Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 25 juillet 2013 à 9h35
Soins sans consentement en psychiatrie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons examiné, il y a plus de deux ans, un projet de loi qui portait sur les soins psychiatriques sans consentement. Ce texte avait suscité beaucoup de débats, car il était loin d’être la réforme globale attendue en matière de santé mentale, et avait été porté par une vision plus sécuritaire que sanitaire du sujet.

Tout le monde se souvient du discours de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, en décembre 2008, lors de la visite d’un hôpital psychiatrique à Antony. Ce discours, prononcé peu de temps après un fait divers dramatique survenu dans l’Isère, avait motivé l’écriture de la loi du 5 juillet 2011. Nombre de nos concitoyens souffrent d’une pathologie mentale, et bien des études montrent que l’on ne trouve pas plus de personnes dangereuses dans cette catégorie de la population ; elles sont même plutôt victimes que coupables, car leur état les rend vulnérables. Mais les préjugés et les peurs sont tenaces, et ce texte adopté en 2011 n’a pas contribué à les combattre.

Revenons à la proposition de loi examinée aujourd’hui et dont le dépôt a été rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, qui a censuré certaines dispositions, comme l’a rappelé le rapporteur. En estimant que la loi ne pouvait poser, pour les personnes relevant de ces deux catégories, des règles plus rigoureuses que celles prévues pour des personnes en situation comparable, le juge constitutionnel a joué pleinement son rôle de défenseur des libertés publiques. En différant l’effet de sa décision au 1er octobre 2013, il a offert au législateur une opportunité d’intervenir afin d’éviter tout vide juridique, ce qui serait catastrophique. Voilà la raison d’être de cette proposition de loi et de son calendrier d’adoption contraint.

Comme l’a bien expliqué le rapporteur, que je félicite à mon tour pour la qualité de son travail et pour son investissement sur le sujet, plusieurs dispositions de cette proposition de loi reprennent des recommandations figurant dans le rapport d’étape de la mission d’information « Santé mentale et avenir de la psychiatrie », présidée par notre collègue Jean-Pierre Barbier. Les recommandations de ce rapport, adopté en commission en mai, ont fait l’objet d’un large consensus parmi les personnes auditionnées ainsi que les membres de la mission. Je n’entrerai pas dans le détail du dispositif mais ferai deux remarques.

Tout d’abord, d’une manière générale, les dispositions proposées tendent à améliorer le contrôle et les conditions d’intervention du juge des libertés et de la détention. Il s’agit de mettre en oeuvre pour les personnes admises en soins sans consentement une justice plus rapide mais également plus adaptée à leur condition de patients. Cette évolution est significative et marque une différence profonde avec la philosophie qui animait le texte adopté par la majorité précédente.

La proposition de loi vise à mieux protéger les droits de la personne et le « bien-être » du patient, qui, rappelons-le, se trouve, lors d’une hospitalisation sans consentement, dans un état de souffrance psychique et physique important. À cet égard, je veux saluer l’avancée que constitue la tenue systématique des audiences à l’hôpital, car le transport des patients au tribunal, l’attente et le stress engendré par ce processus me sont toujours apparus comme une aberration.

Ma seconde remarque porte sur la détermination du délai dans lequel le juge doit intervenir pour contrôler une mesure d’admission en soins sans consentement. Par une décision importante du 26 novembre 2010, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les dispositions du code de la santé publique permettant de maintenir une personne en hospitalisation contrainte au-delà de quinze jours sans l’intervention du juge judiciaire, considérant que la préservation de la liberté individuelle nécessitait une intervention rapide. Une lettre rectificative avait donc modifié le projet de loi initial adopté en juillet 2011 : le législateur a fixé un délai de quinze jours à compter de l’admission en soins pour procéder au contrôle de la mesure.

Toutefois, certaines personnes jugent ce délai excessif, et le texte adopté par notre commission propose donc de le porter à dix jours. Je m’arrête un instant sur ce délai. La personne qui se trouve contrainte à des soins doit voir son cas examiné par un juge le plus vite possible, mais deux éléments sont à prendre en compte. Tout d’abord, la personne placée en soins sans son consentement l’a été, dans la presque totalité des cas, suite à une crise ; il convient de lui laisser le temps nécessaire pour récupérer et pouvoir valablement être entendue par un juge, une audience trop précoce ayant toutes les chances de lui être défavorable et d’amener le juge à confirmer son placement en soins. Sur un plan pratique, ensuite, il faut aussi veiller à ce que le délai arrêté soit compatible avec les possibilités de l’institution judiciaire. Ce délai doit permettre à la justice de travailler dans de bonnes conditions. Alourdir les charges d’une institution sans lui donner les moyens d’y faire face est une pratique malheureusement fréquente mais qui, à mon sens, n’est pas de bonne politique.

Nous allons donc être amenés à examiner cette question importante du délai lors de cette séance, et je ne doute pas que nous trouverons un compromis, car notre devoir est de voter une loi applicable et respectueuse des droits de chacun.

Je conclurai en disant que je souhaite ardemment – mais votre intervention, madame la ministre, m’a déjà rassurée – que les questions liées à la santé mentale fassent l’objet d’un volet important dans la stratégie nationale de santé ; je sais que vous y êtes très attachée. Je conclurai en citant le psychiatre Lucien Bonnafé, décédé en 2003, même s’il parle de fous, ce qui n’est pas un terme que j’aime, lui préférant l’expression « personnes atteintes de troubles psychiques » : « On juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses fous. » Je crois qu’avec cette proposition de loi, nous élevons le degré de civilisation de notre société.

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