Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du 16 juillet 2013 à 16h00

Résumé de la réunion

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  • CICE
  • PIA
  • apprentissage

La réunion

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La Commission entend M. Louis GALLOIS, commissaire général à l'investissement, sur le bilan du programme d'investissements d'avenir et sur le suivi du pacte pour la compétitivité de l'industrie française.

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Nous avons le plaisir de recevoir M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, que je remercie d'avoir répondu à notre invitation.

Le 7 novembre dernier, une audition conjointe avec la commission des affaires économiques vous avait donné l'occasion de nous présenter le rapport sur la compétitivité que vous veniez de remettre au Premier ministre. Aujourd'hui, nous aimerions vous entendre dresser un premier bilan des mesures décidées dans le cadre du pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, en particulier le crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE. Nous vous entendrons aussi avec intérêt nous parler du programme d'investissements d'avenir (PIA). Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un deuxième plan d'investissements, à hauteur de 12 milliards d'euros. Nous souhaitons connaître l'articulation de ces deux plans et l'état d'avancement de la consommation des crédits à ce jour, après que, conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, vous nous avez adressé en juin un rapport d'étape sur la réalisation du premier programme d'investissements d'avenir.

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Il est de bonne pratique que nous venions régulièrement exposer aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat l'avancement du programme d'investissements d'avenir. Nous vous avons d'ailleurs adressé un dernier état, arrêté à la première quinzaine de juillet. Les engagements s'élèvent à 28,5 milliards d'euros sur les 35 milliards prévus. Dans le montant engagé, 14,6 milliards d'euros sont des dotations non consommables dont les bénéficiaires perçoivent les intérêts. Nous avons contractualisé 21,5 milliards d'euros de ces 28,5 milliards. Avec les opérateurs, nous avons porté notre effort sur l'accélération de la contractualisation pour réduire la durée anormalement longue qui s'écoulait entre engagements et contractualisations. 5,2 milliards d'euros ont été décaissés. Certains considèrent que c'est peu, mais c'est exactement conforme au plan qu'avait prévu mon prédécesseur, M. René Ricol : il a fallu lancer les appels à projets et faire les engagements avant de commencer à verser les fonds au rythme prévu, et 4 milliards seront dépensés chaque année en 2013, 2014 et 2015. Après quoi, les versements baisseront, car ce sera la fin de ce premier programme.

Dans les 6,5 milliards d'euros qui ne sont pas encore engagés, on trouve les 2,2 milliards redéployés par décision du Premier ministre en janvier 2013. Les appels à projets sont lancés ; les engagements auront lieu à partir de septembre et jusqu'à la fin de l'année. D'autre part, 1,3 milliard d'euros devant être consacrés au très haut débit n'ont pas été engagés, car le changement de la feuille de route a fait que, pendant six mois, aucune opération n'a été lancée. Elles se déroulent maintenant à un bon rythme. Les autres sommes en suspens concernent des opérations très avancées, pour lesquelles les engagements devraient intervenir ce mois-ci, telles les sociétés d'accélération de transferts de technologies de Grenoble et de Saclay. Au pôle de Saclay également, l'écoulement des crédits se fera au rythme du transfert des écoles. Par ailleurs, de sérieux problèmes de compatibilité avec les règles communautaires ont considérablement allongé la mise en oeuvre des instituts d'excellence en énergie décarbonée : alors que les projets avaient été pour l'essentiel approuvés à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012, la première signature est intervenue le mois dernier seulement.

Je vais maintenant dresser un premier bilan des opérations qui fonctionnent bien et de celles qui peuvent poser question. Au nombre des premières, il y a, incontestablement, les initiatives d'excellence – IDEX – qui ont conduit à des regroupements d'universités. Je mentionnerai toutefois quelques difficultés pour l'IDEX Paris II-Paris IV-Paris VI, l'Université Paris II s'interrogeant sur le maintien de sa participation au pôle de recherche et d'enseignement supérieur Sorbonne Universités. En revanche, alors que l'on aurait pu s'attendre à ce que des frictions naissent entre toutes les gloires de la recherche française rassemblées à Saclay, l'IDEX de Saclay fonctionne très bien.

Les instituts de recherche technologique (IRT) sont au travail. Deux sont particulièrement dynamiques : Nantes Jules-Verne et Rennes B-Com. En revanche, la mise en route de l'IRT Aéronautique, espace et systèmes embarqués, situé entre Bordeaux et Toulouse, a été très longue, en raison de problème de compatibilité avec les règles communautaires, mais aussi parce qu'il a fallu mettre d'accord les acteurs régionaux.

Le fonds d'amorçage, qui est doté de 600 millions d'euros, fonctionne très bien, démontrant que le besoin était réel. Il finance des entreprises innovantes au tout début de leurs projets, lors de la création des démonstrateurs par exemple, pour des sommes ne dépassant pas 700 000 euros, avant que l'on en vienne au financement par capital-risque et capital-développement avec des enveloppes plus importantes.

En ce qui concerne nos procédures, j'ai, lors de ma prise de fonctions, donné pour triple mot d'ordre « simplification, accélération et travail en commun ». Nous n'y sommes pas encore tout à fait, et j'ai indiqué aux opérateurs et aux bénéficiaires que toutes leurs propositions en ce sens seront examinées avec soin.

