En outre, le traité n'est pas le carcan budgétaire ni l'atteinte à la souveraineté nationale que certains redoutent.
L'article 3 pose le principe d'un déficit structurel annuel des administrations publiques qui ne peut excéder 0,5 % du PIB. L'introduction d'une référence au déficit structurel remonte à la révision du pacte de stabilité en 2005. Ce que le traité budgétaire change, c'est de fixer la limite maximum de déficit structurel à 0,5 % du PIB au lieu de 1 %.
Cette notion de déficit structurel laisse ouvertes des possibilités de négociation et offre des marges de manoeuvre importantes aux politiques nationales – nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du projet de loi organique. D'abord, il y a des débats sur la méthode de calcul de ce déficit. Ensuite, sur le principe, le fait de neutraliser l'impact de la conjoncture et de définir une trajectoire à moyen terme pour atteindre l'objectif voulu permettra de mener, si nous le souhaitons, des politiques contracycliques, c'est-à-dire de soutenir l'activité dans les périodes de faible croissance. S'y ajoute la possibilité de tenir compte de circonstances exceptionnelles, notamment de la perspective d'une récession économique.
J'insisterai enfin sur un point : des économistes ont calculé que la règle des 0,5 % de déficit structurel est en fait moins contraignante que les engagements politiques de réduction des déficits pris par le Président de la République et le Gouvernement. Car les choix budgétaires que notre majorité a faits ne sont pas imposés par le traité. Nous les tiendrons parce que le Président de la République a été élu par les Français sur ce programme et parce qu'ils correspondent à notre intérêt national.
Car, alors que le service de la dette est devenu le premier budget de la nation avec 50 milliards d'euros, seul le retour progressif à l'équilibre des comptes peut dégager des marges de manoeuvre pour financer nos priorités et nous libérer de la pression des marchés financiers. C'est aussi un devoir moral : nous ne pouvons pas faire supporter aux jeunes générations le poids du surendettement de leurs aînés.
Enfin, nous devons rassurer nos partenaires européens et les investisseurs financiers sur le sérieux de la politique budgétaire française, après – je le souligne une nouvelle fois – une décennie où la France n'a pas été un exemple en la matière, et c'est un euphémisme. De 2002 à 2011, notre pays a en effet affiché un déficit public global de plus de 3 % du PIB durant sept années sur dix. Au cours de la même période, notre dette a augmenté de 800 milliards d'euros et son poids dans le PIB s'est accru de 45 %. Bien sûr, il y a eu la crise, mais l'augmentation de la dette a été plus forte en France que chez tous nos principaux partenaires.
Pour tous ces motifs, et contrairement à ce qu'a prétendu M. Mariton tout à l'heure lors des questions au Gouvernement, je considère que le Gouvernement a raison de vouloir faire de nouveau passer le déficit public au-dessous de la barre des 3 % du PIB.
En ce qui concerne l'atteinte à la souveraineté nationale, je ne crois pas non plus que l'on puisse la retenir comme argument. Certes, l'article 3 stipule aussi que chaque État doit se doter d'un mécanisme de correction dit « automatique » des dérives. Il exige également que des organismes indépendants soient désignés, au niveau national, pour contrôler l'application et le respect de la règle de l'équilibre budgétaire. Enfin, il impose que, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du traité, les États signataires transcrivent, dans leur droit national, l'ensemble des obligations que je viens de décrire.
Cependant, la rédaction du traité laisse ouvertes des options multiples quant à cette transposition. Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel et comme l'ont rappelé les ministres, nous n'avons pas besoin d'une révision de la Constitution et nous pouvons nous en tenir à une loi organique.
Le Président de la République, contrairement à ce que souhaitait son prédécesseur, a choisi cette voie. Le recours à la loi organique préservera entièrement la souveraineté nationale et les prérogatives du Parlement. De même, comme l'a observé le Conseil constitutionnel, le traité laisse à chaque État le soin de définir le mécanisme de correction et garantit le respect des prérogatives des parlements. Quant à l'obligation de disposer d'un conseil « indépendant » sur les questions budgétaires, comment le Parlement pourrait-il s'en offusquer après tant d'années à discuter de la validité des prévisions économiques et budgétaires des gouvernements successifs et à chercher à développer sa propre expertise ?
