Intervention de Denys Robiliard

Réunion du 17 juillet 2013 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur :

Cette proposition de loi a été rendue nécessaire par une décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 qui a jugé contraires à la Constitution plusieurs dispositions du code de la santé publique relatives à l'admission des patients en unités pour malades difficiles (UMD) et à l'hospitalisation sans consentement des personnes pénalement irresponsables.

Pour préparer cette proposition de loi, nous nous sommes appuyés sur les travaux de la mission d'information « Santé mentale et avenir de la psychiatrie » et sur le rapport du 22 février 2012 de nos anciens collègues Serge Blisko et Guy Lefrand qui concluait déjà à la nécessité de revoir certaines modalités du contrôle judiciaire de la loi du 5 juillet 2011.

Je n'oublie pas l'adage selon lequel les petites réformes sont l'ennemi des grandes réformes, mais nous n'étions pas en mesure, dans le délai qui nous était imparti, de nous engager dans une grande réforme. Le Conseil constitutionnel ayant fixé l'entrée en vigueur de sa décision au 1er octobre 2013, le calendrier parlementaire ne nous laissait pas le temps d'organiser une discussion approfondie sur le régime juridique des soins sans consentement. En outre, comme je l'indiquais dans le rapport d'étape que je vous ai présenté en mai, la mission d'information avait besoin de poursuivre sa réflexion sur différents points : qui doit être l'auteur de la décision d'admission en soins sans consentement ? Comment encadrer les soins sous contrainte en dehors d'un contexte psychiatrique – par exemple pour les personnes vivant en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Comment améliorer le régime de la contention ? Enfin, si nous avions voulu engager une réforme de plus grande ampleur, il aurait été préférable de passer par un projet de loi de façon à bénéficier d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État.

Cette proposition de loi est donc modeste et s'assume comme telle, ce qui ne veut pas dire qu'elle est sans force et sans conséquence. Elle fait évoluer les principes de la loi et améliore de façon significative le régime de contrôle judiciaire.

L'analyse à laquelle a procédé la mission d'information sur la santé mentale nous a conduits à revenir sur la décision d'appliquer au passage en unités pour malades difficiles des modalités renforcées de levée du placement d'office. La mission a identifié les UMD comme étant des dispositifs de soins caractérisés simplement par un taux élevé d'encadrement du personnel hospitalier et, à ce titre, les personnes qui y sont placées n'ont pas besoin d'un régime juridique spécifique. En revanche, un statut particulier nous a paru justifié pour les personnes déclarées pénalement irresponsables en application de l'article 122-1 du code pénal.

La proposition de loi ne sera pas non plus sans effet sur le contrôle judiciaire. Dans leur rapport enregistré à l'Assemblée nationale le 22 février 2012, soit peu de temps après l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011, qui est intervenue le 1er août 2011, MM. Blisko et Lefrand préconisaient déjà de généraliser la tenue des audiences au sein de l'hôpital, en chambre du conseil, mais également de constituer un groupe de travail visant à réfléchir à la réduction du nombre des certificats médicaux et de prévoir la possibilité pour les patients en hospitalisation complète de bénéficier de sorties thérapeutiques de très courte durée.

La proposition de loi généralise la tenue des audiences à l'hôpital. Quant à leur tenue en chambre du conseil, après discussion avec la Chancellerie, nous avons retenu pour principe la publicité des audiences et leur organisation en chambre du conseil, si le patient en fait la demande. En effet, s'il est souhaitable, dans l'intérêt des patients, que les audiences se tiennent à l'hôpital, la loi doit impérativement manifester l'indépendance de la justice. La justice devant être rendue publiquement, l'hôpital doit mettre à sa disposition une salle qui permette un débat judiciaire digne de ce nom et soit accessible au public – de telles salles existent dans la plupart des hôpitaux. Il faut qu'apparaisse clairement le fait que nous sommes dans le domaine de la justice et non dans celui de la médecine.

Les arguments qui militent en faveur de la tenue de l'audience en chambre du conseil ne sont pas laissés de côté – risque d'atteinte au secret médical, problèmes d'intimité de la vie privée. Le choix devrait reposer sur le patient, assisté d'un avocat, mais il est impératif que l'audience ait fait l'objet d'une publicité. C'est la garantie, encore une fois, que la justice peut s'exercer en toute indépendance et que le juge n'est pas à la discrétion du médecin.

Une proposition de loi n'a pas pour objet de proposer la création d'un groupe de travail, mais nous espérons qu'un groupe sera mis en place pour réfléchir à la question des certificats médicaux, car ils nécessitent des dispositions effroyablement complexes et les psychiatres consacrent beaucoup de temps à leur établissement. Il en va notamment ainsi de l'avis conjoint adressé au juge : le système n'offre pas la sécurité nécessaire car lorsqu'un psychiatre donne son avis à l'un de ses confrères qui a déjà établi un certificat médical, il a tendance à lui faire confiance et à signer l'avis dans les mêmes termes, ce qui fait qu'en dépit de la pluralité des signatures, les psychiatres émettent un avis unique. Cela pose un véritable problème parce que le juge est censé s'appuyer sur un avis conjoint, mais pluriel, alors qu'en réalité un seul médecin l'a établi. Ce n'est pas ce que souhaitait le législateur.

Dans ce texte, nous vous proposons de supprimer le certificat établi entre le 5ème et le 8ème jour, car il ne sert à rien et ne fait souvent que reproduire le certificat établi après 72 heures.

Actuellement, le maintien en hospitalisation complète sous contrainte, que ce soit sur décision du préfet ou à la demande d'un tiers, ne peut excéder 15 jours si le juge ne s'est pas prononcé dans ce délai. Le juge doit être saisi au plus tard trois jours avant cette date, ce que font généralement les hôpitaux. Je vous propose de ramener ce délai à 10 jours et de fixer à 6 jours le délai de saisine. Je ne vous cache pas que cette réduction du délai a fait l'objet de protestations, de la part des syndicats de magistrats et de la Chancellerie, parce qu'elle aurait pour conséquence d'augmenter de 8 300 le nombre de décisions qu'ils auraient à prendre.

La proposition de loi établit enfin l'obligation pour les patients de recourir à un avocat. Actuellement, le recours n'est obligatoire que dans les cas où l'avocat représente son patient qui, pour des raisons médicales, ne peut se déplacer devant le juge. Dans tous les autres cas, on présume que le patient est en mesure de faire le choix de recourir à un avocat. Il semble qu'il y ait là une anomalie car si nous présumons que la personne se trouve hospitalisée sous contrainte parce que son état mental ne lui permet pas de consentir aux soins qui lui sont nécessaires, peut-on raisonnablement penser qu'elle est à même de savoir si elle a ou non besoin d'un avocat ? Nous devons accorder à cette personne un statut unique et lui assurer la protection nécessaire. À ce titre, si nous voulons qu'elle ait accès aux pièces du dossier qui sera remis au juge, elle doit recourir à un avocat car je doute fort que seule, elle puisse y avoir accès.

La proposition de loi s'intéresse également, dans son article 10, aux personnes détenues atteintes de troubles psychiatriques. Il ne s'agit pas de modifier le régime juridique en vigueur, mais d'en réaffirmer les principes.

L'article 10 de la proposition de loi met en outre fin à un problème d'interprétation de l'article L. 3214-2 qui organise le retour en détention d'une personne après la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète et que certains ont interprété comme obligeant la personne à retourner en détention même si elle souhaite rester hospitalisée en soins libres. Ce n'est certainement pas ce que souhaitait le législateur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion