Intervention de Frédéric van Roekeghem

Réunion du 17 juillet 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, CNAMTS :

Les propositions visant à mobiliser les marges de manoeuvre dans les différents secteurs d'offre de soins portent, notamment, sur les incitations tarifaires à la chirurgie ambulatoire. Il convient d'inverser la logique actuelle et d'ajuster à la baisse les tarifs d'hospitalisation complète avec un tarif unique construit sur les coûts de la chirurgie ambulatoire. Pour les 6 racines de groupes homogènes de malades (GHM) concernées, une baisse de 5 % du tarif commun à la chirurgie ambulatoire et à l'hospitalisation complète représenterait une économie de 50 millions d'euros. Rappelons que, pour certains actes, le taux d'ambulatoire est déjà supérieur ou égal à 85 %.

Il faut également définir réglementairement et mettre en place des seuils d'activité minimale en chirurgie, avec hospitalisation complète ou en ambulatoire, afin d'être à même de préciser où doivent porter les efforts, et de rationaliser l'utilisation des plateaux techniques.

Il convient aussi de prendre en compte la situation des revenus des professionnels de santé afin que leurs missions demeurent attractives.

Il faut également développer les initiatives créatrices de valeur. Or, la seule manière de le faire est de couper les rentes, là où il n'y a pas création de valeur et où les prix sont trop élevés.

Si nous n'avons pas la compétence technique pour le faire, une réflexion nous semble cependant devoir être menée autour des normes et notamment des normes hospitalières. Un certain nombre de pays ont commencé à s'interroger sur l'adaptation de la normalisation à la totalité des prises en charge hospitalières et sur une modulation de la norme avec la réalité du besoin. La même norme doit-elle continuer à être applicable à la fois à une opération de la cataracte qui, en France ne comprend plus d'anesthésie complète, et à l'endoscopie, dont le coût représente 1 milliard d'euros ? Au-delà de la question des normes, se pose également la question de l'amortissement des investissements : que ce soit les machines de radiologie, de tomographie à émission de positons, les scanners ou les imageries par résonance magnétique (IRM). Le plan cancer prévoit encore d'augmenter de 20 % le parc de machines, la question se pose cependant, aujourd'hui, de leur bonne utilisation.

Je reviens sur la question de la corrélation entre le prix payé pour un médicament qui n'améliore pas le service médical rendu, classé en ASMR (amélioration du service médical rendu) V, nous avons pris quelques exemples et nous avons beaucoup d'idées à vous proposer, après avis du Gouvernement, pour s'assurer que le prix payé corresponde à celui que paient les autres pays. Il conviendrait déjà de réfléchir à la révision des prix des médicaments à l'ASMR V « flottant », qui sont autorisés avant l'introduction du générique. Le prix de la rosuvastatine hors taxe pourrait ainsi baisser de 57 %, ce qui produirait entre 100 et 150 millions d'euros d'économies. Les Allemands ont mis en place des prix de classes de médicaments. Nous avions proposé cette solution il y a quelques années, les économies seraient de 250 millions d'euros si l'on s'aligne sur le prix moyen européen et de 400 millions d'euros sur les prix allemands. À défaut, on peut envisager une mise sous accord préalable des prescripteurs, comme c'est le cas en Autriche ou en Norvège. Comme le prévoient les propositions 15 et 16, on pourrait éviter que les hôpitaux ne prescrivent de la rosuvastatine, induisant ainsi un effet de levier, connu depuis longtemps. Une présentation, devant des élus, par le directeur de la santé des Pays-Bas, avec le plus gros assureur gérant le régime obligatoire d'assurance maladie a ainsi analysé l'impact des prescriptions hospitalières sur les prescriptions en ville. Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), intégrée au rapport, le montre également. Je suis donc d'accord avec l'introduction de M. Cordier dans son rapport sur la stratégie nationale de santé rendu au nom du comité des sages : il est temps d'agir. Nous proposons des actions concrètes : pourquoi ne pas désinscrire les produits dont le rapport qualité prix n'est pas bon de la liste des prescriptions inscrites pour les collectivités, ou ne pas introduire une « wyse list » préférentielle des médicaments utilisés à l'hôpital ? Nous avons aussi des propositions de rapprochement, progressif, du prix des génériques avec ceux des autres pays européens, cette homogénéisation des règles nous permettrait d'améliorer notre compétitivité.

