Intervention de Manuel Valls

Réunion du 12 juillet 2012 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

Sur des questions aussi vastes que l'asile ou l'immigration clandestine, il me faudrait beaucoup plus de temps pour vous répondre : je suis disposé à revenir devant vous m'en expliquer plus longuement.

Au sujet de l'asile et de la convention de Schengen, la commissaire européenne en charge de ces questions a estimé que la France retrouvait sa place – ce qui ne veut pas dire que nous ne protégeons pas nos intérêts et nos frontières. Les moyens que nous allons consacrer à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devraient permettre de traiter le stock des demandes et de réduire le temps d'instruction des dossiers. Nous entendons ce faisant renforcer les droits des demandeurs sans attendre la fin des négociations européennes et actualiser la liste des « pays sûrs ». Nous souhaitons également améliorer les conditions d'accueil grâce à des moyens supplémentaires – j'ai d'ailleurs abordé cette question avec le ministre chargé du budget –, notamment pour les places en CADA.

Il est hors de question de sortir du dispositif de Schengen, qui est une grande avancée. J'ai pris part à un accord des ministres de l'Intérieur qui le préserve – ainsi que les mécanismes européens permettant à chaque pays de contrôler ses frontières, notamment en cas de danger ou d'événement important. Pour autant, des sujets d'inquiétude demeurent, à propos de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Grèce, ou encore du débat que nous avons avec les autorités turques sur la question des visas. Ces problèmes doivent être traités en respectant le droit, mais sans angélisme !

Mme Chapdelaine, je suis très attaché au service public de sécurité, qui trouve une traduction sur le terrain dans de nombreux domaines – ce qui suppose là aussi des moyens.

La situation que décrivait Daniel Vaillant tout à l'heure est exacte : notre société ne va pas bien ; elle est plus dure. En témoignent les comportements déviants, la transgression de la règle, la place prise par l'argent, l'appropriation de cités par des dealers qui font régner l'ordre des caïds, soumettant des familles à la violence d'une économie souterraine, ou encore le recrutement de mineurs de moins de 16 ans, voire de 13 ans, pour leur faire jouer un rôle de trafiquant ou de guetteur beaucoup plus rémunérateur qu'un emploi légal – des réseaux venant des pays de l'Est les achètent à cette fin pour 26 000 euros ! Tous ces comportements, qui se sont profondément ancrés dans notre pays au fil des années, tendent à renverser notre système de valeurs.

Je suis déterminé à lutter contre le trafic de drogue. Mais, pour cela, il faut agir contre l'autoroute de la drogue, qui va de Gibraltar à Rotterdam, au niveau européen et avec certains pays amis, comme le Sénégal. J'ai rencontré récemment le président de ce pays : nous avons une plateforme à Dakar – comme les Anglais à Accra au Ghana – pour combattre ce trafic. Il est indispensable en effet de renforcer notre coopération avec ces pays, sous peine de voir ce fléau envahir nos sociétés, tuer notre jeunesse, pervertir nos quartiers et déstabiliser notre économie.

Nous devons donc accomplir un effort majeur en nous appuyant sur un maillage efficace du service public et en accordant toute sa place à la prévention – ce qui suppose, là encore, des moyens adéquats pour financer des dispositifs, des psychologues et des travailleurs sociaux… Croire que la seule réponse policière permettrait de régler des problèmes aussi profonds serait une erreur. Ce serait d'ailleurs faire peser sur la police et sur la gendarmerie un poids insupportable.

La directive européenne pose en effet un véritable problème en ce qui concerne le temps de travail des pompiers. Les partenaires sociaux européens en ont été convaincus et je veille à ce que les sapeurs-pompiers volontaires soient exclus du champ d'application de ce texte. Sinon, tout ce modèle de volontariat serait menacé, ce qui serait un désastre. Tout le monde se mobilise – parlementaires, partenaires sociaux, Gouvernement – pour l'éviter.

Concernant la vidéoprotection, je maintiendrai le financement aux collectivités territoriales. Un rapport récent de la Cour des comptes pose cependant le problème de l'évaluation du dispositif. Par ailleurs, je souhaite professionnaliser l'ensemble des pratiques en m'appuyant sur la cartographie de la délinquance. Ce qui a été fait à Paris me paraît un bon exemple de coopération entre l'État et la ville. La priorité, dans la capitale, est de mener à son terme le plan de déploiement des 1 103 caméras et d'en évaluer le résultat – je dois d'ailleurs participer à une inauguration à l'automne sur ce sujet.

Nous avons en outre des réflexions stratégiques avec le nouveau préfet de police sur le dispositif de la police d'agglomération et son lien avec la grande couronne – j'attends les résultats d'un certain nombre d'instructions que je lui ai données dans ce domaine –, mais je reste ouvert et ne souhaite pas revenir sur les dispositifs qui se sont montrés efficaces.

J'ai discuté avec les policiers confrontés aux phénomènes de mendicité, y compris ceux qui travaillent avec des collègues roumains et bulgares : si les arrêtés ont pu avoir une efficacité, m'ont-ils expliqué, se posent aujourd'hui d'autres problèmes beaucoup plus importants, tels que les trafics d'êtres humains ou de drogue, ou l'utilisation des mineurs. La seule consigne que j'aie donnée au préfet de police à cet égard est de prendre ses dispositions en liaison avec le maire de Paris.

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