La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Mes chers collègues, quelques jours après le drame de Brétigny-sur-Orge, une catastrophe ferroviaire a frappé l’Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle.
J’adresse au peuple espagnol, aux victimes et à leurs familles les condoléances de l’Assemblée nationale.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, en application de l’article 103 du règlement, de trois projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 676, 677 et 1097).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures quarante-cinq.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs, nous nous retrouvons de nouveau aujourd’hui pour évoquer ce texte qui a déjà été à plusieurs reprises abordé par votre assemblée : la loi de règlement pour 2012. C’est l’occasion pour nous de nous pencher sur la manière dont le budget 2012 a été exécuté au regard des objectifs que le Gouvernement d’alors s’était assigné en loi de finances initiale et aussi au regard de ceux que nous nous étions assignés à nous-mêmes lorsque, en loi de finances rectificative, nous avions pris des dispositions pour atteindre le niveau de déficit nominal auquel nous nous étions engagés, notamment devant les institutions de l’Union européenne.
Je m’en tiendrai à quelques considérations brèves et précises puisque ce texte a déjà été débattu à plusieurs reprises, en insistant sur trois points : les progrès de la transparence, au profit de l’opinion publique mais aussi de votre assemblée, en matière d’exécution les lois de finances ; la poursuite de la réduction des déficits ; enfin, le contrôle de l’évolution de la dépense.
Pour ce qui est de la transparence, tout d’abord, nous sommes dans un nouveau processus, qui résulte du semestre européen et de la loi organique de décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, ensemble de nouveaux dispositifs qui organisent les relations entre le Parlement et le Gouvernement de telle sorte que celui-ci soit davantage conduit à rendre des comptes devant la représentation nationale, ce qui est bon à la fois pour la démocratie et pour le pilotage de nos finances publiques.
La France, il faut le rappeler, est l’un des rares pays de l’Union européenne dont les comptes sont certifiés.
Cette certification est une très bonne chose parce qu’elle garantit la fiabilité des informations que le Gouvernement communique au Parlement et à l’opinion publique. C’est aussi un gage de fiabilité dans notre relation avec l’Union européenne et la garantie que les instruments de pilotage dont nous disposons sont efficaces et qu’ils nous permettent de débattre à partir de données chiffrées incontestables. Chacun peut remarquer les efforts accomplis pour améliorer l’efficacité et la fiabilité de nos comptes : alors que l’on comptait, en 2011, sept réserves substantielles de la part de la Cour des comptes, il n’y en a plus que cinq en 2012. De même, le nombre de réserves substantielles sur les comptes sociaux, notamment ceux des branches famille, maladie et recouvrement, a diminué tandis que celles, parfois fortes, émises auparavant concernant un certain nombre de branches n’ont pas été renouvelées. Cela montre, et l’on peut collectivement nous en féliciter, que nous avons beaucoup progressé dans l’effort de transparence, laquelle correspond à une demande d’un très grand nombre de parlementaires sur tous les bancs de cet hémicycle.
Pour autant, il n’est pas besoin de faire des lois de finances rectificatives pour faire preuve de transparence devant votre assemblée. À la demande du président de la commission des finances et du rapporteur général, le Gouvernement est venu à plusieurs reprises devant votre commission pour rendre compte des conditions d’exécution du budget pour 2013. Je l’ai fait pour ma part à deux reprises depuis que je suis ministre délégué au budget. Vous avez pu remarquer, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, que lors de mon dernier passage devant votre commission, quelques jours avant que le Premier président de la Cour des comptes ne vienne y donner son avis, j’ai fait un point extrêmement précis sur l’évolution des recettes en 2013, s’agissant notamment de la TVA, et sur les conséquences que le Gouvernement en a tiré pour l’évolution des soldes nominaux, au regard en particulier du programme de stabilité, toutes précisions que le Premier président a confirmé devant vous.
Le Gouvernement est soucieux de transparence. Je veux redire devant vous, mesdames, messieurs les députés, qu’aussi souvent que vous aurez besoin que je vienne devant votre commission pour rendre compte des conditions d’exécution des budgets que vous avez votés et dont nous sommes comptables de la mise en oeuvre, je le ferai bien volontiers, à l’instar de ce que j’ai fait ces dernières semaines.
C’est pourquoi je trouve qu’il y a quelque mauvaise foi à faire au Gouvernement un procès en opacité sur des sujets à propos desquels il vient devant votre commission pour répondre à toutes les questions, bien légitimes au demeurant, que vous souhaitez lui poser.
Deuxième point : il est nécessaire de poursuivre la trajectoire de réduction des déficits. Ceux-ci ont beaucoup augmenté au cours des dix dernières années – mais il n’y a pas lieu de faire de polémique alors que nous examinons un projet de loi de règlement. Il n’est d’ailleurs jamais lieu d’en faire sur les questions de finances publiques : il est préférable de trouver le chemin du redressement de notre pays plutôt que de nous perdre en polémiques sans fin.
Plusieurs rappels me semblent tout de même nécessaires.
Tout d’abord, le déficit structurel de notre pays s’est considérablement creusé entre 2007 et 2012, augmentant de deux points de PIB. En 2011, le déficit nominal, qui pour certains est le seul paramètre à partir duquel nous pouvons fonder des analyses exactes, était encore supérieur à 5 %. Alors que la précédente majorité gouvernait depuis 2002, il a fallu attendre jusque-là pour que des mesures soient prises, permettant d’inverser cette tendance d’évolution de la dépense et des déficits qui affaiblissait considérablement notre pays en Europe et contribuait à obérer sa compétitivité. Le déficit, qui était donc encore très important en 2011, diminue continuement depuis 2012 : supérieur à 7 % en 2010, il était de 5,3 % en 2011 et de 4,8 % en 2012. Même si on se réfère aux hypothèses émises par le Premier président de la Cour des comptes devant votre commission, il aura encore diminué de 0,5 point, voire davantage, en 2013. Nous sommes donc dans une diminution continue des déficits nominaux, ce qui témoigne du fait que l’ajustement se poursuit et que le redressement des comptes est engagé. Même si certains qui ont contribué à creuser les déficits s’interrogent aujourd’hui sur le rythme de leur diminution, nul ne peut contester qu’ils diminuent à un rythme soutenu
Il en est de même pour le déficit structurel. Il a augmenté de deux points entre 2007 et 2012, mais l’effort très important mené depuis a conduit à une dimension du déficit structurel de 1,1 point, c’est-à-dire 0,1 point en dessous de l’objectif que nous nous étions fixé ; pour 2013, nous souhaitons être très proches de l’objectif ; pour 2014, le Gouvernement se conformera à ses engagements pris devant la Commission européenne, ce qui devrait permettre d’afficher encore un effort structurel très significatif.
Le troisième point porte sur la manière dont le Gouvernement a tenu la dépense publique en 2012. Celle-ci a augmenté en moyenne de 2 % par an entre 2002 et 2012, année où nous affichons 0,9 %, ce qui témoigne d’une décélération très nette. En 2014, nous devrions être à 0,5 %, avec une diminution nette des dépenses de l’État de 1,5 milliard d’euros, ce qui ne s’est jamais vu depuis le début de la Ve République. C’est dire à quel point nous sommes dans un effort de maîtrise de la dépense, y compris de la dépense sociale. Je tiens à cet égard à rappeler que l’ONDAM – la loi de règlement en témoigne – a été exécuté en 2012 à près d’un milliard en dessous de l’objectif que la précédente majorité s’était assignée à elle-même, et les chiffres dont je dispose montrent qu’en 2013 nous serons 200 millions en deçà de l’objectif que nous nous sommes assignés. Il n’y a donc pas de dérapage des dépenses de l’ONDAM ni en 2012 ni en 2013, contrairement à ce que j’ai entendu. Le Gouvernement maintient l’effort en matière de dépenses, ce qui garantit que nous parviendrons à atteindre nos objectifs s’agissant des déficits.
Le projet de loi de règlement pour 2012 est un texte dont nous avons déjà beaucoup parlé. Je ne garderai donc pas la parole plus longtemps, d’autant que d’autres travaux sont inscrits à l’ordre du jour de votre assemblée. Je tiens à remercier l’ensemble des groupes qui ont contribué à ces débats de finances publiques en cette période très estivale. Ils ont d’ailleurs tellement aimé ces débats qu’ils ont souhaité que, pour la première fois depuis longtemps, le projet de loi de règlement soit examiné plusieurs fois par votre assemblée !
C’est la preuve d’une appétence pour les finances publiques que je veux saluer, et cela m’a permis de venir répéter devant vous ce qui, au fur et à mesure, s’ancre ainsi dans les esprits et apparaît de moins en moins contestable. Par conséquent, je suis absolument convaincu que le discours de M. Mariton, à la fois excellent et emporté la dernière fois, sera cette fois-ci violemment modéré puisque les chiffres s’imposant à lui et son honnêteté intellectuelle faisant son oeuvre, il finira par approuver aujourd’hui ce projet de loi de règlement, non pas seulement avec raison mais, je l’espère, avec bonheur.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, remercions en effet le Sénat de nous avoir permis de nous retrouver ce matin, au coeur de l’été. C’est toujours extrêmement agréable, vous avez raison, monsieur le ministre. Mais comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, mon propos sera extrêmement bref. (Sourires.)
Vous avez parfaitement décrit, monsieur le ministre, la trajectoire des finances publiques que nous nous sommes fixés, celle que d’autres avaient prise probablement un peu tardivement. Mais le Sénat, mélangeant un débat d’orientation des finances publiques avec l’examen d’un projet de loi de règlement, a in fine rejeté le projet de loi, pour des raisons que j’ai déjà évoquées lors de la deuxième lecture, des raisons diverses et contraires selon les groupes. Objectivement, ce n’est pas une bonne chose, indépendamment du plaisir que nous avons à nous retrouver. Monsieur le ministre, je profite de votre présence et du fait que ce matin même, la commission a examiné le rapport d’application de la loi fiscale, pour saluer les efforts de transparence que vous avez parfaitement décrits, mais que nous souhaitons amplifier. Notre commission a parfois encore quelques difficultés à obtenir des réponses à toutes les questions que nous sommes amenés à poser. Nous avons ce matin évoqué le fait que plusieurs demandes d’information faites en avril auprès de la Direction de la législation fiscale n’ont pas fait l’objet de réponses suffisamment détaillées pour établir le rapport d’application de la loi fiscale. C’est juste un tout petit point noir dans un ciel complètement ensoleillé. Mes chers collègues, conformément à l’article 114-3 du règlement, je vous propose d’adopter définitivement ce texte – sans possibilité d’amender puisqu’il s’agit d’un troisième examen –, dans les mêmes termes qu’avant-hier.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une nouvelle fois le projet de loi de règlement pour l’année 2012.
L’examen répété de ce projet de loi est rare. Le projet de loi de règlement n’a en effet pour seul objet que la validation des comptes de l’année n-1. Cela est d’autant plus étonnant que les comptes de l’année 2012 ont été certifiés par la Cour des comptes et que l’actuelle et la précédente majorité sont toutes deux responsables de ce budget 2012.
Les arguments ayant maintenant été échangés à plusieurs reprises, je me contenterai de quelques remarques. Tout d’abord, les objectifs de 2012 ont été maintenus. Pour cela, l’effort en recettes a été des plus importants. On peut regretter que la réduction du déficit ne repose pas plus sur un effort en dépenses, mais la structure du budget de 2012 incombe à la précédente majorité : il faut le dire et le redire, près des deux tiers des augmentations d’impôts ont été décidées par l’ancien Gouvernement.A contrario, d’autres reprochent au Gouvernement de ne pas avoir suffisamment infléchi la politique budgétaire précédente. Ce serait oublier la situation économique désastreuse dans laquelle la nouvelle majorité est arrivée au pouvoir. Il nous a fallu agir et surtout ne plus laisser filer le déficit.
Pour autant, ce qui était vrai dans le passé ne doit pas être répété à l’avenir. Les mesures d’austérité grèvent la croissance. Le FMI le souligne depuis plusieurs mois. La semaine dernière, les ministres des finances du G20, qui ne sont pourtant pas réputés très à gauche, ont affirmé que le rythme de consolidation budgétaire doit être adapté à la situation de chaque pays. Dès cette année, le Gouvernement a décidé de ne pas corriger les orientations budgétaires suite à une baisse des prévisions de croissance.
Nous approuvons cette stratégie bien que nous ayons principalement deux inquiétudes. La première, c’est l’effet base dont nous hériterons l’année prochaine : plus le déficit sera élevé cette année, plus les efforts devront être grands en 2014 si la France veut tenir ses engagements.
La seconde inquiétude, c’est le risque que cette stratégie n’ait qu’un impact limité dans le cas où elle ne serait pas partagée par l’ensemble des acteurs. Car s’il a été décidé de ne pas augmenter les impôts pour boucler le budget 2013, c’est pour favoriser les anticipations d’investissement. Le problème, c’est que si ces acteurs anticipent un rattrapage des impôts en 2014, alors l’investissement risque de stagner, d’où l’importance d’avoir, dès que possible, le détail du budget 2014.
Nous ne pouvons bien évidemment pas accélérer le calendrier mais l’attente des acteurs économiques est grande. Ce budget devra être pertinent, cohérent et lisible. La confiance ne pourra être rétablie dans notre pays qui si ces trois critères sont remplis.
Par ailleurs, la réduction des dépenses doit être crédible, sinon les acteurs économiques continueront d’anticiper des hausses d’impôt. Dans un souci de crédibilité, ne pourrait-on pas envisager une accélération de la publication des rapports d’évaluation réalisés dans le cadre de la modernisation de l’action publique ? L’exécutif ne pourrait-il pas apporter la preuve que les administrations centrales sont réellement en train d’engager des réformes organisationnelles, profondes et pérennes ?
Ces réformes ne doivent pas seulement avoir lieu là où l’on attend des économies pour financer les priorités de la majorité mais aussi, et peut-être surtout, là où des moyens supplémentaires sont alloués. Les meilleures réformes sont souvent celles qui se font avec des budgets en hausse. Il nous faut saisir les opportunités là où des marges de manoeuvre sont créées.
Les priorités budgétaires mises en oeuvre ne sont pas nécessairement immuables. Cela peut paraître évident quand on utilise le terme de priorités, mais au vu de l’inertie des finances publiques, ce n’est pas nécessairement le cas.
Prenons la santé. Lors de discussions budgétaires précédentes, notre groupe avait déjà émis le souhait que la santé soit considérée comme un domaine budgétaire prioritaire au même titre que l’éducation, la justice et maintenant l’emploi. L’accessibilité aux soins, la qualité des prestations ou encore leur financement sont des préoccupations premières.
Les solutions à apporter ne sont pas toutes de nature budgétaire mais l’on connaît bien la maxime : si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue. Les besoins sont grands aujourd’hui ; ils vont augmenter dans le futur. Or au vu de la politique de compétitivité menée, il y aura une réelle difficulté à augmenter les cotisations sociales. Il nous faudra bien trouver d’autres sources de financement plus indirectes, et il n’est pas impossible que le budget général soit de plus en plus sollicité, d’où la nécessité d’avoir une vision dynamique des domaines budgétaires prioritaires.
Il y a deux semaines, le Premier ministre a annoncé que 4,5 milliards d’euros seront investis chaque année dans la modernisation des hôpitaux sur nos territoires. C’est une bonne chose. Privilégier la réduction des dépenses superflues pour financer l’investissement doit être une priorité. Nous aurons l’opportunité d’en rediscuter à l’automne.
Dans cette attente, nous voterons bien évidemment en faveur de ce projet de loi de règlement.
Monsieur le ministre, je veux vous confirmer tout le plaisir qui est le nôtre de débattre avec vous dans cet hémicycle, même si, comme je l’ai dit lors de la deuxième lecture de ce projet de loi de règlement, ce débat n’était pas forcément utile. Je tiens à saluer votre disponibilité et votre transparence mais également votre sérénité alors même que la situation des finances publiques est difficile.
Dans quelques instants, cette lecture définitive va nous permettre d’adopter ce projet de loi de règlement, cet arrêté des comptes. C’est une bonne chose. Cependant, chers collègues de l’opposition, je ne peux, même si ce sont vos collègues sénateurs qui sont en question, que regretter que la jurisprudence de 1997 ne se soit pas appliquée en la matière : dans la même configuration politique, lors d’un débat du 22 juin 1999 au Sénat, le président Marini avait rappelé dans sa sagesse que l’approbation d’une loi de règlement ne vaut pas approbation d’une politique mais simplement de la réalité des comptes.
Que la loi de règlement soit l’occasion d’un débat à la fois sur la manière dont les objectifs ont été atteints et sur la façon dont ils l’ont été est une chose, mais qu’il s’achève sur un vote négatif – alors même, monsieur le président de la commission des finances, que vous réclamiez une sincérité et une transparence des comptes – ne peut que jeter un doute sur la réalité de ces chiffres.
Rappelons que les chiffres, tels que nous allons les adopter, ont été certifiés par la Cour des comptes.
Pour avoir moi-même, pendant des années, contre-rapporté à la Cour le rapport sur l’acte de certification, je le signale à l’instar du ministre : le nombre de réserves levées est important cette année, c’est-à-dire que les comptes sont plus sincères et transparents qu’ils ne l’ont jamais été. C’était l’objet du vote. J’aurais aimé – et cela aurait été un signe de responsabilité collective – que le vote traduise l’objet du texte, c’est-à-dire l’adoption de l’arrêté des comptes.
Admettons que ces trois lectures étaient prétexte à débat, mais la répétition d’affirmations erronées n’en fait jamais des vérités, chers collègues de l’opposition. Cette loi de règlement démontre que l’effort structurel qui avait été fixé par notre prédécesseur a été tenu alors même que la conjoncture s’est dégradée, que l’audit de la Cour des comptes avait démontré que, tant en recettes qu’en dépenses, les impasses étaient importantes. Il est vrai que l’effort a porté essentiellement sur les recettes mais nous étions en juillet 2012. Si nous avons fait un effort sur les recettes, nous ne sommes responsables que d’un tiers de l’augmentation des prélèvements obligatoires en 2012. De toute façon, nous ne conduisons pas la même politique fiscale puisque nous avons fait porter l’effort sur ceux qui pouvaient contribuer le plus, contrairement à ce qu’avait fait l’opposition d’aujourd’hui.
