Intervention de Serge Grouard

Séance en hémicycle du 19 juillet 2013 à 21h45
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 31

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Grouard :

J'ai été président de commission, je connais par coeur cet article. Je considère qu'il est quelque peu abusif d'étendre son application à la simple création de structures qui pourraient éventuellement, si la chose était démontrée par la suite, entraîner des charges nouvelles. C'est un peu tiré par les cheveux et je regrette que le droit d'amendement des parlementaires soit ainsi limité, dans des domaines pourtant fondamentaux.

Si le statut de métropole est un statut intéressant – ce que je pense, ce que j'avais soutenu en 2010 lorsqu'il a été créé –, je ne crois pas qu'il crée des charges supplémentaires : je crois au contraire qu'il permettrait de faire des économies d'échelle et de structure.

Troisième remarque : quelques amendements ont néanmoins été examinés en commission. Comme le mien, d'ailleurs : nous l'avons examiné en commission des lois et c'est au moment d'arriver en séance qu'il est déclaré irrecevable ! Il faudrait se mettre d'accord.

En tout état de cause, un amendement a été adopté en commission qui permet d'élargir le statut de métropole à d'autres villes que celles prévues. À cet égard, je vous demande, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, quelles sont les villes qui bénéficient de cette extension ? J'aimerais en effet comprendre. On nous a expliqué qu'il fallait réserver le statut de métropole à la petite dizaine de plus grandes villes françaises. Je ne suis pas d'accord avec cette idée mais, au moins, je l'entends. Or il semblerait à présent – et vraiment je souhaite obtenir une réponse – que par le biais d'un amendement sympathique mais subreptice, on étende le statut de métropoles à d'autres villes sans qu'on sache trop pourquoi.

Aux termes du texte de la commission, quelles sont, précisément et nommément, les villes de France qui bénéficieront du statut de métropole ? J'attends de vous une réponse claire et, je le répète, nominale.

J'en viens au fond et, même si vous connaissez mes arguments, je les reprends ici. De deux choses l'une : la métropole, c'est bien, ou ce n'est pas bien. Dans ce dernier cas, il ne faut pas faire de métropole ; à l'inverse, si c'est bien, alors allons-y ! Et c'est mon avis, car cette logique, impulsée il y a quelques années – et qui est même bien antérieure encore si l'on se réfère à l'histoire –, va plutôt dans le bon sens. Notre collègue Estrosi, maire de Nice, a remarquablement montré que ce projet était intéressant. Dès lors, pourquoi limitez-vous la possibilité de disposer de ce statut à quelques villes seulement ?

J'entends bien l'argument – quitte à caricaturer quelque peu à cette heure tardive – selon lequel on ne peut pas faire de chaque chef-lieu de canton une métropole. Nous sommes bien d'accord sur le fait qu'on doive respecter une certaine logique quantitative ; mais pourquoi ne pas placer le seuil à un niveau suffisamment bas pour permettre à toutes les villes qui le souhaiteraient de bénéficier de ce statut puisqu'il est positif ?

Quel est l'intérêt de du statut de métropole en effet ? J'en vois plusieurs. D'abord, à partir d'un émiettement territorial, il permet d'établir une cohérence d'ensemble – on l'a dit à propos de Paris, Lyon et Marseille. Ensuite, il permet de s'inscrire dans des logiques de projet, et Dieu sait si, dans nos territoires, il existe des projets divergents voire, carrément, concurrents, ce qui n'entraîne pas une bonne gestion de l'argent public, nous sommes bien d'accord. Enfin ce statut permet des économies d'échelle : nous avons besoin de dépenser moins d'argent public pour rendre les services que nos concitoyens attendent. Aussi ce statut, s'il n'est pas parfait – il évoluera –, permet-il d'entrer dans cette logique, de réunir des compétences éparses, de rassembler des élus dans des logiques de projet, de porter des dynamiques de territoire.

