COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 17 juillet 2013
La séance est ouverte à quinze heures.
(Présidence de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission)
La Commission examine le rapport de Mme Catherine Lemorton et M. Arnaud Robinet sur la mise en oeuvre de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Nous avons tout d'abord à examiner le rapport sur la mise en oeuvre de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé présenté par Mme Catherine Lemorton et M. Arnaud Robinet. Ce texte a une particularité : adopté par l'ancienne majorité, il revient à la nouvelle majorité de le mettre en oeuvre.
Lors de notre séance d'hier soir nous avons entendu Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la mise en oeuvre de cette loi et cette audition a constitué une excellente introduction à nos débats d'aujourd'hui.
Madame la Présidente, je vous donne la parole.
C'est un plaisir en effet d'avoir travaillé avec M. Arnaud Robinet sur le rapport d'application, comme lors de l'examen de la loi, qui avait été un exemple de co-production législative fructueuse, même si certains dispositifs manquaient, selon nous, au texte à l'époque. Nos travaux avaient duré près de trois mois et nous n'avions jamais perdu de vue le coeur de la réforme : l'intérêt et la sécurité du patient après le drame du Mediator.
Nous interviendrons conjointement, M. Arnaud Robinet et moi-même, pour vous présenter un premier bilan de l'application de la loi relative à la sécurité du médicament et des produits de santé du 29 décembre 2011.
Pour réaliser ce rapport, nous avons mené de larges auditions, au cours desquelles nous avons reçu les représentants des professionnels du secteur et de ses usagers, les administrations, l'ancien ministre de la santé dont la loi porte aujourd'hui le nom, et madame Marisol Touraine qui nous a hier soir éclairés sur l'état d'application de la loi.
Je rappelle que le précédent Gouvernement avait eu quatre mois pour publier les premiers textes d'application de la loi. Il est donc revenu à la nouvelle ministre des affaires sociales et de la santé d'en reprendre le cours après les élections de mai et juin 2012.
Ce rapport porte principalement sur l'application réglementaire de la loi. L'exercice, certes formel, a la vertu d'accélérer l'élaboration des textes et leur signature par le pouvoir exécutif. Cependant, plus d'un an après la promulgation de la loi, il est d'ores et déjà possible d'examiner les conditions d'application et la pertinence de certaines dispositions ; les lacunes à combler ; le chemin qu'il reste à parcourir pour atteindre l'objectif premier de la loi : prévenir les drames sanitaires et restaurer la confiance des français dans leur système sanitaire. En effet nos compatriotes ont une attitude pour le moins paradoxale : grands consommateurs de médicaments, ils se défient, dans le même temps, de leur système sanitaire.
Pour mémoire, la loi de 2011 nécessitait la publication de 29 décrets, 21 ont déjà été publiés, dont 8 par l'ancien Gouvernement, 13 par le nouveau. 7 textes sont encore en attente de publication.
Le premier axe de la loi portait sur la prévention des conflits d'intérêts et la transparence sur les liens entre entreprises pharmaceutiques et professionnels au sens large, au-delà des médecins. Seules l'indépendance et l'impartialité fondent le crédit de l'expertise sanitaire. C'est pourquoi nous devons accorder à cette question une attention particulière.
L'article 1er prévoit la rédaction d'une charte de l'expertise sanitaire, qui ne constitue pas en soi une avancée majeure. Il généralise surtout la déclaration d'intérêts détaillée et rendue publique pour les professionnels des autorités et organismes sanitaires.
Si les autorités concernées ont bien mis en place un système de déclaration publique d'intérêts, le choix de prévoir deux modalités de déclaration ne facilite pas le traitement des données. De plus le site Internet regroupant les déclarations n'est pas encore créé, la ministre l'ayant annoncé pour 2014. Il est indispensable qu'il soit mis en place rapidement. D'autres points méritent toute notre attention.
Ainsi, les montants des rémunérations perçues ou des participations financières de certains professionnels dans des entreprises ne sont pas accessibles au public. Nous proposons de modifier la loi pour que ces informations deviennent accessibles. De même, il nous faudrait réfléchir plus sérieusement aux liens entre les étudiants et les entreprises pharmaceutiques. Il n'est pas normal qu'ils soient encore si étroits et nous pourrions envisager de modifier la loi pour mieux les encadrer et les limiter. Pourquoi ? On le sait, plus tôt les liens sont établis, plus les étudiants seront soumis à l'influence prégnante des industries pharmaceutique. S'y ajoute la création de filières d'études par l'industrie pharmaceutique. Je ne suis pas opposée à ces liens, mais il convient d'établir toute la transparence nécessaire sur leur nature.
L'article 2 de la loi prévoyait la mise en oeuvre d'un Sunshine Act à la française : toute les conventions passées entre entreprises pharmaceutiques et professionnels de santé, éditeurs de logiciels d'aide à la prescription ou associations d'usager, doivent être rendues publiques, de même que les avantages accordés par les entreprises, au-delà d'un certain seuil.
Nous avions clairement évoqué au cours des débats un seuil symbolique de un euro. Le Conseil d'Etat a jugé que ce montant était insuffisant pour juridiquement constituer un seuil. Le décret du 29 mai 2013 l'a fixé à 10 euros. Nous pensons que les petits cadeaux influencent considérablement la prescription : si nous voulons changer les cultures, nous devons mettre en place un système véritablement dissuasif. Nous proposons donc de modifier la loi afin de supprimer la référence à un seuil minimal de publication des avantages. Ceci pour être en parfait accord avec l'esprit de la loi dite « Bertrand ».
Par ailleurs, la rédaction de l'article 2 ne permet pas la publication de l'objet exact des conventions passées entre les entreprises et les professionnels, ni leur contenu. Les conventions conclues dans le cadre des relations commerciales qui ont pour objet l'achat de biens ou de services ne sont pas non plus dans le champ. Sur ces deux points, la loi doit changer.
Le deuxième axe de la loi portait sur la gouvernance du système sanitaire, plus particulièrement la création d'une nouvelle agence clairement identifiée comme le contrôleur des produits de santé. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a remplacé l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en mai 2012. Il faut saluer l'immense travail de reconfiguration de l'Agence effectué par la direction et l'ensemble de son personnel et que les parlementaires membres du conseil d'administration, dont je suis, ont pu constater, notamment en termes de prévention des conflits d'intérêts. Il faut noter aussi que l'augmentation de ses missions est un véritable défi pour l'ANSM, doublé d'un changement de culture.
Il nous faut veiller à ce que le contrat de performance signé entre l'État et l'ANSM lui accorde les moyens nécessaires pour remplir ses nouvelles missions. Le financement de la nouvelle agence par le budget de l'État, acté par le précédent Gouvernement, ne doit en aucun cas se traduire par une réduction de son budget au détriment de la sécurité sanitaire.
Dans le cadre général d'une rationalisation de l'architecture des agences sanitaires, il serait souhaitable de trouver des voies de simplification des procédures administratives et de resserrement des compétences de l'ANSM pour qu'elle puisse se concentrer sur ses missions fondamentales.
Enfin, point de détail qui a son importance, il convient de publier dans les meilleurs délais le texte prévoyant les pouvoirs de sanction de l'ANSM en cas de non-respect par les entreprises de leurs obligations en matière de pharmacovigilance et de surveillance post-AMM.
Cette dernière remarque m'amène à la pharmacovigilance qui est évidemment un axe fondamental de la loi de 2011. Notre système de veille sanitaire et de pharmacovigilance présentait de graves défaillances, souvent par méconnaissance du système. Un changement de méthodes, de culture s'imposait. Que ce soit la crise du Médiator ou celle des prothèses PIP, les deux ont mis en évidence l'impérieuse nécessité de mieux garantir la qualité et la sécurité des produits de santé.
Parmi les apports de la loi, on peut souligner la transposition de la directive communautaire de 2010, la réévaluation par la nouvelle agence des médicaments tout au long de leur vie. Nous avons donc inscrit dans la loi la nécessité d'évaluer les médicaments tous les cinq ans. Citons aussi le renforcement du système de notification des effets indésirables et la protection des lanceurs d'alerte. Il faut enfin noter l'amorce de contrôle des dispositifs médicaux.
L'application de cette partie du texte appelle les remarques suivantes.
Tout d'abord, concernant la mise sur le marché et la réévaluation des médicaments tout au long de leur vie, nous avons introduit à l'article 14 le critère d'une véritable valeur ajoutée du produit dans son évaluation, car l'encombrement thérapeutique et la multiplication des médicaments sur le marché ne sont pas synonymes de meilleur traitement pour les patients. Nous attendons la publication du décret d'application de cet article, ainsi que des précisions sur son articulation avec l'évaluation médico économique des médicaments. J'en profite pour mentionner le fait que l'articulation entre les décisions relatives au service médical rendu d'un médicament et son remboursement devrait être améliorée et les délais réduits. Je pense ici aux médicaments anti-Alzheimer, dont la dégradation du service médical rendu n'a entraîné une baisse de prix que trop tardivement.
Il faut aussi mettre en place un régime plus strict de mise sur le marché et de contrôle des dispositifs médicaux, plus particulièrement des dispositifs médicaux implantables. La ministre a annoncé hier son intention de plaider auprès des institutions européennes pour la création d'une autorisation de mise sur le marché pour les dispositifs médicaux à risque. Nous soutenons pleinement cette démarche.
Deuxième point : l'accès aux données de santé, condition sine qua non d'une pharmacovigilance efficace. Il convient tout d'abord de publier l'arrêté nécessaire à l'accès direct de l'ANSM aux données de l'assurance maladie pour permettre le lancement effectif de son programme de travail.
Concernant le GIP « Études de santé », prévu par l'article 33 de la loi, pour produire des études de pharmaco-épidémiologie, il faut étudier la possibilité d'étendre les prérogatives de l'Institut des données de santé (IDS), dont la gouvernance est plus large et inclut des membres de la société civile. Ce GIP est peut être redondant par rapport à l'IDS. La ministre nous a déclaré hier attendre les conclusions de la mission de M. Bras pour prendre une décision. En tout état de cause, seuls des besoins de santé publique et de sécurité sanitaire, et une meilleure prise en charge des patients peuvent justifier l'accès des acteurs privés aux données de l'assurance maladie, accès qu'il faut encadrer avec la plus grande prudence.
Dernière remarque concernant la pharmacovigilance. Certes les textes comptent, mais c'est la pratique qui doit aussi changer. A ce titre, il faut simplifier les modalités de déclaration des effets indésirables, en rappelant que tous les effets, y compris ceux visés par la notice, doivent être signalés, et surtout garantir un véritable retour d'information aux notificateurs. Il faut également améliorer la lisibilité des notices et y mentionner les voies et moyens de notification des effets indésirables autres que la déclaration aux médecins et pharmaciens. Enfin, il convient de renforcer la communication entre les centres régionaux de pharmacovigilance et l'ANSM.
Le meilleur usage des médicaments passe par la formation et l'information des professionnels et des patients. Qu'il s'agisse de publicité, de visite médicale, d'information publique sur le médicament, de prescription en dénomination commune internationale ou de certification de logiciels, toutes ces mesures contribuent à orienter notre système sanitaire vers davantage d'objectivité et de prudence.
Leur mise en oeuvre appelle les remarques suivantes.
Tout d'abord, nous attendons encore plusieurs textes d'application. C'est le cas du décret relatif à la certification des logiciels d'aide à la prescription et à la délivrance. Je rappelle qu'elle sera obligatoire à compter du 1er janvier 2015. Dans la mesure où la prescription en dénomination internationale y est liée, nous insistons pour que ce texte sorte au plus vite.
C'est aussi le cas de la base de données publique créée par l'article 8, qui devrait être finalisée à la rentrée, et permettra à tous nos concitoyens, patients ou professionnels de santé de s'y retrouver dans les produits de santé. Elle devra être la plus complète possible, indiquant le prix au remboursement, les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'ANSM ainsi que le service médical rendu. Nous insistons pour que les dispositifs médicaux y soient intégrés. Il faudra aussi assurer le référencement de cette base pour qu'elle devienne la principale source d'information sur les produits de santé.
Par ailleurs, la visite médicale attend toujours d'être transformée d'instrument de promotion en moyen d'information. C'est un sujet qui avait fait débat en 2011. Nous proposons de mettre en oeuvre la visite médicale collective à l'hôpital telle que prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et d'engager une vraie réflexion sur l'information des médecins libéraux, qui en manquent parfois cruellement. Il conviendra aussi de mener une réflexion sur la profession d'attaché de promotion du médicament.
