Intervention de Manuel Valls

Réunion du 12 juillet 2012 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

Ce sujet exige de faire preuve de mesure et un esprit de responsabilité partagée. À Toulouse, par deux fois, et à Montauban, un seul homme a fait sept morts, causant au moins autant de tragédies. Les familles souhaitent que l'on respecte leur douleur et attendent l'action de la justice. Le Gouvernement – notamment Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, et moi-même – fera tout pour les satisfaire.

Dans cette affaire, la justice, monsieur le président, est saisie à plusieurs titres. C'est à elle et à elle seule qu'il revient d'établir les faits, d'en déterminer l'enchaînement, de répondre aux questions des victimes ou de leur famille. Dans cette tâche, elle est assurée de l'entier concours de mon ministère. Les services répondront à leurs demandes, d'abord en ce qui concerne l'accès aux documents classifiés, dans le respect des procédures légales. La Commission consultative du secret de la défense nationale en sera destinataire dans les tout prochains jours.

Comme autorité administrative, mon rôle n'est pas de me substituer à la justice ni de mener une enquête parallèle, contrairement à ce que j'ai pu lire dans la presse. En revanche, j'ai le devoir de tirer les leçons de l'expérience, d'interroger les services sur leurs méthodes de travail, d'évaluer ce qui n'a pas fonctionné et de réagir en conséquence du point de vue administratif et de l'organisation – y compris eu égard à la menace terroriste que j'ai évoquée. Je me suis attelé à cette tâche dès ma nomination. Je ne me suis pas contenté de demander un rapport au nouveau directeur central du renseignement intérieur. Des questions ont été posées, des chronologies examinées, des réunions de débriefing croisé entre services ont été organisées. Chacun est conscient du fait qu'il y a eu échec – non d'un camp, non d'un homme, mais d'un dispositif, puisque Mohamed Merah a pu agir et tuer. Je puis vous garantir que les leçons en sont ou, selon les cas, en seront tirées au niveau opérationnel, sans préjudice des conclusions de l'enquête judiciaire. J'y veille personnellement, en lien avec le directeur général de la police nationale et avec le directeur central du renseignement intérieur. Cela concerne notamment l'organisation des services de la DCRI ; j'y reviendrai.

J'ai été profondément choqué par la diffusion d'images et d'enregistrements sonores qui ont heurté les familles et offert une tribune à un assassin terroriste. Une enquête a immédiatement été confiée à l'inspection générale de la police nationale, également saisie par la justice. Je respecte naturellement la liberté de la presse, qui doit pouvoir faire son travail. Il est utile sur cette affaire. Il existe d'ailleurs des ouvrages, des articles, des reportages de très bonne tenue, qui peuvent même nous apprendre des choses que nous ignorions. Mais je n'admets pas la violation du secret de l'instruction, surtout en cette matière, et le traitement qu'elle inflige aux familles et aux proches des victimes. Je crains – sans pouvoir vous donner la moindre information à ce sujet – que nous n'ayons à subir d'autres images encore. Vous le savez, la question s'est posée il y a quelques mois.

La représentation nationale – et, à travers elle, les Français comprend que le rôle du ministre de l'Intérieur n'est pas d'affaiblir les services de renseignement. C'est aussi un élément important. Je veux au contraire préserver leurs moyens d'agir et les rendre plus efficaces face aux menaces multiformes qui pèsent sur nous, notamment du fait d'individus isolés, que nous avons vus à l'oeuvre dans notre pays comme en Norvège. Ces derniers jours encore, de dangereux terroristes ont été arrêtés ; je salue le travail de notre police, de notre gendarmerie et de nos services, qui a permis ces arrestations.

De ce point de vue, je suis convaincu que l'existence d'un service unique de renseignement et de sécurité intérieure, dans le cadre d'une communauté nationale du renseignement, constitue un socle que nous devons préserver. Gage de cohérence, elle évite les doublons dangereux et limite fortement les risques d'une instrumentalisation par la concurrence y compris par certains services étrangers, fussent-ils amis. De même, sur certains segments des missions des services, que l'on pourrait étendre, la compétence judiciaire constitue un atout – en termes d'efficacité, mais aussi grâce au contrôle exercé par le juge sur tout un pan de leur activité, y compris des éléments recueillis administrativement et qui font l'objet d'une judiciarisation.

Ce n'est pas parce que je réaffirme ces principes que je considère qu'il ne faudrait rien changer – surtout quand ces principes ne sont pas appliqués ! J'ai du reste indiqué d'emblée que si l'affaire Merah nous révélait des faiblesses ou des failles – et c'est à l'évidence le cas –, il faudrait y remédier. La réforme de 2008, puis la RGPP n'ont pas assez tenu compte de la nécessité d'une ossature territoriale forte. Si la centralisation est un gage de cohérence et de réactivité, un affaiblissement trop marqué de la couverture territoriale constitue un handicap…

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