Nous avons par ailleurs procédé à un diagnostic territorial. Si le commissariat général n'a pas vocation à aménager le territoire, nous ne pouvons nous désintéresser de l'impact territorial des actions que nous menons. Un compte rendu du diagnostic a été adressé à votre assemblée. Il permet de constater que toutes les régions ont bénéficié des investissements d'avenir, mais aussi que le commissariat général doit resserrer les liens avec les régions par le biais des préfectures de région qui coordonnent les comités de suivi des investissements d'avenir. C'est ce que nous allons faire.

J'en viens au redéploiement décidé en janvier. Les appels à projet sont en cours de lancement, avec des succès divers. Certains secteurs ont bien démarré : l'économie sociale et solidaire, le coeur de filière numérique, les nouveaux appels à manifestation d'intérêt de l'ADEME, l'e-éducation ou encore les prêts numériques. Je suis un peu moins satisfait de la lenteur avec laquelle s'opère l'articulation entre les Instituts Carnot et les PME. De même, pour les programmes d'articulation de la formation initiale et de la formation continue, nous manquons de projets, même si la Fédération du BTP nous a fait des propositions intéressantes. C'est dommage. L'agriculture, qui a toujours su articuler formation initiale et formation continue, a montré toute l'utilité de cette pratique : outre que cela permet d'utiliser les bâtiments d'enseignement toute l'année, la proximité des enseignants de formation initiale avec le milieu professionnel est renforcée et le fait qu'élèves et salariés en formation continue puissent ainsi se rencontrer est très positif.

Nous sommes en discussion avec la Banque publique d'investissement – BPI –, dont je suis administrateur et qui gère treize de nos actions, pour coordonner nos activités, car nous intervenons très souvent pour les mêmes entreprises. Le directeur général, M. Nicolas Dufourcq, et moi-même sommes convenus de nous rencontrer régulièrement.

Voilà pour le premier programme d'investissements d'avenir. Comme vous l'avez rappelé, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un abondement de 12 milliards d'euros. Vous connaissez la ventilation de ce deuxième programme : une forte insistance mise sur la transition énergétique, à laquelle 2,3 milliards seront consacrés en investissements directs et qui est aussi appuyée par une éco-conditionnalité, que nous sommes en train de définir, pour plus de la moitié du programme. Par ailleurs, 3,65 milliards d'euros sont consacrés à la recherche et à l'université, dont plus de 3 milliards sous forme de dotations non consommables. Les taux d'intérêt ayant baissé, il nous a fallu augmenter l'enveloppe pour parvenir au résultat souhaité. Je souligne que cette partie de la dépense n'a d'impact sur le budget de l'État qu'au moment où les intérêts sont versés.

Le deuxième programme d'investissements d'avenir se caractérise aussi par la présence de projets de l'industrie de défense. Ils avaient été exclus du premier programme, mais l'on est convenu par la suite que cette industrie de haute technologie diffuse dans tout notre tissu technologique et qu'il convenait pour cette raison de financer également ses meilleurs projets. On note aussi, dans ce deuxième programme, le poids des prêts et des prises de participation ; il s'agit de soutenir des entreprises en aval du processus, en dotant en fonds propres celles qui, parvenues à la phase de l'industrialisation de l'innovation, ne relèvent plus du fonds d'amorçage, mais ont besoin de sommes beaucoup plus importantes. Je rappelle incidemment que les prêts et prises de participation n'ont pas d'impact sur les comptes de l'État au sens du traité de Maastricht.

Pour ce qui est du calendrier de ce deuxième plan, nous sommes actuellement engagés dans un dialogue avec les ministères, sous l'égide du cabinet du Premier ministre, afin de préciser les programmes, les dotations et les modes de financement. Évidemment, chacun préfère les subventions au prêt de fonds propres, et il faudra trouver le bon équilibre. Ensuite viendra l'inscription des sommes considérées dans une loi de finances, à un moment que déterminera le Gouvernement.

Les règles qui président aux investissements d'avenir ne sont pas modifiées dans le deuxième programme : nous restons dans le cadre d'appels à projets innovants retenus par un jury. La force des investissements d'avenir résulte autant des projets que nous acceptons que de ceux que nous refusons. M. René Ricol n'a ainsi pas retenu la candidature du site de Saclay pour une IDEX avec une gouvernance imprécise. Le site a finalement été sélectionné, mais au cours de la deuxième vague, après que le mode de gouvernance proposé eut été amélioré – et tout le monde a compris le message.

Je voudrais évoquer à présent le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. La mobilisation des ministères est bonne ; deux tiers des mesures, notamment les plus importantes, connaissent un début de mise en oeuvre. Ainsi, 720 millions d'euros ont été accordés ou sont en cours d'instruction au titre du CICE, et l'objectif de 800 millions d'euros pour l'année sera très largement dépassé. Après un démarrage assez lent, une accélération notable s'est produite grâce à l'effort de communication conjugué de la BPI et des préfets de région, mais aussi parce que les entreprises qui ont des problèmes de trésorerie sont très intéressées par ce préfinancement. Cet aspect des choses ne peut être minoré : le succès du CICE signifie en creux que les besoins de trésorerie des entreprises ne sont pas satisfaits par les banques. On note cependant encore des réticences, certains chefs d'entreprise imaginant que le CICE est soumis à conditions ou à contreparties, ou craignant que le bénéfice de la mesure n'entraîne un contrôle fiscal. Outre que, sur le plan pratique, toutes les entreprises pouvant bénéficier de ce dispositif, un contrôle fiscal généralisé serait impossible, le ministre de l'Économie a dit de la manière la plus claire qu'aucun contrôle fiscal ne résulterait de l'octroi du CICE.

