Intervention de Ahmad al-Assi al-Jarba

Réunion du 23 juillet 2013 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Ahmad al-Assi al-Jarba, président de la Coalition nationale syrienne :

Je remercie tous les orateurs, auxquels je répondrai en toute franchise. Nous avons des relations avec la Russie. J'ai rencontré le ministre des affaires étrangères russe, M. Sergueï Lavrov, il y a huit mois, à Amman, sans tirer une impression positive de notre conversation d'une heure et demie. Nous ne sommes pas les ennemis de la Russie, mais elle nous traite comme si nous l'étions. Elle soutient le régime de Bachar al-Assad en lui fournissant armes, argent et soutien politique, l'aidant ainsi à combattre la révolution voulue par notre peuple. La Russie, qui protège ses intérêts en Syrie au prix du sang des femmes et des enfants syriens, se tient aux côtés des bourreaux au lieu d'apporter son aide aux victimes ; elle ne retrouvera pas le rôle qu'avait l'URSS, dont elle se démarque complètement par ses positions d'extrême droite. Nous avons été invités à rencontrer M. Lavrov ; l'entretien pourrait avoir lieu le mois prochain et nous essayerons de le convaincre, mais nous avons les plus grands doutes sur nos chances d'aboutir.

Nous avons également des relations avec la Chine, mais l'on ne peut bien sûr comparer les rôles de ces deux pays.

De nombreuses questions ont porté sur l'extrémisme jihadiste. Nous n'avons jamais nié son existence, tout au contraire : il s'aggrave de jour en jour, et plus la crise durera plus il se renforcera. Mais nous vous l'avons dit aussi, le plus sérieusement qui soit, c'est une ligne rouge pour nous, et nous sommes parfaitement capables d'y faire face. Nous sommes élus depuis quatorze jours seulement et nous travaillons d'arrache-pied pour rétablir la confiance politique et la tranquillité à l'intérieur et à l'extérieur. Après mon investiture, j'ai prononcé mon premier discours sur le territoire syrien, depuis le siège de l'état-major de l'ASL. J'ai déjà rencontré les responsables turcs, le prince héritier d'Arabie saoudite et aussi les nouveaux dirigeants d'Egypte, pays où la situation des Syriens est devenue quelque peu inquiétante. Nous sommes néanmoins parvenus à un accord avec nos frères égyptiens. Le ministre des affaires étrangères, M. Nabil Fahmy, lui-même en poste depuis une semaine, m'a dit être aux côtés de la révolution syrienne et considérer que tout homme qui fait bombarder son peuple n'est pas fréquentable. J'étais hier en visite officielle aux Émirats arabes unis ; j'y ai en particulier rencontré le prince héritier d'Abou Dhabi, Cheikh Mohammed ben Zayed, avec lequel j'ai évoqué pendant plus de trois heures les volets politique et militaire de la situation, et aussi Cheikh Abdallah ben Zayed, ministre des affaires étrangères émirati. Je suis aujourd'hui devant vous, et je rencontrerai demain le Président de la République, puis j'aurai d'autres rencontres importantes.

L'extrémisme m'inquiète autant qu'il vous inquiète tous – c'est dans notre main qu'est le charbon ardent ! Mais, je le répète, nous pouvons résoudre ce problème. La Syrie est actuellement le champ de bataille d'autres puissances mais c'est bien sur notre sol que les massacres ont lieu. En Irak, la coalition avait déployé 200 000 soldats ; en Syrie, la population est massacrée par un régime qui nous donne le sentiment d'être un régime d'occupation.

Nous ne blâmons pas les autres, nous disons les choses pour ce qu'elles sont : la Syrie a connu les pires massacres de son histoire sans pouvoir compter sur le soutien de la communauté internationale. Les pays de la région ne se sont pas levés pour se tenir à nos côtés. Au contraire, dès le début de la révolution, Al Maliki, l'Iran, le Hezbollah, les extrémistes chiites en Irak ont appuyé le régime et l'ont aidé par tous les moyens à se maintenir, pour éviter l'effondrement du plus grand projet iranien de la région. Pendant ce temps, nos amis, les pays arabes et du Golfe en premier lieu, ne nous apportaient qu'une aide très succincte – nous avons avec eux une relation forte, mais cela n'empêche pas d'appeler un chat un chat, et de souligner les lacunes béantes du soutien apporté au peuple syrien.

Je le redis une fois encore, l'extrémisme est pour nous une ligne rouge. Les extrémistes présents en Syrie sont en majorité des étrangers, arrivés d'Afrique du Nord, des pays du Golfe et, pour quelques-uns, d'Europe. Ce ne sont pas des Syriens, ce mouvement est étranger à la Syrie, et c'est pourquoi nous y mettrons un terme.

C'est aussi la raison pour laquelle les pays qui souhaitent aider le peuple syrien doivent prendre une position claire, et en particulier cesser de dire que l'opposition, parce qu'elle est divisée, n'est pas convaincante. Cela peut être vrai, mais les conséquences de cette argumentation sont catastrophiques. Quand la communauté internationale a voulu unifier l'opposition libyenne, cela s'est fait en une nuit, et la décision a été prise en un jour. Dès le début de la crise libyenne, il y avait une opposition armée : les révolutionnaires de Benghazi se sont soulevés, armés, contre Khadafi et ses fils. Pour notre part, nous n'avons pas commencé par prendre les armes : mais, alors que nous menions une révolution pacifique, l'armée tirait sur les manifestants, nous comptions tous les jours de 70 à 100 morts et le monde regardait ! L'honneur des Syriens a été bafoué, des femmes ont été violées devant leur époux ; devions-nous applaudir et remercier ? Nous avons décidé de créer l'ASL, avec des moyens extrêmement limités et un soutien extérieur si modeste qu'il ne devrait même pas être mentionné. Comme partout dans le monde, l'opposition syrienne est diverse – en France, est-elle d'une seule pièce ? Le problème n'est pas là, disons les choses clairement : il tient à ce que les États-Unis ne prennent toujours pas la décision de venir en aide au peuple syrien, et à ce que leur valse-hésitation fait hésiter aussi nos amis européens à nous soutenir.

Des questions ont porté sur les minorités et sur le rôle des femmes. Les minorités, dont certaines sont présentes en Syrie depuis des millénaires, sont une composante essentielle de notre peuple. Je suis de ceux qui, lorsque nous avons élargi la coalition, ont demandé avec force qu'elles soient représentées en son sein de manière plus équilibrée ; c'est ce qui a lieu, et cela a valu aussi pour les femmes. La révolution a fait émerger des femmes extraordinaires, telles Mountana al-Atrach, Fida al-Hourani, ma chère amie Suheir Atassi, Razan Zeitoune, Samar Yazbek et tant d'autres. Certaines sont au sein de la coalition, d'autres sont encore en Syrie, dans une situation extrêmement difficile. Les femmes ont été l'un des piliers de la révolution et nous tenons à ce qu'elles aient, à l'avenir, le rôle qu'elles méritent.

Nous voulons instaurer un régime civil démocratique, connaissant l'alternance, dans lequel la majorité gouverne et la minorité s'oppose, et nous y parviendrons avec votre aide. Sachez enfin que toutes les pertes en vies humaines, aussi douloureuses soient-elle, n'altèreront pas notre détermination à faire tomber le régime – je rappelle que lorsque la révolution a commencé, Bachar al-Assad contrôlait l'ensemble du pays.

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