La question du Lucentis a déjà été abordée, cependant il me semble important d'attirer votre attention sur les conséquences de l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012. Nous l'analysons comme le blanchiment de la possibilité, pour le Comité économique des produits de santé (CEPS), de fixer le niveau de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) à un seuil différent de celui retenu par la Haute Autorité de santé. Il suffit d'une motivation, non publique, adressée à la Haute Autorité de santé pour procéder à ce contournement de l'ASMR V. On pourrait donner au conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) ou au collège des directeurs de l'UNCAM, un droit d'opposition à des décisions qui ne paraîtraient pas conformes aux textes. Nous avions regardé de très près la possibilité de recours sur la prescription des nouveaux anticoagulants oraux (NACO), mais il nous a semblé qu'il était rendu impossible par l'article 48 de la LFSS pour 2012…

La proposition 21 consiste à négocier avec les biologistes un accord pluriannuel portant sur les volumes et les prix, afin de permettre une quasi-stabilité de la dépense sur trois ans. Il est important, comme nous le disons depuis des années, que les offreurs de soins aient une visibilité, dans le temps, des décisions à venir. Le président de la CNAMTS a évoqué la convention d'objectifs et de gestion avec l'État. Or, en tant que gestionnaire, il est difficile de faire évoluer les organisations dans le temps si l'on n'a pas de certitude sur l'évolution des financements. Passer, dans le domaine de la santé, d'une certitude de croissance avec une visibilité complète dans le temps à une relative incertitude – un certain nombre d'offreurs voient leur chiffre d'affaires baisser, comme en biologie – ne paraît pas bon, tant en matière d'investissements que de recrutements ou d'emplois. Pour éviter tout blocage, il convient dès lors de donner de la visibilité, même si un effort est nécessaire, afin de ne pas contrecarrer la reprise de la croissance, par ailleurs souhaitée.

Certaines propositions concernent les indemnités journalières, évoquées par le Président, mais aussi la question des petites activités ou des parcours heurtés, des transports sanitaires, des sorties d'hospitalisation et des soins infirmiers.

Au total, le conseil a approuvé un certain nombre de propositions qui conduisent, comme l'a fait remarquer madame la Présidente, à un effort à peu près identique à celui de l'année dernière, le tendanciel de la dépense s'étant légèrement infléchi : 2,4 milliards d'euros l'année dernière et 2,5 milliards cette année. Il est donc atteignable, malgré le contexte d'un ONDAM bas depuis plusieurs années.

Un mot sur le financement, même si le débat n'a pas porté précisément sur ce point. Il me paraît, en effet, étonnant de constater que nous creusons cette année le déficit du régime général à hauteur de 14 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 3 milliards d'euros de déficit du FSV (fonds de solidarité vieillesse), alors que la dette de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) est amortie à hauteur de 12 milliards d'euros. La réaction de lassitude de nos concitoyens face aux efforts demandés se comprend quand on leur explique que le déficit n'en continue pas moins de croître. Mais si l'on intègre au régime général l'ensemble des établissements concernés par son financement, FSV et CADES, nous ne sommes pas dans une situation consolidée de déficit aussi lourde que la simple lecture faciale le laisserait paraître. Il serait utile, dans un souci pédagogique, que le Gouvernement et la Représentation nationale prennent en compte ce point. Il ne s'agit pas de tendre vers un laxisme financier mais de rendre des perspectives et une lisibilité de la situation des comptes. Chacun des corps de la sécurité sociale devrait être crédité de la situation réelle de son déficit. 17 (14 + 3) milliards de déficit au régime général cette année mais 12 milliards attribués à la CADES font un solde de moins 5 milliards d'euros… Ce n'est pas la vision habituelle, ni l'analyse de la Cour des comptes, qui additionne les déficits, s'élevant à 22 milliards d'euros en laissant la CADES de côté. Il ne me semble pas qu'une stratégie dans laquelle on augmenterait les prélèvements obligatoires ou on diminuerait très fortement les dépenses, au-delà de ce qui est nécessaire pour stabiliser la dette sociale, soit raisonnable du point de vue de la croissance économique de notre pays. Malgré le respect que je porte à la Cour des comptes, je regrette que la question n'ait pas été posée dans ces termes.

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