Puis-je rappeler que cette loi de règlement montre un freinage historique des dépenses de l’État ? Nous sommes en deçà des prévisions initiales de la loi de finances et, ainsi que vous le savez, nous faisons encore davantage cette année et nous ferons encore davantage en 2014.
Au fond, ce qui est en jeu derrière ce débat et la multiplication de ces séances, c’est la stratégie de redressement des finances publiques. Cette stratégie est nécessaire à la hauteur des dégâts que dix ans de gestion de droite ont provoqués et qui s’est traduite non seulement par l’augmentation de la dette mais aussi par celle, considérable, des dépenses publiques et celle des inégalités fiscales.
Nous devons poursuivre sur cette trajectoire que nous avions adoptée l’année dernière dans la loi de programmation des finances publiques et que nous revisitée à l’occasion du programme de stabilité du semestre européen. C’est cette politique qui doit être menée sur la durée du quinquennat. Comme je l’avais dit en première lecture, monsieur le ministre, cette politique est indispensable à notre pays et à sa crédibilité, pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi.
Elle doit néanmoins se faire dans un souci d’équilibre des efforts entre recettes et dépenses. Au cours des premières années, nous avons dû mettre l’accent sur les recettes. J’espère que l’effort supplémentaire qui sera demandé en 2014 sera le dernier en termes d’augmentation des prélèvements obligatoires et que celui qui sera demandé à l’avenir portera davantage sur la maîtrise et la réduction des dépenses publiques, notamment à travers la modernisation de l’action publique qui est pilotée par le Premier ministre.
Comme je l’avais dit en première lecture, cette loi de règlement traduit le sérieux budgétaire de ce Gouvernement, la stratégie d’un quinquennat. Elle marque une vraie rupture après dix ans d’errements dans la gestion des finances publiques caractérisés par une augmentation récurrente des déficits structurels. Entre la fuite en avant dans la dérive des dépenses publiques et l’austérité généralisée – puisque je ne sais jamais ce que l’opposition préconise – il y a un juste chemin, celui du redressement pour la croissance et l’emploi des finances publiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Comme le ministre l’a suggéré, le miroitement des chiffres peut en effet conduire au bonheur et cela fait ordinairement partie de la discussion du projet de loi de règlement, même si nous pouvons – François Cornut-Gentille et le rapporteur général ont travaillé sur le sujet – imaginer une meilleure utilisation du débat afin d’évaluer certaines politiques publiques. Nous avons probablement des progrès de méthode à faire sur ce terrain.
Reste, monsieur le ministre que nous nous retrouvons pour la troisième fois.
Ce n’est pas incident, c’est un vrai sujet politique. Au fond, le rapporteur général et l’orateur du groupe socialiste viennent de le reconnaître. On pourrait trouver fastidieux, guère utile de se retrouver une troisième fois pour un acte qui devrait être automatique : une loi de règlement. Il se trouve que nous nous retrouvons pour la troisième fois, car il y a un fait, un débat, un problème de nature politique. Reconnaissez qu’il n’a pas été provoqué par la seule opposition, qui n’y suffirait pas. Il a bien fallu que certains membres de votre majorité, en tout cas d’alliés, assurément, dans l’élection – le groupe communiste du Sénat pour parler clair – y mettent du leur : la droite au Sénat n’aurait pas suffi à faire que nous nous retrouvions une deuxième puis une troisième fois.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que le Président de la République a reçu, il y a quelques jours, les responsables de la majorité puis, le lendemain, le principal responsable du parti communiste pour une discussion manifestement destinée à la fois aux piliers de la majorité et à ceux qui ont concouru à son élection. Il y a bien un problème politique majeur à ce que ceux qui font que la majorité est la majorité aujourd’hui n’acquiescent pas à une loi de règlement, d’autant que le problème ne concerne pas cette seule loi. Il est dans toutes les contradictions, les incertitudes, les confusions de vos stratégies économique et budgétaire telles que je les décrivais lors du premier débat, le 2 juillet dernier.
Doit-on rappeler la manière avec laquelle Mme Batho a quitté le Gouvernement ? Doit-on rappeler les critiques récurrentes formulées par les Verts sur votre stratégie budgétaire, les divisions au sein même du groupe socialiste et le message pour le moins nuancé – pour dire les choses gentiment – que les radicaux de gauche expriment ?
Ce débat n’est donc pas inutile. Il n’y a rien d’anormal à ce que nous nous retrouvions pour une troisième discussion parce que, au-delà des chiffres de la loi de règlement – et l’on peut s’accorder sur certains propos tenus par le rapporteur général –, c’est bien le problème de la stratégie budgétaire qui est posé.
Une question vous est posée au sein même de votre majorité et du camp qui vous a élu et par nous-mêmes : quelle est la part de vos économies dans votre stratégie budgétaire ? De la même façon que vous le dites mezza voce, l’orateur précédent vient d’avouer qu’il espérait que 2014 soit la dernière année d’augmentation des impôts. Nous avons entendu message plus optimiste et nous avions espéré que 2013 serait la dernière année d’augmentation des impôts. J’y reviendrai.
En ce qui concerne les économies, les vôtres sont très en deçà des besoins de notre budget et de notre économie. Pourtant, aussi insuffisantes soient-elles, ces trop rares économies sont contestées au sein même de votre majorité. Au bout du compte, c’est cette contestation même qui provoque le rejet du projet de loi de règlement.
Vous pouvez faire semblant de l’ignorer, en disant que ce troisième débat sur le projet de loi de finances de règlement a quelque chose de fastidieux, mais le problème politique, en réalité, est tout à fait considérable. Vous-même et ceux qui, dans votre camp, acceptent les économies, êtes constamment en contradiction, car vous êtes incapables d’en faire sans, dans le même temps, enclencher de nouvelles dépenses. On en a vu nombre d’exemples. Prenons celui de la politique familiale. Vous voulez faire des économies, augmenter les impôts et, en même temps, imaginer de nouvelles prestations ou des dépenses supplémentaires. Et on pourrait développer d’autres exemples.
La logique des économies est si peu la vôtre que vous ne savez pas en faire sans chercher en même temps soit à satisfaire de nouvelles clientèles soit à engager des dépenses supplémentaires.
J’ai lu, dans la presse, la relation d’un séminaire du groupe socialiste et du Gouvernement, qui montrait bien cette équation extrêmement périlleuse pour nos finances publiques : comment faire des économies et, en même temps, satisfaire des clientèles, des besoins nouveaux, et engendrer, par la dépense, des satisfactions nouvelles ? Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas raisonnable ! Nous ne sommes pas – et nous en prenons notre part de responsabilité – dans une situation économique et budgétaire qui nous permettrait d’effacer par des dépenses supplémentaires le peu d’économies déjà réalisées. Cette équation politique et économique n’est pas possible.
Finalement, vous perdez sur tous les tableaux tant auprès de ceux qui demandent des économies – nous en sommes en effet – et qui trouvent que le compte n’y est pas, ces économies, rognées par les dépenses nouvelles, étant insuffisamment substantiées et peu nombreuses, qu’auprès de ceux auxquels le mot d’économies lui-même est insupportable. Ainsi, votre projet de loi de finances de règlement – et, par son truchement, votre stratégie budgétaire – n’est pas approuvé.
On retrouve la même ambiguïté, la même contradiction à propos de la fiscalité. Vous avez répondu de manière tout à fait judicieuse, monsieur le ministre, à ceux qui, chez vous, réclament le grand soir fiscal que ce dernier n’était pas la méthode. Il y a tant de dangers dans le grand soir fiscal : le risque d’erreurs de stratégie, d’aggravation considérable de l’impôt, d’erreur de calcul, et, tout simplement, d’incapacité technique à mener la réforme. Votre réponse était donc la bonne.
Le seul problème, c’est qu’à côté de ce refus du grand soir fiscal, réclamé au sein de votre majorité, il y a, hélas, toujours, une résignation à l’augmentation de l’impôt. On vient de l’entendre : « On espère que 2014 sera la dernière année… » Que les Français y prennent garde. En effet, le pire est à craindre non seulement pour 2014, avec l’augmentation d’impôts annoncée par l’orateur socialiste qui m’a précédé, mais aussi ensuite, car cet espoir paraît très fragile.
Il est vrai que cela pourra s’appeler « Fiscalité écologique » – c’est très politiquement correct. Peut-être d’ailleurs vouliez-vous en faire un tout petit peu, avant que la contrainte politique, avec le départ de Mme Batho et l’ambiance de ces dernières semaines, vous amène peut-être à en faire davantage encore. Tout cela en tout cas constitue une accumulation de mauvaises nouvelles pour nos concitoyens.
Je m’éloigne quelque peu, certes, du strict débat sur le projet de loi de règlement. Reconnaissez cependant que ce ne sont ni le groupe UMP à l’Assemblée ni le groupe UMP au Sénat qui ont conduit à cette situation : ce sont vos alliés, car c’est aussi avec les voix des électeurs et des parlementaires communistes que vous êtes ici. François Hollande a été élu, aussi, avec des voix communistes au deuxième tour, et d’autres voix d’extrême-gauche encore. Ce sont ces voix qui, en soulignant vos contradictions, nous conduisent à cette troisième lecture, laquelle est non pas fastidieuse techniquement – il est toujours intéressant de discuter – mais extrêmement éclairante sur les contradictions, les confusions, les impossibilités, les incohérences de votre politique budgétaire et, au-delà, de votre politique économique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c’est la deuxième fois cette semaine que ce projet de loi de règlement est examiné dans cet hémicycle, et la dernière. Quelle en est la raison ? Elle est simple : depuis le début de la législature, nos collègues sénateurs ont rejeté chacun des textes budgétaires. Ce projet de loi de règlement des comptes de 2012 ne fait bien entendu pas exception, puisqu’il a été rejeté en première et en deuxième lecture.
Monsieur le ministre, les députés du groupe UDI soutiennent les sénateurs, et voteront donc à nouveau contre ce texte, comme ils l’avaient fait en première et en deuxième lecture. Nous avons déjà eu l’occasion de vous donner les raisons de ce vote. Nous considérons que la politique que vous menez depuis maintenant plus d’un an n’est malheureusement pas à la hauteur de la crise qui frappe la France.
Or, mes chers collègues, vous le savez, cette crise que nous ressentons fortement en métropole touche également de manière très brutale les économies plus fragiles telles celles de l’outre-mer. C’est pourquoi nous appelons le Gouvernement à être très attentif à la situation des collectivités en question.
Nous pensons que malheureusement, de nombreux Français qui avaient cru à la promesse de changement ont été et sont déçus.
Regardons les chiffres du déficit : alors que vous aviez annoncé que celui-ci serait réduit à 4,5 % du PIB, il a été de 4,8 %. En une année, la réduction n’a été que d’à peine 0,5 point. C’est un bilan que nous partageons, vous et nous. Songeons aux prévisions de croissance : François Hollande promettait 0,5 % de croissance, celle-ci aura finalement été nulle. Nous nous rappelons des promesses d’économies sur la dépense publique : selon l’expertise de la Cour des comptes, la majeure partie de l’effort de réduction des dépenses publiques a été faite grâce à la majorité précédente. Nous nous rappelons aussi les promesses de relance de la compétitivité. Or les mesures prises ne sont pas, à nos yeux, à la hauteur des espérances décevantes, et n’ont pas aidé nos entreprises en 2012 et en 2013. Nous nous rappelons également des promesses concernant le pouvoir d’achat : celui-ci a malheureusement enregistré une baisse historique de 0,9 % en 2012. Nous nous rappelons, enfin, des promesses concernant l’inversion de la courbe du chômage, mais les chiffres du chômage ont battu tous les records.
Nous sommes également déçus des mesures qui ont été prises dès votre arrivée au pouvoir, qui n’ont pas contribué à améliorer la situation de notre pays. Ainsi, la suppression de la TVA compétitivité a privé nos entreprises d’un allégement de charges de 13,2 milliards d’euros alors même qu’elles ont déjà été durement frappées par la crise. De plus, alors que vous aviez promis aux Français que le taux de TVA ne serait pas augmenté à nouveau, il augmentera le 1er janvier 2014, nous venons de l’entendre.
En outre, la suppression des avantages liés aux heures supplémentaires a pénalisé 9,5 millions de salariés, qui ont vu leurs salaires se réduire et leurs impôts augmenter. Ils perdent en moyenne 500 euros par an.
À nos yeux, la promesse faite par le Premier ministre d’épargner les classes moyennes n’a pas été suffisamment tenue, ce qui a porté un coup à leur pouvoir d’achat.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu a frappé seize millions de foyers et la remise en cause du quotient familial touchera deux millions de familles. Les retraités ont également été touchés, avec une taxe supplémentaire de 0,3 % sur les retraites, et des retraites complémentaires qui augmentent sensiblement moins que l’inflation. En outre, l’augmentation du forfait social pénalise 10 millions de salariés, et 2,5 millions de travailleurs indépendants sont touchés par l’augmentation de plus d’un milliard d’euros des cotisations sociales.
Monsieur le ministre, nous sommes conscients de la nécessité de redresser les comptes publics, mais nous déplorons vivement que cela se fasse au détriment des ménages modestes et des petites entreprises.
Nous regrettons ainsi que la promesse du Gouvernement et du Président de la République lui-même de ne plus augmenter les impôts après 2013 soit abandonnée. Les impôts augmenteront bien en 2014, et cela décourage les ménages français, ainsi que les entreprises.
Nous craignons que cela ne permette pas de relancer la croissance. C’est pour cela, monsieur le ministre, que les députés du Groupe UDI vous demandent solennellement de tenir les engagements pris en matière d’engagement de réduction de la dépense publique pour l’année 2014. Le résultat a été décevant en 2013, nous espérons qu’il en ira autrement l’année prochaine.
Notre volonté n’est pas de chercher la polémique stérile. Nous, députés de l’UDI, avons démontré à plusieurs reprises que nous incarnons une opposition constructive. Nous vous avons notamment soutenu sur des enjeux cruciaux, tels que l’emploi des jeunes ou la sécurisation de l’emploi. Ces réformes étaient loin d’être parfaites, mais nous avons jugé qu’elles étaient préférables à l’inaction. C’est dans ce même état d’esprit constructif et soucieux de l’intérêt général que Jean-Louis Borloo a proposé au mois de mai dernier un programme de redressement national comportant dix décisions pour sortir la France de la crise.
Aujourd’hui, plus d’un an après le discours de politique générale du Premier ministre, et alors que nous vous avons laissé le temps que vous réclamiez, nous regrettons que les résultats ne soient pas réellement au rendez-vous.
C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre ce projet de loi de règlement…
…et demande solennellement au Gouvernement de présenter un collectif budgétaire.
Il est temps de fixer un nouveau cap pour relancer l’emploi, d’enrayer le déclin industriel, de réduire véritablement les déficits et de soutenir les Françaises et les Français qui nous regardent et qui sont très exposés à la crise et enclins à la désespérance.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, alors que nos travaux vont être suspendus pour quelques semaines après une année de travail intense, je ne veux pas épiloguer sur les comptes de l’année 2012. Nous en connaissons tous les grandes caractéristiques : un déficit ramené à 4,8 % contre 5,3 % en 2011, et, pour la première fois, une baisse de la dépense publique de 300 millions d’euros, une baisse, certes, modeste, mais après dix années d’augmentation, c’est la gauche et les écologistes qui l’ont fait.
C’est vers l’avenir que nous devons regarder. Nous connaissons le risque, il est double.
D’une part, s’enfoncer encore plus dans les déficits et l’endettement, comme ce fut le cas pendant les trois dernières décennies, avec deux accélérations, une première en 2002 et une seconde en 2008, avec un accroissement de l’endettement deux fois plus rapide au cours de l’année 2000 qu’au cours de la décennie précédente ; la dette avait alors augmenté de 400 millions d’euros.
D’autre part, sombrer dans l’austérité – où l’on voit comment le remède est pire que le mal : au régime sec, la Grèce a vu son endettement progresser de 136 à 160 % du PIB en un an, l’Espagne de 73 à 88 %, le Portugal de 112 à 117 %. Quant au Portugal, ce bon élève de l’Europe qui applique à la lettre la purge imposée par la Troïka et qui a reçu le satisfecit du FMI, de la BCE et de la Commission européenne, a pourtant vu son déficit croître et passer de 6,2 % à 7 % du PIB au cours de la dernière année, avec, en prime, une amputation de 14 % du salaire des fonctionnaires, l’amputation d’un tiers des indemnités de licenciement, des subventions théâtrales divisées par deux, la baisse du remboursement des médicaments, la TVA majorée de plus de trois points, l’impôt sur le revenu augmenté de quatre points
Ce n’est pas entre la dette et l’austérité que nous avons à choisir. L’une comme l’autre paralysent l’économie, l’une comme l’autre pénalisent les plus pauvres, l’une comme l’autre accélèrent le creusement des inégalités et accélèrent la concentration des richesses entre quelques mains.
Objectivement, c’est bien l’accumulation de dépenses à crédit qui nous a menés au gouffre de la dette, la relance de 2009 conduite par la précédente majorité ayant accéléré le phénomène et aggravé le déficit. Et ce sont les mêmes, majorité d’hier, minorité d’aujourd’hui, qui proposent maintenant la solution inverse,…
…en ne jurant que par la baisse de la dépense publique, sautant sur leur siège comme des cabris en exigeant la baisse de la dépense publique à la portugaise. Ils pensent sans doute se racheter de leurs errements passés.
Mais, une fois égarés mes chers collègues, ce n’est pas en prenant le chemin opposé que l’on est assuré de trouver la bonne direction. Ni la relance aveugle par la dépense ni les coupes budgétaires systématiques ne nous ouvriront le chemin. Certes, nous devons rechercher l’efficience de la dépense publique et, sans doute, des économies mesurées sont-elles possibles. Elles sont même nécessaires, tout comme les investissements, à condition qu’ils soient évalués en coût global, c’est-à-dire en termes écologique. Mais les uns et les autres doivent être mesurés.
Quoi qu’il en soit, cela ne suffira pas à remettre les comptes publics à l’équilibre, d’autant que nous ne pouvons plus compter sur les niveaux de croissance connus par le passé. C’est donc à la racine qu’il faut traiter le mal. Il faut s’attaquer à l’origine de la dette : l’érosion de l’assiette de l’impôt. Ce mal a un nom : il s’appelle fraude, évasion fiscale, optimisation fiscale. La résorption de la dette dépend pour une grande part de notre action politique résolue en vue d’y mettre fin. En dépendent aussi la relance de l’économie, le bien des peuples, mais aussi le sauvetage de notre démocratie, car la situation actuelle peut ouvrir la voie à toutes les démagogies et à tous les extrémismes.