En matière de publicité pour les produits de santé, dont le régime d'autorisation est aujourd'hui plus strict, nous avons noté des difficultés de mise en oeuvre : l'ANSM doit traiter un nombre exponentiel de dossiers déposés par les entreprises. Peut-être faudrait-il augmenter les droits liés au dépôt d'une demande et définir des priorités dans le traitement des dossiers, pour éviter que certains dossiers ne bénéficient d'un accord tacite sans avoir été véritablement examinés.
Quant à la publicité non institutionnelle relative aux vaccins, nous approuvons l'arrêté du 28 septembre 2012 qui en a limité la liste.
Enfin, lors de la discussion de la loi, nous avions insisté sur la faiblesse de la formation initiale et continue de certains professionnels aux problématiques des produits de santé. Nous veillerons donc à ce que le développement professionnel continu des professionnels inclue des modules relatifs aux médicaments ou à la pharmacovigilance.
Pour finir, j'aimerais insister sur un sujet dont l'importance est majeure : les actions de groupe, mesure reportée et renvoyée à des textes futurs, quelle que soit la majorité. Nous avions déposé un amendement pour introduire une telle disposition dans la loi de 2011 avec mon collègue Gérard Bapt, le Gouvernement de l'époque l'avait rejeté. Le mois dernier, la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé que les actions de groupe concernant le domaine de la santé seraient une des mesures de la loi de santé publique que nous examinerons en 2014. Nous veillerons à ce que cette promesse soit respectée et à ce que le texte soit le plus équilibré possible, au service des patients.
La loi du 29 décembre 2011 était intervenue dans des circonstances exceptionnelles. Je me réjouis de constater que les deux rapporteurs ont travaillé dans un esprit républicain et sont parvenus, à l'heure de dresser un bilan de l'application de cette loi, à une forme de consensus.
Le rapport que nous examinons aujourd'hui intervient à l'issue d'un long processus dans lequel le rôle de notre collègue Gérard Bapt doit aussi être salué. Le rapport traduit l'expertise qu'ont développée nos deux rapporteurs, et pour un lecteur moins aguerri, l'importance prise par la notion de transparence frappe tout particulièrement. Elle s'impose désormais dans le choix des experts et inspire aussi bien la notion de lien d'intérêts que celle de conflit d'intérêts.
Le décret dit Sunshine Act, créant une obligation de publication des liens entre les entreprises de produits de santé et de cosmétiques, et les professionnels de santé, constitue par ailleurs une avancée notable.
S'agissant de l'ANSM, de nouvelles missions lui ont été confiées, de nouvelles sanctions ont été créées et doivent être mises en oeuvre : cela soulève la question des moyens financiers et humains qui doivent être dévolus à l'agence. Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement du personnel, qui a souffert de certaines polémiques. Il a fait preuve d'une remarquable capacité d'adaptation et de réforme.
En ce qui concerne la pharmacovigilance, gardons-nous d'une vision réductrice centrée sur le médicament, et intéressons-nous aux dispositifs médicaux.
Dans le domaine de la formation et de l'information, la base de données publique sur le médicament, qui doit se déployer à partir du mois d'octobre, devra faire l'objet d'une évaluation appropriée.
Enfin, s'agissant des visites médicales, des progrès ont été accomplis, mais il faut veiller à organiser une concertation avec les professionnels, qui se sont émus auprès des élus des réformes envisagées.
La loi de 2011 est intervenue à la suite du cataclysme de l'affaire du Mediator. Elle a été précédée par les Assises du médicament, mais aussi par des rapports parlementaires dont la contribution au débat a été précieuse. L'immense majorité des préconisations du rapport d'information sur le Mediator et la pharmacovigilance, dont j'étais le rapporteur et qui était présidée par M. Gérard Bapt, a été reprise dans la loi de 2011.
Le Sunshine Act a constitué une avancée fondamentale. Mais la déclaration des liens d'intérêts marque également un progrès qu'il convient de souligner : plus ces déclarations seront nombreuses, plus elles réduiront les conflits d'intérêts. S'agissant du recrutement des experts, il convient d'être attentif à ce qu'ils ne soient pas complètement coupés du « terrain », des services hospitaliers et des laboratoires de recherche. J'aimerais en outre savoir ce qu'il advient des déclarations adressées aux ordres professionnels.
S'agissant de l'ANSM, notons qu'à chaque drame est créée une nouvelle agence, sous un nouveau nom. La faiblesse du lien entre l'Agence européenne, l'EMA (European Medicine Agency), et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait été relevée comme un dysfonctionnement ayant concouru au drame du Mediator ; l'EMA avait en effet été saisie dès 1995 des problèmes causés par le médicament. Qu'en est-il des relations entre l'ANSM et l'EMA ?
S'agissant des autorisations de mise sur le marché (AMM), elles doivent faire l'objet d'une réévaluation tous les cinq ans. Mais qu'en est-il des médicaments prescrits en hors-AMM ? Ils sont parfois utiles, et des exceptions doivent pouvoir être aménagées, à condition de faire l'objet d'une évaluation. De plus, le suivi des produits de santé en post-AMM est indispensable : il doit être conduit de manière plus sérieuse.
En ce qui concerne le groupement d'intérêt public (GIP) de pharmaco-épidémiologie, le décret qui devait consacrer sa création n'a-t-il pas souffert d'un certain retard dans sa publication ?
Les visiteurs médicaux se sont sentis légitimement concernés par la réforme des règles encadrant les visites médicales. La charte de 2004 doit être révisée, et les professionnels ont besoin de visibilité, notamment sur les évolutions susceptibles d'être occasionnées par le développement de la formation et de l'information numériques. Une directive européenne a interdit la délivrance d'échantillons gratuits ; ces échantillons n'étaient peut-être pas inutiles.
Il convient d'aborder la question du renforcement des centres régionaux de pharmacovigilance. Le sujet a-t-il été abordé au cours de l'audition de la ministre des affaires sociales et de la santé ?
Il importe également de veiller à la traçabilité des médicaments en vente sur Internet.
Enfin, s'agissant de l'action de groupe, opposition et majorité ont débattu, avancé puis fait marche arrière. Le futur projet de loi sur la santé publique doit nous permettre d'aborder de nouveau cette question.
Il me semble que les rapporteurs ont exprimé une inquiétude quant aux moyens de l'ANSM. Avez-vous des éléments étayant cette inquiétude ? Une évaluation des besoins de l'Agence a-t-elle été réalisée ?
S'agissant de la base de données publique sur le médicament, les pays scandinaves font figure de précurseurs. Qu'en est-il des autres pays européens ? L'Union européenne a-t-elle pris des initiatives en ce sens ?
Le médicament n'est pas un produit comme un autre. Je voudrais revenir sur la transparence qui entoure l'usage des médicaments. Elle est nécessaire, mais sans l'expertise des professionnels de la santé, je redoute les effets qu'elle peut entrainer. Si la base de données comporte une information sur les indications des médicaments, chacun ne risque-t-il pas de s'improviser prescripteur ? De même, si elle contient des informations sur les contre-indications, ne risque-t-on pas d'alimenter l'inquiétude des patients, qui pourraient renoncer à leur traitement ? Il en va de même des informations sur les effets secondaires.
Monsieur Door, les mesures d'application relatives au GIP n'ont pas été prises : dès juillet 2012 j'avais demandé à la ministre d'expertiser le sujet et de voir si l'on ne pourrait pas faire au mieux avec l'existant. La mission conduite par M. Pierre-Louis Bras sur les données de santé va donc nous aider à identifier la meilleure piste.
Concernant le nombre de visiteurs médicaux, la tendance naturelle est à la baisse, indépendamment des mesures législatives ou réglementaires qui pourraient être prises. J'y vois trois raisons : l'arrivée des génériques rend inutile la visite médicale pour les médicaments princeps ; l'industrie pharmaceutique est aujourd'hui à la recherche de médicaments de niche, notamment en cancérologie, dont le ciblage rend inutile une information large au moyen de visites médicales ; enfin, les logiciels d'aide à la prescription vont être certifiés : le médecin pourra mieux gérer son temps d'information au moyen d'Internet ou d'une application plutôt que par la succession de visites à son cabinet.
L'industrie pharmaceutique a fait état d'un « effort » réalisé depuis 2005 avec le passage de 25 000 à 17 000 visiteurs médicaux : mais les syndicats de visiteurs médicaux confirment que cette baisse provient essentiellement d'un changement de stratégie industrielle.
Concernant le renforcement des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), ceux-ci peuvent certes manquer de praticiens mais pas de petites mains : ils utilisent beaucoup les internes et externes en pharmacie et en médecine pour saisir les données relatives aux effets secondaires dont ils ont connaissance. Les tensions en matière d'effectif ne sont donc pas insurmontables, pour le moment du moins.
La vente des médicaments sur Internet procède d'une directive européenne de juin 2011 qui devait être transposée avant le 31 décembre 2012. Dans le but d'assurer la sécurité des patients, la Ministre a souhaité restreindre au maximum la liste des médicaments vendus sur Internet, en assumant le risque d'être désavouée et par les instances européennes et par les autorités de la concurrence. La Ministre a donc retenu la liste, définie sous le gouvernement précédent, des 450 médicaments d'accès libre dans les officines. Mais ce périmètre est restreint par rapport au critère retenu par la directive, qui concerne l'ensemble des médicaments vendus sans prescription médicale.
L'Union européenne a donc exigé la vente sur Internet de tous les médicaments non soumis à prescription médicale. C'est la raison pour laquelle, par exemple, la pilule du lendemain, exclue par la Ministre de la liste rendue publique en décembre dernier, figure désormais parmi les médicaments en vente sur Internet.
Je m'accorde avec mes collèges Gérard Bapt et Bernadette Laclais sur l'intérêt des actions de groupe en matière de médicament. Le médicament n'est pas, en effet, un produit comme les autres. Il s'agit d'une consommation subie : il est prescrit par un « sachant », le médecin, à un « non-sachant », le patient. Si l'on constate des effets secondaires graves imputables au médicament, l'action de groupe a toute sa pertinence.
Mme Louwagie m'a interrogé sur les bases de données publiques en matière de médicament dans les autres pays. Les pays scandinaves les ont en effet développées. Mais elles sont moins utiles chez nos partenaires européens dans la mesure où ils ne connaissent pas notre addiction au médicament. Celle-ci provient notamment d'un manque de prévention : nous avons créé un système de soin au lieu de bâtir un système de santé.
Les pilules contraceptives de troisième et de quatrième génération fournissent un exemple parlant : lorsque la France a saisi les autorités européennes pour évaluer les effets de ces pilules en cas de prescription en première intention, elle a constaté que partout ailleurs, la prescription de première intention restait circonscrite, dans la prescription collective, aux contraceptifs oraux-combinés de première ou de deuxième génération. La dérive avait donc été propre à la France.
Les modalités de décision sur l'innovation thérapeutique y sont souvent différentes : en Italie ou en Angleterre, les professionnels de santé travaillent de façon collégiale au niveau d'un territoire, d'un quartier ou d'un cabinet pour arbitrer entre la prescription du médicament de dernière innovation ou le maintien de l'existant, au demeurant souvent suffisant pour la plupart des patients.
De telles différences de comportements expliquent que les bases de données publiques sont moins attendues par nos voisins.
Concernant les informations en ligne évoquées par Jean-Pierre Barbier, je préfère une base de données publique validée par les autorités sanitaires au tout venant des informations médicales actuellement disponibles. Ceci constituera un véritable progrès. Mais rien ne vaut le contact humain avec le professionnel de santé. Je m'accorde avec vous sur le fait que ces sites devront notifier que l'interlocuteur de référence reste le praticien de santé.
Concernant les moyens de l'ANSM, nous avons demandé une veille sur le contrat de performance signé entre l'État et l'Agence. La mise en route de l'Agence a été difficile aussi bien pour la direction que pour le personnel. Un an et demi d'efforts et de travail ont permis à la direction et aux salariés de maintenir un dialogue de qualité et de veiller au respect du contrat avec l'État.
Il y a aujourd'hui quelques difficultés en termes d'équivalents temps plein au regard des missions assignées à l'Agence. Le contrôle a priori de la publicité représente par exemple une charge de travail considérable.