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C'est le crédit d'impôt recherche qui donne cette idée…

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

On peut comprendre ce qui motive un contrôle fiscal en cas de crédit d'impôt recherche : c'est que son assiette est difficile à déterminer – et elle le sera davantage encore pour le crédit innovation. Elle est beaucoup moins compliquée pour le CICE. Enfin, si la BPI a fait ce qu'elle devait à propos du CICE, les banques sont encore un peu molles.

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

On constate une gradation : les banques de réseau très proches du terrain se sont mieux mobilisées que celles qui naviguent dans la stratosphère… Je souhaite que toutes soient plus actives.

Le fonds de garantie publique auprès des banques des crédits de trésorerie, prévu pour garantir 500 millions d'euros, concerne 257 millions d'euros à ce jour. La performance est honorable, mais on aurait pu espérer davantage. Sans doute cette garantie a-t-elle paru coûteuse.

Sont encore à venir toutes les mesures qui relèvent de la loi de finances, notamment toute la partie fiscale sur l'épargne à long terme, dans la suite du rapport de Mme Karine Berger et M. Dominique Lefebvre qui complète le pacte, et aussi ce qui concerne le compte personnel de formation, dont les modalités dépendront du projet de loi sur la formation professionnelle en cours de concertation.

Je me dois de vous alerter sur l'apprentissage. Le nombre d'apprentis diminue en France. Il y a plusieurs causes à cela : la crise certes, qui dissuade d'embaucher des apprentis, mais d'autres obstacles existent qui demandent une analyse attentive. En premier lieu, les relations doivent être renforcées entre le monde de l'éducation et les entreprises. Ensuite, il est difficile pour les apprentis de trouver une entreprise prête à les accueillir. De plus se pose à eux un problème aigu de logement – certains apprentis dorment dans leur voiture – et, quand ils n'ont pas de voiture et qu'ils sont en apprentissage à 50 kilomètres de leur lycée, ils ne peuvent supporter les frais de transport. Il faut faire davantage pour l'apprentissage.

Pour donner suite au rapport de MM. Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin, Mme Fleur Pellerin a annoncé pour septembre un ensemble de mesures en faveur de l'innovation. J'attends par ailleurs avec impatience la publication du rapport de la mission de réflexion sur « La marque France » présidée par M. Philippe Lentschener ; je l'ai rencontré, et il dit des choses fort intéressantes. Le « passeport talents » démarre lentement. Le service public de l'orientation doit se mettre en place. La rénovation de la justice commerciale est un chantier ouvert depuis trente ans, dont j'espère qu'il sera mené à bien, mais le sujet est difficile.

La force du pacte de compétitivité tient à sa cohérence. Mon rôle est de faire que toutes les mesures prévues soient menées ensemble et qu'elles progressent au juste rythme, avec persévérance, car les effets sur la compétitivité ne peuvent se faire sentir qu'à moyen terme. Je rappelle que la mise en oeuvre de l'« Agenda 2010 » de l'ancien chancelier Gerhard Schröder a été un effort constamment soutenu pendant dix ans, sous trois majorités politiques différentes et deux chanceliers de bords opposés. On voit ce qu'apportent la continuité et la persévérance dans une action qui s'inscrit nécessairement dans un temps long.

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Envisage-t-on effectivement de financer le deuxième programme d'investissements d'avenir par des cessions de participations de l'État ?

Vous expliquiez dans votre rapport qu'il fallait s'efforcer à la stabilité fiscale pour cinq dispositifs ; quelle appréciation portez-vous sur l'évolution de la stabilité fiscale intervenue ces derniers mois dans le domaine de l'entreprise ?

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Le président de notre Commission – auquel je rappelle qu'il n'y a pas eu d'évolution fiscale ces derniers mois puisqu'il n'y a pas eu de loi de finances rectificative – vous a posé la question relative au financement du deuxième programme d'investissements d'avenir dont la réponse m'intéresse également.

J'ai apprécié ce que vous avez dit de la simplicité du CICE, mais il nous faut faire oeuvre de pédagogie pour mettre fin à toutes les réticences et tuer l'idée qu'il existerait des contreparties à ce dispositif, ou qu'en demander le bénéfice aurait pour conséquence un contrôle fiscal. Nous devons, tous, nous astreindre à ne pas alimenter cette crainte ; il est de l'intérêt général que le CICE prenne son essor.

Vous avez souligné la frilosité – le mot est faible – des grands réseaux privés et le manque d'engagement du secteur bancaire pour préfinancer le CICE, sauf à des conditions difficilement acceptables. Êtes-vous favorable à la réintégration des crédits d'impôt dans l'assiette de la réserve spéciale de participation ?

Enfin, je regrette que, malgré les mesures spécifiques que nous avons votées dans la dernière loi de finances rectificative à la fin de 2012, la collaboration entre la BPI et les organismes chargés du soutien à l'export tarde à se mettre en place.

