…en ne jurant que par la baisse de la dépense publique, sautant sur leur siège comme des cabris en exigeant la baisse de la dépense publique à la portugaise. Ils pensent sans doute se racheter de leurs errements passés.
Mais, une fois égarés mes chers collègues, ce n’est pas en prenant le chemin opposé que l’on est assuré de trouver la bonne direction. Ni la relance aveugle par la dépense ni les coupes budgétaires systématiques ne nous ouvriront le chemin. Certes, nous devons rechercher l’efficience de la dépense publique et, sans doute, des économies mesurées sont-elles possibles. Elles sont même nécessaires, tout comme les investissements, à condition qu’ils soient évalués en coût global, c’est-à-dire en termes écologique. Mais les uns et les autres doivent être mesurés.
Quoi qu’il en soit, cela ne suffira pas à remettre les comptes publics à l’équilibre, d’autant que nous ne pouvons plus compter sur les niveaux de croissance connus par le passé. C’est donc à la racine qu’il faut traiter le mal. Il faut s’attaquer à l’origine de la dette : l’érosion de l’assiette de l’impôt. Ce mal a un nom : il s’appelle fraude, évasion fiscale, optimisation fiscale. La résorption de la dette dépend pour une grande part de notre action politique résolue en vue d’y mettre fin. En dépendent aussi la relance de l’économie, le bien des peuples, mais aussi le sauvetage de notre démocratie, car la situation actuelle peut ouvrir la voie à toutes les démagogies et à tous les extrémismes.
Ce qui vaut pour la France vaut pour l’ensemble des pays européens. La prise de conscience est réelle en Europe, et la volonté d’agir se renforce. Encore faut-il réussir ! La lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale doivent figurer au rang de cause nationale et européenne. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale sera examiné en nouvelle lecture au Parlement à l’automne. Nous pouvons nous réjouir que son adoption soit proche, mais nous devons attendre d’en mesurer l’efficacité.
La loi de finance rectificative de fin d’année devra quant à elle intégrer de nouvelles dispositions pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales. Il faut faire la transparence sur les montages juridiques complexes, les sociétés écrans et les prix de transfert abusifs. Il s’agit également de rendre l’évasion fiscale illégale et de harceler les paradis fiscaux. C’est ainsi que la trajectoire budgétaire – que nous soutenons, contrairement à ce qu’indiquait M. Mariton – pourra être respectée.
L’exemple des cinq sociétés numériques les plus importantes en France est à lui seul édifiant. Pour un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros par an, elles acquittent un impôt de 40 millions d’euros, soit 0,5%. C’est un véritable vol, qui doit être dénoncé et auquel il doit être mis fin. Je mets au défi quiconque dans cet assemblée de qualifier de délateur tout repenti ou lanceur d’alerte qui rendrait service à la nation en signalant de telles pratiques. Il s’agit là de 50 milliards d’euros, mesdames et messieurs les députés ! Ces 50 milliards d’euros seraient autant de gagné pour atteindre notre objectif de réduction des déficits publics.
Et si d’aventure les résultats tardaient à se manifester à cause de l’ampleur de la tâche, alors c’est la question même du statut des dettes qui devra être posée – des profits colossaux ont pu, en effet, être détournés. Cette perspective n’est pas irréaliste ou dangereuse. La dette grecque, tant privée que publique, a été allégée en 2012. Dans le cas de la crise chypriote, les créanciers ont été mis à contribution. Les créanciers n’auraient-ils pas intérêt à réduire leurs prétentions pour sauver l’essentiel ? Ce qui est irréaliste et dangereux, ce serait de croire encore que l’on pourrait s’accommoder de la dette ou que l’on pourrait brader le service public. Cette issue est inéluctable pour les libéraux, qui prôneront d’abord une réduction sans mesure de la dépense publique, puis finiront – comme en Grèce – par demander la liquidation des services publics ou privés. D’ailleurs, les recettes ainsi obtenues ont été inférieures de moitié à ce qu’ils espéraient.
Nos sociétés ne sont pas menacées par la rébellion des créanciers mais par le soulèvement du peuple. Elles attendent un engagement et une détermination sans failles de la part des partis politiques réformistes, mais n’ont rien à attendre de la démagogie et du rejet brandis par les partis extrémistes. Nous n’avons tout simplement pas le choix : nous devons mener une véritable guerre aux abus. L’Europe doit apprendre à aller vite et améliorer ses procédures démocratiques, si elle veut rivaliser avec les marchands, les financiers et les juristes dont la réactivité est sans pareil. Nous n’avons pas le choix. Ou plutôt, nous n’avons que le choix de l’Europe et de la radicalité face au vol international.