En outre les redéploiements de postes ont été nombreux, à la fois pour faire face aux nouvelles missions et pour diffuser la nouvelle « culture de l'Agence » : les mouvements internes visent ainsi à éviter que des agents qui se seraient maintenus dans les mêmes postes ne reconduisent les pratiques héritées de la précédente structure.
Après les difficultés initiales, la situation s'améliore donc, mais il convient de rester vigilant.
Concernant les Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), on avait annoncé un financement supplémentaire. Il y a bel et bien eu des moyens supplémentaires, à l'exemple du CRPV de Champagne-Ardenne, mais il me semble qu'il convient de passer à une nouvelle étape par la voie de conventions avec l'ANSM, avec les agences régionales de santé (ARS) et parfois avec les centres hospitalo-universitaires (CHU), puisque ces centres ont également une mission d'enseignement.
Lors de l'examen du projet de loi en 2011, le débat a été largement centré sur la question de la transparence des liens d'intérêts afin d'éviter qu'ils ne se transforment en conflits d'intérêts. C'est pourtant l'article du projet de loi relatif aux visiteurs médicaux qui a mobilisé le plus fortement notre énergie. Nous avions alors auditionné les représentants des visiteurs médicaux qui redoutaient que la loi ne fragilise leur profession. Or, je rejoins ma collègue Catherine Lemorton : l'industrie pharmaceutique n'a pas attendu la loi de 2011 pour réduire considérablement les effectifs de visiteurs médicaux. Nombre d'entre eux s'orientent aujourd'hui vers d'autres professions.
Une nouvelle charte de la visite médicale va être mise en place par le Comité économique des produits de santé (CEPS) avec la HAS et les industries pharmaceutiques : elle devrait voir le jour en novembre 2013. Elle devrait encadrer le volume des visites médicales, qui pourrait être défini par classe thérapeutique. Elle va aborder la contribution des visiteurs médicaux au respect par les prescriptions des indications contenues dans l'autorisation de mise sur le marché du produit. Elle prévoira la mise en place d'une information scientifique et non promotionnelle : ceci rendra peut-être nécessaire de mieux définir les contours de la nouvelle profession des attachés à la promotion du médicament qui ne sont pas des visiteurs médicaux mais dont l'activité devra être regardée attentivement.
De même, la charte prévoira l'encadrement et la transparence en matière d'avantages consentis par les visiteurs médicaux auprès des professionnels : c'est un des axes majeurs de la loi sur le médicament.
Enfin, la charte doit définir la qualité de la formation des visiteurs médicaux et la rémunération des visiteurs médicaux, qui pourrait être moins quantitative et plus qualitative.
Il s'agit donc aujourd'hui d'une charte déontologique : il me semble que le législateur devra accompagner cette charte afin que la loi confère un caractère obligatoire à certaines de ses dispositions pour encadrer la visite médicale.
Enfin, en matière de transparence, j'ai récemment pu constater personnellement que le périmètre du Sunshine Act est encore incomplet. Devant préparer une intervention en vue d'un congrès pour les pharmaciens hospitaliers, j'ai dû rencontrer des représentants d'une entreprise pharmaceutique : le prix du petit-déjeuner auquel ils m'invitaient dépassant dix euros, ils m'ont remis le formulaire de déclaration à remplir en tant que professionnel de santé, puisque je suis pharmacologue et hospitalo-universitaire. Or je ne suis ni médecin ni pharmacien et n'appartiens à aucun ordre professionnel : je n'entre donc pas dans le champ du Sunshine Act bien que les missions que j'exerce au sein d'un CHU sont comparables à celles des médecins et des pharmaciens. Les scientifiques, non soumis à un ordre professionnel, lorsqu'ils occupent de telles fonctions, notamment dans la biologie, devraient être soumis aux dispositions du Sunshine Act. Il reste donc encore des choses à améliorer pour parfaire ce mécanisme.
La commission autorise, à l'unanimité, en application de l'article de 145-7 du Règlement, le dépôt du rapport sur la mise en oeuvre de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé en vue de sa publication.
La Commission examine, sur le rapport de M. Denys Robiliard, la proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative aux soins sans consentement en psychiatrie (n° 1223).
La proposition de loi que nous allons examiner est la suite logique du rapport d'étape présenté par notre collègue M. Denys Robiliard sur la base des travaux de la mission d'information « Santé mentale et avenir de la psychiatrie » présidée par M. Jean-Pierre Barbier consacrés aux soins sans consentement. Ce texte sera examiné en séance publique la semaine prochaine, jeudi 25 juillet.
Cette proposition de loi a été rendue nécessaire par une décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 qui a jugé contraires à la Constitution plusieurs dispositions du code de la santé publique relatives à l'admission des patients en unités pour malades difficiles (UMD) et à l'hospitalisation sans consentement des personnes pénalement irresponsables.
Pour préparer cette proposition de loi, nous nous sommes appuyés sur les travaux de la mission d'information « Santé mentale et avenir de la psychiatrie » et sur le rapport du 22 février 2012 de nos anciens collègues Serge Blisko et Guy Lefrand qui concluait déjà à la nécessité de revoir certaines modalités du contrôle judiciaire de la loi du 5 juillet 2011.
Je n'oublie pas l'adage selon lequel les petites réformes sont l'ennemi des grandes réformes, mais nous n'étions pas en mesure, dans le délai qui nous était imparti, de nous engager dans une grande réforme. Le Conseil constitutionnel ayant fixé l'entrée en vigueur de sa décision au 1er octobre 2013, le calendrier parlementaire ne nous laissait pas le temps d'organiser une discussion approfondie sur le régime juridique des soins sans consentement. En outre, comme je l'indiquais dans le rapport d'étape que je vous ai présenté en mai, la mission d'information avait besoin de poursuivre sa réflexion sur différents points : qui doit être l'auteur de la décision d'admission en soins sans consentement ? Comment encadrer les soins sous contrainte en dehors d'un contexte psychiatrique – par exemple pour les personnes vivant en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Comment améliorer le régime de la contention ? Enfin, si nous avions voulu engager une réforme de plus grande ampleur, il aurait été préférable de passer par un projet de loi de façon à bénéficier d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État.
Cette proposition de loi est donc modeste et s'assume comme telle, ce qui ne veut pas dire qu'elle est sans force et sans conséquence. Elle fait évoluer les principes de la loi et améliore de façon significative le régime de contrôle judiciaire.
L'analyse à laquelle a procédé la mission d'information sur la santé mentale nous a conduits à revenir sur la décision d'appliquer au passage en unités pour malades difficiles des modalités renforcées de levée du placement d'office. La mission a identifié les UMD comme étant des dispositifs de soins caractérisés simplement par un taux élevé d'encadrement du personnel hospitalier et, à ce titre, les personnes qui y sont placées n'ont pas besoin d'un régime juridique spécifique. En revanche, un statut particulier nous a paru justifié pour les personnes déclarées pénalement irresponsables en application de l'article 122-1 du code pénal.
La proposition de loi ne sera pas non plus sans effet sur le contrôle judiciaire. Dans leur rapport enregistré à l'Assemblée nationale le 22 février 2012, soit peu de temps après l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011, qui est intervenue le 1er août 2011, MM. Blisko et Lefrand préconisaient déjà de généraliser la tenue des audiences au sein de l'hôpital, en chambre du conseil, mais également de constituer un groupe de travail visant à réfléchir à la réduction du nombre des certificats médicaux et de prévoir la possibilité pour les patients en hospitalisation complète de bénéficier de sorties thérapeutiques de très courte durée.
La proposition de loi généralise la tenue des audiences à l'hôpital. Quant à leur tenue en chambre du conseil, après discussion avec la Chancellerie, nous avons retenu pour principe la publicité des audiences et leur organisation en chambre du conseil, si le patient en fait la demande. En effet, s'il est souhaitable, dans l'intérêt des patients, que les audiences se tiennent à l'hôpital, la loi doit impérativement manifester l'indépendance de la justice. La justice devant être rendue publiquement, l'hôpital doit mettre à sa disposition une salle qui permette un débat judiciaire digne de ce nom et soit accessible au public – de telles salles existent dans la plupart des hôpitaux. Il faut qu'apparaisse clairement le fait que nous sommes dans le domaine de la justice et non dans celui de la médecine.
Les arguments qui militent en faveur de la tenue de l'audience en chambre du conseil ne sont pas laissés de côté – risque d'atteinte au secret médical, problèmes d'intimité de la vie privée. Le choix devrait reposer sur le patient, assisté d'un avocat, mais il est impératif que l'audience ait fait l'objet d'une publicité. C'est la garantie, encore une fois, que la justice peut s'exercer en toute indépendance et que le juge n'est pas à la discrétion du médecin.
Une proposition de loi n'a pas pour objet de proposer la création d'un groupe de travail, mais nous espérons qu'un groupe sera mis en place pour réfléchir à la question des certificats médicaux, car ils nécessitent des dispositions effroyablement complexes et les psychiatres consacrent beaucoup de temps à leur établissement. Il en va notamment ainsi de l'avis conjoint adressé au juge : le système n'offre pas la sécurité nécessaire car lorsqu'un psychiatre donne son avis à l'un de ses confrères qui a déjà établi un certificat médical, il a tendance à lui faire confiance et à signer l'avis dans les mêmes termes, ce qui fait qu'en dépit de la pluralité des signatures, les psychiatres émettent un avis unique. Cela pose un véritable problème parce que le juge est censé s'appuyer sur un avis conjoint, mais pluriel, alors qu'en réalité un seul médecin l'a établi. Ce n'est pas ce que souhaitait le législateur.
Dans ce texte, nous vous proposons de supprimer le certificat établi entre le 5ème et le 8ème jour, car il ne sert à rien et ne fait souvent que reproduire le certificat établi après 72 heures.
Actuellement, le maintien en hospitalisation complète sous contrainte, que ce soit sur décision du préfet ou à la demande d'un tiers, ne peut excéder 15 jours si le juge ne s'est pas prononcé dans ce délai. Le juge doit être saisi au plus tard trois jours avant cette date, ce que font généralement les hôpitaux. Je vous propose de ramener ce délai à 10 jours et de fixer à 6 jours le délai de saisine. Je ne vous cache pas que cette réduction du délai a fait l'objet de protestations, de la part des syndicats de magistrats et de la Chancellerie, parce qu'elle aurait pour conséquence d'augmenter de 8 300 le nombre de décisions qu'ils auraient à prendre.
La proposition de loi établit enfin l'obligation pour les patients de recourir à un avocat. Actuellement, le recours n'est obligatoire que dans les cas où l'avocat représente son patient qui, pour des raisons médicales, ne peut se déplacer devant le juge. Dans tous les autres cas, on présume que le patient est en mesure de faire le choix de recourir à un avocat. Il semble qu'il y ait là une anomalie car si nous présumons que la personne se trouve hospitalisée sous contrainte parce que son état mental ne lui permet pas de consentir aux soins qui lui sont nécessaires, peut-on raisonnablement penser qu'elle est à même de savoir si elle a ou non besoin d'un avocat ? Nous devons accorder à cette personne un statut unique et lui assurer la protection nécessaire. À ce titre, si nous voulons qu'elle ait accès aux pièces du dossier qui sera remis au juge, elle doit recourir à un avocat car je doute fort que seule, elle puisse y avoir accès.
La proposition de loi s'intéresse également, dans son article 10, aux personnes détenues atteintes de troubles psychiatriques. Il ne s'agit pas de modifier le régime juridique en vigueur, mais d'en réaffirmer les principes.
L'article 10 de la proposition de loi met en outre fin à un problème d'interprétation de l'article L. 3214-2 qui organise le retour en détention d'une personne après la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète et que certains ont interprété comme obligeant la personne à retourner en détention même si elle souhaite rester hospitalisée en soins libres. Ce n'est certainement pas ce que souhaitait le législateur.
Je salue le travail qui a été accompli depuis de longues semaines par la mission d'information sur la santé mentale. Nous avons tous apprécié la disponibilité du rapporteur qui a procédé à plus d'une trentaine d'heures d'auditions et nous a présenté, le 29 mai dernier, un premier rapport d'étape. C'est grâce à ce travail approfondi que cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée et que nous en débattrons dans les prochains jours.
Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, le contexte particulier dans lequel s'inscrit cette proposition de loi, dont la vocation première était de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Nous notons avec satisfaction la suppression du statut légal des unités pour malades difficiles et le maintien d'un régime juridique spécifique pour les personnes pénalement irresponsables, qui ne sortiront de l'hôpital qu'après une étude approfondie de leur situation psychiatrique. Leurs droits, qui relevaient jusqu'alors du domaine réglementaire, figureront désormais dans la loi.
Le texte améliore en outre le régime juridique applicable aux soins sans consentement en précisant le régime de la prise en charge des personnes et en mettant en place un dispositif de sortie non accompagnée de courte durée ainsi que la possibilité pour un détenu d'être hospitalisé en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) sous le régime de l'hospitalisation libre.
La tenue des auditions devant le juge des libertés et de la détention (JLD) dans une salle d'audience au sein de l'établissement de santé, en présence d'un avocat, nous semble aller dans le bon sens.
Quant à la réduction des délais, elle fait l'objet de nombreuses discussions mais elle constitue l'une des pistes qu'il nous faudra suivre pour améliorer notre système judiciaire.
Telles sont les grandes lignes de cette proposition de loi que nous soutenons. Le nombre de placements sous contrainte a augmenté de plus de 40 % entre 2006 et 2011, qu'il s'agisse des placements à la demande d'un tiers, qui sont passés de 43 957 à 63 345, ou des placements à la demande du représentant de l'État qui, eux, sont passés de 10 578 à 14 967. Nous pouvons tous témoigner, en tant que parlementaires ou élus locaux, de la complexité des situations vécues par nos concitoyens et de la nécessité de nous doter d'outils législatifs les mieux adaptés à cette évolution. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, au groupe socialiste, que la proposition de loi soit adoptée.
Je me félicite à mon tour du déroulement de la mission d'information sur cette question difficile de la santé mentale, qui relève à la fois des libertés individuelles, de la protection des personnes et de la sécurité publique.
L'encadrement légal des soins psychiatriques concerne dans notre pays 70 000 personnes. L'hospitalisation sous contrainte ne concerne qu'une minorité de nos concitoyens face aux 3 millions de personnes suivies en psychiatrie et aux 600 000 qui sont hospitalisées, dont 85 % de leur plein gré. Tout au long des travaux de la mission d'information, nous avons mis l'humain au centre de nos préoccupations.
Certaines dispositions de la proposition de loi vont dans le bon sens : la tenue de l'audience à l'intérieur de l'hôpital, la réduction de 15 à 10 jours du délai dans lequel le juge doit statuer et l'accompagnement du patient par un avocat, mais ces deux dernières étaient déjà prévues dans la loi de 2011.
Je souhaite centrer mon intervention sur l'une des principales mesures du texte qui concerne les personnes hospitalisées sous contrainte et qui sont considérées comme étant particulièrement dangereuses pour la société, mais également pour elles-mêmes – 4 000 personnes par an se suicident en France. J'insiste sur ce point car je ne voudrais pas que mon intervention soit comprise comme un exercice purement sécuritaire.
Je veux aborder le cas des malades reconnus pénalement irresponsables qui sont déjà passés à l'acte et ont été admis dans une unité pour malades difficiles en soins sans consentement sur décision d'un représentant de l'État. Le Conseil constitutionnel, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré deux articles du code de la santé publique portant sur les conditions d'admission et de sortie de ces personnes et a demandé au Gouvernement de préparer, dans un délai de 18 mois, une nouvelle rédaction de la loi. Nous en avions largement le temps, mais nous avons examiné un nombre impressionnant de textes d'un intérêt moindre et nous nous retrouvons en plein été à traiter d'un sujet très complexe dont nous allons débattre le dernier jour de la session extraordinaire. Je le regrette car il s'agit d'un texte important qui a trait aux libertés publiques.
Le texte que nous examinons aujourd'hui n'est pas totalement conforme, me semble-t-il, à l'esprit du rapport d'étape qui nous a été présenté il y a quelques semaines, en particulier sur la question des unités pour malades difficiles. Le Conseil constitutionnel n'a jamais empêché le législateur de prévoir pour certaines catégories de patients des mesures dérogatoires plus strictes dès lors qu'il s'agit de protéger la société des personnes qui pourraient représenter un danger, il lui a simplement demandé de prévoir des garanties suffisantes pour les malades. L'article L. 3222-3 du code de la santé publique manquait de précision, ce qui a amené la mission d'information à proposer d'introduire dans cet article de nouveaux critères et des procédures d'admission pour les malades en UMD. Or c'est précisément le contraire qui nous est proposé aujourd'hui avec la suppression de cet article.
L'encadrement qui nous est proposé prévoit des conditions spécifiques pour les malades ayant commis des actes pour lesquels les peines encourues sont d'au moins cinq ans d'emprisonnement s'agissant des atteintes à la personne et de dix ans d'emprisonnement s'agissant des atteintes aux biens. Il s'agit donc de malades très dangereux. Quant aux malades qui seront condamnés à deux ou trois ans d'emprisonnement, ils pourront sortir beaucoup plus facilement, ce qui pose un problème de sécurité.
Ce changement de régime ne nous paraît pas cohérent et ses conséquences n'ont pas été envisagées. Je le regrette car le groupe UMP était plutôt favorable aux préconisations de ce texte.
Je ne peux que féliciter, à mon tour, le rapporteur.
Cette proposition de loi a pour objet de réformer la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, sachant que parmi les patients hospitalisés en psychiatrie, 70 % relèvent de l'hospitalisation libre, 25 % le sont à la demande d'un tiers et seulement 5 % sont hospitalisés sans consentement.
La loi actuelle est née à la suite d'un fait divers dramatique que fut le meurtre à Grenoble d'un jeune homme par un patient schizophrène, et d'une décision du Conseil constitutionnel obligeant à faire intervenir le juge des libertés pour contrôler les mesures de soins sans consentement. La loi de 2011, si elle mettait l'accent sur la sécurité des personnes, négligeait le malade mental qui était envisagé comme un trouble potentiel à l'ordre public et un danger pour la société.
En outre, le Conseil, dans une décision du 20 avril 2012, a jugé que certaines dispositions de la loi n'étaient pas conformes à la Constitution, notamment en matière de respect des droits de la personne. Ces dispositions, qui concernent le régime dérogatoire applicable à la sortie des personnes ayant séjourné en UMD ou déclarées pénalement irresponsables, seront donc abrogées le 1er octobre prochain. Le Conseil ne remet pas en cause le principe d'un régime plus strict, mais il estime que les garanties qui entourent ce régime sont de nature législative et non règlementaires.
Les conclusions du rapport d'étape que nous avons examiné le 29 mai dernier montrent que la différence entre le régime des soins des UMD et celui qui s'applique dans les établissements de psychiatrie générale tient principalement au niveau d'encadrement du personnel. Cette proposition de loi apporte donc une réponse aux dispositions de la loi de 2011 jugées inconstitutionnelles. C'est ainsi que les personnes qui seront admises en UMD relèveront du droit commun ; le régime spécial pour les personnes déclarées pénalement irresponsables sera maintenu, mais certaines dispositions seront limitées aux crimes et aux faits d'une certaine gravité ; l'accès à des sorties de courte durée sera facilité car ces sorties sont nécessaires, tant du point de vue thérapeutique que pour permettre au patient de participer à des événements importants.
Le délai accordé au juge pour statuer est réduit de 15 à 10 jours à compter de l'admission du patient et le contrôle sera effectué tous les six mois. Nous aurions préféré, nous, les députés Écologistes, un premier contrôle plus rapide, suivi de contrôles plus fréquents. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement proposant que le contrôle s'effectue tous les quatre mois, et non tous les six mois.
Les audiences à l'hôpital seront privilégiées, ce qui correspond mieux aux besoins des patients.
Enfin, le texte limite le recours à la visioconférence. C'est rassurant car s'agissant de patients en proie à des troubles psychiatriques, il faut privilégier le lien humain au lien virtuel. Souhaitant encadrer plus étroitement le recours à la visioconférence, nous présenterons un amendement en ce sens.
Par ailleurs, la proposition de loi comble les lacunes de la loi de 2011 en ce qui concerne les droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. Nous considérons que les personnes souffrantes sont avant tout des malades et sont plus victimes que délinquantes. Il est donc nécessaire de rééquilibrer un paradigme qui ne recueille pas l'assentiment des professionnels de la psychiatrie, stigmatise la maladie mentale et donne aux hôpitaux une couleur carcérale. Certains patients restent en unité pour malades difficiles pendant deux ans alors même que la commission du suivi médical et le préfet se sont prononcés en faveur de leur sortie, simplement en raison du flou qui entoure l'application du texte. Les sorties de courte durée et la réduction du délai de recours au juge ne peuvent qu'améliorer le suivi thérapeutique.
Enfin, nous prenons acte de la volonté du rapporteur de ne pas réduire la mission « Santé mentale » à la problématique des soins sans consentement et nous formons le voeu qu'elle s'attache à redéfinir les missions de la psychiatrie publique.
Le temps nous est compté pour examiner les problèmes soulevés par la santé mentale. Je le regrette car notre pays a besoin d'une grande loi sur ce thème. Les délais imposés par le Conseil constitutionnel ne nous ont pas permis d'aborder l'ensemble des sujets dans une loi-cadre et le rapporteur a parlé de sa proposition de loi comme d'un texte modeste – dans l'attente, je l'espère, d'un texte plus ambitieux.
Bien que modeste, cette proposition de loi contient des dispositions très intéressantes qui vont dans le bon sens eu égard au respect de la personne humaine et s'inscrivent dans le cadre du travail approfondi conduit par la mission d'information.
La proposition de loi supprime le régime juridique spécifique des unités pour malades difficiles, laissant aux médecins le soin de décider de l'état des patients et de leur admission dans ces services de soins particuliers.
En ce qui concerne le régime spécifique des irresponsables pénaux, le texte tient compte de la gravité des faits commis et j'y suis très sensible.
S'agissant de la possibilité de soins sans consentement en ambulatoire, nous avions indiqué lors de l'adoption du texte de 2011 à quel point elle nous paraissait inapplicable. À cet égard, les dispositions qui nous sont proposées vont dans le bon sens.
Les sorties non accompagnées de 48 heures mises en oeuvre avec l'accord des soignants, qui avaient été supprimées dans le texte de 2011 dans un élan sécuritaire excessif, sont réintroduites par la proposition de loi.
Le texte réduit le délai accordé au juge des libertés et de la détention, mais j'aurais personnellement souhaité le réduire encore davantage, comme nous y invite l'expérience que nous avons acquise au cours des deux années d'application de la loi de 2011. Car au cas où par malheur cette indication ne serait pas justifiée, être privé de liberté pendant dix ou quinze jours, c'est très long…
Le texte prévoit en outre la tenue des audiences au sein de l'hôpital. C'est un élément important car il peut être choquant pour des personnes fragiles d'être déplacées dans un tribunal.
Enfin, je me félicite de la réduction du nombre des certificats médicaux, car ceux-ci sont à l'évidence trop nombreux.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR soutiendra ce texte, en dépit du report d'une grande loi de santé mentale, de l'insuffisante réduction du délai d'intervention du juge des libertés, du fait que le texte ne modifie en rien le rôle et la place des préfets et qu'il ne dise rien de la situation des mineurs nécessitant des soins psychiatriques.
Je remercie mes collègues Laclais, Fraysse et Massonneau pour leur soutien, et tout particulièrement Jacqueline Fraysse pour son assiduité aux réunions de la mission sur la santé mentale.
Vous me reprochez, chère collègue, de ne pas aller assez loin, mais pour cela il aurait fallu pouvoir engager plus de moyens, car ceux-ci sont indispensables dans tous les domaines, même dans celui des libertés individuelles.
Concernant les hospitalisations complètes sous contrainte, la loi de juillet 2011 a institué un régime judiciaire de contrôle des hospitalisations sous contrainte et introduit la notion de soins sous contrainte, tant pour les cas relevant de l'hospitalisation complète que pour les programmes de soins, qui peuvent être composés à la fois de périodes d'hospitalisation et de périodes de soins ambulatoires. La notion de soins ambulatoires sous contrainte étant contestée par un certain nombre de psychiatres et d'associations, la mission poursuit sa réflexion sur ce sujet, ce qui aboutira peut-être à la présentation d'une proposition de loi, voire de dispositions dans le projet de loi du Gouvernement sur la santé publique. Je souhaite pour ma part que nous puissions aller jusqu'au bout, mais si nous réformons les modalités de l'hospitalisation sous contrainte, nous devrons nous interroger sur l'auteur de la décision, à savoir le préfet pour un quart des cas et le directeur de l'établissement hospitalier pour les autres cas.
Or les médecins tiennent à ce que soient distingués la contrainte et les soins. La responsabilité de la décision pourrait être confiée à la justice, mais cela exigerait des moyens complémentaires. Or vous connaissez comme moi les difficultés que rencontre actuellement ce ministère, même prioritaire, pour dégager des moyens. C'est l'une des difficultés que soulève votre proposition, indépendamment des questions de principe. Le fait d'attribuer au juge la responsabilité de prendre la décision de l'hospitalisation ne va, en outre, pas de soi car ce qui caractérise le juge, c'est son indépendance et l'aspect contradictoire de la procédure. L'hospitalisation est une situation particulière car il y a bien procès, au sens de processus, mais celui-ci ne naît pas nécessairement d'un contentieux. Mis à part dans le cas des patients qui saisissent eux-mêmes le juge des libertés, la loi de juillet 2011, pour satisfaire la demande faite au législateur par le Conseil constitutionnel, prévoit un contrôle systématique. La légalité de l'hospitalisation complète est donc vérifiée, à double titre : sous l'angle formel et en fonction des certificats remis au juge.
Dans sa décision du 20 avril 2012, le Conseil a indiqué clairement qu'en dehors des cas d'hospitalisation complète, les soins sous contrainte ne sauraient être l'objet d'une coercition. Cela signifie que l'on ne peut ni envoyer ni maintenir une personne à l'hôpital contre son gré. La proposition de loi tire les conséquences de cette disposition puisque l'article 1er dispose que les soins sous contrainte relevant d'un programme de soins ne sauraient être susceptibles d'une exécution forcée.
Je reviens sur le processus judiciaire et l'auteur de la décision. S'il s'agit du juge, il intervient dans un délai de 72 heures – il s'agit de patients qui ne font pas l'objet d'un programme de soins mais sont déjà hospitalisés ou le seront bientôt en raison de leur comportement ou de leur santé. Or c'est le plus mauvais moment pour un débat contradictoire car la communication entre le patient, son avocat et le juge sera forcément très difficile. La décision sera prise par un juge indépendant, elle sera conforme aux canons européens, mais elle interviendra à un moment où il n'est pas facile de distinguer, compte tenu de l'état d'énervement de la personne, ce qui relève de la maladie et ce qui n'en relève pas. Le magistrat sera-t-il en mesure de faire la distinction ? Si j'étais hospitalisé d'office, sans mon consentement et pour une mauvaise raison, il est fort probable que je serais extrêmement énervé et que je le dirais de façon peu nuancée, même à un magistrat… En revanche, si celui-ci rencontre la personne le 15ème jour, la situation est très différente.
Sur tous les autres points, chère collègue, je partage votre point de vue, même si je ne suis pas certain que nous ayons besoin d'une loi spécifique sur la santé mentale. Je préférerais pour ma part une grande loi de santé publique dont une partie serait consacrée à la santé mentale.
Madame Massonneau, vous condamnez l'usage de la visioconférence : tout le monde est d'accord avec vous sur ce point, car c'est parfois par ce biais que certains malades mentaux reçoivent des instructions dans leur tête. Nous préférons l'audience devant le juge, plus humaine. Nous ne supprimons pas l'usage de la visioconférence, mais nous le réservons à des circonstances exceptionnelles.
Vous souhaitez que les contrôles soient effectués non plus tous les six mois mais tous les quatre mois. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous examinerons votre amendement.
Madame Laclais, vous vous félicitez du rétablissement des sorties d'essai, vous avez raison.
Ce n'est pas le cas de M. Barbier, pourtant ce dispositif était l'une des préconisations de MM. Blisko et Lefrand. La situation actuelle est paradoxale car pour toute sortie d'essai, l'équipe médicale doit mettre en place un programme de soins et, au retour du patient, réinitialiser le processus d'hospitalisation sous contrainte, ce qui nécessite le passage devant le juge quinze jours plus tard. Nous considérons, nous, que la sortie d'essai fait partie du processus thérapeutique et qu'elle est utile, à la fois pour des raisons matérielles et pour vérifier comment se comporte le patient en dehors de l'hôpital. Je regrette que nous ne soyons pas d'accord sur ce point, mais il en va ainsi de la politique et cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre collaboration au sein de la mission sur la santé mentale que vous présidez avec beaucoup d'efficacité, monsieur Barbier.
Peut-être y a-t-il eu un malentendu à la lecture des deux premières préconisations de la mission, mais il convient de les lire à la lumière du rapport. Or, de ce point de vue, il ne me semble pas y avoir d'équivoque puisque les dispositions ont été adoptées à l'unanimité. La première de ces préconisations consiste à introduire dans l'article L. 3222-3 du code de la santé publique les critères et la procédure de l'admission en UMD, et la deuxième à maintenir un régime particulier pour la mainlevée des mesures de soins sans consentement dont font l'objet les irresponsables pénaux ayant commis un crime. Les deux mesures doivent être comprises ensemble. A contrario, nous ne souhaitions pas maintenir un régime spécifique pour les personnes ayant fréquenté l'UMD. Je vous rappelle que le rapport indique, à la page 19, que « s'agissant des personnes séjournant en UMD, le maintien d'un régime distinct n'apparaît pas justifié » et, plus loin, « dès lors, le maintien à l'égard de ces personnes d'un régime renforcé pour la mainlevée des mesures de soins sous contrainte ne semble pas nécessaire. »
Le rapport proposait de modifier certaines dispositions à la suite des préconisations du Conseil constitutionnel. Il aurait peut-être été plus avisé de supprimer toute mention du passage en UMD afin qu'elle ne figure plus dans la loi. Je regrette cette incompréhension, mais elle s'explique par le niveau très élevé de technicité de la proposition de loi.
La loi de juillet 2011 était une gageure. Il convient de mesurer l'effort accompli par les médecins, les juges, les établissements hospitaliers, les préfets et les agences régionales de santé (ARS) pour éviter tout problème significatif qui aurait pu affecter les mesures de placement. Faire entrer en vigueur le 1er août une loi complexe était un exercice redoutable. Nous, parlementaires, qui sommes en charge du contrôle de la loi, pouvons féliciter tous les acteurs concernés pour la façon dont ils l'ont appliquée.
En ce qui concerne le délai dans lequel la proposition de loi a été élaborée, je considère qu'il est suffisant car nous avons commencé notre réflexion au début de l'année. Si, après avoir consacré nos premières auditions à un cadrage de la mission, nous nous sommes concentrés sur l'hospitalisation sous contrainte, c'est que le Conseil constitutionnel nous a fixé une échéance au 1er octobre 2013.
Je suis pour ma part convaincu qu'il ne faut pas appliquer aux UMD un régime spécifique. J'en tire les conséquences dans mon rapport et dans la proposition de loi. Je souhaite en revanche maintenir un régime spécifique pour les irresponsables pénaux. Il est normal que j'essaie de faire adopter avant le 1er octobre 2013 une loi dont l'entrée en vigueur sera immédiate, s'agissant des dispositions relatives à l'UMD et aux irresponsables pénaux, et différée au 1er janvier 2014 pour les autres dispositions, cela afin que les décrets d'application et les circulaires soient publiées suffisamment à l'avance pour que les juridictions et les hôpitaux aient le temps de s'y préparer. Il serait irresponsable de ne pas tenir le délai que nous a imparti le Conseil constitutionnel, dès lors que nous estimons qu'au moins sur un point, il était nécessaire de légiférer. L'application de la loi doit se faire dans la continuité, faute de quoi les irresponsables pénaux seront privés, à un moment donné, de statut particulier. Si j'ai agi dans l'urgence, c'est avec le soutien du Gouvernement sans lequel je n'aurais pas obtenu ce créneau dans l'ordre du jour de l'Assemblée.
Pour conclure, il convient de distinguer les patients accueillis en UMD et les personnes déclarées pénalement irresponsables, car ces dernières ne passent pas toutes par une telle unité.
Je salue à mon tour le travail du rapporteur, co-auteur de cette proposition de loi et rapporteur de la mission d'information.
La santé mentale était effectivement une question orpheline que nous évoquions souvent sous le coup de l'émotion après la survenue de faits graves. Le groupe SRC a créé cette mission d'information afin d'embrasser l'ensemble des questions relevant de la santé mentale, et nous nous réjouissons du travail qu'elle a accompli. Nous avons été amenés à agir dans l'urgence afin de combler un vide juridique.
J'espère que la proposition de loi fera l'objet d'un consensus au sein de notre assemblée. Elle a trait aux soins sans consentement : attachons-nous à la notion de soins et recherchons les solutions les plus humaines pour les personnes concernées.
Je ne doute pas que la mission d'information fera d'autres propositions en matière de santé mentale. Il nous appartiendra de les traduire dans la loi et d'engager une vraie politique de santé mentale.
Je reprends à mon compte les félicitations qui ont été adressées au rapporteur. Étant moi-même membre de la mission, je peux témoigner de sa grande implication.
Notre collègue Arnaud Robinet indiquait tout à l'heure qu'une loi n'était jamais parfaite. C'est le cas de la loi de 2011, mais il est vrai qu'elle avait été élaborée dans des circonstances particulières. Après deux ans d'application, si j'en crois les nombreux témoignages qui nous ont été communiqués sur la santé mentale et les soins sans consentement, elle devait être corrigée sur de nombreux points et cette proposition de loi nous donne l'occasion de le faire.
La présence d'un avocat est indispensable, mais nous ne pouvons ignorer qu'elle a un coût qui, s'il n'incombe pas aux malades qui relèvent de l'aide juridictionnelle, représentera une lourde charge pour les malades en difficulté. Peut-on leur imposer une telle charge sachant qu'ils n'ont pas les moyens d'y faire face ?
Je reviens sur les améliorations apportées par ce texte, notamment la révision du régime judiciaire de contrôle des soins psychiatriques sans consentement. L'article 6 dispose que « le juge des libertés et de la détention statue dans une salle d'audience attribuée au ministère de la justice, spécialement aménagée sur l'emprise de l'établissement d'accueil ou d'un autre établissement de santé situé dans le ressort du tribunal de grande instance ». La présence du juge à l'hôpital est souhaitable, mais depuis que je siège dans cette assemblée, il me semble que lorsque nous préparons une loi, nous nous occupons du secteur d'activité concerné mais pas de ses conséquences sur d'autres secteurs d'activité. Ainsi le contrôle des hospitalisations psychiatriques constitue une charge particulièrement lourde que les tribunaux auront le plus grand mal à assumer, compte tenu des nombreuses vacances de postes, tant de magistrats que de greffiers, et de la réduction drastique des budgets dont ils font l'objet. En instaurant une charge supplémentaire, avez-vous prévu le renforcement des moyens du ministère de la justice ?
Je salue le travail engagé par la mission d'information. Cette proposition de loi est une première étape qui introduit un changement d'état d'esprit et abandonne la logique exagérément sécuritaire qui s'était particulièrement illustrée dans le discours du Président de la République de l'époque à l'hôpital Erasme d'Antony, qui avait beaucoup marqué le monde de la psychiatrie. Je peux en témoigner car j'étais alors président d'un hôpital psychiatrique situé dans le département de l'Essonne, établissement pionnier en matière de politique dite anti-asilaire et de développement de la psychiatrie de secteur.
La proposition de loi concilie avec pragmatisme la qualité des soins et les libertés individuelles, répond aux questions concernant l'accueil des juges à l'hôpital et organise la publicité des audiences. Nul doute que nous aurons prochainement l'occasion de débattre de la santé mentale dans ses dimensions sanitaire et sociale.
Je salue le travail de Denys Robiliard et j'espère qu'il aboutira dans quelques mois à un projet de loi sur la santé mentale. En attendant, la proposition de loi supprime le régime spécial défini pour les UMD, rend le statut des malades mentaux déclarés pénalement irresponsables compatible avec les exigences constitutionnelles, rétablit les sorties d'essai, et raccourcit le délai d'intervention de la décision judiciaire de 15 à 10 jours : tous ces éléments en font un texte plus proche des soins que de l'exigence sécuritaire et je trouve cela très intéressant.
Cette proposition de loi traite d'un sujet difficile. Nous avons toujours des doutes lorsque nous proposons des dispositions qui ont trait à la liberté individuelle et à la protection des personnes. Vous la qualifiez, monsieur le rapporteur, de modeste, et notre collègue Barbier lui reproche son manque de précision.
Je voudrais réagir sur les décrets en Conseil d'État évoqués par la proposition de loi. L'article 1er fait état d'un décret pour déterminer les conditions dans lesquelles sera organisé le programme de soins. Pouvez-vous nous préciser la manière dont il sera établi ? Sera-t-il destiné uniquement à la personne concernée ? Les articles 4 et 5 laissent au Conseil d'État, par voie de décret, le soin de fixer les limites dans lesquelles les expertises doivent être remises au juge. Etait-il nécessaire de prévoir un décret en Conseil d'État pour fixer ces limites, compte tenu de l'urgence qu'exige l'application du texte ?
Vous avez raison, madame Louwagie, en pareille matière nous devrions légiférer avec la main qui tremble…
Les décrets existent depuis la loi de juillet 2011 et les délais limites pour remettre les expertises sont d'ores et déjà fixés, conformément à l'article R. 3211-13 du code de la santé publique. Ils sont établis à 15 jours.
Nous aborderons les questions ayant trait au programme de soins dans le cadre de l'examen des amendements. Celui-ci est une sorte de cocktail comprenant d'éventuelles périodes d'hospitalisation, l'obligation d'honorer quelques rendez-vous en hôpital de jour, par exemple, et de respecter certaines prescriptions médicamenteuses. S'il y a programme de soins, c'est que le psychiatre estime que l'état du patient nécessite une contrainte, pour sa santé mais également du point de vue légal. Il s'agit donc d'un dispositif concret que le patient est tenu de suivre. Cela peut choquer, mais le patient connaît le programme et donne son avis sur son contenu. La loi dit l'essentiel, d'ailleurs le législateur n'a pas à entrer dans les détails. Quant à la définition d'une personne de confiance, nous y reviendrons à l'occasion de l'examen d'un amendement.
M. Paul considère que la santé mentale est une question orpheline. Il se trompe car notre mission d'information est la vingtième à se pencher sur cette question. Nous devrions chercher à comprendre pourquoi les recommandations émises par le Parlement, l'inspection générale des affaires sociales, la Cour des comptes, ne sont pas mises en oeuvre, même celles qui n'engagent pas de moyens supplémentaires.
En effet, monsieur Lurton, tout est question de moyens. Je le répète, j'admire la façon dont la loi de juillet 2011 a été appliquée par les médecins, les personnels hospitaliers, les magistrats, les greffiers et les avocats commis d'office, mais elle a bénéficié de l'effet de la loi du 16 juin de la même année qui portait de deux à cinq jours le délai de saisine du juge en matière de rétention administrative, ce qui a réduit la tâche de la justice et dégagé du temps pour le contrôle de l'hospitalisation sous contrainte.
Vous me demandez d'engager une dépense supplémentaire, cher collègue, alors même que l'opposition nous reproche de ne pas faire suffisamment d'économies… Je ne suis pas enclin à faire des économies sur les mesures ayant trait à la liberté, mais je me dois de reconnaître que nous manquons de moyens.
En ce qui concerne le coût lié à la présence d'un avocat, madame Bouziane, nous allons examiner un amendement qui répondra à votre question. La question de l'indemnisation agite le monde des avocats, comme en témoigne la grève du barreau de Lille.
Enfin, je remercie Mme Pinville pour les compliments qu'elle a bien voulu m'adresser.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie (n° 1223).
TITRE IER RENFORCEMENT DES DROITS ET GARANTIES ACCORDÉS AUX PERSONNES EN SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
Chapitre IER AmÉlioration de la prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement
Avant l'article 1er
La Commission est saisie de l'amendement AS 3, de Mme Valérie Boyer, portant article additionnel avant l'article 1er.
L'expression « personnes faisant l'objet de soins psychiatriques » apparaît un grand nombre de fois dans ce texte. Je considère qu'elle est péjorative, c'est pourquoi je vous propose par cet amendement de la remplacer par l'expression « personnes recevant des soins psychiatriques ».
Quand bien même nous souhaiterions adopter votre amendement, nous ne le pourrions pas, car tel qu'il est rédigé, il ne permet pas de faire ce que vous dites. Pour cela, il faudrait que vous remplaciez toutes les occurrences qui se trouvent dans la loi. J'ajoute que je ne vois pas en quoi l'expression « faire l'objet de » est péjorative. Avis défavorable.
Si nous voulons réellement donner un statut différent aux personnes qui reçoivent des soins psychiatriques, nous ne devons pas nous arrêter au moindre problème technique.
La Commission rejette l'amendement.
Article 1er (articles L. 3211-2-1, L. 3211-2-2, L. 3211-3 et L. 3211-12-5 du code de la santé publique) : Modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet de mesures de soins psychiatriques sans leur consentement
La Commission examine l'amendement AS 24 du rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de clarification visant à expliciter la notion de « séjour à temps complet », afin d'éviter toute confusion avec la notion d'« hospitalisation complète ».
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine ensemble les amendements AS 7, AS 16, AS 18 et AS 17 de Mme Valérie Boyer.
Cette série d'amendements, inspirée par la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne) vise à mieux protéger les malades atteints de troubles psychiatriques en évitant les situations qui leur sont préjudiciables. L'intervention d'une personne référente leur permettrait ainsi de ne pas se trouver à plusieurs reprises dans la situation de redémarrer une procédure à zéro en cas d'inobservation du programme de soins.
C'est pourquoi l'amendement AS 7 propose tout d'abord la désignation par le patient d'une personne de confiance.
L'article L. 1111-6 du code de santé publique, instauré par la loi « Kouchner » de 2002, dispose que « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance ». Il s'agit donc une possibilité offerte à tous les patients. En faire une obligation n'est pas souhaitable car parfois, aucune personne digne de confiance ne peut être désignée : il est ainsi arrivé que certaines personnes soient désignées personnes de confiance sans que cela soit dans l'intérêt des patients et profitent de leur situation. Nous devons donc nous montrer prudents sur ce point. Avis défavorable.
Votre inquiétude est légitime, néanmoins la situation actuelle n'est pas satisfaisante. En cas de non respect des soins, il est préjudiciable pour ces patients, qui sont très vulnérables, de reprendre la procédure à zéro.
Le Conseil constitutionnel a indiqué dans sa décision du 20 avril 2012 que les soins sans consentement ne sauraient faire l'objet de coercition.
Dans le dispositif de la FEHAP, le patient signe le programme de soins comme s'il s'agissait d'un contrat. Je vous rappelle qu'un contrat repose sur le consentement des parties, or il s'agit de soins sans consentement. Cela relève de l'oxymore. Certes, le psychiatre se doit de rechercher le consentement du patient, les soins consentis étant plus efficaces que les soins subis, mais dans le cadre d'un programmes de soins, la mesure de soins sans consentement n'est pas levée, elle se poursuit.
Si j'ai bien compris le mécanisme proposé par la FEHAP, dans le cas où le programme de soins échoue et que le patient repasse sous le régime de l'hospitalisation complète à la demande de la personne de confiance, cette hospitalisation ne ferait pas l'objet d'un contrôle judiciaire. Ce n'est pas conforme aux décisions du Conseil constitutionnel.
J'ai été sensible à l'approche de la FEHAP car comme bon nombre d'entre vous j'ai été amenée, en tant qu'adjointe au maire, à participer à cette procédure d'hospitalisation sans consentement que j'ai trouvée particulièrement peu adaptée à la situation de malades qui se trouvent souvent dans un état de désespoir et de solitude absolus.
Vos amendements ne concernent pas la procédure d'admission en soins sans consentement, que ce soit à la demande d'un tiers ou sur décision du préfet, mais la procédure de réadmission en soins pour les personnes qui ont déjà été hospitalisées sous contrainte et se sont vues proposer un programme de soins mais ne l'ont pas suivi.
Charger en outre la personne de confiance de la responsabilité du suivi du programme de soins serait dangereux, y compris pour elle-même. Avis défavorable pour ces quatre amendements.
La Commission rejette successivement les amendements AS 7, AS 16, AS 18 et AS 17 de Mme Valérie Boyer.
Elle adopte ensuite successivement l'amendement de clarification AS 26 et l'amendement rédactionnel AS 25 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement AS 4 rectifié de Mme Valérie Boyer.
L'amendement AS 4 rectifié vise à éviter les situations dans lesquelles l'établissement de santé d'accueil n'est pas en mesure d'effectuer un examen somatique complet du patient dans les 24 heures suivant son admission. La formulation que je vous propose supprime à la fois la notion de temporalité, source d'ambiguïté et d'insécurité juridique pour les établissements, et les difficultés liées à l'interprétation d'un examen complet qui peut être différente selon les structures.
Les établissements psychiatriques ont du mal à trouver des médecins généralistes pour effectuer l'examen somatique, pourtant celui-ci doit être conservé. Le cas d'une personne hospitalisée en soins psychiatriques alors qu'elle était victime d'un AVC m'a été rapporté : celle-ci est décédée faute d'examen somatique. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS 27 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 (articles L. 3211-11-1 du code de la santé publique) : Autorisations de sorties de courte durée hors programme de soins
La Commission examine l'amendement AS 28 du rapporteur.
Cet amendement rédactionnel vise à supprimer l'alinéa 5 de l'article pour le réintroduire plus loin.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 29 du rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 6 qui comporte des précisions inutiles, les sorties de courte durée n'étant par définition assimilables ni à la levée des mesures de soins ni à une modification de la forme de prise en charge.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de clarification AS 30 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 31 du rapporteur.
Cet amendement vise à réinsérer des dispositions que nous avons supprimées en adoptant l'amendement AS 28.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 (articles L. 3211-11-1 du code de la santé publique) : Mise en oeuvre du suivi des patients pris en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Chapitre ii AmÉlioration du contrôle du juge des libertés et de la dÉtention sur les mesures de soins psychiatriques sans consentement
Article 4 (articles L. 3211-12 du code de la santé publique) : Suppression des conditions spécifiques de mainlevée des mesures de soins des patients admis en unité pour malades difficiles et définition d'un nouveau régime de mainlevée pour les patients déclarés pénalement irresponsables
La Commission est saisie de l'amendement AS 32 du rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer la référence aux livres II et III du code pénal, qui est trop restrictive, d'autant que l'article repose sur des critères clairs : une peine encourue de dix ans pour les atteintes aux biens et de cinq ans pour les atteintes aux personnes.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 (articles L. 3211-12-1 du code de la santé publique) : Réforme des modalités de contrôle systématique du juge des libertés sur les mesures de soins sans consentement en hospitalisation complète
La Commission est saisie de l'amendement AS 1 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement vise à réduire le délai d'intervention du juge de la liberté et de la détention (JLD) dans le cas d'une hospitalisation sans contentement. Le Conseil constitutionnel préconisait une durée maximale de 15 jours et vous proposez de la réduire à 10 jours. Je m'en félicite, mais sachant que les psychiatres sont en mesure de délivrer un diagnostic précis dans un délai 72 heures, nous proposons de ramener celui-ci à cinq jours.
C'est effectivement ce que préconisait le rapport d'étape de la mission « Santé mentale », mais les ministères concernés ont attiré mon attention sur les difficultés liées à la constitution du dossier de saisine du juge et m'ont mis en garde sur les problèmes qu'entraînerait la réduction à cinq jours du délai d'intervention du juge, qui risquerait d'amener celui-ci à prendre une décision sur les aspects purement formels du dossier faute d'avoir reçu les documents nécessaires. Avis défavorable.
L'argument des contraintes administratives et judiciaires ne me satisfait pas. Si nous voulons que les mesures que nous proposons soient applicables, il suffit de dégager les moyens nécessaires. Encore une fois, dix jours est une durée très longue pour une personne hospitalisée sous contrainte de façon injustifiée.
Il serait difficile de réduire le délai en deçà de 10 jours car aux dires des syndicats de magistrats et de greffiers, les services administratifs de la justice seraient tout à fait incapables d'y faire face, faute de moyens.
Un enfermement abusif de dix jours est intolérable, et l'argument des moyens n'est pas du tout de même nature, c'est pourquoi je voterai cet amendement.
Si nous voulons un débat judiciaire, il faut lui donner le temps de s'organiser, de la convocation de la personne à la constitution du dossier et sa consultation par l'avocat. Je ne crois pas qu'un contrôle judiciaire digne de ce nom puisse être réalisé sans un délai minimum de préparation.
Je reconnais qu'être interné quinze jours, même dix jours, c'est très long, mais le recours facultatif reste ouvert puisque toute personne admise en soins psychiatriques sans son consentement peut saisir le juge avant même la date du contrôle systématique – même s'il n'est pas certain que le juge organisera pour autant une audience en amont de ce contrôle. Quoi qu'il en soit, nous devons nous attacher au bon déroulement des audiences auxquelles procèdent les magistrats. Ces derniers doivent en outre pouvoir rencontrer des patients sortis de la période de crise, et après avoir pris connaissance des certificats établis par les psychiatres et mis en place une procédure contradictoire.
La Commission rejette l'amendement AS 1.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 33 du rapporteur.
La Commission rejette ensuite l'amendement AS 15 de Mme Jacqueline Fraysse.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 34 du rapporteur.
Elle examine à présent l'amendement AS 21 de M. Jean-Louis Roumegas.
Le délai de six mois prévu entre deux décisions du juge des libertés et de la détention nous semble trop long, s'agissant d'une mesure de privation de liberté, c'est pourquoi nous proposons par cet amendement de le ramener à quatre mois.
Ce qui porterait à trois le nombre de contrôles annuels. En psychiatrie, un certain nombre de personnes sont hospitalisées pendant plusieurs années, voire plusieurs dizaines d'années. Je ne suis pas certain qu'il soit de leur intérêt de se soumettre à trois contrôles par an.
Le premier contrôle, après celui établi à dix jours, intervient six mois plus tard. Devrions-nous envisager un contrôle intermédiaire ? Je suis défavorable à cet amendement en l'état, mais peut-être pourrions-nous prévoir un premier contrôle après quatre mois, suivi de contrôles tous les six mois ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 35 et AS 36 du rapporteur.
La Commission est à présent saisie de l'amendement AS 37 du rapporteur.
Cet amendement vise à allonger le délai de saisine du juge des libertés et de la détention dans le cadre du contrôle systématique à six mois. Le juge serait saisi quinze jours avant d'avoir à statuer, au lieu de huit.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 38 et AS 39 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement AS 11 de Mme Valérie Boyer.
L'avis conjoint présente un intérêt en théorie, mais en réalité le second avis diffère très peu celui établi par le spécialiste qui connaît bien le patient.
En outre, compte tenu de la démographie médicale dans certains territoires, cette contrainte formelle s'avère contreproductive. C'est pourquoi je propose d'introduire de la souplesse dans le dispositif en supprimant le caractère obligatoire de l'avis conjoint, qui sera désormais facultatif et rédigé à la demande du médecin psychiatre qui a établi le premier avis.
Je suis défavorable à cet amendement car il n'est pas concevable, sur le plan juridique, de laisser le premier psychiatre décider s'il souhaite que cet avis fasse ou non intervenir un second psychiatre.
Cela dit, il y a lieu de nous interroger sur l'avis conjoint. Le directeur de l'hôpital du Vinatier, que nous avons reçu la semaine dernière, nous a fait part de statistiques réalisées dans son établissement : sur 2 000 avis conjoints prononcés, il n'y a eu qu'un seul cas dans lequel l'avis du second praticien n'était pas conforme au premier. Ainsi, le psychiatre émet un avis, son confrère qui le contresigne lui fait confiance et entérine son avis. Cela ne correspond pas du tout à la volonté du législateur.
La solution que vous proposez, chère collègue, n'est cependant pas acceptable car alors ce serait le psychiatre qui déciderait de l'opportunité de demander un second avis.
Il est clair que le magistrat préfère disposer de l'avis d'un deuxième psychiatre, indépendant du psychiatre traitant. Toutefois, si le mécanisme mis en place par la loi de 2011 est impeccable sur le plan intellectuel, dans les faits il ne fonctionne pas. Devons-nous le modifier ou faire en sorte que les praticiens procèdent différemment ?
Sur le plan pratique, notre collègue Boyer a raison et les personnes que nous avons auditionnées ont été très claires à ce sujet. En revanche, le fait que le magistrat ne dispose que d'un seul avis pose un problème, sur le plan du droit comme sur le plan médical.
Nous ne pouvons nous contenter d'un avis conjoint conforme, d'un « copier-coller ». Il nous faudra revoir cette question lors de l'examen de la loi de santé publique car le dispositif tel qu'il est actuellement fait peser une lourde responsabilité sur le psychiatre qui a émis le second avis. Nous sommes d'accord sur l'analyse, mais nous devons réfléchir pour apporter des solutions en veillant à ne pas créer une inflation des expertises.
Nos collègues Blisko et Lefrand, dans leur rapport d'application sur la loi du 5 juillet 2011, avaient préconisé la création d'un groupe de travail sur les certificats médicaux. Ce n'était pas une mauvaise idée. Il est important que le magistrat chargé de statuer sur une hospitalisation puisse disposer de deux avis distincts, d'ailleurs ceux que nous avons rencontrés ne sont pas favorables à l'abandon de l'avis conjoint.
La Commission rejette l'amendement AS 11.
Elle adopte ensuite successivement trois amendements de précision, AS 40, AS 41 et AS 42, du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Article 6 (articles L. 3211-12-2 du code de la santé publique) : Déroulement de l'audience devant le juge des libertés et de la détention
La Commission examine l'amendement AS 9 de Mme Valérie Boyer.
Cet amendement vise, au même titre que les amendements AS 19 et AS 20, à remédier de façon pragmatique aux difficultés liées au déplacement au tribunal des personnes qui subissent des soins sans consentement.
Le présent amendement vise à ce que l'audience se tienne certes, au sein de l'établissement de santé, dans une salle spécialement aménagée à cet effet, mais uniquement en chambre du conseil. Cette solution permettrait d'assouplir le cahier des charges immobilier des salles d'audience qui est difficile à mettre en oeuvre, long et coûteux pour les établissements de santé. Au cas où le patient souhaiterait une audience publique, il lui suffirait néanmoins de le demander. L'audience aurait alors lieu au tribunal.
Votre proposition n'est en rien pragmatique. Certes, la tenue de l'audience en chambre du conseil permet à l'hôpital d'économiser les frais liés à la publicité, mais si le patient souhaite une audience publique il faut transporter toutes les personnes qui participent à l'audience au tribunal de grande instance, qui peut se trouver à 80 km de l'hôpital. Cette organisation serait difficile à mettre en place pour les magistrats, les greffiers et les établissements hospitaliers.
La mission d'information sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie recommandait dans son rapport d'étape d'organiser l'audience en chambre du conseil, mais j'ai évolué sur ce point. Je préconise que l'audience reste publique dans son principe, puisque la publicité manifeste l'indépendance de la justice. Si, à la demande du patient, l'audience se tient en chambre du conseil, il doit être clair pour tout le monde que le juge des libertés siège dans un espace judiciaire et dans des conditions inhérentes à la justice. Je regrette que pour réaliser des économies, certains soient prêts à s'affranchir de ce principe. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS 9.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 43 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement AS 44 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que la tenue de l'audience en chambre du conseil est de droit dès lors que le patient la demande.
La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision AS 45 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement AS 46 du rapporteur.
Les personnes que nous avons auditionnées nous ont fait remarquer que la rédaction de cet article permettrait de regrouper au sein d'un établissement toutes les audiences organisées dans le ressort du tribunal de grande instance. Ce n'est pas le but de la proposition de loi, qui prévoit que la salle d'audience se trouve dans l'établissement où est pris en charge le patient, sauf en cas de nécessité impérieuse.
Elle existe dans le droit relatif à l'expulsion des étrangers. La notion d'urgence absolue existe elle aussi dans le droit. Des thèses ont été écrites sur le sujet !
Je fais confiance aux magistrats pour appliquer la loi. Quoi qu'il en soit, il était important de souligner qu'une simple nécessité de service ne saurait justifier la mutualisation des salles d'audience.
La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Puis elle rejette successivement, après avis défavorable du rapporteur, les amendements AS 19 et AS 20 de Mme Valérie Boyer.
La Commission examine l'amendement AS 48 du rapporteur.
Cet amendement vise à ce que l'audience se déroule à titre tout à fait exceptionnel par visioconférence, car selon les psychiatres ce n'est pas une méthode adaptée à leurs patients.
Son adoption ferait tomber l'amendement AS 22 de M. Roumegas, qui réservait la visioconférence aux cas de force majeure.
Je regrette que mon amendement tombe car j'y avais introduit l'obligation pour le juge de motiver sa décision de recourir à la visioconférence.
Ou bien la décision de recourir à la visioconférence est une mesure d'organisation judiciaire, et dans ce cas la motivation n'est pas utile, ou bien elle peut affecter de nullité la procédure en première instance, dans ce cas elle sera purgée en appel. Je vous propose de vérifier la nature juridique de la décision de recourir à la visioconférence, mais en l'état je ne suis pas favorable à un amendement imposant une décision motivée.
Il me semble que le fait de devoir motiver sa décision pourrait dissuader le juge de recourir à la visioconférence.
La Commission adopte l'amendement AS 48 à l'unanimité.
L'amendement AS 22 tombe.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 47 du rapporteur.
Elle examine à présent l'amendement AS 10 de Mme Valérie Boyer.
Afin de ne pas faire pression sur le tiers demandeur et de le dissuader de tenir la place que la loi lui confère dans certaines situations, il convient d'indiquer sur la convocation que sa présence est facultative.
Ce type de convocation existe en matière de tutelle et de curatelle, mais il est paradoxal d'envoyer une convocation en précisant qu'il est possible de s'y soustraire. Quoi qu'il en soit, cette disposition n'est pas de nature législative mais réglementaire. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
La Commission est saisie de l'amendement AS 49 du rapporteur portant article additionnel après l'article 6.
Cet amendement vise, d'une part, à permettre au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de statuer au tribunal dans le cadre d'une procédure d'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention, et d'autre part, à prévoir la production obligatoire d'un avis médical dans le cadre de la procédure d'appel afin que le juge puisse disposer d'informations à jour sur l'état mental du patient.
La Commission adopte l'amendement.
Avant l'article 7
La Commission examine l'amendement AS 5, de Mme Valérie Boyer, portant article additionnel avant l'article 7.
Cet amendement vise à rapprocher deux notions très proches mais que la loi de 2011 a distinguées : le péril imminent et l'urgence. L'urgence est une notion juridique imprécise, et dans ce cas l'admission peut se faire à la demande d'un tiers mais selon une procédure simplifiée – un seul certificat qui peut émaner d'un médecin de l'établissement ; le péril imminent a été défini par la Haute autorité de santé et illustré à plusieurs reprises par la jurisprudence : dans ce cas le patient peut être admis, en l'absence de tiers demandeur, sur la base d'un seul certificat devant nécessairement émaner d'un médecin extérieur à l'établissement.
Je propose par cet amendement d'éviter ce qui pourrait devenir un véritable « nid à contentieux », en fondant la procédure d'admission uniquement sur le péril imminent mais en prévoyant deux procédures distinctes en fonction de la présence ou non du tiers demandeur.
Si nous modifions la loi du 5 juillet 2011, c'est que le Conseil constitutionnel nous y a invités, et si nous touchons au contrôle juridictionnel c'est qu'il nous est possible de le corriger sur certains points de façon relativement aisée. Mais il s'agit là de procédures très récentes, qui ont à peine deux ans d'existence. Je propose de les laisser vivre pour nous donner le temps d'apprécier leurs périmètres respectifs.
Quoi qu'il en soit, les deux procédures sont différentes sur le plan juridique. La première s'apparente à ce que les psychiatres appellent le « tiers sans tiers ». Il s'agit d'une hospitalisation à la demande d'un tiers, mais le tiers n'existe pas. Seuls interviennent alors le directeur d'établissement et le médecin. La seconde répond à une situation d'urgence – par exemple lorsqu'un patient qui se présente aux urgences de l'hôpital doit être admis en urgence dans un service psychiatrique – et nécessite la présence d'un tiers.
Sauf à me démontrer qu'il serait inutile de maintenir les deux procédures, je préfère les conserver en l'état. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS 5.
TITRE II CONSOLIDATION DES PROCÉDURES APPLICABLES AUX MESURES DE SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
Chapitre ier Rationalisation du nombre de certificats mÉdicaux produits dans le cadre d'une mesure de soins À la demande d'un tiers ou en cas de pÉril imminent
Article 7 (articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3212-9 du code de la santé publique) : Simplification des procédures dans le cadre d'une mesure de soins sans consentement à la demande d'un tiers
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 50 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS 8 de Mme Valérie Boyer.