Quand on examine la carte de la France, on relève au moins une vingtaine de villes ou d'aires urbaines – pour employer une expression de plus en plus à la mode – qui peuvent être concernées. Pourquoi telle agglomération de 400 000 ou 450 000 habitants pourra accéder au statut de métropole et pas telle autre qui se situera juste en dessous de ce seuil ? Ces deux agglomérations de taille légèrement différente n'ont-elles pas les mêmes contraintes, les mêmes objectifs ? N'ont-elles pas à affronter les mêmes concurrences ? Puisque j'évoque les contraintes, n'ont-elles pas, monsieur le président de l'association des maires des grandes villes de France, les mêmes charges de centralité ? Tous les maires de villes grandes ou moyennes connaissent ces charges incombant aux villes centre, qui paient de nombreux services qui bénéficient à des administrés n'habitant pas sur le territoire de la commune en question. Voilà une occasion de mieux répartir ces charges.

On a évoqué les universités, les pôles de compétitivité. Eh bien, le statut de métropole permettra aux maires des grandes villes de faire face en meilleur ordre, de manière plus efficiente, à une concurrence internationale qu'ils connaissent bien. Quand un responsable de métropole va rencontrer le chef d'une grande entreprise internationale qui veut éventuellement s'implanter en France, il bénéficiera de bien plus de facilités qu'un maire d'une ville centre qui va devoir négocier avec son intercommunalité et tous les autres maires, sachant qu'il est probable que l'entreprise en question ne s'installera pas dans la commune centre mais dans une commune périphérique. J'espère que vous sentez bien que tout ce que je vous dis, c'est du vécu, du concret.

On m'opposera sans doute l'argument selon lequel l'extension du statut de la métropole, fût-ce dans des limites cohérentes, raisonnables, nuirait aux villes qui aujourd'hui peuvent en bénéficier : on dépouillerait certains pour donner à d'autres. Dès lors que Bordeaux, Toulouse, Lille, Strasbourg peuvent être des métropoles, si Orléans, Tours, Angers, Clermont-Ferrand peuvent elle aussi l'être, cela nuirait aux premières. Expliquez-moi un seul instant pourquoi ? Cela ne nuira en fait absolument à personne mais permettra simplement aux villes que je viens de citer et à de nombreuses autres, de se retrouver sur un pied d'égalité alors qu'elles doivent elles aussi affronter en permanence cette concurrence.

Je ne comprends donc pas la logique du texte qui consiste à créer des villes à deux vitesses, celles qui seront métropoles et celles qui ne le seront pas. Alors que moi, à Orléans, j'ai une université, l'un des plus grands hôpitaux de France, trois pôles de compétitivité, 175 000 emplois pour une ville de 120 000 habitants, située dans une agglomération de 300 000 habitants, une aire urbaine de 420 000 habitants, expliquez-moi en quoi mes contraintes sont différentes de celles de Bordeaux, Toulouse, Nice ou Strasbourg. Ce sont les mêmes ! Sauf que vous m'empêchez, par le statut que vous créez, de courir à la même vitesse que les autres. Ce qui revient à m'imposer des contraintes supplémentaires.

À moins que ce statut n'ait pas d'intérêt. Mais s'il en a un, alors ouvrez-le et permettez aux villes que je viens de citer d'en bénéficier, sachant qu'elles contribuent beaucoup à la richesse du pays. Ce sont des villes dynamiques, qui innovent, investissent, qui mobilisent de nombreux moyens. Or vous les privez de ce statut. Je l'avais dit en 2010, et il est par conséquent inutile de me demander pourquoi nous ne l'avons pas fait : je me suis battu pendant deux ans sans parvenir à mes fins. Aujourd'hui, on rejoue le même film et – je me permets de le citer – Michel Destot en est témoin.

Nous avons « ramé » pendant des années pour être traités sur un pied d'égalité et vous créez une situation injuste, une France à deux vitesses. J'ajoute que, dans le très grand centre de notre pays, il n'y aura aucune métropole, alors que la Bretagne, que j'aime beaucoup, en comptera sans doute deux, Brest et Rennes. Expliquez-moi votre logique : Orléans, Tours, Angers, Clermont-Ferrand, Dijon, Poitiers, Limoges, j'en passe et des meilleures, sur cette grande partie du territoire national : zéro, zéro, zéro métropole !

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