Intervention de Ahmad al-Assi al-Jarba

Réunion du 23 juillet 2013 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Ahmad al-Assi al-Jarba, président de la Coalition nationale syrienne :

C'est un honneur pour moi de me trouver en ces lieux pour parler en toute transparence avec des alliés et des amis. La Coalition nationale syrienne est aujourd'hui la force principale de l'opposition syrienne. Déjà reconnue par plusieurs pays, elle est la vitrine politique d'une révolution que nous faisons tout pour convaincre nos amis de soutenir en cette période critique. Nous mobilisons toutes les ressources disponibles pour armer les groupes qui combattent sous les ordres de l'état-major de l'Armée syrienne libre – l'ASL – et pour leur fournir les moyens matériels et l'aide logistique qui leur font défaut.

Nous cherchons aussi à mobiliser l'aide humanitaire en faveur d'une Syrie qui vit en état de catastrophe. Nous opérons par le bIais de l'organisation des conseils civils installés dans les zones libérées du contrôle du régime de Bachar Al-Assad ; l'unité de coordination et d'assistance est l'instance la mieux à même de mener à bien cette mission.

Nous oeuvrons par ailleurs à la formation d'un nouveau Gouvernement qui se mettra au service du peuple syrien.

Nous cherchons enfin à obtenir une reconnaissance juridique internationale afin d'isoler plus encore le régime criminel en place à Damas. Ce régime qui se livre à un génocide et qui détruit villes, villages et infrastructures, a perdu toute légitimité. Il continue pourtant de bénéficier du soutien sans faille de l'Iran, de la Russie et des milices du Hezbollah, dont les unités combattantes sont mieux armées, formées et organisées que ce qui reste de l'armée syrienne. De plus, le régime reçoit, jour après jour des armes, des munitions et du matériel.

Parce que l'aide reçue par les révolutionnaires n'est en rien comparable à celle-là, nous n'avons jamais pu rétablir l'équilibre des forces qui, aujourd'hui, est en faveur du régime criminel – et ce déséquilibre ne fait que s'aggraver. Cette situation est due aux tergiversations de la communauté internationale, qui hésite à respecter ses promesses de livraisons d'armes, d'aide humanitaire d'urgence et même d'adoption de mécanismes juridiques propres à protéger le peuple syrien des exactions d'un régime inique qui utilise des armes aériennes et terrestres contre la population. Alors que nous considérons la Syrie comme un pays occupé par le régime de Bachar al-Assad, la communauté internationale n'a établi ni les zones tampons ni les zones d'exclusion aérienne, absolument nécessaires pour protéger la population. C'était pourtant notre demande principale, légitime dans les circonstances actuelles.

Je rappelle qu'à son début et pendant sept mois, la révolution a été un mouvement pacifique – jusqu'à ce que le régime commence d'utiliser l'armée du peuple contre le peuple, en lui donnant l'ordre de tirer sur la population. De simples soldats mais aussi des officiers, refusant de se plier à cet ordre, ont alors fait défection. Ensuite, l'absence de réaction de la communauté internationale et le fait qu'elle n'ait pas assumé sa responsabilité juridique et humanitaire à l'égard d'un peuple soumis à un génocide ont, logiquement, transformé la nature de la révolution. Cette modification a été imposée par la dynamique des événements et par la dissémination de groupes jihadistes et extrémistes, qui ont rempli le vide laissé par la communauté internationale pour des raisons géostratégiques propres à certaines puissances. En résumé, la communauté internationale fait aujourd'hui payer le prix des intérêts de puissances et de forces totalement étrangères à la région à une Syrie qui est pourtant depuis des lustres le pays de la modération – ce que sait la France, puissance mandataire pendant 26 ans. L'extrémisme en Syrie est un incident, né des circonstances, dans notre révolution. Pour nous, c'est une ligne rouge inacceptable. Nous allons traiter ce problème mais la communauté internationale doit nous aider à y faire face.

Nous n'avons pas été parachutés dans la vie politique et dans l'action militaire : nous sommes les enfants de ce peuple. Comme mon ami Selim Idriss, je suis l'un des fondateurs de l'ASL. La coalition et l'ASL sont complémentaires, ce sont les deux faces d'une même médaille. Nous tenons à réaffirmer que l'extrémisme, dans notre pays, est un élément passager. Nous savons que ce sujet est d'une importance capitale pour la France et pour sa sécurité intérieure ; nous sommes prêts à créer immédiatement un groupe de travail dans lequel nous traiterions l'ensemble de ces questions.

Vous le savez, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. La Coalition nationale syrienne s'est élargie : le Pôle démocratique de M. Michel Kilo est représenté en force, toutes les minorités y sont intégrées, de même que l'ASL et les mouvements révolutionnaires. La nouvelle composition de la coalition renforce son poids sur le plan local et sur les scènes régionale et internationale.

Par ailleurs, la communauté internationale doit prendre conscience que de nombreux groupes terroristes ont été suscités par le régime criminel de Damas, et se rappeler que Al Qaïda est la créature des services de renseignement iraniens. Les services du régime ont fomenté un complot tendant à persuader la communauté internationale, notamment les États-Unis et ses alliés, que ceux qui luttent en Syrie ne le font pas par la volonté du peuple qui veut recouvrer dignité et liberté, mais qu'il s'agit de groupes extrémistes et de bandes terroristes qui visent, dans le cadre d'une prétendue machination occidentale, à faire chuter un régime « libéral et laïc ». L'histoire de la Syrie au cours des dernières décennies démonte pourtant cette propagande. Mais certains, en Occident, ont cru à cette manipulation de l'opinion, et cela a entraîné les tergiversations et le refus d'intervention de pays qui se sont pourtant fait connaître pour leur lutte en faveur de l'humanisme, du respect des droits de l'homme et de la liberté, toutes valeurs qui sous-tendaient la Révolution française.

La grave menace plane de la perte de contrôle de la situation, non seulement en Syrie mais bien au-delà. La partition de notre pays en petits États créés en fonction de lignes de fracture ethniques et confessionnelles serait un cancer qui rongerait toute la région. Votre responsabilité historique est donc considérable ; nous espérons que les pays qui portent haut les valeurs humanistes, la France à leur tête, en prendront conscience avant qu'il ne soit trop tard.

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