Paul Giacobbi l’a dit, la collectivité territoriale de Corse n’a pas été directement associée, mais elle l’a tout de même été en partie. Ce que je peux dire, c’est que les circonstances l’ont voulu ainsi à l’époque, et que nous ne sommes pas arrivés à cette privatisation par hasard.
Il y eut d’abord une décision de la Communauté européenne en 2003, puisque depuis 1996, la SNCM est dans l’obligation de mise en concurrence : c’est l’Union européenne qui le dit et nous devons l’assumer.
Pendant longtemps, on a trouvé des subterfuges pour éviter que cette mise en concurrence ne soit trop dommageable, notamment sur le plan social. C’est pour cela qu’on a construit tout un système, comprenant un service de base et un système complémentaire, qui ne fait pas l’unanimité sur ces bancs.
Cette société a néanmoins des problèmes, car elle compte de trop nombreux emplois pour assurer sa délégation de service public, le service de la Corse ; qu’elle n’arrive pas, par ailleurs, à se développer sur l’ensemble des réseaux méditerranéens qui auraient pu être utiles ; qu’elle n’est plus capable de recapitaliser. En effet, en 2003, l’Union européenne a accepté une dernière recapitalisation à hauteur de 76 millions d’euros – mais 66 millions effectifs, puisque 10 millions ont été distraits – à la condition que l’État s’engage à céder une partie de la flotte et une partie de ses actifs.
Qu’allait-il en résulter ? Une crise sociale majeure, qui s’est fait davantage sentir à Marseille qu’en Corse. Or tous les élus, et tous les gouvernements successifs, quelle que soit leur tendance, ont tenu, dès avant 2002, à défendre et à proroger la paix sociale dans cette entreprise, qui puisait, aux trois quarts, dans le bassin d’emploi, de Marseille-PACA. C’est ainsi que la collectivité territoriale de Corse a été contrainte de créer une délégation de service public, susceptible d’atteindre cet objectif.
Puis l’Union européenne a dit qu’il fallait céder des actifs. En 2005, il y avait deux possibilités. Si vous en trouvez une troisième, il faudra l’exposer. La première, qui a été évoquée, c’était de laisser mourir l’entreprise à petit feu : la Société nationale maritime Corse Méditerranée, à 100 % publique pouvait-elle être laissée à l’abandon, jusqu’à la liquidation ? La deuxième possibilité consistait, comme cela avait été fait auparavant pour Air France, à ouvrir le capital. Certains voulaient une ouverture totale, mais pour ma part, lorsque nous avons été associés à cette discussion ultérieurement, j’ai fait partie de ceux qui se sont opposés à la privatisation totale. Nous avons non seulement demandé que l’État reste dans le capital – nous espérions qu’il conserverait 33 % des parts, et il n’en a conservé que 25 % – et j’ai moi-même demandé que les salariés soient associés au capital : ils le sont à hauteur de 9 %, ce qui fait un total de 34 %, au-delà de la minorité de blocage. C’était une option, et c’est celle que nous avons choisie.
Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles cela s’est passé. On dit, et c’est peut-être vrai, qu’il y eut un marché de gré à gré. Il y a peut-être eu, comme cela se fait aujourd’hui, cher Paul Giacobbi, dans le cadre de la délégation de service public, un appel d’offres infructueux, suivi d’une négociation. C’est ce que nous faisons aujourd’hui, parce que nous n’avons pas d’autre solution.
Je ne sais pas si c’était la seule possibilité ; rien ne dit que ce n’était pas possible, rien ne dit que ce n’était pas souhaitable. La vraie question touche aux cessions d’actifs et à l’arrivée de ce que nous avions initialement demandé, un professionnel du transport, ou plutôt un industriel, qui s’appelle Veolia. Il est vrai que Veolia n’était pas, à proprement parler, un spécialiste du transport maritime, mais ce que je crois savoir, c’est qu’à l’époque, aucun des grands opérateurs du transport maritime dans cette partie de la Méditerranée, au départ de Marseille, n’était franchement prêt à venir sur ce segment et à reprendre une entreprise qui présentait des problèmes sociaux importants.
Telle était la situation de départ. Des interrogations légitimes existent, et nous ne nous opposerons jamais à ce que la lumière soit faite sur ces dossiers.
Aujourd’hui, Bruxelles sanctionne les aides perçues au titre du service complémentaire et le Gouvernement veut faire appel de cette décision. Le Tribunal de première instance de l’Union européenne a annulé la décision prise par la Commission européenne. Le Gouvernement et l’Union européenne s’opposent, et nous devons défendre le service maritime pour la Corse. C’est pour moi l’essentiel. Le groupe UMP ne s’opposera pas à la création de cette commission d’enquête.