Monsieur Door, les mesures d'application relatives au GIP n'ont pas été prises : dès juillet 2012 j'avais demandé à la ministre d'expertiser le sujet et de voir si l'on ne pourrait pas faire au mieux avec l'existant. La mission conduite par M. Pierre-Louis Bras sur les données de santé va donc nous aider à identifier la meilleure piste.
Concernant le nombre de visiteurs médicaux, la tendance naturelle est à la baisse, indépendamment des mesures législatives ou réglementaires qui pourraient être prises. J'y vois trois raisons : l'arrivée des génériques rend inutile la visite médicale pour les médicaments princeps ; l'industrie pharmaceutique est aujourd'hui à la recherche de médicaments de niche, notamment en cancérologie, dont le ciblage rend inutile une information large au moyen de visites médicales ; enfin, les logiciels d'aide à la prescription vont être certifiés : le médecin pourra mieux gérer son temps d'information au moyen d'Internet ou d'une application plutôt que par la succession de visites à son cabinet.
L'industrie pharmaceutique a fait état d'un « effort » réalisé depuis 2005 avec le passage de 25 000 à 17 000 visiteurs médicaux : mais les syndicats de visiteurs médicaux confirment que cette baisse provient essentiellement d'un changement de stratégie industrielle.
Concernant le renforcement des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), ceux-ci peuvent certes manquer de praticiens mais pas de petites mains : ils utilisent beaucoup les internes et externes en pharmacie et en médecine pour saisir les données relatives aux effets secondaires dont ils ont connaissance. Les tensions en matière d'effectif ne sont donc pas insurmontables, pour le moment du moins.
La vente des médicaments sur Internet procède d'une directive européenne de juin 2011 qui devait être transposée avant le 31 décembre 2012. Dans le but d'assurer la sécurité des patients, la Ministre a souhaité restreindre au maximum la liste des médicaments vendus sur Internet, en assumant le risque d'être désavouée et par les instances européennes et par les autorités de la concurrence. La Ministre a donc retenu la liste, définie sous le gouvernement précédent, des 450 médicaments d'accès libre dans les officines. Mais ce périmètre est restreint par rapport au critère retenu par la directive, qui concerne l'ensemble des médicaments vendus sans prescription médicale.
L'Union européenne a donc exigé la vente sur Internet de tous les médicaments non soumis à prescription médicale. C'est la raison pour laquelle, par exemple, la pilule du lendemain, exclue par la Ministre de la liste rendue publique en décembre dernier, figure désormais parmi les médicaments en vente sur Internet.
Je m'accorde avec mes collèges Gérard Bapt et Bernadette Laclais sur l'intérêt des actions de groupe en matière de médicament. Le médicament n'est pas, en effet, un produit comme les autres. Il s'agit d'une consommation subie : il est prescrit par un « sachant », le médecin, à un « non-sachant », le patient. Si l'on constate des effets secondaires graves imputables au médicament, l'action de groupe a toute sa pertinence.
Mme Louwagie m'a interrogé sur les bases de données publiques en matière de médicament dans les autres pays. Les pays scandinaves les ont en effet développées. Mais elles sont moins utiles chez nos partenaires européens dans la mesure où ils ne connaissent pas notre addiction au médicament. Celle-ci provient notamment d'un manque de prévention : nous avons créé un système de soin au lieu de bâtir un système de santé.
Les pilules contraceptives de troisième et de quatrième génération fournissent un exemple parlant : lorsque la France a saisi les autorités européennes pour évaluer les effets de ces pilules en cas de prescription en première intention, elle a constaté que partout ailleurs, la prescription de première intention restait circonscrite, dans la prescription collective, aux contraceptifs oraux-combinés de première ou de deuxième génération. La dérive avait donc été propre à la France.
Les modalités de décision sur l'innovation thérapeutique y sont souvent différentes : en Italie ou en Angleterre, les professionnels de santé travaillent de façon collégiale au niveau d'un territoire, d'un quartier ou d'un cabinet pour arbitrer entre la prescription du médicament de dernière innovation ou le maintien de l'existant, au demeurant souvent suffisant pour la plupart des patients.
De telles différences de comportements expliquent que les bases de données publiques sont moins attendues par nos voisins.
Concernant les informations en ligne évoquées par Jean-Pierre Barbier, je préfère une base de données publique validée par les autorités sanitaires au tout venant des informations médicales actuellement disponibles. Ceci constituera un véritable progrès. Mais rien ne vaut le contact humain avec le professionnel de santé. Je m'accorde avec vous sur le fait que ces sites devront notifier que l'interlocuteur de référence reste le praticien de santé.