Je remercie mes collègues Laclais, Fraysse et Massonneau pour leur soutien, et tout particulièrement Jacqueline Fraysse pour son assiduité aux réunions de la mission sur la santé mentale.
Vous me reprochez, chère collègue, de ne pas aller assez loin, mais pour cela il aurait fallu pouvoir engager plus de moyens, car ceux-ci sont indispensables dans tous les domaines, même dans celui des libertés individuelles.
Concernant les hospitalisations complètes sous contrainte, la loi de juillet 2011 a institué un régime judiciaire de contrôle des hospitalisations sous contrainte et introduit la notion de soins sous contrainte, tant pour les cas relevant de l'hospitalisation complète que pour les programmes de soins, qui peuvent être composés à la fois de périodes d'hospitalisation et de périodes de soins ambulatoires. La notion de soins ambulatoires sous contrainte étant contestée par un certain nombre de psychiatres et d'associations, la mission poursuit sa réflexion sur ce sujet, ce qui aboutira peut-être à la présentation d'une proposition de loi, voire de dispositions dans le projet de loi du Gouvernement sur la santé publique. Je souhaite pour ma part que nous puissions aller jusqu'au bout, mais si nous réformons les modalités de l'hospitalisation sous contrainte, nous devrons nous interroger sur l'auteur de la décision, à savoir le préfet pour un quart des cas et le directeur de l'établissement hospitalier pour les autres cas.
Or les médecins tiennent à ce que soient distingués la contrainte et les soins. La responsabilité de la décision pourrait être confiée à la justice, mais cela exigerait des moyens complémentaires. Or vous connaissez comme moi les difficultés que rencontre actuellement ce ministère, même prioritaire, pour dégager des moyens. C'est l'une des difficultés que soulève votre proposition, indépendamment des questions de principe. Le fait d'attribuer au juge la responsabilité de prendre la décision de l'hospitalisation ne va, en outre, pas de soi car ce qui caractérise le juge, c'est son indépendance et l'aspect contradictoire de la procédure. L'hospitalisation est une situation particulière car il y a bien procès, au sens de processus, mais celui-ci ne naît pas nécessairement d'un contentieux. Mis à part dans le cas des patients qui saisissent eux-mêmes le juge des libertés, la loi de juillet 2011, pour satisfaire la demande faite au législateur par le Conseil constitutionnel, prévoit un contrôle systématique. La légalité de l'hospitalisation complète est donc vérifiée, à double titre : sous l'angle formel et en fonction des certificats remis au juge.
Dans sa décision du 20 avril 2012, le Conseil a indiqué clairement qu'en dehors des cas d'hospitalisation complète, les soins sous contrainte ne sauraient être l'objet d'une coercition. Cela signifie que l'on ne peut ni envoyer ni maintenir une personne à l'hôpital contre son gré. La proposition de loi tire les conséquences de cette disposition puisque l'article 1er dispose que les soins sous contrainte relevant d'un programme de soins ne sauraient être susceptibles d'une exécution forcée.
Je reviens sur le processus judiciaire et l'auteur de la décision. S'il s'agit du juge, il intervient dans un délai de 72 heures – il s'agit de patients qui ne font pas l'objet d'un programme de soins mais sont déjà hospitalisés ou le seront bientôt en raison de leur comportement ou de leur santé. Or c'est le plus mauvais moment pour un débat contradictoire car la communication entre le patient, son avocat et le juge sera forcément très difficile. La décision sera prise par un juge indépendant, elle sera conforme aux canons européens, mais elle interviendra à un moment où il n'est pas facile de distinguer, compte tenu de l'état d'énervement de la personne, ce qui relève de la maladie et ce qui n'en relève pas. Le magistrat sera-t-il en mesure de faire la distinction ? Si j'étais hospitalisé d'office, sans mon consentement et pour une mauvaise raison, il est fort probable que je serais extrêmement énervé et que je le dirais de façon peu nuancée, même à un magistrat… En revanche, si celui-ci rencontre la personne le 15ème jour, la situation est très différente.
Sur tous les autres points, chère collègue, je partage votre point de vue, même si je ne suis pas certain que nous ayons besoin d'une loi spécifique sur la santé mentale. Je préférerais pour ma part une grande loi de santé publique dont une partie serait consacrée à la santé mentale.
Madame Massonneau, vous condamnez l'usage de la visioconférence : tout le monde est d'accord avec vous sur ce point, car c'est parfois par ce biais que certains malades mentaux reçoivent des instructions dans leur tête. Nous préférons l'audience devant le juge, plus humaine. Nous ne supprimons pas l'usage de la visioconférence, mais nous le réservons à des circonstances exceptionnelles.
Vous souhaitez que les contrôles soient effectués non plus tous les six mois mais tous les quatre mois. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous examinerons votre amendement.
Madame Laclais, vous vous félicitez du rétablissement des sorties d'essai, vous avez raison.
Ce n'est pas le cas de M. Barbier, pourtant ce dispositif était l'une des préconisations de MM. Blisko et Lefrand. La situation actuelle est paradoxale car pour toute sortie d'essai, l'équipe médicale doit mettre en place un programme de soins et, au retour du patient, réinitialiser le processus d'hospitalisation sous contrainte, ce qui nécessite le passage devant le juge quinze jours plus tard. Nous considérons, nous, que la sortie d'essai fait partie du processus thérapeutique et qu'elle est utile, à la fois pour des raisons matérielles et pour vérifier comment se comporte le patient en dehors de l'hôpital. Je regrette que nous ne soyons pas d'accord sur ce point, mais il en va ainsi de la politique et cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre collaboration au sein de la mission sur la santé mentale que vous présidez avec beaucoup d'efficacité, monsieur Barbier.
Peut-être y a-t-il eu un malentendu à la lecture des deux premières préconisations de la mission, mais il convient de les lire à la lumière du rapport. Or, de ce point de vue, il ne me semble pas y avoir d'équivoque puisque les dispositions ont été adoptées à l'unanimité. La première de ces préconisations consiste à introduire dans l'article L. 3222-3 du code de la santé publique les critères et la procédure de l'admission en UMD, et la deuxième à maintenir un régime particulier pour la mainlevée des mesures de soins sans consentement dont font l'objet les irresponsables pénaux ayant commis un crime. Les deux mesures doivent être comprises ensemble. A contrario, nous ne souhaitions pas maintenir un régime spécifique pour les personnes ayant fréquenté l'UMD. Je vous rappelle que le rapport indique, à la page 19, que « s'agissant des personnes séjournant en UMD, le maintien d'un régime distinct n'apparaît pas justifié » et, plus loin, « dès lors, le maintien à l'égard de ces personnes d'un régime renforcé pour la mainlevée des mesures de soins sous contrainte ne semble pas nécessaire. »
Le rapport proposait de modifier certaines dispositions à la suite des préconisations du Conseil constitutionnel. Il aurait peut-être été plus avisé de supprimer toute mention du passage en UMD afin qu'elle ne figure plus dans la loi. Je regrette cette incompréhension, mais elle s'explique par le niveau très élevé de technicité de la proposition de loi.
La loi de juillet 2011 était une gageure. Il convient de mesurer l'effort accompli par les médecins, les juges, les établissements hospitaliers, les préfets et les agences régionales de santé (ARS) pour éviter tout problème significatif qui aurait pu affecter les mesures de placement. Faire entrer en vigueur le 1er août une loi complexe était un exercice redoutable. Nous, parlementaires, qui sommes en charge du contrôle de la loi, pouvons féliciter tous les acteurs concernés pour la façon dont ils l'ont appliquée.
En ce qui concerne le délai dans lequel la proposition de loi a été élaborée, je considère qu'il est suffisant car nous avons commencé notre réflexion au début de l'année. Si, après avoir consacré nos premières auditions à un cadrage de la mission, nous nous sommes concentrés sur l'hospitalisation sous contrainte, c'est que le Conseil constitutionnel nous a fixé une échéance au 1er octobre 2013.
Je suis pour ma part convaincu qu'il ne faut pas appliquer aux UMD un régime spécifique. J'en tire les conséquences dans mon rapport et dans la proposition de loi. Je souhaite en revanche maintenir un régime spécifique pour les irresponsables pénaux. Il est normal que j'essaie de faire adopter avant le 1er octobre 2013 une loi dont l'entrée en vigueur sera immédiate, s'agissant des dispositions relatives à l'UMD et aux irresponsables pénaux, et différée au 1er janvier 2014 pour les autres dispositions, cela afin que les décrets d'application et les circulaires soient publiées suffisamment à l'avance pour que les juridictions et les hôpitaux aient le temps de s'y préparer. Il serait irresponsable de ne pas tenir le délai que nous a imparti le Conseil constitutionnel, dès lors que nous estimons qu'au moins sur un point, il était nécessaire de légiférer. L'application de la loi doit se faire dans la continuité, faute de quoi les irresponsables pénaux seront privés, à un moment donné, de statut particulier. Si j'ai agi dans l'urgence, c'est avec le soutien du Gouvernement sans lequel je n'aurais pas obtenu ce créneau dans l'ordre du jour de l'Assemblée.
Pour conclure, il convient de distinguer les patients accueillis en UMD et les personnes déclarées pénalement irresponsables, car ces dernières ne passent pas toutes par une telle unité.