Les autres dispositions du traité ne me paraissent pas non plus justifier les craintes que beaucoup expriment.
L'article 7 porte sur les votes au Conseil quand un État ne respecte pas les règles relatives aux déficits et que l'on doit déclencher une procédure de surveillance. Il empêchera simplement le renouvellement des malheureuses expériences de 2003 et de 2007 lorsqu'une simple minorité de blocage avait évité l'application de procédures à la France et à l'Allemagne.
L'article 8 donne compétence à la Cour de justice de l'Union européenne pour contrôler la transposition par les États de la règle d'équilibre budgétaire prévue à l'article 3. Là encore, la portée de cet article ne doit pas être surestimée : en aucun cas les lois de finances de chaque État membre ne seront déférées aux juges de Luxembourg. Ces lois sont et demeureront des actes de souveraineté et seront adoptées par chaque parlement, conformément aux constitutions nationales.
Enfin, le traité comprend également deux autres titres, consacrés à la coordination des politiques économiques et à la gouvernance de la zone euro. Sur le principe, je ne peux qu'approuver ce souci de meilleure coordination et de meilleure gouvernance. En pratique, la portée de ces dispositions apparaît assez limitée. Je salue tout de même la mention, à l'article 13, d'une conférence réunissant les représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des Parlements nationaux. J'y reviendrai.
Vous le voyez, la portée du traité budgétaire ne doit pas être surestimée. Les innovations qu'il contient sont, somme toute, marginales. Et, comme j'ai eu l'occasion de le préciser, les engagements qu'il impose ne sont pas plus élevés que ceux que nous avons pris devant les Français et que nous tiendrons car c'est notre intérêt national.
Au-delà, on ne peut considérer le traité isolément. Il est indissociable des compléments qui lui ont été apportés grâce à l'action du Président de la République et du Gouvernement.
Lors du Conseil européen du mois de juin dernier, les chefs d'État et de gouvernement ont adopté un pacte pour la croissance et l'emploi – le ministre délégué aux affaires européennes vient de l'évoquer –, avec des retombées concrètes dont certaines ont été chiffrées et, pour notre pays, identifiées – le ministre délégué a donné des indications précises à la commission sur les projets d'investissement dont les retombées, j'y insiste, peuvent se révéler importantes pour la France.
Certains d'entre vous estiment que le montant du pacte de croissance est trop limité. Sans doute ne s'agit-il, de fait, que d'un premier pas, mais je vous conseille, mes chers collègues, de ne pas dédaigner un dispositif de 120 milliards d'euros qui, par un effet de levier sur l'investissement privé, pourrait très bien atteindre la somme de 240 milliards. Dans la situation actuelle, et avec l'héritage que nous avons à gérer, il ne me semble pas que nous puissions refuser la mise en place d'actions pouvant représenter cinq, six, voire sept milliards d'euros de retombées concrètes pour notre pays.
Outre le pacte de croissance, le Conseil européen a également accompli d'importants progrès en faveur de la mise en place prochaine d'une taxe sur les transactions financières et d'une supervision bancaire européenne : il s'agit là des premiers pas vers une union bancaire, laquelle devrait déboucher un jour, selon nous, sur une garantie européenne des dépôts.
Enfin, le Conseil européen a souhaité mettre l'accent sur l'approfondissement de la solidarité financière et a notamment accepté que le mécanisme européen de stabilité puisse recapitaliser directement les banques, pour mettre fin au scandale du renflouement de ces mêmes banques par les budgets de certains États, c'est-à-dire par les contribuables eux-mêmes. Le ministre des affaires étrangères a suffisamment insisté sur ce point pour que je n'y revienne pas davantage.
L'ensemble de ces éléments a insufflé un nouveau climat de confiance, et je suis convaincue que c'est ce climat qui a encouragé la Banque centrale européenne à envisager enfin, en toute indépendance, le rachat illimité de titres de dettes, d'abord ceux des banques puis, depuis le mois d'août, ceux des États.