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Quand le premier bilan du PIA I interviendra-t-il et quels indicateurs retiendrez-vous pour l'établir ? Pour évaluer le rapprochement entre la recherche et le monde de l'entreprise, qui me tient particulièrement à coeur, considérerez-vous le nombre de brevets déposés, la création des start-up ou le fonctionnement des sociétés d'accélération du transfert de technologies ?

Quel sera l'impact sur le plan d'investissements d'avenir, de la réforme des universités, notamment de l'instauration des communautés d'universités, ces mariages forcés entre les universités d'un territoire, qui percuteront les choix subjectifs et volontaristes effectués dans le cadre des IDEX ?

Reprenez-vous à votre compte les critiques selon lesquelles le CICE serait mal ciblé, trop peu industriel et profiterait aux entreprises de distribution ou à des entreprises publiques ?

Enfin, puisque vous vous inquiétez du déclin de l'apprentissage, que pensez-vous d'une région – l'Île-de-France, par exemple – qui récupérerait 13 millions d'euros du contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'État en faveur de l'apprentissage pour les consacrer à créer des emplois d'avenir ?

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Il me semble que, dans tous les sujets que vous avez évoqués, le Parlement n'est pas assez impliqué. Ainsi, il n'a aucune vision globale du programme d'investissements d'avenir, géré sur des dotations extrabudgétaires, qui ne font l'objet d'aucun vote. À la différence de leurs homologues allemands, britanniques ou américains, les parlementaires français ne débattent jamais de la stratégie de leur pays sur l'innovation à moyen terme. Il serait bon qu'ils se rassemblent sur quelques grands objectifs, pour lesquels ils garantiraient la durabilité de l'effort. Nous n'avons pas trouvé la solution qui permettrait de créer dans ce domaine un consensus lisible.

Les contraintes imposées au système bancaire en matière de liquidités et leurs conséquences sur le financement de notre économie sont très sous-évaluées. On attend de lui une vitesse d'adaptation considérable, problème que la BPI ne parviendra pas à résoudre.

Le CICE marche forcément, dès lors qu'il est de droit. C'est son préfinancement, c'est-à-dire la gestion de la trésorerie pendant l'année d'avance, qui pose problème. D'ailleurs, 90 % des petites entreprises, bien qu'elles aient du mal à se financer, ne déposent aucune demande, parce qu'il reste difficile de mobiliser le système bancaire et que le dispositif coûte cher, pour percevoir des sommes modestes. Un sondage IFOP réalisé il y a quinze jours révèle en outre que la moitié des PME ignorent ce dispositif.

Enfin, quels seront vos outils, vos critères, mais aussi votre stratégie en matière d'évaluation ? L'État va-t-il s'évaluer lui-même ou, ce qui serait de meilleure politique, solliciter un organisme indépendant ?

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Si, selon les statistiques que vous avez citées, les objectifs du CICE sont déjà dépassés en termes de montant global, j'entends sur le terrain un autre son de cloche. Les chefs d'entreprise m'assurent qu'il faut mettre en place de nouveaux logiciels, puisque le dispositif doit figurer sur la fiche de paie. En somme, le CICE ne pâtit pas seulement du problème du préfinancement ou d'un déficit de communication, il est également difficile à appliquer.

Pensez-vous que la décentralisation renforcera l'efficacité des mesures en faveur de l'apprentissage, puisque celui-ci relève des régions et que la BPI est organisée de manière régionale ?

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Comment gérez-vous l'abondement de 12 milliards d'euros annoncé par le Premier ministre et les 6,5 milliards libres d'engagement qui figurent dans la première version du plan ? Ces sommes dépendent-elles des mêmes comités d'engagement ? Sont-elles régies par les mêmes règles et le même calendrier ? Comment calculez-vous le retour sur investissement des 28,5 milliards engagés ? L'idée d'un grand investissement est une véritable prise de risque, puisque le Gouvernement l'a financé par l'emprunt et que notre pays est déjà très endetté.

Les 800 millions d'euros consacrés au CICE ne représentent pas grand-chose dès lors qu'il ne s'agit que d'un préfinancement. Cette somme, qui atteindra peut-être 1 milliard en fin d'année, aura-t-elle un impact réel sur la croissance et sur le taux de marge des entreprises ? S'il s'avère que le bilan est maigre, c'est qu'il n'était pas utile de mobiliser la BPI et d'autres acteurs parapublics. À mon sens, une somme aussi faible n'est pas de nature à jouer sur notre compétitivité.

Votre rapport est excellent, au sens où il réunit des mesures globales qu'il faut prendre au même moment avec une certaine puissance de feu, seul moyen de faire avancer les choses, mais, si l'on avait voulu obtenir un effet immédiat, il fallait baisser les charges, au lieu de proposer un dispositif de refinancement aussi complexe pour les entreprises.

Les divers dispositifs – emplois d'avenir, emplois de génération et d'apprentissage – s'additionnent-ils ou, comme je le pense, entrent-ils en compétition, ce qui serait très grave, puisqu'il faut privilégier l'apprentissage ?

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Il est nécessaire de construire dans le temps, car la compétitivité est affaire de persévérance. Une échéance à dix ans me semble pertinente.

La semaine dernière, l'opposition a déploré que le montant total des investissements proposé par le Premier ministre ne soit pas plus élevé, mais la somme de 18,5 milliards d'euros est identique à celle qui a été engagée sous la législature précédente.

Vous avez évoqué la nécessité de faire évoluer la fiscalité, afin qu'elle soutienne le risque plutôt que la rente. Pensez-vous, comme l'affirme le rapport Berger-Lefebvre, que le besoin de financement des PME se monte à 100 milliards ?

Certaines chambres de commerce et d'industrie – CCI – organisent un système de mentoring. Pensez-vous qu'il faille généraliser cette pratique, puisque les patrons français craignent souvent de développer leur affaire et qu'ils se sentent seuls face à une difficulté inhérente à la structure de nos entreprises ? Revient-il aux CCI d'être en responsabilité sur ce sujet ?

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Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, il faut un choc de confiance, qui passe par une baisse massive des charges. Je déplore que le CICE ne soit pas à la hauteur des attentes : votre rapport mentionnait la somme de 35 milliards d'euros – et, depuis que vous l'avez rédigé, la situation s'est encore dégradée. Dans le premier plan d'investissements d'avenir, 2,5 milliards ont glissé vers des dépenses de fonctionnement. Pour les 12 milliards proposés par le Premier ministre, je déplore un certain émiettement. Entre la recherche et l'université, la transition énergétique, l'innovation industrielle et la défense aéronautique, il n'y a pas eu de ciblage. Pour ne citer qu'un exemple, pensez-vous que les 600 millions affectés à l'économie numérique soient à la hauteur des enjeux, compte tenu du retard de certains territoires ?

Quand le CICE a été créé, on nous a assuré qu'il y aurait des contreparties, définies en accord avec les partenaires sociaux. Je constate qu'il n'en est rien. Une somme de 800 millions, voire 1 milliard, apportera-t-elle aux entreprises industrielles la compétitivité dont elles ont besoin ?

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Comment l'éco-conditionnalité, qui caractérise le PIA II, sera-t-elle mise en oeuvre ? En fonction de quels critères ?

Pouvez-vous détailler la somme de 2,3 milliards qui sera consacrée à la transition énergétique, ainsi que celle de 3,7 milliards qui y sera affectée indirectement ?

Quel sera le calendrier d'engagement de l'ensemble du PIA ? Quelles sommes seront engagées en 2014 et en 2015 ?

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Ayant été désigné avec deux autres députés pour représenter l'Assemblée nationale au comité de surveillance des investissements d'avenir, je tiens à assurer mes collègues de la continuité de ses travaux, même si la maturité des projets amène le nouveau commissaire général à infléchir la ligne de son prédécesseur. Nous nous installons dans la durée et les rapports montrent que nous sommes en train de réussir.

Ces questions ont fait l'objet, l'an dernier, d'un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, qui a permis d'élaborer un cahier des charges, en plus du « jaune » dédié aux investissements d'avenir. Le sujet est complexe, dès lors que les sommes allouées nourrissent plusieurs agences de l'État. Veillez-vous à ce qu'elles ne participent pas à la débudgétisation, c'est-à-dire à ce qu'elles ne financent pas des programmes déjà inscrits dans les premiers investissements d'avenir ? Le Gouvernement précédent avait souhaité donner une impulsion, dans un nouveau cadre contractuel. Or, on connaît la tentation des ministères, dans les périodes difficiles : ils apportent rarement beaucoup de zèle aux projets financés par ailleurs, et se recentrent sur ceux, même moins intéressants, pour lesquels les fonds sont vitaux.

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Quand, sur le terrain, il n'y a pas moyen de faire financer par les banques un projet modeste, qui ne présente aucun risque, puisqu'il existe une garantie d'OSEO ou un patrimoine immobilier, on est désespéré, car ce sont ces petits projets qui font vivre les territoires et ramèneront la compétitivité. Dans ce type de situation, y a-t-il moyen de faire pression sur les banques ou de les convaincre ?

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Le premier programme s'étend sur dix ans. Quelle sera la durée du deuxième ? Pour un euro investi dans le premier, un euro est levé par ailleurs, puisque l'effet de levier se monte à 70 milliards. Reprendrez-vous le même ratio pour le PIA II, compte tenu de la difficulté de lever des fonds dans le domaine de la transition écologique ? Enfin, les 5 milliards qui seront investis avec les collectivités dans le secteur des transports et le supplément annuel de 1,5 milliard pour le Grand Paris s'inscrivent-ils dans le premier ou le deuxième programme ?

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Ils ne sont pas liés à ces programmes.

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Dans ce cas, quelles sommes sont affectées au PIA I et au PIA II ?

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Il faut faire un peu de pédagogie pour expliquer le taux de 50 % en matière d'éco-conditionnalité. Est-ce à dire que, la moitié du temps, on peut s'affranchir de cette réflexion ? Pour les 50 % concernés, s'engage-t-on à des résultats ?

Ma seconde question porte sur les 5 milliards d'euros investis dans les compteurs Linky, qui concerneront tous les foyers. La mesure n'aura d'intérêt que si l'information résultant de ce comptage est restituée aux usagers pour qu'ils maîtrisent leur consommation. À défaut, son effet sera extrêmement limité. C'est la crédibilité de la démarche écologique qui est en cause.

