Intervention de Louis Gallois

Réunion du 16 juillet 2013 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Louis Gallois, commissaire général à l'investissement :

Il est de bonne pratique que nous venions régulièrement exposer aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat l'avancement du programme d'investissements d'avenir. Nous vous avons d'ailleurs adressé un dernier état, arrêté à la première quinzaine de juillet. Les engagements s'élèvent à 28,5 milliards d'euros sur les 35 milliards prévus. Dans le montant engagé, 14,6 milliards d'euros sont des dotations non consommables dont les bénéficiaires perçoivent les intérêts. Nous avons contractualisé 21,5 milliards d'euros de ces 28,5 milliards. Avec les opérateurs, nous avons porté notre effort sur l'accélération de la contractualisation pour réduire la durée anormalement longue qui s'écoulait entre engagements et contractualisations. 5,2 milliards d'euros ont été décaissés. Certains considèrent que c'est peu, mais c'est exactement conforme au plan qu'avait prévu mon prédécesseur, M. René Ricol : il a fallu lancer les appels à projets et faire les engagements avant de commencer à verser les fonds au rythme prévu, et 4 milliards seront dépensés chaque année en 2013, 2014 et 2015. Après quoi, les versements baisseront, car ce sera la fin de ce premier programme.

Dans les 6,5 milliards d'euros qui ne sont pas encore engagés, on trouve les 2,2 milliards redéployés par décision du Premier ministre en janvier 2013. Les appels à projets sont lancés ; les engagements auront lieu à partir de septembre et jusqu'à la fin de l'année. D'autre part, 1,3 milliard d'euros devant être consacrés au très haut débit n'ont pas été engagés, car le changement de la feuille de route a fait que, pendant six mois, aucune opération n'a été lancée. Elles se déroulent maintenant à un bon rythme. Les autres sommes en suspens concernent des opérations très avancées, pour lesquelles les engagements devraient intervenir ce mois-ci, telles les sociétés d'accélération de transferts de technologies de Grenoble et de Saclay. Au pôle de Saclay également, l'écoulement des crédits se fera au rythme du transfert des écoles. Par ailleurs, de sérieux problèmes de compatibilité avec les règles communautaires ont considérablement allongé la mise en oeuvre des instituts d'excellence en énergie décarbonée : alors que les projets avaient été pour l'essentiel approuvés à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012, la première signature est intervenue le mois dernier seulement.

Je vais maintenant dresser un premier bilan des opérations qui fonctionnent bien et de celles qui peuvent poser question. Au nombre des premières, il y a, incontestablement, les initiatives d'excellence – IDEX – qui ont conduit à des regroupements d'universités. Je mentionnerai toutefois quelques difficultés pour l'IDEX Paris II-Paris IV-Paris VI, l'Université Paris II s'interrogeant sur le maintien de sa participation au pôle de recherche et d'enseignement supérieur Sorbonne Universités. En revanche, alors que l'on aurait pu s'attendre à ce que des frictions naissent entre toutes les gloires de la recherche française rassemblées à Saclay, l'IDEX de Saclay fonctionne très bien.

Les instituts de recherche technologique (IRT) sont au travail. Deux sont particulièrement dynamiques : Nantes Jules-Verne et Rennes B-Com. En revanche, la mise en route de l'IRT Aéronautique, espace et systèmes embarqués, situé entre Bordeaux et Toulouse, a été très longue, en raison de problème de compatibilité avec les règles communautaires, mais aussi parce qu'il a fallu mettre d'accord les acteurs régionaux.

Le fonds d'amorçage, qui est doté de 600 millions d'euros, fonctionne très bien, démontrant que le besoin était réel. Il finance des entreprises innovantes au tout début de leurs projets, lors de la création des démonstrateurs par exemple, pour des sommes ne dépassant pas 700 000 euros, avant que l'on en vienne au financement par capital-risque et capital-développement avec des enveloppes plus importantes.

En ce qui concerne nos procédures, j'ai, lors de ma prise de fonctions, donné pour triple mot d'ordre « simplification, accélération et travail en commun ». Nous n'y sommes pas encore tout à fait, et j'ai indiqué aux opérateurs et aux bénéficiaires que toutes leurs propositions en ce sens seront examinées avec soin.

Nous avons par ailleurs procédé à un diagnostic territorial. Si le commissariat général n'a pas vocation à aménager le territoire, nous ne pouvons nous désintéresser de l'impact territorial des actions que nous menons. Un compte rendu du diagnostic a été adressé à votre assemblée. Il permet de constater que toutes les régions ont bénéficié des investissements d'avenir, mais aussi que le commissariat général doit resserrer les liens avec les régions par le biais des préfectures de région qui coordonnent les comités de suivi des investissements d'avenir. C'est ce que nous allons faire.