La loi prévoit une évaluation approfondie dès lors que la durée des soins est supérieure à un an. L'article 7 ne prévoyant pas la reconduction de cet examen dans l'hypothèse où la prise en charge se poursuivrait au-delà d'un an, l'objet de cet amendement est de prévoir cette éventualité.
Il permet par ailleurs de substituer la notion d'évaluation approfondie », imprécise et incertaine quant à ses conséquences juridiques, à celle d'évaluation médicale ».
Si vous acceptez de rectifier votre amendement afin, non pas de substituer l'adjectif « médicale » à l'adjectif « approfondie » mais de remplacer l'expression « évaluation approfondie » par celle d'évaluation médicale approfondie », je serai favorable à l'amendement AS 8.
La Commission adopte l'amendement AS 8 rectifié de Mme Valérie Boyer.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 51 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La Commission est saisie de l'amendement AS 52, du rapporteur, portant article additionnel après l'article 7.
Le registre est un énorme recueil de décisions et de documents médicaux concernant les personnes faisant l'objet d'une hospitalisation sous contrainte. À l'évidence, sa tenue est chronophage et sa consultation difficile. Les techniques contemporaines permettraient d'organiser un archivage de meilleure qualité, de façon dématérialisée, mais les personnes qui le consultent, par exemple les membres de la commission départementale des soins psychiatriques, doivent le signer et y apposer d'éventuelles observations.
Il nous a été demandé de façon pressante de réformer ce registre. Sa suppression n'est pas envisageable s'agissant d'hospitalisations sous contrainte car le registre est une garantie pour les patients. En revanche, nous pourrions envisager de le dématérialiser. Nous demandons donc au Gouvernement, dans l'année qui suivra le vote de la loi, de nous présenter un rapport sur la base duquel nous pourrons légiférer. Je vous indique, madame Boyer, que cet amendement répond par avance à votre amendement AS 14, que nous examinerons après l'article 11.
La Commission adopte l'amendement AS 52.
Avant l'article 8
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 53, du rapporteur, portant article additionnel avant l'article 8 et modifiant le titre du chapitre II.
Chapitre ii Rationalisation du nombre de certificats mÉdicaux produits et clarification des procÉdures applicables dans le cadre des mesures de soins psychiatriques sur dÉcision du reprÉsentant de l'État
Article 8 (articles L. 3213-1, L. 3213-3, L. 3213-5, L. 3213-7, L. 3213-8 et L. 3213-9-1 du code de la santé publique) : Clarification des procédures applicables aux personnes déclarées pénalement irresponsables et aux cas de désaccord entre psychiatre et préfet
La Commission examine l'amendement AS 54 du rapporteur.
Alors que l'article L. 3213-1 devait être abrogé à la suite de la décision du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel, le législateur de 2011 l'a modifié sans le réécrire complètement. Pour une meilleure lisibilité de ses dispositions, nous en proposons donc une rédaction globale.
La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle examine ensuite l'amendement AS 6 de Mme Valérie Boyer.
L'objectif de cet amendement est de rationaliser les obligations incombant aux médecins : si l'obligation de dactylographier les certificats médicaux n'est pas adaptée aux médecins, notamment ceux qui interviennent à l'extérieur de l'établissement hospitalier, en particulier le week-end, il doit néanmoins être demandé aux psychiatres d'établir un certificat « clair, précis et compréhensible ».
La loi ne doit pas être bavarde. Nous souhaitons tous des certificats lisibles, car un certificat illisible n'a aucune valeur, et nous savons tous que certaines écritures, en particulier celles des médecins et des avocats, sont illisibles. La loi indique que le certificat doit permettre au juge de motiver l'hospitalisation sous contrainte. Elle apporte donc les précisions nécessaires.
En outre, si nous devions voter cet amendement, il faudrait qu'il s'applique à tous les régimes d'admission en soins sans consentement alors que votre rédaction ne s'applique qu'aux hospitalisations décidées par le préfet. Avis défavorable.
Il va de soi qu'un certificat doit être lisible, car si le juge n'est pas capable de lire le certificat, il en déduit qu'il n'est pas en situation de remplir son office et en tire les conséquences en demandant une mainlevée. À ce titre, le caractère a minima lisible du certificat a des conséquences juridiques.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement l'amendement rédactionnel AS 56, l'amendement de coordination AS 57, les amendements rédactionnels AS 58 et AS 59, l'amendement AS 60 de suppression de dispositions inutilement restrictives et l'amendement rédactionnel AS 61 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement AS 55 du rapporteur.
L'article L. 3213-8 devant être formellement abrogé suite à la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, le présent amendement vise à le rétablir par avance dans son entier.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite successivement l'amendement de précision AS 62, l'amendement de simplification AS 63 et l'amendement de clarification AS 64 du rapporteur.
La Commission adopte l'article 8 modifié à l'unanimité.
Article 9 (articles L. 3222-3 du code de la santé publique) : Suppression du régime légal des unités pour malades difficiles
La Commission examine l'amendement AS 12 de Mme Valérie Boyer.
Cet amendement vise à encadrer légalement l'admission en unité pour malades difficiles (UMD). Il n'existe en France que 11 UMD qui n'offrent que 450 places. Une admission dans une UMD peut donc impliquer pour un patient son transfert dans un autre département, voire une autre région. C'est pourquoi il est indispensable de mettre en place un contrôle.
Par ailleurs, il y a lieu de demander à la Haute autorité de santé (HAS) d'établir un référentiel de ces unités.
Ce référentiel a déjà été demandé à la HAS par le ministère de la santé. Il ne vous a pas échappé que vous nous proposez un amendement qui contredit totalement la proposition de loi qui prévoit la suppression du régime légal des UMD. Vous aménagez le statut des UMD là où la proposition de loi considère l'UMD comme un dispositif de santé ne nécessitant aucun statut légal : le passage, aussi prolongé soit-il, d'un patient en UMD n'aura désormais aucune conséquence sur les conditions de sa sortie de l'hospitalisation sous contrainte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 9 sans modification.
TITRE III MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES DÉTENUES ATTEINTES DE TROUBLES MENTAUX
Article 10 (articles L. 3214-1 et L. 3214-2 du code de la santé publique) : Réaffirmation du droit à une prise en charge psychiatrique adaptée des personnes détenues souffrant de troubles mentaux
La Commission examine l'amendement AS 65 du rapporteur.
Cet amendement vise à clarifier les dispositions relatives à la prise en charge des détenus admis en soins psychiatriques, avec ou sans leur consentement.
La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 66 du rapporteur.
La Commission adopte, à l'unanimité, l'article 10 modifié.
Après l'article 10
La Commission examine l'amendement AS 2, de M. Jean-Louis Roumegas, portant article additionnel après l'article 10.
Comme vous le savez, les parlementaires ont le droit de visiter les établissements pénitentiaires et les centres de rétention. Je propose par cet amendement d'étendre ce droit aux établissements de santé habilités à recevoir des personnes internées sans consentement.
Je suis parfaitement d'accord avec vous sur le fond, en revanche je ne souhaite pas inscrire cette prérogative des parlementaires dans le code de procédure pénale, cela afin d'éviter toute stigmatisation et tout risque d'assimilation du malade mental à une personne faisant l'objet d'une procédure pénale. Je vous propose donc de retirer votre amendement afin d'en préparer un nouveau dans une rédaction qui permettra de l'incorporer au code de la santé publique, et de le représenter dans le cadre de la réunion prévue au titre de l'article 88.
L'article 719 du code de procédure pénale fait partie du chapitre intitulé « De l'exécution des peines privatives de liberté ». Y placer une disposition relative aux hôpitaux psychiatriques comporte certains risques que je préfère ne pas prendre. J'ajoute qu'il serait plus pédagogique de la présenter dans le code de la santé publique.
J'ai moi-même défendu ce droit des parlementaires pour éviter les dérives que nous connaissons dans les régimes dictatoriaux, qui ont pour habitude d'enfermer les opposants politiques dans les hôpitaux psychiatriques.
Cette disposition correspond à l'intention du rapporteur de rétablir la psychiatrie dans le droit commun et la citoyenneté.
Je m'attache à améliorer le regard que l'on porte de l'extérieur sur les hôpitaux psychiatriques, c'est pourquoi je suis très attentif à la place de cette disposition.
Cela me rappelle un ancien maire d'une ville de mon département qui adressait à ses opposants au conseil municipal la photocopie des articles du code de santé publique rappelant les prérogatives du maire en matière d'hospitalisation d'office…
Il est normal que les parlementaires s'intéressent aux lieux où sont enfermées des personnes sans leur consentement, mais il s'agit d'hôpitaux où leur déambulation n'est peut-être pas opportune.
Je comprends votre argument, mais les députés et les sénateurs n'iront pas en convoi et respecteront les personnes soignées et les soignants. J'observe qu'une série de personnes visitent déjà les hôpitaux psychiatriques – le préfet, le président du tribunal de grande instance, le Procureur de la République, le maire de la commune, les membres de la commission départementale des soins psychiatriques et le contrôleur général des lieux de privation de liberté…
Je voudrais vous alerter sur une dérive : un certain nombre de parlementaires ont demandé à visiter des lieux de détention accompagnés de journalistes et de cameramen. Je suis extrêmement défavorable à cette demande. Je ne voudrais pas que par parallélisme des formes, nous nous retrouvions dans la même situation.
Je n'ai pas signé cette demande, mais mon amendement pose le problème du pouvoir du médecin dans une démocratie. C'est une question fondamentale. Je souhaite pour ma part que la démocratie soit présente partout, y compris face à la science et à la médecine.
Je n'ai pas, moi non plus, signé cette demande. Il est souhaitable que la démocratie s'invite partout, mais nous pouvons faire notre travail sans avoir besoin de la presse. Cela dit, est-il absolument nécessaire pour nous de visiter des lieux de soins ?
Nous pourrions élargir le débat aux EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), qui, je le rappelle, ne sont pas des lieux de privation de liberté.
Je ne tiens pas à ouvrir la boîte de Pandore, mais je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Guedj. Un lieu de privation de liberté est une notion objective et non une définition légale. Je propose que nous y réfléchissions dans le cadre de la mission sur la santé mentale.
L'amendement AS 2 est retiré.
TITRE IV DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES
Article 11 (articles L. 3215-2, L. 3844-1 et L. 3844-2 du code de la santé publique) : Coordinations
La Commission adopte l'amendement de coordination AS 67 du rapporteur.
Puis elle adopte, à l'unanimité, l'article 11 modifié.
Après l'article 11
La Commission rejette, sur avis défavorable du rapporteur, l'amendement AS 14, de Mme Valérie Boyer, portant article additionnel après l'article 11.
Article 12 : Entrée en vigueur des dispositions de la loi
La Commission adopte successivement l'amendement de précision AS 68, l'amendement rédactionnel AS 69 et l'amendement de précision AS 70 du rapporteur.
Elle adopte ensuite, à l'unanimité, l'article 12 modifié.
Article 13 : Gage
La Commission adopte, à l'unanimité, l'article 13 sans modification.
Après l'article 13
La Commission examine l'amendement AS 13, de Mme Valérie Boyer, portant article additionnel après l'article 13.
La formation initiale et continue des juges et des avocats ne leur permet pas toujours de répondre correctement aux attentes imposées par la loi de 2011. Par ailleurs, les soignants méconnaissent les contraintes et les particularités de la justice. Cela nuit à l'intérêt des patients. Pour combler cette carence, je propose de prévoir dans la loi l'obligation d'organiser au moins une fois par an une journée d'échanges, d'information et de formation regroupant les personnels des établissements de santé et les avocats, les magistrats, les greffiers et les membres des commissions départementales des soins psychiatriques.
Il serait souhaitable, en effet, d'instaurer des formations associant les professionnels de santé et du droit, mais je ne pense pas qu'il soit du domaine de la loi d'organiser ces formations. Elles n'entrent pas en outre dans le cadre du développement professionnel continu prévu par l'article 59 de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) que vous citez dans votre amendement, puisque celui-ci s'adresse aux seules professions de santé. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement AS 23 du rapporteur.
Le titre qui a été attribué à la proposition de loi correspondait au décret signé par le Président de la République pour l'ouverture de la session extraordinaire, mais souhaitant apporter plus de précision à ce titre, je vous propose la formulation suivante : « proposition de loi visant à modifier la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ».
La Commission adopte l'amendement.
La Commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.