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Dans l'industrie, les jeunes qui sortent du système scolaire à seize ans et qu'on dirige vers l'apprentissage ne peuvent pas travailler sur des machines réputées dangereuses. Ainsi, un charpentier en formation n'a pas le droit de monter sur un toit, et un peintre mineur ne peut pas gravir la première marche d'une échelle. J'en avais parlé à M. Thierry Repentin, ministre délégué à la Formation professionnelle et à l'apprentissage, avant qu'il ne rejoigne le ministère des Affaires européennes. Un décret devait paraître en juillet. Il est urgent de trouver un système simple et d'autoriser des dérogations, qui éviteraient de passer par l'inspection du travail. Sans nier l'importance de la sécurité, nous devons nous pencher sur ce sujet, qui pèse sur la formation des jeunes, alors même qu'il est difficile de recruter dans les métiers manuels comme dans l'industrie.

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Avez-vous évalué le poids des normes que les entreprises sont tenues de respecter ? Combien de points de croissance gagnerait-on en les allégeant ?

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Plusieurs questions portent sur le financement. L'écoulement de la majorité des crédits sera lent, puisqu'il faudra faire des appels à projets, puis les contractualiser, avant de verser les sommes. Notre plan n'est pas un plan de relance. Même si l'investissement a un effet réel sur l'économie, notre but n'est pas de dépenser le plus vite possible les fonds dont nous disposons. À cet égard, mon prédécesseur et moi-même, tout comme MM. Michel Rocard et Alain Juppé, sommes sur la même ligne. Il s'agit de financer des projets collaboratifs, qui associent plusieurs partenaires, ce qui prend nécessairement plus de temps que de distribuer des subventions au premier venu. Notre démarche est avant tout sélective.

Les financements grandiront à partir de 2016. Le PIA II prendra le relais du PIA I, qui représente 4 milliards d'euros par an pour 2013, 2014 et 2015, et maintiendra le même type de volume en 2016 et 2017. Quand ses financements diminueront à leur tour, se posera la question de savoir s'il faut un PIA III. Les deux premiers PIA se fixent un objectif de dix ans, qui est glissant, ce qui signifie qu'un nouveau programme peut être défini dans quatre ou cinq ans.

Sur le plan macroéconomique, monsieur Woerth, emprunter à un taux très bas pour financer de l'investissement et emprunter pour combler un déficit budgétaire ne relève pas de la même démarche. Vous aurez d'ailleurs remarqué que les économistes n'ont pas pipé : si les investissements que nous faisons de la sorte s'avèrent rentables, cette rentabilité aura une bonne chance d'être supérieure aux taux d'intérêt actuels.

Cela pose la question de l'évaluation des projets que nous finançons. Les procédures d'évaluation que nous avons définies donneront leurs premiers résultats en 2014. Il va sans dire que je vous les exposerai puisque, comme il est normal, nous travaillons sous le regard vigilant de la représentation nationale ; beaucoup d'argent public est en jeu, et il doit produire les effets escomptés.

Il est compliqué de dresser un bilan chiffré de notre action à ce jour. Je pourrais bien sûr vous donner le nombre de brevets déjà déposés par les sociétés d'accélération du transfert de technologies, mais ce ne serait qu'une évaluation très partielle du mouvement engagé. Je constate que des choses se font qui n'existaient pas et que des gens travaillent ensemble qui s'ignoraient. Je réponds ainsi à la question de Mme Valérie Pécresse : les relations entre la recherche et l'entreprise se modifient progressivement à mesure que la mentalité des chercheurs évolue et que les entreprises perçoivent l'intérêt qu'elles trouvent à travailler avec le monde académique. C'est un acquis substantiel. Lorsque je visite un laboratoire qui travaille sous la double tutelle du CNRS et de Safran, ou bien l'IRT BioAster, spécialisé en infectiologie, où se côtoient Sanofi, l'Institut Mérieux et l'INSERM, je constate que nous progressons. Nous suscitons le changement en créant des synergies précédemment inexistantes entre recherche et industrie. Je souhaite que nous enclenchions une articulation du même type entre formation initiale et formation continue.

La stabilité fiscale, monsieur le président, ne relève pas de moi mais du Parlement. J'avais indiqué que cinq dispositifs fiscaux devraient ne pas être modifiés. Cela a été repris dans le pacte, et j'observerai avec intérêt le test grandeur nature que sera la loi de finances pour 2014.

À la fin de l'année, plus de 1 milliard d'euros auront été alloués au titre du CICE. La BPI reçoit 120 dossiers chaque jour. On peut juger ce nombre insuffisant, en ce que le dispositif ne changera pas la donne du financement des entreprises en France. Cela étant, il s'agit d'un préfinancement, et il supporte un taux d'intérêt ; ne demandent donc à en bénéficier que les entreprises qui ont besoin de trésorerie, les autres n'y ayant pas intérêt. Aussi, le fait que les dossiers nous arrivent en nombre supérieur à celui qui était escompté est un indicateur des difficultés de trésorerie des entreprises. Je rappelle que l'enveloppe du CICE sera de 14 milliards d'euros en 2014 et de 20 milliards les deux années suivantes – une tout autre échelle.

Je suis incapable, monsieur le rapporteur général, de répondre à votre question relative à l'intégration du CICE dans la réserve spéciale de participation. Je me renseignerai.

Il se peut que la montée en puissance des crédits à l'export alloués par la BPI ait été plus lente que nous ne l'aurions souhaité. C'était une responsabilité nouvelle pour la banque ; il a fallu transférer en son sein le personnel spécialisé d'Ubifrance et créer les structures adéquates.

Il ne nous revient pas, en effet, de procéder aux évaluations. Aussi bien les IDEX sont-elles évaluées par le comité qui les a choisies. Ce comité, présidé par le président de l'École polytechnique fédérale de Lausanne et qui compte une très forte proportion de personnalités étrangères, est absolument indépendant du commissariat général. J'ai par ailleurs demandé l'évaluation du commissariat général lui-même ; l'audit est en cours et j'espère que des préconisations nous permettront d'améliorer notre fonctionnement.

La nature des structures de rapprochement des universités n'a pas d'impact sur les IDEX.

Le CICE est-il correctement ciblé ? Ce n'est pas le dispositif que j'avais proposé, vous le savez. Le Gouvernement a choisi une mesure visant à la fois la compétitivité et l'emploi ; il fallait donc viser les entreprises de main-d'oeuvre, si bien que le CICE est destiné à toutes les entreprises de France, en fonction de leur masse salariale. J'ai cru comprendre à ce sujet que La Poste se verra reprendre ce qu'elle a acquis par le biais du CICE…

Je ne crois pas du tout à un impact des contrats d'avenir ou de génération sur l'apprentissage ; les financements ne sont pas les mêmes. Il serait bon en revanche de s'interroger sur les destinataires de la taxe d'apprentissage. Je parle d'expérience, puisque EADS répartissait la sienne entre Supélec, l'École Centrale, HEC et d'autres écoles du même type. Même si, comme c'est le cas, ces écoles font de l'apprentissage, ce n'est pas exactement l'objectif initialement prévu pour cette taxe. Autrement dit, notre enseignement supérieur est financé pour partie par la taxe d'apprentissage, et ce sont autant de ressources diverties du financement de l'apprentissage lui-même.

Nous nous attacherons, monsieur Mandon, à vous donner une vision globale de notre action. C'est au Parlement qu'il revient de débattre de la stratégie d'innovation du pays et nous sommes prêts à contribuer à cette discussion. Sur ces questions, un consensus politique doit se dégager pour permettre des politiques durables et persévérantes ; il suppose un débat national.

Il y aura une double évaluation : de notre fait, et indépendante.

Vous indiquez, madame Rabin, que la moitié des entreprises disent ne pas connaître le CICE. Mais comment le faire connaître davantage ? Jamais un dispositif n'a été si largement expliqué par les chambres de commerce et les chambres de métiers, et les préfets de région ont multiplié les réunions d'information. Je sais la difficulté que l'on éprouve à faire « percoler » une mesure, mais je ne peux laisser dire que le CICE n'aurait pas fait l'objet de la communication adéquate. Assez faible au début, elle est devenue massive.

La BPI est assez largement déconcentrée et décentralisée, mais elle est soumise à des règles prudentielles qui lui interdisent d'engager des fonds sans avoir l'espoir raisonnable de les récupérer. Il faut conserver une certaine cohérence nationale.

Je pense, comme vous, que les régions se mobilisent en faveur de l'apprentissage et que ces questions se règlent beaucoup mieux à ce niveau qu'au niveau national.

L'engagement des 18 milliards d'euros encore disponibles se fera selon des règles inchangées, monsieur Woerth. Le deuxième programme d'investissements prendra le relais du premier. J'ai compris qu'une partie du produit de la vente des participations de l'État serait affectée à son financement ; pour le reste, l'État ajustera sa capacité d'emprunt à la période et à la réaction possible des marchés.

Il est effectivement très difficile de mesurer le retour sur investissement induit par le regroupement des universités. Nous devons suivre très attentivement les opérations dans lesquelles nous avons investi, et savoir interrompre les projets qui ne se déroulent pas comme prévu. Dans le domaine de l'innovation, on connaît des échecs, et il peut se produire aussi que les bénéficiaires de financements ne respectent pas leurs engagements. Notre capacité à nous retirer dans ces cas sera l'un des indicateurs de la pertinence de notre action.

Le débat sur la baisse des charges salariales est ancien. À cet égard, on note, entre 2000 et 2012, une divergence de 10 % à 12 % entre la France et l'Allemagne. Ce résultat est dû pour un tiers au transfert de charges sur la fiscalité, et pour deux tiers à la modération salariale dans les entreprises. Autant dire que deux tiers du chemin ont été faits par celles-ci, ce qui prouve que le transfert de charges n'est pas une solution miracle. Vous ne l'avez d'ailleurs pas présenté comme tel, monsieur Woerth. Vous avez souligné au contraire que toutes les mesures devaient intervenir en même temps.

Monsieur Castaner, la désintermédiation sera un problème majeur dans les années à venir, puisque les banques se retireront du financement des entreprises, qu'elles assurent, dans notre pays, à plus de 70 %. On devra donc trouver des ressources alternatives pour le haut comme pour le bas de bilan. La BPI ne parviendra pas seule à régler le problème. Il faudra imaginer des solutions pour orienter l'épargne à long terme vers les entreprises. Certaines propositions du rapport Berger-Lefebvre vont dans ce sens. Les nouvelles dispositions qui encadrent les compagnies d'assurance permettront à celles-ci de revenir vers ce secteur qu'elles ont déserté.