J'en viens au redéploiement décidé en janvier. Les appels à projet sont en cours de lancement, avec des succès divers. Certains secteurs ont bien démarré : l'économie sociale et solidaire, le coeur de filière numérique, les nouveaux appels à manifestation d'intérêt de l'ADEME, l'e-éducation ou encore les prêts numériques. Je suis un peu moins satisfait de la lenteur avec laquelle s'opère l'articulation entre les Instituts Carnot et les PME. De même, pour les programmes d'articulation de la formation initiale et de la formation continue, nous manquons de projets, même si la Fédération du BTP nous a fait des propositions intéressantes. C'est dommage. L'agriculture, qui a toujours su articuler formation initiale et formation continue, a montré toute l'utilité de cette pratique : outre que cela permet d'utiliser les bâtiments d'enseignement toute l'année, la proximité des enseignants de formation initiale avec le milieu professionnel est renforcée et le fait qu'élèves et salariés en formation continue puissent ainsi se rencontrer est très positif.

Nous sommes en discussion avec la Banque publique d'investissement – BPI –, dont je suis administrateur et qui gère treize de nos actions, pour coordonner nos activités, car nous intervenons très souvent pour les mêmes entreprises. Le directeur général, M. Nicolas Dufourcq, et moi-même sommes convenus de nous rencontrer régulièrement.

Voilà pour le premier programme d'investissements d'avenir. Comme vous l'avez rappelé, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un abondement de 12 milliards d'euros. Vous connaissez la ventilation de ce deuxième programme : une forte insistance mise sur la transition énergétique, à laquelle 2,3 milliards seront consacrés en investissements directs et qui est aussi appuyée par une éco-conditionnalité, que nous sommes en train de définir, pour plus de la moitié du programme. Par ailleurs, 3,65 milliards d'euros sont consacrés à la recherche et à l'université, dont plus de 3 milliards sous forme de dotations non consommables. Les taux d'intérêt ayant baissé, il nous a fallu augmenter l'enveloppe pour parvenir au résultat souhaité. Je souligne que cette partie de la dépense n'a d'impact sur le budget de l'État qu'au moment où les intérêts sont versés.

Le deuxième programme d'investissements d'avenir se caractérise aussi par la présence de projets de l'industrie de défense. Ils avaient été exclus du premier programme, mais l'on est convenu par la suite que cette industrie de haute technologie diffuse dans tout notre tissu technologique et qu'il convenait pour cette raison de financer également ses meilleurs projets. On note aussi, dans ce deuxième programme, le poids des prêts et des prises de participation ; il s'agit de soutenir des entreprises en aval du processus, en dotant en fonds propres celles qui, parvenues à la phase de l'industrialisation de l'innovation, ne relèvent plus du fonds d'amorçage, mais ont besoin de sommes beaucoup plus importantes. Je rappelle incidemment que les prêts et prises de participation n'ont pas d'impact sur les comptes de l'État au sens du traité de Maastricht.

Pour ce qui est du calendrier de ce deuxième plan, nous sommes actuellement engagés dans un dialogue avec les ministères, sous l'égide du cabinet du Premier ministre, afin de préciser les programmes, les dotations et les modes de financement. Évidemment, chacun préfère les subventions au prêt de fonds propres, et il faudra trouver le bon équilibre. Ensuite viendra l'inscription des sommes considérées dans une loi de finances, à un moment que déterminera le Gouvernement.

Les règles qui président aux investissements d'avenir ne sont pas modifiées dans le deuxième programme : nous restons dans le cadre d'appels à projets innovants retenus par un jury. La force des investissements d'avenir résulte autant des projets que nous acceptons que de ceux que nous refusons. M. René Ricol n'a ainsi pas retenu la candidature du site de Saclay pour une IDEX avec une gouvernance imprécise. Le site a finalement été sélectionné, mais au cours de la deuxième vague, après que le mode de gouvernance proposé eut été amélioré – et tout le monde a compris le message.

Je voudrais évoquer à présent le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. La mobilisation des ministères est bonne ; deux tiers des mesures, notamment les plus importantes, connaissent un début de mise en oeuvre. Ainsi, 720 millions d'euros ont été accordés ou sont en cours d'instruction au titre du CICE, et l'objectif de 800 millions d'euros pour l'année sera très largement dépassé. Après un démarrage assez lent, une accélération notable s'est produite grâce à l'effort de communication conjugué de la BPI et des préfets de région, mais aussi parce que les entreprises qui ont des problèmes de trésorerie sont très intéressées par ce préfinancement. Cet aspect des choses ne peut être minoré : le succès du CICE signifie en creux que les besoins de trésorerie des entreprises ne sont pas satisfaits par les banques. On note cependant encore des réticences, certains chefs d'entreprise imaginant que le CICE est soumis à conditions ou à contreparties, ou craignant que le bénéfice de la mesure n'entraîne un contrôle fiscal. Outre que, sur le plan pratique, toutes les entreprises pouvant bénéficier de ce dispositif, un contrôle fiscal généralisé serait impossible, le ministre de l'Économie a dit de la manière la plus claire qu'aucun contrôle fiscal ne résulterait de l'octroi du CICE.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion