Monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de création d’une commission d’enquête sur les conditions de la privatisation de la SNCM, déposée par notre collègue Paul Giacobbi et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, retient tout l’intérêt de notre groupe, étant donné l’inquiétude que suscitent la situation de la compagnie maritime et l’avenir du service public de continuité territoriale entre la Corse et le continent.
La SNCM se trouve en effet dans une situation critique et elle a connu, depuis sa recapitalisation-privatisation, de nombreux soubresauts. Le plus important d’entre eux est dû à l’attitude de la Commission européenne, qui exige d’elle le remboursement de 220 millions d’euros d’aides publiques ; par ailleurs, le jugement en première instance sur l’opération de privatisation en elle-même condamnerait la compagnie à une mort certaine.
Ces décisions ont été prises à la suite d’une plainte de l’entreprise Corsica Ferries, qui pratique un dumping social inacceptable. Je dois rappeler à l’Assemblée que cette compagnie low cost a été condamnée pour dégazage illégal d’un Mega Express au large du Cap Corse en mai 2004, et que sa candidature à l’appel d’offres de délégation de service public pour la période 2014-2023 a été rejetée, du fait de la vétusté de sa flotte.
Les deux décisions du tribunal européen s’appuient sur le principe de concurrence libre et non faussée, qui a été rejeté par les Français en mai 2005. Ce qui est en jeu, c’est la continuité territoriale et l’obligation, que nous revendiquons, de battre pavillon français de premier registre, comme le fait la SNCM, ce qui exige de repousser les limites que fixe la Commission européenne. En ce sens, nous partageons les craintes exprimées par la proposition de résolution. La situation de la SNCM est grave et les choix que l’on fait, en ce moment même, déterminent l’avenir de la compagnie et les quatre mille emplois directs et induits qu’elle génère.
Les menaces qui pèsent sur la compagnie sont liées, tout autant aux conditions de sa privatisation, qu’aux recours contentieux qui s’y trouvent mêlés, et que décrit parfaitement la proposition de résolution qui nous est soumise. Mais il est à craindre que la commission d’enquête détermine les causes de cette situation sans pouvoir, en raison de son spectre, produire des solutions.
Chacun sait, en effet, que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, notamment la décision de non-indexation de la dotation de continuité territoriale, qui a pour conséquence d’aggraver les coûts pour la compagnie, déjà touchée par l’envolée des prix des carburants. Et ce d’autant plus que la compagnie n’a pas fait les investissements nécessaires au renouvellement de sa flotte, qui pourraient se traduire par la construction de navires de nouvelle génération au gaz naturel liquéfié, plus sobres et plus écologiques.
Cette stratégie, qui a été annoncée par le candidat François Hollande dans son document « Le défi maritime français », a une dimension économique, industrielle et écologique majeure. Je l’ai dit, les conditions de l’attribution de la délégation de service public pour la période 2014-2023 sont au coeur des enjeux actuels. La décision, prise la semaine dernière, de procéder à un nouveau tour de table avec l’ensemble des candidats, fait à nouveau le jeu de Corsica Ferries, alors même que l’Office des transports de la Corse avait jugé son offre inacceptable.
Le syndicat des marins CGT des compagnies SNCM et CNM a déposé un préavis de grève de vingt-quatre heures reconductibles à compter du 27 juin 2013. Chacun mesure les conséquences qu’il aurait, si des négociations n’étaient pas entamées dès aujourd’hui.
Je profite donc de cette explication de vote pour appeler le Gouvernement à ouvrir une véritable négociation avec tous les acteurs concernés – collectivités territoriales, actionnaires de la SNCM et syndicats –, à trouver une solution privilégiant la qualité du service public de continuité territoriale, et à la financer.
Au coeur de toutes ces questions se trouve la transparence des aides apportées pour garantir la pérennité du service public de continuité territoriale. Mon collègue Gaby Charroux a fait en commission des finances la proposition d’élargir les prérogatives de la commission d’enquête et de lui confier l’examen de l’utilisation des aides apportées par l’État au titre de la continuité territoriale, et plus globalement de l’utilisation des fonds publics par la compagnie Corsica Ferries.
Nous regrettons que la commission n’ait pas accepté cette proposition, qui était de nature à gagner du temps et qui nous aurait permis de jouer parfaitement notre rôle, qui est de contribuer au développement de la SNCM, de répondre aux enjeux qui lui sont liés et de créer les conditions de la mise en oeuvre d’un projet ambitieux auquel tout le monde adhère, de transparence, de réindustrialisation, de transition écologique et de service public dans notre pays.
En dépit de cela, nous voterons cette proposition de résolution, en espérant que nos préoccupations relatives aux quatre mille emplois qui sont en jeu auront été entendues. ( Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)