliance atlantique, mais il faut aussi éviter les doublons qui existent aujourd'hui, et qu'illustre l'envoi de militaires des mêmes armées dans les mêmes régions, dans le cadre de missions parallèles, au risque d'un gaspillage de ressources. Ainsi que je l'ai exposé à vos collègues sénateurs, six États membres disposent de 80 % des capacités industrielles de la défense européenne. La concentration est donc très forte mais elle ne devrait pas avoir pour conséquence de dissuader d'autres États membres de participer aux marchés publics. Mais, pour l'instant le processus est bloqué, comme il l'est à l'OTAN. S'agissant de l'achat de munitions légères, les pays baltes n'en sont qu'au début.

Quelques mots sur nos relations avec la Biélorussie et la Russie. La Biélorussie a signé avec la Lituanie un accord de libre circulation des personnes dans une zone de 50 kilomètres de part et d'autre de la frontière entre nos deux pays mais elle ne l'a toujours pas ratifié car le président Loukachenko ne le souhaite pas. Au lieu d'en respecter les termes et de faciliter ainsi la circulation de 600 000 personnes, il a accepté la création, à 40 kilomètres de notre frontière commune, d'une base aérienne destinée à la chasse russe. Telles sont les priorités de ces gens, qui atteignent leurs objectifs en faisait preuve d'une constance sans pareille. J'aimerais que l'Union européenne fasse preuve d'une égale détermination. Pour autant, s'il faut être franc et direct avec les Biélorusses et avec les autres régimes de ce type, il ne faut pas abandonner ces pays à leur sort, car y vit aussi une opposition politique qui pense à l'avenir.

En Russie, les violations des droits de l'homme se multiplient au point de devenir systématiques. Nous sommes préoccupés par l'affaire Navalny, et nous savons qu'il y en aura d'autres car l'État russe cherche à contrôler la société. Le gouvernement, qui ne se préoccupe que de visas et d'énergie, est en voie d'isolement. Nous avons donc un grand voisin doté d'un fort potentiel mais qui n'a pas choisi la bonne direction. L'enclave de Kaliningrad où vivent un million d'habitants serait le lieu idéal d'une coopération avec l'Union européenne et si j'étais Vladimir Poutine, je travaillerais en ce sens. Mais l'enclave continue d'être une zone militaire. Pourquoi la Russie conserve-t-elle une région aussi densément militarisée au coeur de l'Europe ? Considère-t-elle l'OTAN et l'Union européenne comme des ennemis ? Aujourd'hui, la coopération avec Kaliningrad est pratiquement interrompue : tout passe par Moscou, et cette centralisation bloque de nombreuses initiatives.

Je remercie M. Pierre Lequiller de nous avoir fait part avec chaleur de ses souvenirs personnels d'une période charnière pour la Lituanie. Nous célébrons cette année le 25e anniversaire du mouvement pour l'indépendance. Nous avons renversé l'ancien régime et notre adhésion à l'Union européenne a signé notre retour dans la famille européenne. Mais, sans votre aide et votre coopération, cela n'aurait pas été possible. C'est pourquoi nous ne nous sentons pas le droit d'abandonner les États qui ne sont pas dans une situation favorable aujourd'hui. Le processus démocratique peut être long, mais il est inévitable.

À l'ordre du jour de la Le COSAC figure un point intitulé « Les élections européennes 2014 : une plateforme de débat avec les citoyens sur l'avenir de l'Union européenne ». Les Européens doivent savoir ce qui distingue les partis et les programmes politiques, mais ils doivent en être informés à temps, non à la veille des élections. On pourra de la sorte attirer au Parlement européen des personnes compétentes, riches d'idées nouvelles. Parce que nous étions convaincus que les réunions institutionnelles ne suffisent pas et qu'il faut faire davantage, nous avons créé le Club européen du Seimas, groupe de discussion informel d'un grand intérêt. Les débats avec nos invités sont diffusés sur l'Internet et le grand public peut nous poser des questions. Il faut tirer tout le profit possible des nouvelles technologies de l'information.

L'article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance a renforcé les droits des parlements nationaux. C'est bien, mais les parlements devraient pour commencer exercer effectivement les droits dont ils disposent, notamment celui de contrôler l'action de l'Union. Or les disparités de ce point de vue sont surprenantes : si, dans certains parlements nationaux, la commission des affaires européennes suit attentivement l'actualité européenne, c'est moins flagrant ailleurs. Le rôle des parlementaires est pourtant de répondre aux questions des citoyens.

Il n'y a pas lieu de craindre un déséquilibre entre le partenariat oriental et le partenariat méditerranéen. Il faut aider les pays situés à l'est des frontières de l'Union, mais cela ne se fera pas au détriment des autres.

La récente entrée de la Lettonie dans la zone euro est une bonne nouvelle pour la monnaie unique, car elle démontre que celle-ci garde son attrait. Nous avons pour notre part prévu d'y adhérer en 2015, après avoir réglé le problème de l'inflation – laquelle est due au renchérissement de l'énergie, qui n'est pas de notre fait – et ce sera une bonne chose pour nous tous. Je serais défavorable à ce que la Lituanie adhère à la zone euro si je ne savais pas celle-ci régie par des règles que tous les États qui la composent doivent respecter. La fiabilité financière de tous les membres de la zone et les taux d'intérêt qui leur sont appliqués en dépendent. Le Two-Pack sera suivi d'un autre « paquet », c'est inévitable.

Enfin, je ne doute pas que le groupe de travail sur le financement du budget européen contribuera efficacement à une évolution souhaitable.

Les questions abordées au cours de cette discussion sont d'une grande importance. Si nous agissons tous avec rigueur, nous obtiendrons des résultats. Sachez enfin que vous êtes les bienvenus en Lituanie.

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