Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 25 juillet 2013 à 9h35
Soins sans consentement en psychiatrie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs, il me revient donc, en qualité de rapporteur de la proposition de loi tendant à modifier la loi du 5 juillet 2011, de prendre la parole en premier.

Dans son rapport de mars 1837, Vivien, député de Saint-Quentin extra-muros, ancien préfet de police, écrivait sur la future loi de 1838 : « Nous n’avons pas voulu faire une loi judiciaire de procédure, une loi de chicane, nous avons considéré d’abord l’intérêt du malade. » Depuis la Chambre des Pairs, Portalis lui répondait, le 8 février 1838 : « Nous ne faisons pas une loi pour la guérison des personnes atteintes d’aliénation mentale, nous faisons une loi d’administration de police et de sûreté. »

La loi du 5 juillet 2011 a laissé, dans le monde de la psychiatrie notamment, une image de loi de police centrée sur le concept de dangerosité. Faisant suite au discours d’Antony du Président Sarkozy, elle a multiplié les avis pour les sorties d’hospitalisation des patients ayant passé un an ou plus en unité pour malades difficiles – les UMD – et des irresponsables pénaux et a étendu la contrainte hors les murs de l’hôpital à travers la notion de programme de soins. Vivien aurait sans doute vu dans cette notion l’intérêt du malade à travers la recherche de la continuité des soins.

Cette constance des regards et des postures intéresserait sans doute les structuralistes. Toutefois, ni Vivien ni Portalis n’auraient imaginé le contrôle judiciaire systématique des décisions d’hospitalisation sous contrainte institué par la loi du 5 juillet 2011, et ce pour satisfaire la Constitution telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010. Cette loi du 5 juillet a en effet été mise en oeuvre dans des délais extrêmement brefs pour contenter le Conseil constitutionnel. En effet, adoptée le 5 juillet, elle est entrée en vigueur le 1er août 2011. Nous devons à cet égard nous féliciter de la qualité et de l’intensité de la mobilisation des professionnels qui sont parvenus à la mettre en oeuvre sans trop de difficultés, en dépit du très court laps de temps dont ils ont bénéficié en plein été.

C’est à nouveau le Conseil constitutionnel qui nous conduit à légiférer aujourd’hui. Comme vous le savez, par sa décision du 20 avril 2012 rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité déposée par le CRPA, le Conseil constitutionnel a invalidé une partie des dispositions relatives aux UMD et aux irresponsables pénaux. Les garanties assurant le statut des patients, telles qu’elles figuraient dans la loi, n’étaient pas, de son point de vue, satisfaisantes.

Nous avons légiféré avec un parti pris : il n’existe pas de contradiction entre les intérêts du malade – en premier lieu, celui d’être soigné – et ceux de la société. Forts de cette conviction, nous avons d’abord examiné le régime de l’hospitalisation sous contrainte et, ensuite, les modalités de son contrôle judiciaire.

Concernant, en premier lieu, les modifications proposées au régime des soins sans consentement, il convient d’acter l’analyse du Conseil constitutionnel, lequel considère que les soins sans consentement ne sont pas susceptibles de contraintes, sauf dans le seul cas de l’hospitalisation complète. L’article 1er reprend cette analyse et précise les modalités selon lesquelles nous entendons modifier la loi du 5 juillet 2011.

Nous avons eu le choix de légiférer ou non sur les UMD et les responsables pénaux. Si nous avions décidé de ne pas légiférer, le régime de droit commun se serait appliqué sans qu’il n’y ait de conditions particulières tant pour les malades en UMD que pour les irresponsables pénaux. Tel n’a pas été notre choix. S’il nous a semblé que ces unités n’avaient pas à relever de la loi, nous avons, en revanche, pensé qu’il était nécessaire de maintenir un statut spécifique pour les irresponsables pénaux.

Pourquoi supprimer le régime légal des UMD ? Une telle structure est certes sécurisée, mais elle est une unité où sont prodigués des soins intensifs. L’encadrement y est particulièrement important, puisque le personnel médical et paramédical est trois à quatre fois plus nombreux que dans les services habituels de psychiatrie. Un dispositif soignant ne saurait, de mon point de vue, être un critère de discrimination à la sortie d’une hospitalisation sous contrainte. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression du régime légal des UMD, sachant que celles-ci sont bien entendu maintenues et que les soins y seront toujours apportés avec efficacité. Il est, en effet, assez remarquable de constater que le lien humain permet de soigner, comme en témoigne le parcours des patients en UMD.

Nous avons souhaité par ailleurs maintenir, pour les irresponsables pénaux, un régime similaire, les garanties relevant cependant désormais du domaine de la loi et non, comme à l’heure actuelle, du domaine réglementaire. Cette mesure ne concernera toutefois que les infractions les plus graves commises par des irresponsables pénaux.

C’est pourquoi la proposition de loi propose de maintenir le régime actuel en renforçant les garanties légales mais en les limitant aux auteurs d’infractions encourant une peine de plus de cinq ans pour les atteintes à la personne et de plus de dix ans pour les atteintes aux biens.

Pour le régime de l’hospitalisation, il faut rétablir le régime des courtes sorties non accompagnées. Un tel régime n’existant plus, cela oblige à établir un programme de soins pour une très brève période et à réinitialiser tout le processus avec toute sa lourdeur.

Enfin, nous explicitons les modalités d’hospitalisation des détenus malades mentaux compte tenu de problèmes d’interprétation.

Seconde partie, les modifications proposées au contrôle judiciaire. Soyons clairs, nous travaillons sur une loi qui n’a pas encore deux ans d’application puisqu’elle n’est entrée en vigueur que le 1er août 2011. M. Lefrand et M. Blisko ont fait un rapport sur les difficultés d’application, M. Lefrand ayant été le rapporteur de la loi du 5 juillet 2011. Dans la seule première année d’application, il y a eu 62 823 saisines. Le contentieux est très inégalement réparti puisque, à elles seules, vingt-huit juridictions totalisent plus de la moitié des décisions rendues.

Le rapport Blisko faisait différentes propositions, qui ont été reprises pour l’essentiel par la mission « santé mentale et avenir de la psychiatrie » et qui portent sur le lieu et la forme de l’audience, mais il y a d’abord la question du délai du contrôle judiciaire. Nous sommes aujourd’hui à quinze jours. Les certificats médicaux et le premier avis sur la poursuite de l’hospitalisation interviennent dans les soixante-douze heures de l’admission en soins. Il nous semblait possible de réduire ce délai – nous pourrons en débattre.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne vais pas dresser la liste des documents de contrôle, mais il nous paraît possible de supprimer au moins le certificat dit du huitième jour, parfaitement redondant avec les certificats précédents.

Sur le lieu du contrôle, tous les avis sont cohérents et concordent, c’est à l’hôpital que le contrôle est le plus facile et le plus opportun pour les patients. Le principe doit donc être que l’audience se tient à l’hôpital et, si une mutualisation ne doit pas être impossible, elle doit cependant rester exceptionnelle. C’est bien au lieu d’hospitalisation du patient que doit s’exercer le contrôle, dans des conditions garantissant évidemment la justice.

S’agissant de la publicité, la mission dont je suis le rapporteur préconisait que les audiences aient lieu en chambre du conseil, mais il est apparu dans les discussions préalables à l’établissement de la proposition de loi que la publicité était importante non seulement parce qu’il s’agissait de libertés individuelles mais également parce qu’il fallait affirmer l’indépendance de la justice quand elle siège dans une enceinte hospitalière. Nous proposons donc que la publicité soit maintenue mais que la chambre du conseil soit de droit sur simple demande du patient ou de son avocat.

Enfin, l’assistance systématique d’un avocat est nécessaire. Il nous paraît singulier de considérer qu’une personne faisant l’objet d’un contrôle judiciaire parce que son état mental ne lui permet pas de consentir aux soins qui lui sont nécessaires pourrait être présumée comme ayant l’état mental permettant de choisir de recourir ou non à un avocat.

Ainsi que vous le savez, madame la ministre, cette proposition de loi est le fruit d’une collaboration intense avec le Gouvernement. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité. La réflexion de la mission dont je suis le rapporteur continue, et nous aurons ensemble à retravailler sur les dispositions relatives à la santé mentale que chacun attend dans la future grande loi de santé publique.

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