Intervention de Général Selim Idriss

Réunion du 23 juillet 2013 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Général Selim Idriss, commandant en chef de l'Armée syrienne libre :

Il va de soi que lorsque nous demandons aide et soutien, c'est vers nos amis que nous nous tournons – certes pas vers la Russie, la Chine ou l'Iran. Et si nous faisons des reproches à nos amis, c'est parce que nous attendons qu'ils soient à nos côtés dans la difficulté, singulièrement les pays dont nous avons appris sur les bancs de l'école qu'ils avaient toujours été du côté de la liberté, de la justice et de la démocratie et qu'ils ont pour valeurs des principes très proches de ceux pour lesquels nous nous battons.

La famille al-Assad gouverne la Syrie depuis 40 ans, et Bachar veut rester au pouvoir sa vie durant. Où voit-on cela ? Quand le peuple s'est soulevé, il l'a fait de manière très courtoise, sans slogans injurieux, se limitant à demander des réformes. En réponse, il a essuyé des tirs. Pour avoir passé 35 ans dans l'armée syrienne, je puis témoigner que le régime de Bachar al-Assad est fondé sur le mensonge et l'hypocrisie. Tous les opposants au président disparaissent, ainsi que leurs familles. Nous sommes très honorés d'avoir à nos côtés, aujourd'hui, des hommes politiques qui ont passé des années en prison pour avoir manifesté leur opposition politique au régime. Rappelez-vous le Printemps de Prague ! Doit-on laisser massacrer un peuple qui se soulève contre un dictateur ? Nous avons décidé de nous battre, même si la guerre devait durer des décennies. Nous vous remercierons si vous nous aidez et nous livrez des armes, et nous espérons vous convaincre de la réalité des choses et de notre sincérité. Si nous n'y parvenons pas, nous rentrerons chez nous et nous essayerons à nouveau – mais il est terrifiant d'attendre. L'extrémisme a été plusieurs fois évoqué ; devons-nous laisser pour toute alternative au peuple syrien de retomber sous la dictature de Bachar al-Assad ou de subir celle des groupes islamistes qui massacrent femmes et enfants et qui imposent leur volonté ? Non. Des batailles se déroulent en ce moment entre l'ASL et le Front Al Nosra, et les citoyens de Adana combattent le groupe islamiste dit « l'État islamique en Irak et au Levant » ; je n'accepterai jamais que ces groupes qui m'accusent d'être un kefir, un mécréant, l'emportent.

Nous ne vous demandons pas de déployer des troupes en Syrie mais de nous donner les armes et les munitions qui nous permettront de protéger les nôtres et de combattre une armée qui en reçoit 1 400 tonnes tous les dix jours par un pont aérien organisé entre l'Iran et Damas. Nous connaissons vos lois et vos contraintes budgétaires, mais l'équilibre des forces sur le terrain en Syrie n'est pas en faveur de la révolution. Aidez-nous à le modifier ! Nous sommes certains que nous ne perdrons pas cette guerre. Mais comment les alliés du régime peuvent-ils continuer de lui prodiguer leur aide alors qu'il poursuit ses massacres quotidiens et qu'il utilise des armes chimiques – nous en avons les preuves ? Poutine et Assad se valent, ce sont deux dictateurs extrémistes immoraux et la présidence russe « tournante » avec Medvedev est une vaste comédie. Mais alors que ces gens soutiennent Assad, nos propres amis sont très réservés, très hésitants, et ils se posent beaucoup de questions sur les extrémistes, auxquelles nous sommes tout disposés à répondre.

Pour ce qui est de l'unification de l'opposition, la coalition inclut la majorité des composantes de l'opposition. Pour sa part, l'ASL contrôle 90 % des combattants. La décentralisation des unités combattantes s'explique par le manque d'armes, de munitions, de moyens de transport et de communication ; la majorité des combattants sont des civils, mais ils obéissent à nos ordres. Quand nous aurons davantage de moyens, nous organiserons l'ASL en armée institutionnelle structurée. Nous avons besoin de la France, nous avons besoin d'armes qui nous serviront à détruire les blindés et la chasse, nous avons besoin de votre appui diplomatique pour essayer d'influencer la Russie, la Chine et l'Iran. Donnez-nous une couverture aérienne ! Nous n'avons pas d'armes pour nous défendre.

Il a été dit que nous pactiserions avec des groupes extrémistes cependant que Bachar al-Assad, lui, protégerait les minorités. C'est un scandaleux mensonge. Nous nous battons ensemble. Nos frères chrétiens, alaouites et autres ont toujours vécu en paix en Syrie.

Je ne vois qu'une image pour décrire la situation qui nous est faite : cela revient à lier les pieds et les mains de quelqu'un avant de le jeter à la mer puis de l'accuser, alors qu'il se noie, de ne pas avoir essayé de s'en sortir ! Nous sommes laissés sans armes ni munitions ni soutien diplomatique suffisant, et l'on nous dit : « Vous ne pouvez pas continuer de lutter ». Mais si ! Nous respectons toutes les composantes de la société syrienne, nous oeuvrons en faveur de la liberté et de la démocratie, nous refusons l'extrémisme et nous faisons tous les efforts possibles pour que la Syrie devienne un pays de culture et de civilisation et non un foyer de terrorisme. Rappelez-vous le prix qu'a payé le monde pour l'instabilité en Afghanistan ! Qui peut imaginer que l'Iran et le Hezbollah viendront négocier avec nous, alors que ce sont eux qui décident ce qui se passe en Syrie aujourd'hui ? Nous espérons que la France considérera avec objectivité les souffrances du peuple syrien et agira en conséquence. Nous vous souhaitons succès et prospérité.

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