Ce qui vaut pour la France vaut pour l’ensemble des pays européens. La prise de conscience est réelle en Europe, et la volonté d’agir se renforce. Encore faut-il réussir ! La lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale doivent figurer au rang de cause nationale et européenne. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale sera examiné en nouvelle lecture au Parlement à l’automne. Nous pouvons nous réjouir que son adoption soit proche, mais nous devons attendre d’en mesurer l’efficacité.
La loi de finance rectificative de fin d’année devra quant à elle intégrer de nouvelles dispositions pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales. Il faut faire la transparence sur les montages juridiques complexes, les sociétés écrans et les prix de transfert abusifs. Il s’agit également de rendre l’évasion fiscale illégale et de harceler les paradis fiscaux. C’est ainsi que la trajectoire budgétaire – que nous soutenons, contrairement à ce qu’indiquait M. Mariton – pourra être respectée.
L’exemple des cinq sociétés numériques les plus importantes en France est à lui seul édifiant. Pour un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros par an, elles acquittent un impôt de 40 millions d’euros, soit 0,5%. C’est un véritable vol, qui doit être dénoncé et auquel il doit être mis fin. Je mets au défi quiconque dans cet assemblée de qualifier de délateur tout repenti ou lanceur d’alerte qui rendrait service à la nation en signalant de telles pratiques. Il s’agit là de 50 milliards d’euros, mesdames et messieurs les députés ! Ces 50 milliards d’euros seraient autant de gagné pour atteindre notre objectif de réduction des déficits publics.
Et si d’aventure les résultats tardaient à se manifester à cause de l’ampleur de la tâche, alors c’est la question même du statut des dettes qui devra être posée – des profits colossaux ont pu, en effet, être détournés. Cette perspective n’est pas irréaliste ou dangereuse. La dette grecque, tant privée que publique, a été allégée en 2012. Dans le cas de la crise chypriote, les créanciers ont été mis à contribution. Les créanciers n’auraient-ils pas intérêt à réduire leurs prétentions pour sauver l’essentiel ? Ce qui est irréaliste et dangereux, ce serait de croire encore que l’on pourrait s’accommoder de la dette ou que l’on pourrait brader le service public. Cette issue est inéluctable pour les libéraux, qui prôneront d’abord une réduction sans mesure de la dépense publique, puis finiront – comme en Grèce – par demander la liquidation des services publics ou privés. D’ailleurs, les recettes ainsi obtenues ont été inférieures de moitié à ce qu’ils espéraient.
Nos sociétés ne sont pas menacées par la rébellion des créanciers mais par le soulèvement du peuple. Elles attendent un engagement et une détermination sans failles de la part des partis politiques réformistes, mais n’ont rien à attendre de la démagogie et du rejet brandis par les partis extrémistes. Nous n’avons tout simplement pas le choix : nous devons mener une véritable guerre aux abus. L’Europe doit apprendre à aller vite et améliorer ses procédures démocratiques, si elle veut rivaliser avec les marchands, les financiers et les juristes dont la réactivité est sans pareil. Nous n’avons pas le choix. Ou plutôt, nous n’avons que le choix de l’Europe et de la radicalité face au vol international.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois que nous examinons ce projet de loi de règlement pour 2012. À quelques minutes du vote de ce texte, il n’est pas besoin d’être trop disert, votre exposé liminaire, monsieur le ministre, ayant été très précis et les principaux arguments ayant déjà été échangés de part et d’autre.
Cette loi de règlement pour 2012 porte sur un exercice budgétaire au carrefour de deux gestions différentes : celles de l’ancienne et de l’actuelle majorité. C’est l’occasion de souligner, précisément, que l’ancienne et l’actuelle majorité n’ont ni ni la même gestion, ni la même vision des finances publiques. Elles n’ont pas la même conception de l’utilisation des deniers publics, ni la même manière de préparer l’avenir des générations futures. Quelques chiffres suffisent à le démontrer, surtout si on les met en perspective.
D’un côté, l’ancienne majorité a adopté jusqu’en 2011 des mesures de hausse des impôts, dont les conséquences se sont fait encore sentir en 2012.
Ces mesures sont directement responsables des deux tiers des 22,3 milliards d’euros de recettes fiscales nouvelles pour l’année 2012.
Le déficit structurel aussi s’est aggravé depuis 2002. Il s’est situé à un niveau moyen de 4,2 %, avec un pic de 5,1 % en 2011. Les dépenses publiques se sont elles aussi aggravées : elles ont augmenté chaque année de 1,7 % en moyenne. De plus, la gestion des dépenses a dérapé chaque année. Les chiffres de la Cour des comptes sont à cet égard éloquents : en 2009, 379 milliards d’euros de crédits de paiement étaient inscrits en loi de finances initiale. Ce montant a été porté à 409 milliards d’euros par la loi de règlement, soit une augmentation de 30 milliards d’euros !
En 2010, le montant de crédits de paiements fixé par la loi de finances initiales était de 379,4 milliards d’euros. Le montant inscrit dans la loi de règlement était de 415,9 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 36 milliards d’euros ! En 2011, le montant fixé par la loi de finances initiales était de 368,5 milliards d’euros, et celui de la loi de règlement de 379,6 milliards d’euros, soit encore une augmentation d’un peu plus de 11 milliards d’euros par rapport aux prévisions.
Dérapage, non-respect des prévisions, insincérité des lois de finances initiales : telles ont été les caractéristiques de la gestion budgétaire de la précédente majorité, mes chers collègues. Cela devrait, à tout le moins, inciter l’opposition actuelle à plus d’humilité, quand elle appelle – comme elle l’a fait tout à l’heure – à faire des économies, alors que sa propre gestion fut celle d’une dérive budgétaire doublée d’une aggravation sans précédent de la dette publique, et d’une injustice fiscale accrue.
L’aggravation de la dette publique est indéniable : en cinq ans, 600 milliards d’euros de dette ont été ajoutés. La dette publique a même doublé de 2002 à 2012, passant de 900 milliards à 1 800 milliards d’euros.
La gestion de la précédente majorité fut aussi – et surtout – marquée par l’injustice fiscale : des mesures fiscales ont profité aux plus riches et privé durablement l’État de recettes qui lui manquent aujourd’hui cruellement. Nul n’a oublié le symbolique et scandaleux bouclier fiscal, dont la Cour des comptes estime à 3,6 milliards d’euros le coût pour nos finances publiques. Tout cela, pour faire plaisir aux plus fortunés : telle était, hier, la réalité.
D’un autre côté, l’actuelle majorité mène depuis un an une autre politique, et a vraiment engagé le redressement des comptes publics.
Elle respecte systématiquement deux impératifs : l’utilité pour nos concitoyens de chaque dépense publique, et la justice sociale et fiscale de toute nouvelle recette. Les résultats de notre majorité sont déjà perceptibles dans ces comptes de 2012. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, le déficit budgétaire a été ramené de 5,3 % du PIB en 2011 à 4,8 % en 2012, soit une baisse équivalent à 0,5 % du PIB, dans un contexte de stabilité de l’activité économique. Cela équivaut, en termes absolus, à une réduction de 4 milliards d’euros.
Laissez-moi vous faire remarquer, chers collègues, un autre fait marquant de l’exercice 2012 : si le déficit d’exécution est supérieur de 8,4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, c’est à une baisse des recettes de 8,3 milliards d’euros que cela est dû, et non pas – comme ce fut le cas par le passé – à un dérapage des dépenses. Au contraire, les dépenses ont été tenues. Cela doit être souligné.
Les dépenses de l’État ont aussi baissé de 300 millions d’euros. C’est du jamais vu ! Cela a été rendu possible par des mesures supplémentaires de gel des crédits budgétaires à hauteur de 1,5 milliard d’euros dès l’arrivée de l’actuelle majorité, par de nouvelles recettes, et par la mise en réserve de crédits ultérieurement non débloqués. Cet exercice, certes, a été ardu, mais il a été mené à bien pour la première fois depuis longtemps, monsieur le ministre ! Fait significatif : il a été mené bien alors que, dans le même temps, les dépenses d’assurance maladie ralentissaient, s’établissant à un niveau inférieur de 900 millions d’euros à l’objectif initial, voté au Parlement.
Mes chers collègues, même dans un climat récessif, même en traînant au pied le boulet – que la droite nous a laissé – de la dette et de sa charge, les chiffres de cette loi de règlement pour 2012 – véritable compte administratif de l’année écoulée – soulignent une inflexion de bon sens dans nos comptes budgétaires. Cette inflexion découle de la politique budgétaire de redressement, de sérieux et de crédibilité financière que le Gouvernement a proposée, et que notre majorité a soutenue. Elle soutiendra de même, bien sûr, ce projet de loi de règlement par un vote positif.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mes chers collègues, c’est la troisième fois que nous examinons ce projet de loi de règlement. Trois lectures pour un projet de loi de règlement, cela fait longtemps que ce n’était pas arrivé ! La dernière fois, c’était en 1985 : bizarrement, l’histoire se répète. Concrètement, cela traduit deux problèmes.
Premièrement, votre majorité est éclatée. On le voit un peu à l’Assemblée ; c’est beaucoup plus clair au Sénat. Cela explique certainement la modification du mode de scrutin aux élections sénatoriales que vous avez opérée. Deuxième problème : votre politique fiscale est devenue anxiogène. Même dans vos propres rangs, on ne croit plus à la sincérité de vos comptes ! Les rentrées fiscales ne sont pas conformes aux prévisions de la loi de finances pour 2013.
On a bien parlé de l’Europe tout à l’heure : on peut bien parler maintenant de la réalité des chiffres de 2013 par rapport à 2012.
Gilles Carrez, président de la commission des finances, démontre régulièrement qu’au-delà de certains seuils, le rendement fiscal risque de décroître. Or vous avez réalisé 22 milliards d’euros de hausses d’impôts en 2012…
…et 24 milliards en 2013. Vous admettrez que c’est trop, beaucoup trop !
Parallèlement, le Gouvernement multiplie les annonces, et donc les futures dépenses. Il repousse cependant la question de leur financement : c’est là le danger de votre politique. 10 000 postes supplémentaires dans l’éducation nationale, outre les 60 000 postes déjà annoncés pendant la campagne électorale ; 100 000 places de crèche ; 2 000 postes supplémentaires, certes nécessaires, à Pôle Emploi cette année ; 30 000 nouvelles formations pour les demandeurs d’emplois – cette dernière annonce date à peine de deux jours, etc. Il est vrai que ces personnes ne seront plus comptées, à la fin de l’année, dans les chiffres du chômage : on comprend donc l’utilité de telles mesures !
Nous savons aussi que la MAP – la modernisation de l’action publique – se traduira concrètement par une hausse de la fiscalité de 1,5 milliards d’euros. C’est cela, votre réalité !
J’ai lu, ce matin, les déclarations de Michel Sapin à propos du chômage. Selon lui, le retournement n’est pas là, mais il voit – cela fait deux mois de suite que l’on nous en parle ! – un ralentissement : de telles déclarations ne sont qu’un exercice purement sémantique, et rien d’autre. Les Françaises et les Français confrontés au chômage connaissent, eux, la réalité. Ils ont bien compris que vous êtes dans le déni, dans l’évitement. Vos éléments de langage ne suffiront pas à traiter le fléau du chômage, non plus que la méthode Coué ou votre « boîte à outils » !
Vous n’avez pas pris en compte nos remarques sur le crédit d’impôt compétitivité emploi. Répondant à une question posée par sa propre majorité cette semaine, le Gouvernement a déjà reconnu la dérive de ce dispositif ! Le ciblage n’est pas adapté, même si nous pouvons tous convenir que, dans la période actuelle, il fallait intervenir pour accompagner notre industrie. Les défaillances d’entreprises ont d’ailleurs augmenté de 9,4 % d’avril à mai, par rapport à l’année dernière. Ce sont des réalités : 9,4 % de défaillances d’entreprises supplémentaires, ce sont 60 000 emplois concernés ! Vous pouvez bien faire des gestes de dénégation, mes chers collègues, les réalités sont là !
Monsieur le ministre, vous nous avez parlé d’un nouveau processus de transparence. Convenons qu’en matière de finances publiques, la transparence c’est, pour le moins, la sincérité des comptes.
Vous vous obstinez à refuser de présenter un collectif budgétaire, alors que les dépenses s’envolent, que les recettes diminuent et que nous ne sommes pas au rendez-vous de la croissance qui devait être de 0,8 % en 2013. Toutes ces réalités rendent nécessaire et impératif un collectif budgétaire, exercice de sincérité qui vous permettrait d’être en cohérence avec votre affichage de transparence.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.
La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs, il me revient donc, en qualité de rapporteur de la proposition de loi tendant à modifier la loi du 5 juillet 2011, de prendre la parole en premier.
Dans son rapport de mars 1837, Vivien, député de Saint-Quentin extra-muros, ancien préfet de police, écrivait sur la future loi de 1838 : « Nous n’avons pas voulu faire une loi judiciaire de procédure, une loi de chicane, nous avons considéré d’abord l’intérêt du malade. » Depuis la Chambre des Pairs, Portalis lui répondait, le 8 février 1838 : « Nous ne faisons pas une loi pour la guérison des personnes atteintes d’aliénation mentale, nous faisons une loi d’administration de police et de sûreté. »
La loi du 5 juillet 2011 a laissé, dans le monde de la psychiatrie notamment, une image de loi de police centrée sur le concept de dangerosité. Faisant suite au discours d’Antony du Président Sarkozy, elle a multiplié les avis pour les sorties d’hospitalisation des patients ayant passé un an ou plus en unité pour malades difficiles – les UMD – et des irresponsables pénaux et a étendu la contrainte hors les murs de l’hôpital à travers la notion de programme de soins. Vivien aurait sans doute vu dans cette notion l’intérêt du malade à travers la recherche de la continuité des soins.
Cette constance des regards et des postures intéresserait sans doute les structuralistes. Toutefois, ni Vivien ni Portalis n’auraient imaginé le contrôle judiciaire systématique des décisions d’hospitalisation sous contrainte institué par la loi du 5 juillet 2011, et ce pour satisfaire la Constitution telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010. Cette loi du 5 juillet a en effet été mise en oeuvre dans des délais extrêmement brefs pour contenter le Conseil constitutionnel. En effet, adoptée le 5 juillet, elle est entrée en vigueur le 1er août 2011. Nous devons à cet égard nous féliciter de la qualité et de l’intensité de la mobilisation des professionnels qui sont parvenus à la mettre en oeuvre sans trop de difficultés, en dépit du très court laps de temps dont ils ont bénéficié en plein été.
C’est à nouveau le Conseil constitutionnel qui nous conduit à légiférer aujourd’hui. Comme vous le savez, par sa décision du 20 avril 2012 rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité déposée par le CRPA, le Conseil constitutionnel a invalidé une partie des dispositions relatives aux UMD et aux irresponsables pénaux. Les garanties assurant le statut des patients, telles qu’elles figuraient dans la loi, n’étaient pas, de son point de vue, satisfaisantes.
Nous avons légiféré avec un parti pris : il n’existe pas de contradiction entre les intérêts du malade – en premier lieu, celui d’être soigné – et ceux de la société. Forts de cette conviction, nous avons d’abord examiné le régime de l’hospitalisation sous contrainte et, ensuite, les modalités de son contrôle judiciaire.
Concernant, en premier lieu, les modifications proposées au régime des soins sans consentement, il convient d’acter l’analyse du Conseil constitutionnel, lequel considère que les soins sans consentement ne sont pas susceptibles de contraintes, sauf dans le seul cas de l’hospitalisation complète. L’article 1er reprend cette analyse et précise les modalités selon lesquelles nous entendons modifier la loi du 5 juillet 2011.
Nous avons eu le choix de légiférer ou non sur les UMD et les responsables pénaux. Si nous avions décidé de ne pas légiférer, le régime de droit commun se serait appliqué sans qu’il n’y ait de conditions particulières tant pour les malades en UMD que pour les irresponsables pénaux. Tel n’a pas été notre choix. S’il nous a semblé que ces unités n’avaient pas à relever de la loi, nous avons, en revanche, pensé qu’il était nécessaire de maintenir un statut spécifique pour les irresponsables pénaux.
Pourquoi supprimer le régime légal des UMD ? Une telle structure est certes sécurisée, mais elle est une unité où sont prodigués des soins intensifs. L’encadrement y est particulièrement important, puisque le personnel médical et paramédical est trois à quatre fois plus nombreux que dans les services habituels de psychiatrie. Un dispositif soignant ne saurait, de mon point de vue, être un critère de discrimination à la sortie d’une hospitalisation sous contrainte. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression du régime légal des UMD, sachant que celles-ci sont bien entendu maintenues et que les soins y seront toujours apportés avec efficacité. Il est, en effet, assez remarquable de constater que le lien humain permet de soigner, comme en témoigne le parcours des patients en UMD.
Nous avons souhaité par ailleurs maintenir, pour les irresponsables pénaux, un régime similaire, les garanties relevant cependant désormais du domaine de la loi et non, comme à l’heure actuelle, du domaine réglementaire. Cette mesure ne concernera toutefois que les infractions les plus graves commises par des irresponsables pénaux.
C’est pourquoi la proposition de loi propose de maintenir le régime actuel en renforçant les garanties légales mais en les limitant aux auteurs d’infractions encourant une peine de plus de cinq ans pour les atteintes à la personne et de plus de dix ans pour les atteintes aux biens.
Pour le régime de l’hospitalisation, il faut rétablir le régime des courtes sorties non accompagnées. Un tel régime n’existant plus, cela oblige à établir un programme de soins pour une très brève période et à réinitialiser tout le processus avec toute sa lourdeur.
Enfin, nous explicitons les modalités d’hospitalisation des détenus malades mentaux compte tenu de problèmes d’interprétation.
Seconde partie, les modifications proposées au contrôle judiciaire. Soyons clairs, nous travaillons sur une loi qui n’a pas encore deux ans d’application puisqu’elle n’est entrée en vigueur que le 1er août 2011. M. Lefrand et M. Blisko ont fait un rapport sur les difficultés d’application, M. Lefrand ayant été le rapporteur de la loi du 5 juillet 2011. Dans la seule première année d’application, il y a eu 62 823 saisines. Le contentieux est très inégalement réparti puisque, à elles seules, vingt-huit juridictions totalisent plus de la moitié des décisions rendues.
Le rapport Blisko faisait différentes propositions, qui ont été reprises pour l’essentiel par la mission « santé mentale et avenir de la psychiatrie » et qui portent sur le lieu et la forme de l’audience, mais il y a d’abord la question du délai du contrôle judiciaire. Nous sommes aujourd’hui à quinze jours. Les certificats médicaux et le premier avis sur la poursuite de l’hospitalisation interviennent dans les soixante-douze heures de l’admission en soins. Il nous semblait possible de réduire ce délai – nous pourrons en débattre.
Compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne vais pas dresser la liste des documents de contrôle, mais il nous paraît possible de supprimer au moins le certificat dit du huitième jour, parfaitement redondant avec les certificats précédents.
Sur le lieu du contrôle, tous les avis sont cohérents et concordent, c’est à l’hôpital que le contrôle est le plus facile et le plus opportun pour les patients. Le principe doit donc être que l’audience se tient à l’hôpital et, si une mutualisation ne doit pas être impossible, elle doit cependant rester exceptionnelle. C’est bien au lieu d’hospitalisation du patient que doit s’exercer le contrôle, dans des conditions garantissant évidemment la justice.
S’agissant de la publicité, la mission dont je suis le rapporteur préconisait que les audiences aient lieu en chambre du conseil, mais il est apparu dans les discussions préalables à l’établissement de la proposition de loi que la publicité était importante non seulement parce qu’il s’agissait de libertés individuelles mais également parce qu’il fallait affirmer l’indépendance de la justice quand elle siège dans une enceinte hospitalière. Nous proposons donc que la publicité soit maintenue mais que la chambre du conseil soit de droit sur simple demande du patient ou de son avocat.
Enfin, l’assistance systématique d’un avocat est nécessaire. Il nous paraît singulier de considérer qu’une personne faisant l’objet d’un contrôle judiciaire parce que son état mental ne lui permet pas de consentir aux soins qui lui sont nécessaires pourrait être présumée comme ayant l’état mental permettant de choisir de recourir ou non à un avocat.
Ainsi que vous le savez, madame la ministre, cette proposition de loi est le fruit d’une collaboration intense avec le Gouvernement. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité. La réflexion de la mission dont je suis le rapporteur continue, et nous aurons ensemble à retravailler sur les dispositions relatives à la santé mentale que chacun attend dans la future grande loi de santé publique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, je tiens, puisque nous engageons un débat qui a une grande importance, même si l’ambition de ce texte est limitée, à saluer l’excellent travail mené à l’initiative de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Vous avez créé il y a environ huit mois une mission d’information « santé mentale et avenir de la psychiatrie ». L’engagement des parlementaires ayant travaillé au sein de cette mission nous permet aujourd’hui d’avancer de manière concrète.
Je veux tout particulièrement relever le travail remarquable accompli par le rapporteur de cette mission, rapporteur de cette proposition de loi, Denys Robiliard, et l’engagement de son président, Jean-Pierre Barbier. C’est ce qui nous permet, je le répète, d’avancer concrètement sur un sujet qui concerne évidemment au premier chef les malades et leurs familles mais également l’ensemble de notre société.
La mission a décidé dans un premier temps de concentrer ses travaux sur la question spécifique des soins sans consentement, à la suite des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur deux dispositions de la loi du 5 juillet 2011. Vous auriez pu en rester là. Néanmoins, vous avez souhaité aller au-delà d’une simple mise en conformité, afin de faire progresser encore les conditions dans lesquelles s’exercent les soins sans consentement. Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, le travail avec le Gouvernement a été intense, direct, et le Gouvernement soutient pleinement la démarche qui a été la vôtre. Il ne s’agit pas, je l’ai dit, d’une simple loi de mise en conformité même si des dispositions de mise en conformité ont évidemment leur place dans le texte. Il ne s’agit pas non plus d’une refonte totale des lois s’appliquant à la santé mentale. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce point à plusieurs reprises, la santé mentale fera l’objet d’une attention particulière dans la loi qui mettra en oeuvre la stratégie nationale de santé. Il s’agit donc d’un point d’étape, qui marque l’importance que, comme le Gouvernement, vous accordez à la santé mentale.
Un rapport d’étape, présenté devant la commission le 29 mai dernier, a dressé un état des lieux et établi une liste de préconisations. C’est à partir de ce travail que nous pouvons avancer.
Dans notre société, la maladie mentale est trop souvent appréhendée comme une inquiétante étrangeté, pour reprendre l’expression de Freud, inquiétante car elle reste trop souvent méconnue, étrangeté, car la différence de l’autre constitue encore une grande barrière à l’échange.
Il est vrai que les troubles psychiques recouvrent des réalités complexes et diverses. Celles et ceux qui en souffrent doivent d’abord être considérés comme des personnes malades. Chaque mot a son importance : des « personnes », car nous avons parfois tendance dans notre société à considérer que les malades souffrant de troubles mentaux ne sont plus des personnes à part entière ; des « malades », car ces personnes doivent être traitées comme telles et non comme des facteurs de trouble à l’ordre public.
Notre devoir est de prendre en compte leur vulnérabilité, en gardant toujours à l’esprit un constat : les personnes souffrant de troubles mentaux sont d’abord des victimes de violences, bien plus fréquemment qu’elles n’en sont les auteurs. Cette vulnérabilité est d’abord celle de la souffrance physique, psychique. La maladie mentale évolue tout au long de la vie. Elle est entrecoupée d’épisodes de crises et de périodes d’amélioration. Il y a également la vulnérabilité sociale. On ne dira jamais assez que tout est rendu plus difficile pour ces personnes malades. Les entraves du quotidien sont innombrables pour suivre un cursus scolaire, pour trouver un emploi ou un logement. Il y a, enfin, le courage des familles et des proches qui les accompagnent et les soutiennent chaque jour, et doivent eux aussi être accompagnés et soutenus.
Les soins dits sans consentement constituent, il faut le rappeler, une minorité des soins en psychiatrie. Ils n’ont pas pour objet de forcer ou de contraindre ceux qui ne le souhaitent pas à se soigner. Ils visent à prendre en compte une spécificité de la maladie mentale, qui ne permet pas toujours au patient d’adhérer d’emblée à la démarche de soins. Pourtant, le malade peut représenter un danger, pour lui sûrement, pour les autres parfois. Nous avons donc la responsabilité de trouver un juste équilibre entre les libertés individuelles, qui ne peuvent être déniées à la personne malade, les soins et l’ordre public.
La loi du 5 juillet 2011 est marquée par une inspiration sécuritaire. L’instauration d’une sorte de casier psychiatrique ou le renforcement des conditions de levée des mesures pour les malades hospitalisés en unités pour malades difficiles illustrent bien cette dérive. Personne, dans cet hémicycle, ne peut avoir oublié que cette loi a été décidée dans l’urgence, en réaction à une série de faits divers. La mobilisation du milieu de la psychiatrie était d’ailleurs à la hauteur du refus d’une démarche de stigmatisation des personnes souffrant de troubles psychiques.
La loi de 2011 est aussi une loi complexe. Pour les professionnels, il n’a pas toujours été facile de mettre en oeuvre ces nouvelles dispositions –et je pense non seulement aux professionnels de santé, mais aussi aux magistrats. Dans le même temps, elle comporte des avancées indéniables qu’il nous appartient de consolider.
Cette proposition de loi se fonde ainsi sur une philosophie, une approche nouvelle, qui place clairement le patient au coeur de la démarche. La révision des deux dispositions jugées contraires à la Constitution illustre bien ce parti pris.
Le texte prévoit ainsi de limiter l’application du régime plus strict de levée des soins sans consentement : celui-ci ne s’appliquera qu’aux irresponsables pénaux encourant un certain niveau de peine. En cas d’atteinte aux personnes, il concernera ceux qui ont fait l’objet d’une procédure pénale ayant entraîné une peine d’au moins cinq ans. Ce texte intégrera notamment l’ensemble des agressions sexuelles. S’agissant des atteintes aux biens, le régime plus strict concernera les personnes condamnées à au moins dix ans. Seuls les cas les plus graves, comme les destructions par incendie, relèveront de ce régime.
Ensuite, le texte que nous étudions propose de replacer les patients hospitalisés en unités pour malades difficiles, les UMD, dans le droit commun. Il s’agit à l’évidence d’une évolution profonde. En effet, la loi portée par le précédent Gouvernement faisait l’amalgame entre les malades difficiles et les malades dangereux. Il ne s’agit pas de nier qu’il peut exister des problèmes d’ordre public, mais la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques relève d’abord et avant tout d’un processus thérapeutique. Il était donc inconcevable de justifier des conditions de levée plus strictes pour des malades nécessitant avant tout des soins plus intensifs.
Mesdames, messieurs, il nous faut néanmoins aller au-delà, et c’est ce que vous avez souhaité, de la mise en conformité de la loi au regard de la décision du Conseil constitutionnel.
J’entends régulièrement les demandes des professionnels de santé, des soignants, des psychiatres, des directeurs d’établissement, mais j’entends aussi celles des associations, des patients et de leurs familles. La majorité d’entre eux met en évidence la nécessité de reconnaître de façon plus forte la place qui doit revenir aux patients, même lorsque ceux-ci souffrent de troubles mentaux. C’est toute l’ambition de la proposition de loi, qui vise à adapter la procédure judiciaire et le traitement aux spécificités de la maladie mentale.
Nous devons en effet améliorer la procédure judiciaire et, tout d’abord, faire en sorte qu’il soit tenu compte, dans le choix du lieu de l’audience, des besoins des malades. Le malade hospitalisé en psychiatrie n’est pas un justiciable comme les autres ; c’est pourquoi l’audience du juge des libertés et de la détention doit être adaptée à ses spécificités. Le tribunal n’est pas un lieu adapté aux personnes qui s’y rendent dans le cadre d’une hospitalisation en psychiatrie. L’audience doit donc pouvoir se tenir dans l’établissement de santé, tout en respectant les principes de la procédure judiciaire, et ce sera le cas.
Adapter la procédure judiciaire, c’est également rendre pleinement effectif le droit à être défendu. Ce texte propose donc de rendre obligatoire la présence de l’avocat. C’est un point important sur lequel vous avez insisté, monsieur le rapporteur.
Enfin, adapter la procédure judiciaire, c’est garantir au patient qu’il sera protégé par le secret médical. La personne souffrant de troubles psychiques ou son avocat pourront désormais demander que l’audience ne soit pas rendue publique.
Par ailleurs, j’ai bien noté, monsieur le rapporteur, la demande que vous avez formulée dans votre proposition de loi de ramener le délai d’intervention du juge de quinze à dix jours. Il est bien entendu inacceptable que des personnes soient maintenues à l’hôpital, alors que leur état ne le justifie pas ou plus. Néanmoins, le juge a besoin d’un délai pour statuer et organiser l’audience dans des conditions satisfaisantes. Le recueil des avis médicaux, l’évaluation du mode de prise en charge par les professionnels de santé, ou encore l’organisation de la saisine du juge, tout cela aussi demande du temps. Et les agences régionales de santé, qui sont impliquées, ne seraient pas toujours en mesure de répondre dans des délais excessivement courts.
Il nous faut donc trouver un compromis. J’entends votre demande et je souhaiterais que vous entendiez celle du Gouvernement que le délai auquel nous aboutirons permette à la procédure de se dérouler dans de bonnes conditions qui apportent des garanties au patient lui-même. C’est la raison pour laquelle je présenterai un amendement ramenant ce délai à douze jours, un délai inférieur à celui qui existe aujourd’hui mais qui nous semble plus compatible avec les contraintes qui s’imposent à l’administration.
Le second chantier, c’est celui de l’adaptation de la procédure de soins. Je pense d’abord aux sorties de courte durée. Lorsque l’état de santé des malades le permet, ces sorties progressives sont essentielles pour leur permettre de se réinsérer ; elles sont un élément à part entière du traitement. Les sorties d’essai ont été supprimées par la loi du 5 juillet 2011. Sans réinstaurer des sorties qui pouvaient durer plusieurs mois, et dont on voit bien que leur principe même présente des difficultés, la loi doit permettre à une personne hospitalisée sans son consentement de pouvoir sortir à l’essai pendant une période courte, par exemple un week-end ; et cela doit pouvoir se faire sans qu’il soit nécessaire d’établir un programme de soins, qui n’a pas de sens dans ce cadre et génère des procédures administratives inutiles.
Ensuite, la loi doit permettre de rendre moins complexe la procédure actuelle, notamment le nombre de certificats médicaux exigés. Leur multiplicité n’est pas nécessairement gage de sécurité pour le malade. Le contrôleur général des lieux de privation de libertés, Jean-Marie Delarue, a fortement insisté sur la nécessité d’apporter des réponses dans ce domaine. Je sais que votre mission d’information l’a auditionné. Je souhaite que nous avancions, comme cela est proposé.
Enfin, cette proposition de loi permet de renforcer les droits. Elle précise, tout d’abord, la notion de soins sans consentement. Trop souvent, l’amalgame est fait, je l’ai dit, avec les soins sous contrainte. Ainsi, la loi précisera qu’un patient faisant l’objet d’un programme de soins ne peut être contraint, sauf à être réhospitalisé, ce qui est la logique même de cette procédure. Le texte rappelle aussi un principe fondamental : les personnes détenues peuvent faire l’objet de soins avec leur consentement. Cela peut sembler une évidence à beaucoup de personnes, mais cela ne l’est pas suffisamment pour que nous n’ayons pas besoin d’apporter cette précision, qui avait été omise dans le texte de juillet 2011.
Mesdames et messieurs les députés, nous avons la responsabilité de faire progresser encore les conditions dans lesquelles s’exercent les soins sans consentement, en replaçant le patient au coeur de cette procédure. Responsables, nous le sommes devant les 50 000 personnes qui sont directement concernées, devant leurs proches et leurs familles. Nous le sommes également vis-à-vis de l’ensemble de nos concitoyens. Je vous appelle ainsi à soutenir cette proposition de loi. Votre soutien et votre implication en tant que parlementaires seront indispensables à la mise en oeuvre de ces dispositions.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons examiné, il y a plus de deux ans, un projet de loi qui portait sur les soins psychiatriques sans consentement. Ce texte avait suscité beaucoup de débats, car il était loin d’être la réforme globale attendue en matière de santé mentale, et avait été porté par une vision plus sécuritaire que sanitaire du sujet.
Tout le monde se souvient du discours de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, en décembre 2008, lors de la visite d’un hôpital psychiatrique à Antony. Ce discours, prononcé peu de temps après un fait divers dramatique survenu dans l’Isère, avait motivé l’écriture de la loi du 5 juillet 2011. Nombre de nos concitoyens souffrent d’une pathologie mentale, et bien des études montrent que l’on ne trouve pas plus de personnes dangereuses dans cette catégorie de la population ; elles sont même plutôt victimes que coupables, car leur état les rend vulnérables. Mais les préjugés et les peurs sont tenaces, et ce texte adopté en 2011 n’a pas contribué à les combattre.
Revenons à la proposition de loi examinée aujourd’hui et dont le dépôt a été rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, qui a censuré certaines dispositions, comme l’a rappelé le rapporteur. En estimant que la loi ne pouvait poser, pour les personnes relevant de ces deux catégories, des règles plus rigoureuses que celles prévues pour des personnes en situation comparable, le juge constitutionnel a joué pleinement son rôle de défenseur des libertés publiques. En différant l’effet de sa décision au 1er octobre 2013, il a offert au législateur une opportunité d’intervenir afin d’éviter tout vide juridique, ce qui serait catastrophique. Voilà la raison d’être de cette proposition de loi et de son calendrier d’adoption contraint.
Comme l’a bien expliqué le rapporteur, que je félicite à mon tour pour la qualité de son travail et pour son investissement sur le sujet, plusieurs dispositions de cette proposition de loi reprennent des recommandations figurant dans le rapport d’étape de la mission d’information « Santé mentale et avenir de la psychiatrie », présidée par notre collègue Jean-Pierre Barbier. Les recommandations de ce rapport, adopté en commission en mai, ont fait l’objet d’un large consensus parmi les personnes auditionnées ainsi que les membres de la mission. Je n’entrerai pas dans le détail du dispositif mais ferai deux remarques.
Tout d’abord, d’une manière générale, les dispositions proposées tendent à améliorer le contrôle et les conditions d’intervention du juge des libertés et de la détention. Il s’agit de mettre en oeuvre pour les personnes admises en soins sans consentement une justice plus rapide mais également plus adaptée à leur condition de patients. Cette évolution est significative et marque une différence profonde avec la philosophie qui animait le texte adopté par la majorité précédente.
La proposition de loi vise à mieux protéger les droits de la personne et le « bien-être » du patient, qui, rappelons-le, se trouve, lors d’une hospitalisation sans consentement, dans un état de souffrance psychique et physique important. À cet égard, je veux saluer l’avancée que constitue la tenue systématique des audiences à l’hôpital, car le transport des patients au tribunal, l’attente et le stress engendré par ce processus me sont toujours apparus comme une aberration.
Ma seconde remarque porte sur la détermination du délai dans lequel le juge doit intervenir pour contrôler une mesure d’admission en soins sans consentement. Par une décision importante du 26 novembre 2010, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les dispositions du code de la santé publique permettant de maintenir une personne en hospitalisation contrainte au-delà de quinze jours sans l’intervention du juge judiciaire, considérant que la préservation de la liberté individuelle nécessitait une intervention rapide. Une lettre rectificative avait donc modifié le projet de loi initial adopté en juillet 2011 : le législateur a fixé un délai de quinze jours à compter de l’admission en soins pour procéder au contrôle de la mesure.
Toutefois, certaines personnes jugent ce délai excessif, et le texte adopté par notre commission propose donc de le porter à dix jours. Je m’arrête un instant sur ce délai. La personne qui se trouve contrainte à des soins doit voir son cas examiné par un juge le plus vite possible, mais deux éléments sont à prendre en compte. Tout d’abord, la personne placée en soins sans son consentement l’a été, dans la presque totalité des cas, suite à une crise ; il convient de lui laisser le temps nécessaire pour récupérer et pouvoir valablement être entendue par un juge, une audience trop précoce ayant toutes les chances de lui être défavorable et d’amener le juge à confirmer son placement en soins. Sur un plan pratique, ensuite, il faut aussi veiller à ce que le délai arrêté soit compatible avec les possibilités de l’institution judiciaire. Ce délai doit permettre à la justice de travailler dans de bonnes conditions. Alourdir les charges d’une institution sans lui donner les moyens d’y faire face est une pratique malheureusement fréquente mais qui, à mon sens, n’est pas de bonne politique.
Nous allons donc être amenés à examiner cette question importante du délai lors de cette séance, et je ne doute pas que nous trouverons un compromis, car notre devoir est de voter une loi applicable et respectueuse des droits de chacun.
Je conclurai en disant que je souhaite ardemment – mais votre intervention, madame la ministre, m’a déjà rassurée – que les questions liées à la santé mentale fassent l’objet d’un volet important dans la stratégie nationale de santé ; je sais que vous y êtes très attachée. Je conclurai en citant le psychiatre Lucien Bonnafé, décédé en 2003, même s’il parle de fous, ce qui n’est pas un terme que j’aime, lui préférant l’expression « personnes atteintes de troubles psychiques » : « On juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses fous. » Je crois qu’avec cette proposition de loi, nous élevons le degré de civilisation de notre société.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, et qui est un point d’étape, comme l’a rappelé Mme la ministre, participe de ces textes très techniques dont la rédaction est délicate car elle doit parvenir à réaliser la synthèse de principes généraux de haut rang, du droit international et du droit constitutionnel, principes parfois contradictoires. Il s’agit en effet de conjuguer des principes directeurs de santé publique, de liberté individuelle, mais aussi de sécurité et de tranquillité publique. Y a-t-il synthèse plus délicate ? Et n’est-il pas regrettable que la discussion d’un texte aussi important pour plusieurs milliers de patients soit programmée à une période de l’année où les rangs de cet hémicycle sont fatalement plus clairsemés ?
En tout état de cause, il était nécessaire, comme l’ont rappelé les précédents orateurs, d’amender la législation actuelle du fait de la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012. Tel est l’objet de la proposition de loi.
Nous ne sommes pas, à ce stade, persuadés que la rédaction retenue soit la plus adaptée, en particulier pour les garanties à apporter aux programmes de soins ambulatoires sans consentement, les modalités d’admission en unités pour malades difficiles, ainsi que leur contrôle juridictionnel. Les explications du Gouvernement à cet égard seront les bienvenues.
Néanmoins, notre groupe, constamment soucieux de séparer le bon grain de l’ivraie, salue l’évolution d’autres aspects de la législation que l’on doit, une fois n’est pas coutume, à l’écoute des usagers, des professionnels de la psychiatrie et des fédérations hospitalières concernées par cette responsabilité de service public très particulière.
Nous apprécions ainsi la tenue des audiences dans les établissements de santé et la gradation améliorée du régime des sorties.
Des interrogations demeurent cependant, mais nous espérons que les débats permettront d’y répondre.
Notre première question concerne la référence explicite au ministère d’avocat. Nous ne sommes pas opposés à cette mention, mais elle nous paraît superfétatoire. Le principe des droits de la défense est en effet soigneusement défendu en droit français et européen. La mention au ministère d’avocat va de soi dans le cadre d’une procédure de soins en psychiatrie sans consentement, comme dans tous les autres domaines de la vie où des décisions peuvent faire grief.
Ne prenez-vous pas le risque de créer un précédent législatif ? Qu’en ira-t-il demain d’autres domaines où le ministère d’avocat n’aura pas été prévu par la loi alors qu’il s’impose de droit ?
Nous nous posons par ailleurs la question de ces situations où une personne peut être confinée, sans son consentement, dans une chambre d’hospitalisation ou un établissement social et médico-social, en dehors de tout régime légal spécifique de protection du droit des personnes.
Une personne âgée désorientée peut ainsi être admise en maison de retraite ou dans une unité de soins de longue durée sans y avoir véritablement consenti, en dehors de tout cadre légal et sans qu’il soit prévu le moindre contrôle.
Le même problème se pose pour le confinement, dans une chambre ou une unité, de personnes handicapées, notamment celles présentant des troubles des fonctions intellectuelles, cognitives ou psychiques. Selon l’avis rendu par la commission nationale consultative des droits de l’homme le 27 juin dernier, ces secteurs devraient également relever du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Qu’en pense le Gouvernement ?
Par ailleurs, et de la manière la plus anarchique qui soit, de plus en plus de dispositifs de géolocalisation sont proposés en vente libre sur internet alors qu’ils peuvent porter gravement atteinte au droit et à la dignité des personnes vulnérables. Certains pendentifs ou ceintures comportent ainsi des serrures pour contraindre leur utilisateur. La charte de bonnes pratiques pour les dispositifs de géolocalisation est une excellente initiative de la ministre déléguée aux personnes âgées, d’autant plus qu’elle associe le milieu industriel et la communauté médico-sociale des usagers et des professionnels responsables. Mais qu’en est-il du secteur sanitaire des unités de soins de longue durée, de la psychiatrie ou encore du secteur du handicap ?
Vous comprenez le sens de notre interrogation. Nous réfléchissons pour la psychiatrie dans un périmètre législatif étroit qui date de la loi de 1838, amendée en 1990 puis en 2011, mais les mêmes questions se posent pour le jardin voisin, celui du secteur social et médico-social, en établissement ou à domicile, qui touche le droit des personnes vulnérables.
Il serait nécessaire de se pencher sur la situation de ces personnes déficientes intellectuellement, désorientées ou confuses pour lesquelles se pose la question de la qualité et de la constance du consentement, en particulier dans le secteur sanitaire, social et médico-social. C’est d’ailleurs une recommandation de la conférence nationale de santé, énoncée avec raison dans un avis unanime le 18 juin. Qu’en pense le Gouvernement ?
Ma troisième question concerne les admissions en unités pour malades difficiles – UMD. Notre pays ne compte que onze structures de ce type pour près de 450 lits, ce qui signifie que le transfert dans une UMD est synonyme de déplacement dans une autre région, parfois lointaine. Un patient suivi à Sainte-Anne, à Paris, peut ainsi être admis à Aix. À cet égard, le cadre juridique issu de la proposition de loi n’est-il pas insuffisant par rapport aux enjeux de liberté individuelle ?
Enfin, parce que nous sommes aussi attachés aux libertés individuelles qu’à l’ordre et à la tranquillité publics, nous nous interrogeons sur le peu d’attention porté aux conditions de réintégration des patients qui n’observent plus leur traitement et leur programme de soins mais qui ne sont plus hospitalisés à temps plein.
Les soignants diligentés auprès d’eux pour rétablir l’indispensable observance des soins ne peuvent pas intervenir à domicile. Comment leur garantir le concours indispensable de la gendarmerie ou des pompiers dans ces situations sans doute rares mais à hauts risques, où aucune perte de temps n’est admise ?
Un décret d’application de la loi de juillet 2011 devait apporter des réponses, mais il n’est malheureusement pas encore paru. Cette proposition de loi ne fait plus référence à ce décret, mais ce n’est pas en brisant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre ! Que comptez-vous faire ?
En conclusion, parce que cette proposition de loi répond à une nécessité, le groupe UDI la votera, mais nous vous saurions gré de bien vouloir répondre aux questions qu’il laisse néanmoins en suspend.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour, au nom des écologistes, les travaux de la mission parlementaire sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, qui permettent de combler les lacunes en matière de droits des personnes soumises à des soins psychiatriques, depuis le vote de la loi du 5 juillet 2011. Cette loi, fille d’un fait divers dramatique, n’avait été analysée qu’au travers du prisme sécuritaire du précédent gouvernement. C’était l’époque où chaque fait divers donnait naissance à un projet de loi. Les décisions du Conseil constitutionnel témoignent d’ailleurs de la précipitation avec laquelle elle fut élaborée.
N’oublions pas que les personnes souffrantes sont avant tout des malades et bien plus souvent des victimes que des délinquants. Les professionnels classent les patients hospitalisés en psychiatrie en plusieurs groupes : 70 % relèvent de l’hospitalisation libre, 25 % le sont à la demande d’un tiers et seulement 5 % sont hospitalisés sans consentement. Ils sont loin de tous représenter un danger pour la société ! Il apparaît nécessaire de rééquilibrer un paradigme qui ne recueille pas l’assentiment des professionnels de la psychiatrie, stigmatise de surcroît la maladie mentale et donne aux hôpitaux une couleur carcérale qui n’est pas de mise.
L’actuel régime dérogatoire applicable à la sortie des personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles – UMD – requiert notamment l’accord du représentant de l’État. Or, les soignants ont l’ultime ambition, dans le cadre d’un régime de soins sans consentement, de créer une relation de confiance avec le patient pour l’amener à accepter l’idée qu’il est effectivement malade, qu’il a besoin d’un traitement et d’un suivi. Ainsi, non seulement le régime actuel ne se justifie pas au regard des impératifs de sécurité et d’ordre public, selon les conclusions de la mission parlementaire, mais il fragilise la relation de confiance entre le soignant et le patient en créant de surcroît une confusion des genres, puisque le représentant de l’État n’est pas un médecin.
Alors même que la commission de suivi médical et le préfet ont pu se prononcer en faveur de leur sortie, il arrive que des patients restent en UMD, parfois pendant deux ans, en raison du flou qui entoure l’application du texte. Je vous renvoie à l’avis rendu par le contrôleur général des lieux de privation de liberté le 17 janvier 2013.
Le retour dans le droit commun des patients admis en UMD s’impose donc, dans la mesure où il n’y a pas lieu de leur imposer un régime dérogatoire particulier.
Je salue également le choix de légiférer pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel plutôt que de s’en tenir au régime général des soins psychiatriques sans consentement, ce qui permettra de répondre, le cas échéant, aux problèmes de sécurité et d’ordre public posés par les patients jugés pénalement irresponsables.
Les sorties courtes seront facilitées, ce qui est une bonne chose d’un point de vue thérapeutique tant les liens familiaux ou sociaux sont fondamentaux pour la santé du patient.
Quant au délai accordé au juge pour statuer, il sera réduit de quinze à dix jours, ce qui correspond mieux au temps nécessaire pour apprécier la légitimité d’une hospitalisation sans consentement. Le juge exercerait ensuite son contrôle tous les six mois. Nous aurions préféré que le premier contrôle ait lieu au bout de quatre mois, aussi avons-nous déposé un amendement en ce sens.
Nous nous félicitons par ailleurs que le recours à la visioconférence ait été limité, car cette solution virtuelle pourrait aggraver le trouble de patients pour qui il est déjà difficile de communiquer. Nous avons par conséquent déposé un amendement visant à ce que le juge motive sa décision de recourir à la visioconférence pour en préserver le caractère exceptionnel.
Un mot sur la possibilité accordée aux parlementaires de visiter les établissements pénitentiaires. Ce droit existe déjà mais nous souhaitons qu’il soit étendu aux établissements de soin car c’est un moyen essentiel de contrôler les lieux de privation de liberté.
Je prends enfin acte de votre volonté de ne pas réduire la mission « Santé mentale et avenir de la psychiatrie » à la problématique des soins sans consentement en psychiatrie. Je forme le voeu qu’elle se penche sur une redéfinition des missions de la psychiatrie publique et sur les moyens nécessaires à leur réalisation, afin que la santé mentale figure en bonne place dans la prochaine grande loi de santé publique annoncée pour 2014.
Nous veillerons à ce que l’accent soit mis sur la prévention, grâce à l’instauration de conseils locaux de santé mentale, d’équipes mobiles chargées du suivi des patients mais aussi au renforcement de la formation des infirmières et des infirmiers pour lesquels la formation spécifique en psychiatrie n’existe plus depuis 1992.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous revient aujourd’hui de nous prononcer sur la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie, qui s’inscrit dans un contexte particulier, puisqu’elle vise à répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Le Conseil a en effet jugé, le 20 avril 2012, que certaines dispositions de la loi actuelle n’étaient pas conformes à la Constitution, en ce qu’elles portaient notamment atteinte aux droits de la personne.
Ces dispositions, qui concernent le régime dérogatoire applicable à la sortie des personnes ayant séjourné en unités pour malades difficiles ou déclarées pénalement irresponsables, seront donc abrogées au 1er octobre 2013.
Le Conseil n’a pas remis en cause le principe d’un régime plus strict, considérant que les garanties qui entouraient ce régime étaient de nature législative et non réglementaire.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste note dès lors avec satisfaction qu’un régime juridique spécifique est maintenu pour les personnes pénalement irresponsables, lesquelles ne sortiront de l’hôpital qu’après une étude approfondie de leur situation psychiatrique.
De surcroît, le fait que des dispositions soient limitées aux crimes et aux faits d’une certaine gravité nous semble correct.
Par conséquent, les droits des patients, qui relevaient jusqu’alors du domaine réglementaire, ainsi que la suppression du statut légal des unités pour malades difficiles permettant aux médecins de décider de l’état des patients et de leur admission dans lesdits services de soins particuliers, figureront dans la loi que nous nous apprêtons à voter.
Par ailleurs, il convient de relever que le texte améliore le régime juridique applicable aux soins sans consentement en précisant le régime de la prise en charge des personnes et en mettant en place un dispositif de sortie non accompagnée de courte durée, ainsi que la possibilité pour un détenu d’être hospitalisé en unité hospitalière spécialement aménagée sous le régime de l’hospitalisation libre.
Ces sorties non accompagnées de quarante-huit heures, toujours mises en place en prenant bien soin d’obtenir l’accord des soignants, et qui avaient été supprimées du texte en 2011, seront réintroduites dans la loi.
En outre, le fait que des auditions devant le juge des libertés et de la détention puissent se tenir dans une salle d’audience au sein de l’établissement de santé en présence d’un avocat satisfait également notre groupe. Pour nous, radicaux de gauche, cela correspond aux besoins des patients.
Enfin, la réduction des délais contribuera à l’amélioration du système judiciaire actuel. Cependant, nous nous interrogeons, madame la ministre, sur la capacité dudit système judiciaire à mettre en oeuvre un service public de la justice efficient.
Telles sont les lignes directrices de cette proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée et que le groupe RRDP soutiendra. Elle tend à réformer la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Pour les radicaux de gauche, il est essentiel que ce vide juridique soit rapidement comblé. Ce sera le cas le 1er octobre 2013.
Les modifications apportées par ce texte permettront de réorienter la loi vers le malade. Celui-ci était perçu depuis la loi de 2011 comme potentiellement dangereux pour la société. Or la psychiatrie se doit, sur le plan de l’éthique, de préserver la singularité et l’originalité des personnes qui se confient à elles ou lui sont confiées ; elle ne doit se concevoir qu’en relation avec les personnes en souffrance, leurs familles et amis, ainsi qu’avec les acteurs du champ médico-social et social.
Faut-il rappeler que les soins psychiques s’appuient sur la confiance, non sur la défiance, et nécessitent du temps afin que la relation soit au coeur du processus de soin ?
En tant que législateur, il est de notre devoir de démystifier le terme « schizophrène ». Ce mot, utilisé à tort et à travers et qui a perdu son sens premier de diagnostic, évoque une menace, qui accable les malades et leurs familles, et qui effraie jusqu’à leur voisinage et au-delà. Il faut faire la distinction entre un criminel ayant des troubles psychiatriques et un citoyen qui n’est pas une menace pour la société, mais qui est en souffrance psychique, dans un rapport intime à sa propre personne, à sa propre identité.
Toutes les modifications apportées par cette proposition de loi vont dans le bon sens en objectivant les troubles psychiatriques, tout en respectant les droits de chacun. Elle rétablit sur ce sujet, certes, complexe, des pratiques dignes d’une démocratie.
C’est pour cette raison que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc appelés à débattre une nouvelle fois des soins psychiatriques sans consentement. C’est un sujet important et complexe, et je regrette que nous ayons à le traiter dans l’urgence, sur l’injonction du Conseil constitutionnel. Je regrette également que le texte proposé se limite aux soins sans consentement, alors que, de toute évidence, les problématiques sont liées et justifient une loi-cadre sur l’organisation des soins en psychiatrie, une loi nécessaire et attendue tant par les soignants que par les usagers et leurs associations.
C’est le Conseil constitutionnel, en effet, qui, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré contraire à la Constitution une partie de la loi du 5 juillet 2011, jugeant les conditions de mainlevée d’une décision de soins psychiatriques sans consentement pour les personnes déclarées pénalement irresponsables ou ayant séjourné dans une unité pour malades difficiles trop rigoureuses par rapport à celles qui sont appliquées aux autres malades faisant l’objet de soins sans consentement.
La nécessité, aujourd’hui, de revenir sur une loi votée il y a deux ans à peine souligne ses imperfections. Car l’héritage de l’ancien gouvernement, ce n’est pas seulement une dette publique massive, c’est aussi un corpus de lois sécuritaires, votées dans la précipitation et sous le coup de l’émotion née, pour ne pas dire cultivée, après des faits divers tragiques. Des lois votées pour de mauvaises raisons, insuffisamment travaillées et imposées brutalement contre le professionnalisme des acteurs, véritablement mis en cause alors qu’ils sont confrontés à des problèmes extrêmement difficiles, et contre les principes constitutionnels.
Que dire du texte qui nous est proposé ?
Il est dommage, je le répète, qu’il soit examiné dans des délais courts, le Conseil constitutionnel ayant fixé au 1er octobre 2013 la date limite pour mettre la loi sur les soins psychiatriques sans consentement en conformité avec la Constitution. Mais ce n’est qu’une étape, du moins je l’espère.
Il faut cependant saluer le fait que ce texte est issu d’une mission d’information conduite par nos collègues Jean-Pierre Barbier et Denys Robiliard, auxquels je tiens à rendre hommage pour le sérieux de leur travail et l’esprit constructif et ouvert dans lequel ils l’ont mené.
Ce texte tend tout d’abord à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel concernant les UMD en supprimant toute mention légale de ces unités. Il s’attache par ailleurs à modifier d’autres dispositions de la loi de 2011 sur lesquelles les auditions et les visites effectuées ont attiré notre attention.
Ainsi, il aménage le régime spécifique des irresponsables pénaux, notamment en prenant en compte le degré de gravité des faits commis. Il réintroduit les sorties thérapeutiques de courte durée et prévoit des sorties non accompagnées de quarante-huit heures. Il réduit le délai d’intervention du juge et prévoit que les audiences du JLD se tiendront à l’hôpital, sauf cas de force majeure. Enfin, il facilite l’accès aux soins psychiatriques pour les personnes incarcérées. Disons-le d’emblée, il s’agit d’un texte qui va dans le bon sens, même si nous avons quelques regrets, sur lesquels je reviendrai.
Pourquoi est-ce un bon texte ?
Tout d’abord, parce qu’il rompt avec la vision sécuritaire qui présidait à la loi de juillet 2011 et qu’a censurée le Conseil constitutionnel. Ainsi, pour ne prendre que ces exemples, le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention est ramené de quinze à dix jours, et la notion de soins psychiatriques sans consentement en ambulatoire est clarifiée. Lors de l’examen du projet de loi présenté par la précédente majorité, nous avions dénoncé l’absurdité de cette notion, en soulignant à la fois que la contrainte ne peut être appliquée en ambulatoire et que l’assentiment au traitement est étroitement lié à la relation de confiance qu’un psychiatre cherche à établir avec son patient.
Le Conseil constitutionnel considère pour sa part qu’aucune mesure de contrainte à l’égard d’une personne soumise à un programme de soins psychiatriques en ambulatoire ne peut être mise en oeuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète. La proposition de loi reprend cette notion, certes complexe, mais essentielle, de soins sans consentement, mais aussi – et le plus souvent possible – sans contrainte.
Un autre apport de ce texte mérite d’être souligné : il inscrit dans la loi que toute personne incarcérée doit recevoir des soins psychiatriques si elle le demande. Cette mesure est importante et de bon sens, puisque, selon les études, près de huit hommes incarcérés sur dix présenteraient une pathologie psychiatrique. Elle exigera, bien sûr, pour être effective, que les moyens nécessaires soient consacrés à son application.
Néanmoins, je voudrais formuler quelques regrets.
D’abord, je déplore que le délai d’intervention du JLD soit ramené de quinze à seulement dix jours. Mme la ministre s’inquiète de ce raccourcissement de délai – nous en reparlerons. Pour notre part, nous avions pensé qu’un délai de cinq jours serait suffisant. Je regrette d’autant plus que cette solution n’ait pas été retenue que ce point avait fait consensus au sein de la mission et que les raisons invoquées ne me paraissent pas acceptables.
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, il est indiqué que « les discussions menées tant avec le ministère de la santé et des affaires sociales qu’avec le ministère de l’intérieur et celui de la justice ont fait apparaître que ce délai » – de 5 jours – « serait très insuffisant au regard des contraintes administratives et judiciaires. » S’il convient en effet de tenir compte de ces contraintes, il faut faire attention au poids qu’elles représentent face à l’enjeu.
En définitive, c’est le manque de moyens accordés à la justice qui conduit à risquer de prolonger inutilement l’hospitalisation sans consentement. Un mauvais esprit pourrait conclure que, pour ne pas encombrer les services de la justice, on décide d’encombrer les hôpitaux… Outre qu’il s’agit d’une atteinte à la liberté des personnes – ce qui n’est pas un détail, chacun, ici, en convient –, je me permets de rappeler que les journées d’hospitalisation ont, elles aussi, un coût, ce qui souligne la limite de ce genre de raisonnement.
Je regrette également que le préfet garde une place importante dans le processus d’hospitalisation sans consentement. Dans son excellent rapport, notre collègue Denys Robiliard atténue le rôle du préfet en le qualifiant de « subsidiaire », sans négliger cependant les difficultés et les dangers que recèle la référence à l’ordre public. Il rappelle ainsi le témoignage édifiant d’un psychiatre entendu pendant les auditions, qui évoque « la psychiatrisation de personnes qui ont refusé un contrôle d’alcoolémie en se querellant verbalement avec les forces de police un vendredi soir et qui aboutissent pendant soixante-douze heures en psychiatrie, alors qu’il n’y a aucun trouble psychiatrique, sans aucun recours, sans visite, sans communication et sans le bénéfice d’un avocat. »
J’ai bien compris que ce sont surtout les maires des petites communes qui tiennent au maintien des services de la préfecture dans le dispositif pour des raisons de commodité, mais aussi sans doute par habitude. Celui-ci pourrait donc être modifié sans dommage.
Cette disposition est d’autant plus regrettable que l’intervention du préfet explique pour partie le phénomène de « tourniquet » décrit dans le rapport : « Alors que d’autres malades attendent d’être pris en charge, des lits sont occupés en raison de la tendance des préfets à retarder la mainlevée des mesures d’hospitalisation sans consentement. Dès lors, afin de libérer des places, les établissements sont contraints de faire sortir d’autres patients trop tôt, ceux-ci risquant donc de devoir retourner en établissement à brève échéance. »
Ce même rapport soulève d’autres questions très importantes auxquelles cette proposition de loi ne répond pas, concernant notamment l’hospitalisation en psychiatrie des mineurs – mais j’ai noté qu’un amendement avait été déposé sur ce sujet et je m’en félicite – ou le fonctionnement des secteurs psychiatriques qui sont en grande difficulté et qu’il convient à la fois de réhabiliter et de développer.
Madame la ministre, vous évoquez souvent, et à juste titre, le parcours de soins : celui du malade mental est à reconstruire entièrement, tant pour permettre un diagnostic précoce et des traitements adaptés qu’un suivi rigoureux. Ces lacunes rendent plus que jamais nécessaire la loi de santé mentale que j’appelle de mes voeux. Pouvez-vous, madame la ministre, prendre des engagements sur cette question qui nous préoccupe ?
Enfin, je me permets de rappeler que l’avenir de la psychiatrie ne peut être dissocié de celui des hôpitaux publics. Lors des auditions, nous avons entendu qu’il fallait, selon les régions, de six à neuf mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psycho-pédagogique avec un pédopsychiatre public, ce qui n’est pas tolérable. A ce titre, la poursuite de la politique d’austérité budgétaire annoncée par le Gouvernement me fait craindre le pire – mais je veux encore espérer.
En conclusion, ce texte rompt avec la démarche sécuritaire qui inspirait la loi précédente – je le répète, car c’est essentiel – et il marque, malgré ses limites, d’indiscutables progrès dont je me félicite. C’est pourquoi les députés du groupe GDR le voteront sans hésiter. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux d’abord à mon tour saluer la qualité du travail de notre rapporteur, Denys Robiliard, et sa grande maîtrise d’un sujet complexe. Dans le cadre des auditions de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie dont il est également rapporteur, il a rapidement perçu la nécessité de revenir sur plusieurs dispositions de la loi du 5 juillet 2011. La décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 selon laquelle l’hospitalisation en UMD était imposée sans garanties légales suffisantes l’imposait. Le régime d’exception pour la mainlevée de l’hospitalisation sous contrainte de personnes séjournant ou ayant séjourné en UMD ne se justifiait pas. Les références spécifiques à l’UMD ont donc logiquement disparu du texte que nous examinons, ce qui nous ramène à la situation antérieure, c’est-à-dire au droit commun.
Je rappelle s’il en était besoin que nous ne proposons pas la fermeture des dix unités pour malades difficiles de France et leurs quelque 600 lits, mais bien la fin de leur statut juridique particulier. Je sais que sur ce point central du texte, comme cela nous a été dit en commission, nos collègues de l’UMP ont un avis radicalement différent et je ne doute pas que le président Accoyer, qui doit intervenir après moi, nous le dira.
Pour ne pas être redondant avec l’exposé du rapporteur, je ne ferai qu’énumérer les améliorations législatives proposées par le texte. La clarification de la prise en charge des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement est l’objet de l’article 1er et le rétablissement des sorties d’essai non accompagnées celui de l’article 2. L’article 5 réduit le délai de saisine du JLD au sixième jour d’hospitalisation et fixe le délai de sa réponse à dix jours – ou douze, comme le propose Mme la ministre –, contre quinze aujourd’hui. Cette modification rend inutile l’établissement du certificat médical du huitième jour. L’audience publique à l’hôpital, dans une salle spécialement attribuée, devient la norme, sauf cas exceptionnel, et les débats peuvent se poursuivre en chambre du conseil si le juge ou la personne en soins psychiatriques le demande. La présence de l’avocat à l’audience devient obligatoire. Nous reviendrons certainement, lors de la discussion des articles et des amendements, sur les points que je viens d’évoquer.
Pour nous, je le dis sans esprit polémique, la loi du 5 juillet 2011 peut être qualifiée de loi d’opportunité. Plusieurs intervenants ont rappelé sa genèse. La tonalité sécuritaire du discours du Président de la République Nicolas Sarkozy à l’hôpital Érasme d’Antony en décembre 2008, caractérisé par le mélange des genres, a fort légitimement suscité des réactions indignées et la réprobation des professionnels. Deux extraits le feront bien comprendre : « Les faits divers doivent nous interroger tous sur les lacunes de notre système d’organisation et de fonctionnement de la prise en charge des malades à l’hôpital psychiatrique », phrase qui dénote un véritable mélange des genres ; « Un hôpital ne sera jamais une prison, des malades en prison, c’est un scandale, mais des gens dangereux dans la rue, c’est un scandale aussi et il va falloir faire évoluer une partie de l’hôpital psychiatrique pour tenir compte de cette trilogie : la prison, la rue, l’hôpital, et trouver le bon équilibre et le bon compromis ». On comprend l’indignation des professionnels.
Je reconnais que la loi comportait une pépite, consécutive à la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 : le contrôle systématique du juge sur l’hospitalisation sans consentement. Malgré toutes les critiques formulées par le monde psychiatrique et le monde judiciaire, le rapport parlementaire des députés Blisko et Lefrand a attesté de la mobilisation exemplaire des professionnels. Je vous livre pour finir, madame la ministre et monsieur le rapporteur, trois interrogations. La première porte sur l’alinéa 8 de l’article 1er relatif à la capacité réelle d’un patient à exprimer clairement son avis et à comprendre l’information délivrée par le psychiatre. La deuxième porte sur les conditions d’accès du patient à son dossier médical, car la procédure actuelle ne semble pas adaptée à la situation d’un patient à l’audience. La troisième enfin porte sur l’effectivité de l’article du code de la santé publique disposant que l’ARS organise, en relation avec l’ensemble des acteurs, le transport des urgences psychiatriques, qui demeure à ce jour très problématique. Deux de mes collègues et moi-même avons par ailleurs déposé un amendement d’appel concernant la protection des mineurs hospitalisés dans des unités pour adultes.
En conclusion, j’invite bien entendu l’ensemble de mes collègues à voter la proposition de loi, qui améliore vraiment le texte de 2011. Cela sera, j’en suis sûr, la position unanime du groupe SRC.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Madame la ministre, mes chers collègues, la loi de 2011 relative aux droits et à la protection des patients faisant l’objet de soins psychiatriques a apporté un réel progrès de la réponse au difficile et douloureux problème de la prise en charge des malades psychiatriques. Élaborée après une longue préparation transpartisane et une vaste concertation, elle a en particulier fait évoluer les pratiques pour les soins sans consentement. Au prix, certes, d’inévitables lourdeurs administratives, ses dispositions ont apporté des améliorations globales parfois très importantes de l’efficacité des soins pour les patients, pour les soulager dans leurs souffrances comme pour leur permettre une meilleure réinsertion dans leur vie personnelle, sociale et même professionnelle. L’ampleur des avancées avait conduit le législateur de 2011 à prévoir l’évaluation de leur mise en oeuvre afin d’améliorer les dispositions du texte. Tel était le souhait des deux auteurs du rapport sur l’application de la loi, Guy Lefrand et Serge Blisko. Mais le 20 avril 2012, le Conseil constitutionnel, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré deux articles de la loi de 2011. Il est important de préciser que la censure ne visait pas à annuler les dispositions relatives aux soins sans consentement et au suivi renforcé mais à leur apporter des précisions de niveau législatif.
Nous voici, madame la ministre, au dernier jour de la session extraordinaire, en plein mois de juillet, obligés d’examiner en urgence un texte touchant à l’encadrement juridique des soins sans consentement, sujet éminemment complexe car il est au croisement des libertés individuelles, de la protection des personnes et de la sécurité publique. L’équilibre en la matière est délicat. On ne peut donc que regretter que le Gouvernement n’ait pas jugé utile de déposer à temps un texte que nous aurions pu discuter dans les délais raisonnables d’une procédure normale. Pour la loi de 2011, le législateur avait disposé de huit mois seulement entre la question prioritaire de constitutionnalité du 26 novembre 2010 et la date d’effet de la censure, fixée au 1er août 2011. Le président de l’Assemblée nationale que j’étais alors et le président du Sénat, Gérard Larcher, avaient indiqué au Gouvernement que les conférences des présidents de nos deux assemblées s’opposeraient à la mise en oeuvre de la procédure accélérée sur des textes touchant aux droits fondamentaux et éminemment complexes.
Il en est résulté que, dans le délai de huit mois fixé par le Conseil constitutionnel, l’élaboration de la loi a bénéficié de cinq lectures au Parlement, trois à l’Assemblée nationale en mars, mai et juin 2011 et deux au Sénat en mai et juin 2011, ce qui a été source d’un travail parlementaire approfondi. La décision du Conseil constitutionnel censurant deux articles de la loi de 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques date du 20 avril 2012, et l’entrée en vigueur de cette censure est prévue au 1er octobre 2013, soit un délai d’un an et demi, largement suffisant pour travailler sérieusement sur un texte nécessairement complexe portant sur un sujet difficile. Mais le Gouvernement a choisi de donner la priorité à la modification des modes de scrutin. Il a choisi la politique plutôt que la santé mentale. Opportunément, un important travail de suivi de l’application de la loi de 2011 avait été réalisé, préparant le terrain, ainsi qu’une mission d’information que la commission des affaires sociales avait créée.
On peut se réjouir d’ailleurs que les préconisations formulées sur l’application de la loi de 2011 par Guy Lefrand et Serge Blisko soient reprises dans plusieurs articles du texte. La lecture de leur rapport et les observations qu’ils y font montrent, s’il en était besoin, combien il convient d’être prudent lorsque l’on touche à l’encadrement juridique des soins psychiatriques sans consentement. La proposition de loi comporte donc des ajustements intéressants de la loi de 2011, fruits du suivi de l’application de ladite loi, en particulier la généralisation de la tenue des audiences dans une salle dédiée au sein des hôpitaux. Cette question avait d’ailleurs fait débat lors de la discussion de la loi de 2011, mais on redoutait alors une censure du Conseil constitutionnel. En effet, en pratique, les réticences de la hiérarchie judiciaire ainsi que des questions d’organisation ont eu raison de la volonté du législateur de permettre, autant que possible, la tenue des audiences dans les conditions les plus favorables pour le malade. Et la pratique a montré que l’écrasante majorité des audiences ont lieu dans les tribunaux, dans des conditions souvent inhumaines pour des malades par définition fragiles. Ce n’était clairement pas l’esprit de la loi. L’instauration du contrôle systématique par le juge des libertés de toute mesure d’hospitalisation sans consentement, demandée par le Conseil constitutionnel, constituait une importante avancée en matière de protection des droits des malades et du respect qui leur est dû.
Le juge intervient dans l’intérêt du patient pour contrôler la mesure de soins sous contrainte dont il fait l’objet. Il ne s’agissait en aucun cas de rendre l’expérience traumatisante pour des malades psychopathiques graves dont l’angoisse et parfois les délires sont une grande souffrance. Ils sont pourtant souvent transportés au tribunal, attendent à côté de gardés à vue menottes ou bien d’autres malades, parfois longuement. Évidemment, on ne peut que saluer la volonté d’avancer sur cette douloureuse question.
Vous avez ensuite décidé, monsieur le rapporteur, de toucher au délai d’intervention du juge pour le maintien de toute mesure d’hospitalisation sans consentement. Quand le rapport de la mission d’information annonçait qu’il convenait de réduire ce délai à cinq jours, vous avez finalement choisi le délai plus raisonnable de dix jours. Le délai de quinze jours avait été choisi en 2011 par prudence.
Le nouveau rôle donné au juge des libertés entraînait une augmentation importante du travail des magistrats qui aurait pu en pratique bloquer les procédures. Il faut ici saluer l’important travail conduit conjointement par le monde médical et le monde judiciaire qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble. En l’absence d’étude d’impact – le texte étant une proposition de loi et l’urgence ayant été déclarée –, si, à moyens constants, la Chancellerie considère qu’il est possible de réduire le délai de quinze à dix jours, nous n’y voyons pas d’inconvénient dans la mesure où cela constitue une adaptation de la loi de 2011 qui protégera mieux encore les patients. Vous proposez aussi, monsieur le rapporteur, la suppression du certificat médical du huitième jour, qui n’apparaissait pas indispensable, et la création de sorties thérapeutiques de courte durée réellement applicables, là encore recommandées par le rapport Lefrand. Si le texte s’arrêtait là, nous aurions pu soutenir sans problème ce qui constitue d’opportuns ajustements et de réelles améliorations de la loi de 2011.
Mais, monsieur le rapporteur, vous avez décidé, en contradiction avec les préconisations de votre propre rapport d’information, de présenter un texte qui revient sur une des avancées majeures de la réforme de 2011. Cette dernière avait élargi les modalités de soins sans consentement.
Ainsi, à la seule notion d’hospitalisation sous contrainte, elle avait substitué une forme moins contraignante de prise en charge, celle du programme de soins. Face à cet élargissement, elle avait prévu une possibilité de suivi spécifique, y compris en ambulatoire, pour des patients considérés comme potentiellement dangereux. Cette possibilité répondait à un besoin pour certains patients dont la prise en charge s’effectue dans des unités pour malades difficiles, dans lesquelles les conditions de sécurité sont renforcées autour d’un personnel médical nombreux et dévoué.
Le Conseil constitutionnel – puisque c’est sur ce point que porte sa censure – n’a jamais considéré que le législateur ne pouvait pas prévoir, pour certaines catégories de patients particulièrement dangereux pour eux-mêmes et pour les autres, des mesures dérogatoires plus strictes entourant les mainlevées de soins sous contrainte, lorsqu’il s’agit de créer les meilleures conditions pour protéger les personnes de psychopathes graves qui pourraient présenter un danger pour la collectivité. Il a simplement précisé que si le législateur choisissait de le faire, il devait par ailleurs prévoir des garanties suffisantes pour ces malades. En cela, l’article L. 3222-3 du code de la santé publique, qui définissait les UMD, n’était donc pas assez précis.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la première préconisation de la mission d’information dont vous avez été le rapporteur, monsieur Robiliard, proposait d’« introduire dans l’article L. 3222-3 du code de la santé publique les critères et la procédure d’admission en unité pour malades difficiles ». Certes, nous avions compris en lisant la seconde de vos préconisations que vous vous focalisiez uniquement sur les malades déjà reconnus irresponsables pénalement, mais cela constituait au moins un point d’équilibre autour duquel nous aurions pu discuter.
Cependant, nous avons été surpris et nous sommes inquiets de découvrir que votre proposition de loi supprime purement et simplement l’article L. 3222-3 du code de la santé publique. Découlaient en effet de cet article plusieurs dispositions contenues dans la partie réglementaire du code relatives aux UMD. Que va-t-il en advenir ?
Vous supprimez donc ici la possibilité même de prévoir un suivi spécifique pour certains patients jugés potentiellement particulièrement dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. Encore faut-il rappeler que cet encadrement dérogatoire ne concernait que les malades ayant séjourné continuellement depuis plus d’un an en unité pour malades difficiles.
Madame la ministre, mes chers collègues, est-il raisonnable de revenir sur l’équilibre d’un texte qui touche à des sujets aussi essentiels que les libertés individuelles, la protection des personnes et la sécurité publique au détour d’une simple proposition de loi, le dernier jour d’une session extraordinaire ? Nous aurions pu discuter ensemble, avec les professionnels, avec les associations de familles de malades et de handicapés psychiques,…
…améliorer le dispositif, prévoir une meilleure graduation du suivi spécifique. Or vous le supprimez au profit d’une approche expéditive : cela ne constitue pas du bon travail législatif.
J’ajoute, monsieur le rapporteur, que non seulement vous supprimez la référence aux UMD, mais surtout vous réservez la procédure sécurisée à des malades passés à l’acte et, de surcroît, ayant commis des actes particulièrement graves. En effet, aux termes de la proposition de loi dont nous discutons, seuls seront concernés les malades ayant commis des violences sur les personnes passibles de cinq ans de prison ou des atteintes aux biens passibles de dix ans de prison, et ayant été déclarés irresponsables.
Ce choix particulièrement discutable emporte au moins deux graves conséquences. D’abord, le dispositif ne s’appliquera que très rarement puisque, fort heureusement pour les malades eux-mêmes et pour la société, de tels passages à l’acte sont fort rares. Mais surtout, vous videz de toute portée préventive l’accès au dispositif des UMD : vous en excluez le contingent ultra-majoritaire en nombre de malades, dont l’évaluation médicale établit la dangerosité pour eux et pour les autres. Au passage, vous excluez le facteur aggravant déclenchant considérable des addictions concomitantes à une psychopathie grave.
À titre d’exemple, des violences ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail supérieure à huit jours sont passibles de trois ans d’emprisonnement : elles échappent donc au champ de votre proposition de loi. Avec votre texte, ne relèveraient des UMD que des violences sur les personnes passibles de cinq ans d’emprisonnement avec circonstances aggravantes – par exemple, des violences sur des mineurs, sur des personnes vulnérables, sur des ascendants ou sur magistrat, ou avec l’usage d’une arme. De même, l’acquisition, la cession ou la détention d’une ou plusieurs armes de catégorie C en l’absence de déclaration prévue est punie de deux ans d’emprisonnement : de telles initiatives de la part de psychopathes dangereux échapperaient donc à votre dispositif.
La suppression de la définition légale des UMD est donc préoccupante ; elle exposera à la création d’UMD sauvages. Mieux vaudrait réfléchir à distinguer les unités de soins intensifs – les USIT – des UMD. Actuellement, les praticiens placés devant des malades à l’évidence cliniquement très dangereux disposent de commissions de suivi pour partager et confronter leurs décisions face à des difficultés et à des responsabilités majeures. Qu’en sera-t-il demain ? Supprimer le dispositif, c’est méconnaître une bonne part de la clinique, tout autant que les effets aggravants de certaines addictions concomitantes.
Tout cela, la loi de 2011 l’a pris en compte mais vous l’écartez, de même que vous écartez des soins renforcés le plus grand nombre de ceux qui pourraient bénéficier du dispositif des UMD. Je vous propose donc, faute du temps indispensable à un bon travail législatif et à une large concertation, de réintégrer par amendement ce dispositif de suivi spécifique tout en précisant les conditions d’admission ou de sortie dans ces unités, tel que le Conseil constitutionnel le recommande. Faute de quoi, nous ne pourrons que nous opposer à l’adoption de ce texte qui supprime plusieurs des avancées de la réforme de 2011 pour les droits et la sécurité des malades psychiatriques dangereux, pour eux-mêmes et pour les autres.
Surtout, madame la ministre, redoutant les effets préoccupants des dispositions de cette proposition de loi, je vous demande instamment de prévoir dès maintenant la mise en place d’une mission transpartisane largement ouverte…
…sur cette délicate question des soins sans consentement, pour améliorer, s’il le faut comme je le crois, le dispositif. Car le débat est plus compliqué que celui entre l’obsession sécuritaire et l’angélisme. Il est surtout essentiel pour la santé et la sécurité des malades et le respect que nous leur devons.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites ; vous me pardonnerez si j’en répète quelques-unes.
Je commence par saluer le travail accompli par la mission transpartisane…
…qui existe déjà, mais aussi l’implication particulière de notre rapporteur et ses qualités remarquables qui ont servi cette proposition de loi. C’est d’ailleurs grâce à ce travail approfondi que celle-ci est aujourd’hui débattue dans notre hémicycle. Si un certain nombre d’entre nous estiment que le sujet ne les intéresse pas, c’est un autre problème.
La loi du 5 juillet 2011 a été élaborée à la suite de faits dramatiques. Elle a d’ailleurs, en son temps, été contestée par l’ensemble des professionnels de la santé et de la justice. Après deux ans d’application, elle devait être corrigée. Cette proposition de loi fait également écho à la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012.
Il faut le noter : l’encadrement légal des soins psychiatriques concerne dans notre pays plus de 60 000 personnes. Le nombre de placements sous contrainte a augmenté de plus de 40 % entre 2006 et 2011. Aussi devons-nous examiner en conscience les conditions qui garantissent les droits des personnes en rompant avec la politique sécuritaire qui stigmatise les malades psychiatriques qui peuvent être – il faut le reconnaître – exceptionnellement, voire rarement dangereux, et souvent victimes de violences et de maltraitances. Trouver un juste équilibre entre la prise en charge du patient et toutes les contraintes administratives auxquelles les acteurs sont confrontés est un enjeu primordial.
Tout d’abord, je me félicite de la suppression du régime spécial défini pour les UMD : il s’agit d’un point important. La réduction des délais, dont nous débattrons tout à l’heure, constitue aussi une avancée pour ceux de nos concitoyens relevant du dispositif. Enfin, considéré comme inutile et source d’une plus grande bureaucratie, le certificat des huit jours a été supprimé : cela rendra plus fluides les actions en la matière.
Particulièrement attachée à la protection de la vie privée des patients et à la garantie d’un traitement digne, je me réjouis que l’audience au sein de l’hôpital devienne la norme. Cela a été dit : elle évite la confusion entre patient et délinquant.
Présumer qu’un patient hospitalisé sans son consentement est en mesure de décider ou non de recourir à un avocat était une erreur. Cette proposition de loi prévoit l’assistance obligatoire d’un avocat pour assurer au patient une meilleure protection : il s’agit d’une avancée réelle.
Alors, bien que ces mesures constituent un progrès de la prise en charge des patients, de nombreuses interrogations demeurent. Toutes ces mesures sont nécessaires ; il sera primordial d’assurer les moyens permettant de les rendre effectives.
Aussi, je souhaite insister particulièrement sur un point : l’assistance obligatoire d’un avocat, que je soutiens bien entendu. Cette mesure n’est pas sans conséquences financières. Si certains patients peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle, cela peut représenter pour d’autres une charge considérable.
Chers collègues, cette dépense a un lien direct avec la santé de la personne.
Je souhaite donc qu’une réflexion soit conduite pour une prise en charge sociale – au sens large du terme – de cette assistance juridique, à l’instar de certaines catégories de personnes qui bénéficient aujourd’hui de dérogations pour obtenir l’aide juridictionnelle. On ne choisit pas d’être interné.
Une loi n’étant jamais parfaite, elle doit pouvoir faire l’objet de corrections au vu de son application : l’exercice auquel nous nous livrons aujourd’hui y contribue de façon significative.
En conclusion, même si les corrections apportées par la présente proposition de loi étaient nécessaires, les attentes des patients, de leur famille et de l’ensemble des professionnels concernés sont encore nombreuses. La question de la santé mentale devra trouver toute sa place dans une grande réforme de la santé, avec une loi sanitaire qui garantisse à la fois la qualité des soins et les libertés individuelles, une loi qui réponde aux attentes d’un pays comme la France en conformité avec les pratiques européennes et l’évolution de la médecine.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à adopter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, légiférer sur la maladie mentale est toujours un défi. Chacun se souvient de cette affirmation péremptoire de Jean-Jacques Rousseau, qui se trompait en écrivant dans le Contrat social : « La folie ne fait pas droit. » En effet, notre culture juridique fondée sur le libre-arbitre a souvent des difficultés à traiter avec justice ceux qui, en raison de la maladie mentale, peinent à être des sujets de droit.
Nous avons longtemps regardé les fous exclusivement comme des facteurs de trouble et comme une menace sociale : il suffit de se replonger dans L’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault. Il aura fallu bien du temps pour passer de la loi de 1838 sur les aliénés à la loi Évin du 27 juin 1990 relative – chaque mot compte – « aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation », qui avait pour fil conducteur la promotion des droits des malades hospitalisés, une meilleure garantie des droits des personnes hospitalisées sans leur consentement, des actions pour favoriser la réadaptation, la guérison ou la réinsertion sociale et la mise en place d’un meilleur contrôle des conditions d’hospitalisation.
Pourtant, rien n’est jamais acquis. J’ai en tête les paroles de mon ami psychiatre du service public Michaël Guyader, qui me disait, au lendemain du discours prononcé à l’hôpital Érasme par Nicolas Sarkozy : « Nous avons eu tort d’imaginer le progrès des aliénistes comme définitif. Il nous faut à chaque instant être vigilant. Il est nécessaire de replacer la dimension médicale au coeur de notre approche de la maladie mentale car, sinon, nous versons dans ce que certains psychiatres ont appelé la "nuit sécuritaire". Nous devons aussi regarder les malades mentaux comme des sujets de droit à part entière. » C’est fort opportunément ce que les décisions du Conseil constitutionnel nous ont invités à faire. C’est ce que nous faisons aujourd’hui, s’agissant des soins sans consentement, dans cette proposition de loi. Je me réjouis donc que l’on rétablisse des sorties de courte durée, que la loi de 2011 avait limitées à une durée maximale de douze heures. Contrairement à ce que le discours sécuritaire nous fait croire, les personnes hospitalisées sans leur consentement ne sont pas plus dangereuses que les autres.
Je me réjouis également que l’on renforce le contrôle du régime juridique des soins sans consentement, en réduisant – cela a été évoqué – de quinze à dix jours le délai de saisine du juge des libertés et que l’on impose l’assistance d’un avocat. En effet, les personnes les plus malades doivent pouvoir bénéficier de cette protection, car elles ne sont pas toujours en mesure de pouvoir la demander par elles-mêmes.
Que les audiences des personnes malades se tiennent à l’hôpital, voilà aussi une bonne mesure, un réel progrès : les contraindre à se rendre au tribunal était difficilement compréhensible pour des personnes malades qui n’avaient pas commis d’actes répréhensibles. Ceci entretenait une certaine confusion.
Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, cette loi est une première étape. Elle devra nous amener, dans la suite des travaux et des auditions menés par la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie – je veux saluer à mon tour le travail conduit par le président et par le rapporteur Denys Robiliard – à répondre à une demande forte : nous le savons, 20 % de la population est un jour ou l’autre, dans sa vie, concernée par la maladie mentale et deux millions de personnes sont des malades chroniques.
Il existe donc plusieurs piliers sur lesquels il nous faut travailler. Notre système de prise en charge de la santé mentale reste trop cloisonné. J’ai eu le bonheur de présider, pendant dix ans, un établissement de santé mentale : l’hôpital Barthélémy-Durand à Étampes. Même si nous étions dans un lieu d’invention du décloisonnement, nous mesurions chaque jour que l’hospitalisation reste trop importante, alors que les alternatives méritent d’être beaucoup plus développées. Il est temps que l’hôpital soit un partenaire et n’ait pas seulement des partenaires. Inspirons-nous de l’exemple de l’établissement public de santé mentale Lille Métropole, qui applique depuis des années les recommandations de l’OMS et qui a réussi à ouvrir complètement le service d’hospitalisation sur la ville. Renforçons également les liens avec le secteur social, médico-social et les médecins traitants : les associations de patients le réclament et elles ont raison. Il est urgent de mettre en place des parcours de vie pour les personnes malades qui suppriment les décloisonnements que j’ai évoqués, et que l’on parle de logement, de travail, d’isolement, d’insertion dans la cité, tous sujets sur lesquels les conseils locaux de santé mentale peuvent être de bons outils. Il nous faudra aussi parler des maladies somatiques dont souffrent les personnes atteintes de troubles psychiatriques. L’espérance de vie des personnes hospitalisées en hôpitaux psychiatriques est sensiblement inférieure à celle de la population dans son ensemble.
Il faut aussi travailler sur les diagnostics, trop souvent posés tardivement, évaluer les pratiques psychiatriques, réfléchir à la santé mentale en prison, insuffisamment prise en compte, et développer la recherche : la France n’y consacre que 2 % de son budget relatif à la santé mentale, contre 7 % en Angleterre.
Enfin, il convient de travailler sur l’accès aux soins et l’organisation territoriale de l’offre, qui reste problématique, avec une répartition des médecins psychiatres très hétérogène sur l’ensemble du territoire et des écarts d’un à dix selon les départements, non seulement en ville mais aussi à l’hôpital.
Je ne doute pas, madame la ministre, que des réponses plus complètes seront apportées dans la future loi de santé publique. La mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, dont je suis membre, poursuit ses travaux en ce sens car, comme le disait Louis Pasteur, on peut « guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours ». Puisque la présidente Lemorton a eu la bonne idée de citer Lucien Bonnafé, un psychiatre qui a beaucoup marqué mon département de l’Essonne, je veux terminer en citant un autre psychiatre essentiel : Tony Lainé. Je souhaite que nous répondions à l’invitation qu’il lançait lorsqu’il disait qu’il ne fallait pas renoncer à notre profonde solidarité avec la folie qu’il y a dans l’autre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de répondre à l’ensemble des orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. Je remercie tout d’abord mes collègues des félicitations qu’ils m’ont bien injustement adressées ; je ne les commenterai pas. Je veux ensuite répondre aux questions qu’ils m’ont posées, en me réjouissant évidemment de leur approbation et en remerciant tout particulièrement Mme Fraysse, M. Sebaoun et Mme Bouziane, pour l’assiduité remarquable dont ils font preuve dans le cadre de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie. Cette mission, créée en novembre 2012, a débuté ses travaux, monsieur le président Accoyer, en février 2013, et elle est présidée par notre collègue Jean-Pierre Barbier.
Le docteur Sebaoun s’interrogeait sur la capacité réelle d’un patient à comprendre le programme de soins qui lui est communiqué et à donner un avis. Si la question peut se poser, le patient est parfois parfaitement à même de comprendre et, quel que soit l’état de la personne, la recherche de l’alliance thérapeutique est essentielle. Qu’elle trouve de cette manière – peut-être n’est-ce pas la plus adroite – une traduction légale n’est pas inintéressant. Au demeurant, si elle figure d’ores et déjà dans la loi, c’est bien parce qu’il s’agit d’une exigence conventionnelle – je pense à la Cour européenne des droits de l’homme – et sans doute aussi constitutionnelle. C’est la raison pour laquelle cela demeurera dans la loi.
La question des transports, que vous avez évoquée à plusieurs reprises – j’y reviendrai dans ma réponse à M. Fritch –, me semble réglée aujourd’hui par la loi. Le problème est celui de l’effectivité de la loi et de la conclusion et de la mise en oeuvre des conventions qui devraient être localement passées entre les hôpitaux, l’ARS et les collectivités locales. C’est un problème de moyens et non plus, me semble-t-il, de législation.
Je me réjouis évidemment des propos qu’a tenus notre collègue Jérôme Guedj. Par une belle citation, il a inscrit notre propos dans l’histoire de la pensée puisqu’il est remonté jusqu’à Rousseau. La question des malades mentaux relève bien, me semble-t-il, de l’essence du politique et de ce que nous devons faire en tant que législateurs. J’ajouterai que Mme Bouziane pose une vraie question en ce qui concerne l’aide juridictionnelle : si nous proposons que l’assistance soit de droit, son financement au titre de l’aide légale ne l’est pas. Toutefois, dans une très grande majorité des cas, les malades mentaux bénéficient de cette assistance, par application de l’article 19 de la loi de 1991. Compte tenu des délais de mise en oeuvre de la loi, nous aurons évidemment la possibilité d’y revenir, si nous souhaitons corriger ce point, mais cela ne peut pas être fait aujourd’hui.
Monsieur Roumegas, vous partagez pour l’essentiel mes analyses. Vous avez également beaucoup parlé de dispositions qui ne sont pas dans la loi mais figureront dans une future loi sur la santé mentale. Je ne m’expliquerai donc pas à ce propos, si ce n’est pour vous dire que les travaux de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie se poursuivent et que, dans ce cadre, nous pensons que deux aspects que vous avez largement abordés peuvent constituer des solutions. Il s’agit en premier lieu des conseils locaux de santé mentale, qui sont sans doute un outil très approprié en termes de déstigmatisation et d’accès des malades mentaux aux dispositifs de droit commun. Ce sera sans doute l’objet d’une des recommandations de la mission, mais j’anticipe sans doute un peu. Il s’agit en deuxième lieu de la question de la formation des infirmières et des infirmiers. On sait que le statut spécifique des infirmiers psychiatriques a été supprimé en 1992 : la dernière génération des infirmiers psychiatriques a achevé sa formation en 1993. Cela se ressent dans les services psychiatriques. Là encore, la question d’une spécialisation – sans qu’il soit question de revenir à l’ancienne formation – peut s’envisager. Cela fait partie des éléments auxquels réfléchit la mission et qui pourront faire l’objet d’un travail que le Parlement aura à accomplir avec le Gouvernement.
Je me félicite des propos de Mme Dubié. Nous sommes sur la même ligne et fondamentalement en accord : je ne commenterai donc pas de manière plus détaillée son intervention.
Madame Fraysse, vous me suivez sur l’essentiel et, sans en être trop étonné, je m’en réjouis. Vous trouvez toutefois que nous n’allons pas suffisamment loin, que nous aurions dû poser la question du rôle du préfet. Nous aurons à travailler sur ces questions, peut-être pas dans le cadre d’une loi de santé mentale, mais à l’occasion d’une grande loi de santé publique. Il nous reste beaucoup de propositions à faire. En ce qui concerne le rôle du préfet, les choses ne sont pas simples. D’une part, le préfet est intimement associé aux questions d’ordre public. D’autre part, si la décision ne relève pas du préfet, à qui appartient-elle ? La majorité des décisions prises en matière d’hospitalisation sous contrainte ne sont pas prises par le préfet : 75 % de ces hospitalisations constituent des décisions administratives émanant du directeur d’établissement et seules 25 % d’entre elles sont décidées par le préfet. Il faut toujours avoir cela à l’esprit pour apprécier la réalité des choses et réfléchir à ces questions. L’alternative serait que le juge prenne la décision, comme cela se passe dans un certain nombre de pays européens, mais, si tel est le cas, comment le fait-il ? Est-ce une décision administrative sans contradictoire préalable, alors que l’essence de la justice réside dans le contradictoire ? Quel est l’intérêt d’une décision administrative pour le patient ? Si elle est prise de surcroît ab initio, quels éléments nourriront le dossier ? Faut-il que le juge rencontre la personne ? Si tel est le cas, il la rencontrera, dans la majorité des cas, alors qu’elle se trouve en crise, ce qui n’est pas le meilleur moment pour tenir une audience judiciaire. Des questions extrêmement lourdes demeurent donc posées. J’observe d’ailleurs qu’en 2007, si ma mémoire est bonne, le rapport Strohl avait déjà préconisé ces mesures, qui n’ont pas été mises en oeuvre.
Monsieur Fritch, vous avez posé d’intéressantes questions – je me réjouis d’ailleurs que le groupe UDI au grand complet puisse voter cette proposition de loi – tout en exprimant un certain nombre de positions sur lesquelles je ne vous suis pas. Vous estimez que les dispositions relatives au ministère d’avocat sont superfétatoires car elles s’imposent de droit. Je ne partage pas cette analyse : ce n’est pas parce que le ministère d’avocat est possible qu’il est obligatoire. Devant un tribunal correctionnel, sauf cas particulier, la personne n’est pas nécessairement assistée. La loi ne le prévoit d’ailleurs pas, contrairement à la cour d’assises, où il existe une obligation d’assistance : si le client ne souhaite pas que son avocat s’exprime, la tradition veut qu’il reste taisant, tout en restant au banc de la défense, à disposition de son client qui, à tout moment, peut se raviser. Celui-ci peut ainsi toujours compter sur un professionnel qui a étudié le dossier. On ne se trouve pas dans ce cas de figure. Si nous souhaitons que les patients soient systématiquement assistés devant le juge, il faut que nous le prévoyions. La loi du 5 juillet 2011 dispose que, si le patient, disposant d’un certificat médical, n’est pas présent devant le juge, il est obligatoirement représenté. Mais, hors ce cas, lorsque le patient est présent, il n’est pas nécessairement assisté : c’est à son choix. Il n’est donc pas superfétatoire que de le préciser.
Vous posez également la question des transports, notamment dans les cas nécessitant une nouvelle hospitalisation après la rupture d’un programme de soins.
Tout d’abord, la façon dont le Conseil constitutionnel a analysé la loi du 5 juillet 2011 permet de clarifier la question. En effet, ce dernier a affirmé de façon catégorique, et il faudra à cet égard consulter les conventions qui auront été rédigées, que les programmes de soins ne pouvaient pas faire l’objet d’une coercition. Au vu de cette interprétation, que nous avons donc choisi d’incorporer à la proposition de loi, nous proposons d’en rester à ce stade.
S’il y a rupture de soins, le psychiatre avise : quelle est la gravité des faits ? Quelle est la situation du patient ? Faut-il, pour pouvoir recourir à la coercition, passer à l’hospitalisation complète ? Cette dernière solution est la seule à laquelle le praticien peut recourir, et c’est seulement s’il choisit de le faire qu’il sera alors possible de prendre en charge, au sens le plus fort du terme, c’est-à-dire d’aller chercher le patient et de le transporter.
Ces dispositions figuraient dans la loi du 5 juillet 2011 et sont donc inscrites dans le code de la santé publique. Il était toutefois prévu un décret qui n’a pas été pris. L’article L. 3222-1-2 de ce code prévoit des conventions de suivi des patients en programme de soins – pour ne pas être trop long, je vous épargnerai l’énumération des parties à la convention – et comporte un volet de réintégration. Je vous renvoie également à l’article L.3222-1-1 A sur l’organisation de la réponse aux urgences psychiatriques, qui me paraît répondre à votre question.
Monsieur Accoyer, je n’oublie évidemment pas de vous répondre. Je me réjouis tout d’abord que vous souscriviez à une partie de la proposition de loi. Vous comprendrez néanmoins que je ne sois pas d’accord avec vous sur les autres éléments que vous avez développés.
Vous avez évoqué la question de la procédure parlementaire. Je sais bien qu’il est intéressant que les projets de loi comportent obligatoirement une étude d’impact et qu’ils soient adressés au préalable au Conseil d’État. Toutefois, je suis étonné que, chaque fois qu’une proposition de loi traite d’un sujet intéressant, important, touchant au coeur des libertés, on parte du principe que, émanant d’un parlementaire, elle serait nécessairement insuffisante par rapport à un projet. Sur le plan constitutionnel, la proposition est au même rang que le projet. Est-ce parce qu’une proposition est d’initiative parlementaire qu’elle est nécessairement de moindre rang, moins étayée, moins intéressante, moins travaillée qu’un projet ?
Au demeurant, j’avoue que, sur cette proposition – mais vous ne l’ignorez sans doute pas –, j’ai travaillé main dans la main avec le Gouvernement, en prenant mes responsabilités de parlementaire, en écoutant attentivement et en ayant des discussions parfois franches, comme on le dit en matière diplomatique. Par conséquent, que ce texte soit une proposition de loi ne me paraît pas condamnable et ne devrait pas à mon sens faire l’objet d’observations particulières si nous voulons donner au Parlement le rôle qui doit être le sien.
Vous mettez ensuite en cause le calendrier, faisant remarquer que, puisque nous sommes le 25 juillet et que c’est le dernier jour de la session, les bancs ne sont pas pleins. Seriez-vous comme ces écoliers qui estiment que le dernier jour d’école, on joue à la belote ?
Je vais revenir sur le choix de la procédure accélérée. Le dernier jour de la session, nous siégeons : les parlementaires travaillent et les textes qu’ils adoptent sont de véritables lois dont le rang n’est pas inférieur à celui des textes adoptés l’avant-dernier jour de la session. Où fixer la limite, dans ce cas ? Si on ne peut légiférer le dernier jour de la session, alors l’avant-dernier jour et l’antépénultième pourraient également être considérés comme non propices à nos travaux et on ne s’en sortirait pas !
J’en viens à la procédure accélérée.
Le Conseil constitutionnel a différé l’effet de sa décision au 1er octobre 2013, ce qui correspond bien à un délai de dix-huit mois, monsieur Accoyer. Permettez-moi cependant de rappeler que le travail a commencé, s’agissant de la seule hospitalisation sous contrainte, non pas avec le dépôt de ma proposition de loi mais avec la création de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, en novembre 2012, soit sept mois après la décision du Conseil constitutionnel. Cette mission avait d’ailleurs un caractère transpartisan, monsieur Accoyer, c’est pourquoi je m’étonne de la demande que vous avez formulée à ce propos…
Ce que j’ai dit était pour l’avenir ! Quant à la mission, elle a terminé son travail !
Je vous le concède, mais le fait de demander une mission transpartisane semble induire que celle dont je suis le rapporteur et dont M. Barbier est le président ne le serait pas. Je vous réponds donc qu’une mission a effectivement travaillé sur ce sujet et qu’elle a effectué une trentaine d’heures d’audition. Là encore, je ne vous suis pas.
La mission qui a été menée a peut-être permis de pallier l’absence d’étude d’impact…
…car elle a fourni un vrai travail sur ce plan.
Concernant la procédure suivie pour l’élaboration de cette proposition, j’ai entendu avec surprise que vous considériez que nous n’aurions mené presque aucune audition.
Je vous renvoie à la liste des auditions auxquelles nous avons procédé – elles sont au nombre de vingt-sept, si ma mémoire est bonne –, qui figure à la page 141 du rapport : nous avons entendu les représentants des usagers et des familles, les syndicats des personnels soignants, les fédérations hospitalières, les établissements de santé, les magistrats, greffiers et avocats, et, enfin, les autorités administratives indépendantes qui nous paraissaient devoir être consultées sur le sujet, à savoir M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des droits et, bien qu’elle ne soit pas une autorité administrative indépendante, la Commission nationale consultative des droits de l’homme. De véritables auditions ont donc eu lieu et il en est rendu compte dans mon rapport.
Avant d’en venir au fond, je souhaiterais faire une observation : monsieur Accoyer, vous affirmez que la proposition de loi, sur le statut des UMD, serait en contradiction avec les conclusions de la mission, mais ce n’est pas du tout le cas ! Je vous invite à comparer les recommandations de la mission au contenu du rapport.
Permettez-moi de citer un extrait de la page 19 du rapport d’information que j’ai déposé dans le cadre de la mission : « S’agissant des personnes séjournant en UMD, le maintien d’un régime distinct n’apparaît pas justifié. » Je cite ensuite les propos de Mme Questiaux. À la fin de cette même page figure le paragraphe suivant : « Dès lors, le maintien, à l’égard [des personnes ayant séjourné en UMD pendant un an ou plus], d’un régime renforcé pour la mainlevée des mesures de soins sous contrainte ne semble pas nécessaire, d’autant qu’il pèse à l’heure actuelle sur les personnes ayant séjourné en UMD au cours des dix dernières années, instituant de fait une sorte de " casier médical ". »
Mais vous oubliez votre première proposition, dans laquelle vous dites exactement le contraire !
Non, c’est faux ! Certes, nous n’envisagions pas, lorsque j’ai déposé ma première proposition, de supprimer purement et simplement le statut légal de l’UMD.
Je ne reconnais rien, monsieur Accoyer, je dis simplement que vous faites une interprétation clairement erronée des termes du rapport que je viens de vous citer.
Il ne faut pas confondre la partie et le tout. Peut-être y a-t-il eu une erreur d’interprétation de votre part, ce qui signifierait, mais cela serait étonnant, que vous n’auriez pas lu le rapport lui-même.
J’en viens maintenant au fond. Tout d’abord, concernant l’analyse de la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, vous revenez sur deux points : les UMD et les irresponsables pénaux.
En premier lieu, au sujet des irresponsables pénaux, le Conseil constitutionnel indique dans le considérant no 28 de cette décision : « Considérant que la transmission au représentant de l’État par l’autorité judiciaire est possible quelles que soient la gravité et la nature de l’infraction commise en état de trouble mental ; que les dispositions contestées ne prévoient pas l’information préalable de la personne intéressée ; que, par suite, faute de dispositions particulières relatives à la prise en compte des infractions ou à une procédure adaptée, ces dispositions font découler de cette décision de transmission, sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses […] ; ». Tel est ce qui fonde la déclaration d’inconstitutionnalité de la disposition.
Il est bien fait référence à plusieurs éléments : la gravité et la nature de l’infraction commise puis, concernant la procédure, le défaut d’information préalable de la personne et l’absence de procédure adaptée. On peut se demander si l’inconstitutionnalité découle de la réunion de ces trois éléments ou si chaque élément séparément constitue un motif suffisant. Pour être honnête, monsieur Accoyer, je ne pourrais pas vous répondre de manière assurée sur ce point.
Permettez-moi de vous exposer un exemple que j’ai rencontré non pas en tant que parlementaire mais dans le cadre de ma profession : une personne qui était montée sur une voiture parce qu’elle avait des bouffées délirantes, accomplissant ainsi un acte de dégradation volontaire qui n’était pas d’une gravité insigne, a été à l’époque hospitalisée d’office. Cette personne relèverait à présent du régime particulier, qui prévoit au moins cinq ans d’emprisonnement en cas d’atteinte aux personnes et au moins dix ans d’emprisonnement en cas d’atteinte aux biens. Les précautions que prend la loi se justifient vis-à-vis du peuple français.
En second lieu, s’agissant des UMD, elles constituent un dispositif thérapeutique, un dispositif de soins. Certes, elles répondent à une exigence de sécurité, et il suffit de visiter une UMD pour s’en apercevoir : c’est parfaitement sécurisé. Mais fondamentalement, les UMD permettent, grâce à un encadrement humain renforcé – le taux d’encadrement des UMD est beaucoup plus élevé que celui des unités de soins psychiatriques ordinaires –, d’améliorer la situation des patients. Il est d’ailleurs intéressant de constater dans ce cadre que l’humain est soignant et que, pour reprendre un vieux proverbe wolof, « l’homme est le remède de l’homme ». Voilà ce que sont les UMD.
Pourquoi faudrait-il que le passage en UMD, quelle qu’en soit la durée, se traduise par un régime dérogatoire s’agissant des conditions de levée de l’hospitalisation sans consentement ? Telle est ma réponse.
J’ai noté, monsieur Accoyer, que nous n’étions pas du tout d’accord – mais votre position est légitime – sur cette analyse. Mais puisque votre analyse est motivée par le critère de la dangerosité, je vous renverrai à la recommandation no 1 de la commission d’audition sur la notion de dangerosité psychiatrique de la Haute autorité de santé – c’est le dernier extrait dont je vous ferai la lecture : « Il convient de savoir et faire savoir auprès des professionnels, des décideurs politiques et de la population que les comportements de violence grave sont exceptionnels chez les personnes souffrant de troubles mentaux et qu’elles en sont plus souvent les victimes principales. »
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Je serai extrêmement brève, puisque M. le rapporteur a répondu à l’ensemble des questions qui avaient été posées.
Je voudrais d’abord saluer la tonalité de la quasi totalité des interventions qui, à une exception près, se sont inscrites dans le prolongement des propos de Mme la présidente de la commission, Catherine Lemorton : ce texte vise bien, au fond, comme vous l’avez exprimé, et ainsi que le souhaite le Gouvernement, à rompre avec une approche sécuritaire. Mme Jeanine Dubié a insisté sur le fait qu’il était important de déstigmatiser les patients, et c’est bien l’enjeu de cette proposition de loi.
J’en viens aux points précis qui ont été évoqués et qui étaient plus spécifiquement adressés au Gouvernement.
Mme Lemorton, Mme Fraysse et M. Guedj ont mis l’accent sur la nécessité d’inscrire le travail engagé sur la santé mentale dans une approche plus large de santé publique. La réflexion sur la notion de parcours de soins doit évidemment pouvoir concerner aussi les patients atteints de troubles psychiques, puisque, l’un d’entre vous l’a indiqué – je crois que c’est Jérôme Guedj –, il y a de plus en plus de malades mentaux chroniques. Nous ne pouvons donc pas agir comme s’il y avait, d’un côté, les maladies chroniques et, de l’autre, la santé mentale : nous devons avoir une approche commune.
Faut-il une loi spécifique relative à la santé mentale ? C’est à cette question que je voulais répondre. De très nombreux interlocuteurs issus du milieu psychiatrique souhaitent que des principes de santé publique soient posés qui s’appliquent aussi à la santé mentale et dont on puisse déduire des règles plus précises adaptées aux spécificités de cette matière.
La loi de santé publique prévue pour l’année prochaine posera les principes de la stratégie nationale de santé. Elle visera notamment à déterminer une nouvelle approche de la prévention, afin que celle-ci ne soit plus opposée aux soins. Cette approche et ces principes généraux s’appliqueront à la santé mentale comme à l’ensemble de la santé publique.
Voilà qui participe aussi d’une approche de déstigmatisation, pour reprendre la formule utilisée par Mme Dubié.
Jean-Louis Roumegas a mis l’accent sur la nécessité de limiter la visioconférence de façon extrêmement stricte. C’est bien la volonté du Gouvernement. La visioconférence ne peut en aucun cas se substituer systématiquement à l’audience. Moins il y aura de visioconférences, mieux ce sera, quand bien même on ne peut les écarter totalement. Quoi qu’il en soit, il faut bien évidemment un avis médical.
M. Sebaoun a mis l’accent sur les difficultés que rencontrent les patients atteints de troubles psychiques dans l’accès à leur dossier médical, non pas que cet accès leur soit interdit, mais parce que ces troubles peuvent les gêner pour en prendre connaissance. Pour la même raison, ces patients peuvent avoir du mal à exprimer leur avis. J’ai confié à Mme Claire Compagnon une mission sur la place des représentants des usagers dans les établissements de santé. Je souhaite que, dans le cadre de cette mission, la situation de l’ensemble des personnes vulnérables soit particulièrement prise en considération. Au nombre de ces personnes vulnérables, il y a, bien évidemment, les patients atteints de troubles psychiques.
Monsieur Fritch, vous avez insisté sur un point très important, celui du maintien en UMD du fait du nombre insuffisant de places dans les établissements. Vous avez même dit que certains établissements, en dépit du fait que, d’un point de vue géographique, ils sont les établissements de référence pour les patients, refusent d’en prendre en charge certains au motif qu’ils ne souhaitent pas s’occuper de personnes venant de façon intermittente. J’ai donné une instruction aux agences régionales de santé pour que les établissements soient sensibilisés sur ce point. Les patients ne doivent pas se retrouver dans une situation où, en l’absence de place en établissement, ils sont contraints de rester en UMD.
Madame Bouziane, vous avez évoqué la question de l’assistance juridique. C’est là un principe important, qui ne doit pas, toutefois, dans sa mise en oeuvre, se retourner contre les patients et aboutir à des restes à charge importants. Aujourd’hui, nous évaluons à 90 % la proportion de patients éligibles à l’aide juridictionnelle. C’est une première réponse car, pour toutes ces personnes, les frais d’avocats pourront être pris en charge par l’État.
Voilà les réponses que je voulais vous fournir avant que nous engagions le débat sur les articles de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie ;
Discussion de la proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron