Des progrès sont possibles en matière de dématérialisation, notamment dans la délivrance des titres. L'appropriation des technologies de l'information peut permettre d'alléger les formalités pour les usagers et de gagner en efficacité. Il est également question de passer – ce point a été abordé à l'occasion du débat sur la loi LOPPSI 2 – d'une logique de contrôle a priori à une logique de contrôle a posteriori.
Je vois cependant à cela deux limites : la sécurité, dans la mesure où les tentatives de fraude peuvent être nombreuses ; l'absence de contact humain avec les citoyens.
Nous assurons couramment la sécurité des grands événements sportifs ou culturels. Des délégués ministériels sont parfois désignés, comme c'est le cas pour les Jeux olympiques.
Le coût des renforts en forces mobiles est à la charge de l'organisateur. Il faut y veiller. Même si cette expérience est difficile à étendre, nous pouvons nous inspirer des résultats intéressants de la police d'agglomération en région parisienne et de la gestion des manifestations organisées au Stade de France, qui n'implique pas de prélèvement sur les forces de l'ordre du département de la Seine-Saint-Denis.
Certains événements – les grands rassemblements de gens du voyage, les « teknival » – mobilisent beaucoup de moyens humains, voire financiers. Nous devons être attentifs et nous inscrire dans une logique de facturation, de manière à préserver les finances de l'État.
Je vous remercie, monsieur Raimbourg, de vos mots de bienvenue.
S'agissant de la relation entre la police et les citoyens, il m'est arrivé de porter des jugements sévères au cours de débats antérieurs. Je n'hésiterai pas à répondre aux éventuelles critiques en rappelant le passé ! Je m'efforcerai cependant d'être constructif et de répondre avant tout à l'attente des Français.
Un sociologue que j'ai rencontré hier soulignait la place prépondérante prise par les enjeux de sécurité dans le débat public français, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans d'autres pays. Si nous pouvons faire en sorte que les questions de sécurité – et de justice – soient traitées au niveau adéquat, nous gagnerons tous en efficacité.
D'une manière générale, les universitaires méritent d'être écoutés sur les enjeux de sécurité et leurs travaux réincorporés dans la réflexion stratégique – qui doit aussi être celle du Parlement – sur l'évolution des menaces et sur les nouvelles formes d'insécurité. Les élus que je rencontre, par exemple la maire de Lille en début de semaine, évoquent des phénomènes de violence inconnus d'eux il y a deux ou trois ans. Il faut donc essayer d'anticiper.
J'en viens aux missions et à l'organisation de la police.
Il est très réducteur d'aborder le débat sur les contrôles d'identité à travers la seule question du contrôle au faciès – dont je ne nie pas l'existence – ou du récépissé. Il convient plutôt de s'interroger sur la relation entre les forces de l'ordre et les citoyens et de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à des tensions.
Je suis inquiet des résultats des enquêtes d'opinion qui mettent en lumière, à l'instar de celle parue dans le journal Sud-Ouest il y a une dizaine de jours, la dégradation sensible de l'image des forces de l'ordre, notamment des policiers, chez nos concitoyens. Une police qui ne travaille pas dans un climat de confiance travaille moins efficacement.
Le moral dans la police – j'y insiste – n'est pas bon : les policiers s'estiment mal-aimés et ne se sentent pas respectés. Nous devons veiller, moi le premier, à les soutenir et à ne jamais les stigmatiser. Les éventuelles fautes doivent être sanctionnées, mais l'immense majorité des gendarmes et des fonctionnaires de police accomplissent un travail de très grande qualité.
Nous devons modifier notre philosophie. Le ministre de l'Intérieur, les directions centrales, les préfets fixent des objectifs aux policiers comme aux gendarmes. Cependant, la pression du chiffre, notamment en matière d'interpellation des étrangers ou des consommateurs de cannabis, pèse très lourdement sur le travail de la police, désorganise ses missions et crée une tension entre forces de l'ordre et citoyens. C'est ce qui doit changer. Il ne faut bien évidemment pas oublier les missions essentielles de lutte contre le crime et contre la délinquance, mais nous devons, sur la base de ce constat, mener une réflexion pour réorienter les missions de la police.
Je souhaite, en particulier, engager une réflexion approfondie sur le rôle des brigades anti-criminalité (BAC). Il ne s'agit absolument pas de les supprimer. Cependant, lorsque dans certains quartiers seules des BAC ou des polices municipales sont présentes, le rapport avec la police est délicat.
Je me suis rendu discrètement à Villiers-le-Bel où j'ai rencontré, d'une part, la famille d'un jeune homme blessé dans un accident qui pouvait donner le sentiment d'une répétition des événements intervenus y a quelques années, et, d'autre part, les forces de l'ordre. Des leçons importantes ont été tirées dans cette ville quant au rôle et à la présence des policiers sur le terrain : il ne faut pas que soient seuls présents des policiers uniquement chargés du maintien de l'ordre.
Il ne s'agit pas pour autant de revenir à la police de proximité, telle qu'on avait pu l'imaginer. C'était une belle idée, issue des réflexions de Gilbert Bonnemaison, de Pierre Joxe, de Jean-Pierre Chevènement et de Daniel Vaillant sur la relation entre les citoyens et la police. D'une certaine manière, Mme Alliot-Marie, MM. Hortefeux et Guéant ont participé à cette réflexion en mettant en place les unités territoriales de quartier (UteQ) ou les brigades spéciales de terrain (BST).
Il convient d'assurer la présence des forces de l'ordre sur le terrain. Nous ne pouvons cependant pas les déployer partout. C'est pourquoi je souhaite, dans un premier temps, expérimenter les zones de sécurité prioritaires. Il ne s'agira pas de faire plaisir à tout le monde en affectant des renforts dans telle circonscription de police ou telle zone de gendarmerie, mais bien de s'attaquer à ce qui va mal dans un certain nombre de quartiers et de territoires.
Il faut en effet, monsieur Poisson, travailler sur les indicateurs. La fin de la politique du chiffre ne revient pas, bien évidemment, à un abandon du pilotage de l'activité. Un audit du système actuel s'impose en vue de le simplifier. Nous devons avoir pour objectif de mesurer et de valoriser l'action des services et leur capacité d'adaptation. Je veux mettre en place une nouvelle méthode de gestion, tournée vers le pilotage d'objectifs de qualité.
S'agissant de la présence de l'État dans les territoires, le Président de la République a annoncé depuis longtemps quelles étaient les missions prioritaires : l'éducation, la justice et la sécurité, laquelle recouvre la police et la gendarmerie. L'ensemble des autres services du ministère de l'Intérieur, ceux donc dont la mission n'est pas la sécurité, n'échapperont pas aux objectifs fixés par les lettres de cadrage. Je dois donc procéder à des économies, étant entendu que l'administration centrale comme les services déconcentrés ont déjà subi de nombreuses coupes budgétaires.
Le réseau des sous-préfectures est une force pour le ministère de l'Intérieur et, davantage encore, pour les territoires. Le ministère est engagé aujourd'hui dans une double démarche : décrire les missions des sous-préfectures en fonction d'une typologie des arrondissements – ruraux, urbains, littoraux, de montagne – et en déduire le projet de service pour chaque site ; proposer de nouvelles initiatives en concertation avec les autres ministères pour positionner le sous-préfet et son équipe comme relais des politiques publiques.
La question – très importante – du maillage géographique du réseau est bel est bien posée. Nous ne devons pas nous interdire d'examiner ce qui ne fonctionne pas, ni de procéder à des réformes utiles, mais nous devons nous garder d'imposer des choix et des mesures de manière arbitraire, sans tenir compte de la réalité, y compris en matière d'organisation de la police et de la gendarmerie.
À cet égard, vos collègues MM. Carraz et Hyest avaient rendu un rapport très intéressant sur la répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie à la fin des années 1990. Je propose, monsieur le président, qu'un député et un sénateur aident à nouveau le ministère de l'Intérieur à évaluer la carte de la police et de la gendarmerie et formulent, le cas échéant, des propositions tendant à la modifier. Nous pourrions ainsi gagner en efficacité.