Certaines CCI jouent un rôle actif pour organiser le mentoring des patrons de PME, qui me semble essentiel. À mon sens, il est beaucoup plus difficile de diriger une PME qu'un grand groupe. Dans le premier cas, on est seul, au lieu d'être entouré, et le risque intervient à l'échéance du jour ou de la semaine, et non de l'année.

Monsieur Vigier, je relie le choc de confiance au choc de simplification. La complexité est si élevée dans notre pays que la simplification comme la stabilisation ne relèvent plus du domaine technique. Elles appartiennent désormais au domaine politique. Cela dit, je ne sous-estime pas la difficulté de supprimer les règlements, car chacun d'eux est justifié. Ainsi, monsieur Tardy, je rejoins votre avis sur l'interdiction faite aux mineurs de travailler sur des machines dangereuses, d'autant que les représentants de l'Union professionnelle artisanale m'ont confirmé que les réglementations de sécurité dissuadent les entreprises de prendre des apprentis, mais celui qui prendrait la responsabilité de faire remonter des mineurs sur des échelles serait incriminé au premier accident.

Nous veillons à ce que le PIA n'évolue pas vers le financement des dépenses de fonctionnement, mais nous n'avons pas reçu d'alerte significative sur le sujet. En revanche, il faut lutter contre la débudgétisation, car les ministères, qui sont dans une situation difficile, se tournent nécessairement vers les acteurs qui ont de l'argent. En outre, il n'est jamais simple de savoir ce qui relève ou non du budget. Nous cantonner à notre spécificité est notre meilleure protection.

Sur le numérique, la somme de 600 millions d'euros n'est pas négligeable, d'autant qu'en cumulé, on atteint 4,2 milliards, dont 2 pour le haut débit. Évitons de considérer les deux PIA indépendamment l'un de l'autre.

Nous travaillons sur la notion d'éco-conditionnalité, dont nous cherchons à savoir si elle inclut la consommation d'énergie, la consommation de dioxyde de carbone, les nuisances sonores ou la sécurité sanitaire. Entre ces critères qui peuvent tous être retenus, il faut trouver le juste équilibre.

Dans le PIA II, le montant considérable de 2,3 milliards d'euros est dédié à la transition énergétique, après l'effort de près de 5 milliards consenti dans le PIA I. Nous investissons massivement dans les énergies renouvelables, en finançant toute l'innovation, notamment les éoliennes offshore, les hydroliennes et la biomasse. Nous poursuivrons cet effort, à condition de trouver de bons projets.

M. Carré connaît fort bien les investissements d'avenir, puisqu'il siège au comité de surveillance depuis plus longtemps que moi. C'est à juste titre qu'il a évoqué le risque de débudgétisation, et souligné la continuité des décisions, même si le Gouvernement peut en infléchir certaines. Nous travaillons toujours sur l'innovation et les actions transformantes, grâce à des appels à projets sélectionnés par des jurys indépendants.

Madame Dessus, je sortirais de mes attributions si je vous répondais sur le système bancaire, mais je suis conscient du problème que poseront à moyen terme la désintermédiation et le retrait des banques, du fait des règles prudentielles imposées par Bâle III.

Monsieur Lamour, dans le PIA II, nous espérons améliorer le ratio d'un euro levé pour un euro investi. C'est déjà le cas pour le PIA I, puisque nous nous redéployons davantage vers l'aval, et que nous allons vers le capital investissement, c'est-à-dire le capital-risque ou le capital développement.

Je ne gère ni la somme de 5 milliards d'euros consacrée au transport ni celle de 1,5 milliard dédiée au Grand Paris, pas plus que je ne m'occupe du compteur Linky, qui sera pris en charge par EDF. En revanche, nous avons financé quelques projets emblématiques destinés à partager avec le consommateur une information orientée a priori vers le fournisseur d'électricité. Nous avons tenté des expériences dans ce domaine, mais il faut encore y apporter des progrès technologiques.

Monsieur Fauré, nous n'avons pas traité le problème des normes industrielles, qui est central. Lors du cent vingt-cinquième anniversaire de Daimler-Benz, qui a été mon actionnaire, trois personnes étaient sur la scène : M. Dieter Zetsche, le patron de l'entreprise, Mme Benz, arrière-petite-fille de son fondateur, ainsi que le patron des normes et des brevets. En France, inviterait-on son homologue aux cent ans d'Alstom ? C'est parce que le sujet paraît décisif en Allemagne, que, dans certains cas, comme celui des prises de recharge des véhicules électriques, nous avons dû adopter les normes allemandes, alors même que nous produisons plus d'automobiles électriques que nos voisins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour ces réponses précises et documentées, sur des sujets très divers.

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 16 juillet 2013 à 17 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Marie Beffara, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, Mme Valérie Pécresse, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, Mme Eva Sas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, Mme Karine Berger, M. Gaby Charroux, Mme Annick Girardin, M. Marc Goua, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra

Assistaient également à la réunion. - M. François André, Mme Sophie Dessus, Mme Isabelle Le Callennec, M. Lionel Tardy