J'ai parfaitement conscience de l'utilité d'un maillage territorial de l'État, surtout dans les territoires fragiles. Mon intention n'est pas de fermer les sous-préfectures les plus petites ou les plus isolées, en zone de montagne par exemple ou dans les arrondissements où la défense du service public est plus qu'indispensable. Les sous-préfets et leurs collaborateurs jouent un rôle essentiel de conseil des élus, ainsi que des responsables économiques et sociaux dans les territoires. En revanche, nous devons peut-être examiner la situation dans les territoires urbains, même si, en Île-de-France, les sous-préfectures jouent par exemple un rôle essentiel dans l'accueil des étrangers et dans le traitement des permis de conduire ; il n'est pas non plus souhaitable de créer un engorgement dans les préfectures. Nous avons donc la difficile tâche de réaliser des économies tout en préservant les territoires.
Vous avez raison, monsieur Poisson, d'évoquer la situation en Guyane. J'ai d'ailleurs rencontré il y a quelques jours deux gendarmes blessés qui ont vu leurs camarades militaires tomber.
La mission Harpie est, je le rappelle, une opération de police interservices et interarmées à dominante judiciaire placée sous l'autorité du préfet – il ne s'agit donc pas d'une opération militaire – qui vise à déstabiliser durablement l'activité d'orpaillage illégal en Guyane. Il s'agit d'une mission très difficile conduite dans des conditions extrêmes, dont l'objectif est d'assécher les flux logistiques des orpailleurs clandestins et de démanteler les filières d'économie souterraine. Compte tenu de ses résultats probants, il a été décidé de donner un caractère permanent à cette opération. En 2011, le bilan a été significatif : 4 483 opérations avaient été menées, dont 776 avec le concours des forces armées ; 2 022 étrangers avaient été interpellés.
Cette action, qui mobilise de nombreux gendarmes, policiers et militaires, doit être confortée par le renforcement de la coopération transfrontalière avec les pays limitrophes de la Guyane – le Brésil et le Suriname –, ce qui n'est pas chose aisée.
Nous devons poursuivre l'opération. Nous faisons cependant face à des groupes très déterminés, dont la dernière agression – qui s'est soldée par des morts et des blessés – a incontestablement surpris par sa violence. Nous avons pris possession cette semaine d'une partie du territoire concerné par les trafics. L'enquête se poursuit très activement pour appréhender les agresseurs.
Le sujet de la carte d'identité électronique – que j'ai abordé il y a quelques jours lorsque je me suis rendu à la préfecture d'Eure-et-Loir – exige d'être remis à plat. Mon cabinet travaille sur plusieurs scénarios en partant de la censure du Conseil constitutionnel. Il est envisagé de constituer un groupe de travail qui abordera notamment la question de la constitutionnalité. Il est exclu de contourner la CNIL.
D'une manière générale, je souhaite garantir de bonnes relations de travail avec la CNIL. J'ai rencontré récemment sa présidente, qui m'a d'ailleurs fait part de ses réserves concernant le récépissé de contrôle d'identité : dans la mesure où celui-ci impliquerait la constitution d'un nouveau fichier, on mettrait en cause certaines libertés fondamentales au nom de l'amélioration des relations entre la police et les citoyens. Voilà qui devrait inciter à la réflexion les promoteurs de cette idée de récépissé.
Le plan de régularisation des fichiers de la police nationale et de la gendarmerie – dont beaucoup avaient fait l'objet de critiques légitimes de la part de la CNIL – demeure une priorité pour mon administration. Sa mise en oeuvre arrive à son terme : de nombreux dossiers importants viennent d'être transmis à la CNIL, d'autres sont sur le point de l'être.
Il reste à déterminer si nous devons conférer une base légale à toutes les grandes catégories de fichiers ou si nous devons définir un régime d'expérimentation contrôlé par la CNIL pour éviter le développement de fichiers « sauvages », très fréquent au cours des dernières années. Nous devons à cet égard nous appuyer sur les conclusions du rapport Batho-Bénisti.