Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • austérité
  • banque
  • dette
  • peuple
  • solidarité
  • souveraineté

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le candidat François Hollande s'était engagé à poursuivre la lutte contre les déficits initiée par la précédente majorité. Le groupe UDI lui en donne acte, mais nous ne pouvons pas vous suivre sur le chemin que vous empruntez aujourd'hui.

Vous nous aviez dit que seuls les riches allaient supporter l'effort.

Vous nous aviez dit que vous mettriez en place un « pacte productif » parce que « sans croissance, on ne parviendrait pas à réduire les déficits ».

Vous êtes aux responsabilités depuis cinq mois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qu'avez-vous fait ?

Il n'y a pas eu de choc de compétitivité, mais vous vous apprêtez à faire voter un choc fiscal sans précédent de 27 milliards d'euros, qui affectera l'ensemble des Français et l'ensemble des entreprises.

Le 1er juillet 2012, vous avez alourdi les charges sociales payées par les travailleurs pour financer votre promesse démagogique d'un retour en arrière sur les retraites.

Le 1er septembre 2012, vous avez privé nos entreprises de 13 milliards d'allégements de charges sur le coût du travail en supprimant la « TVA emploi ».

Le 1er octobre 2012 a sonné le glas de l'imposture du candidat Hollande : 9 millions de salariés faisant des heures supplémentaires vont payer plus d'impôts. Sont-ils riches ?

Et le matraquage fiscal va continuer.

Le 1er janvier 2013, vous allez augmenter l'impôt sur le revenu des classes moyennes en gelant le barème. Sont-ils riches ?

Vous annoncez 14 milliards de prélèvements supplémentaires sur les entreprises. Cela va-t-il créer de la croissance ?

Le 1er janvier 2013, vous allez taxer les retraités qui sont déjà touchés de plein fouet par la crise et souvent confrontés à la précarité. Vous allez taxer plus encore les artisans, les commerçants et les auto-entrepreneurs. Cela va-t-il créer de la croissance ?

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous encore prétendre aujourd'hui que seul un Français sur dix sera concerné par les hausses d'impôts et quand allez-vous conduire une vraie politique pour la compétitivité et l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Monsieur le député, votre question a duré deux minutes et, à raison d'une contre-vérité toutes les dix secondes, cela fait finalement peu de temps pour le Gouvernement pour vous répondre en totalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Néanmoins, je vais répondre à celles qui me paraissent les plus caricaturales.

Ainsi, la majorité à laquelle vous avez appartenu n'aurait jamais taxé les classes moyennes. Je vous rappelle que vous avez voté l'augmentation de la TVA, soit une ponction de 11 milliards d'euros sur la totalité des Français, des classes populaires aux plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous rappelle, monsieur le député, qu'en 2012, les salariés de ce pays vont payer une CSG pour 600 millions de plus parce que vous avez voté une augmentation de la CSG pour ceux qui font partie des classes populaires et des classes moyennes.

Si je me permets de vous rappeler cela, c'est que j'espère de votre part, en ce début de mandature, une opposition un peu plus constructive que la caricature que vous venez de donner en exemple à l'ensemble de vos collègues, du moins ceux qui vous approuvent bruyamment en ce moment. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne crois pas, monsieur le député, que vous puissiez dire qu'il est illégitime de demander aux seuls retraités imposables de consentir quelques euros de plus par mois au nom de la solidarité intergénérationnelle.

Je ne crois pas que vous puissiez passer sous silence, dès lors que vous souhaitez un débat honnête, le fait que le mécanisme de la décote que nous allons instaurer permettra précisément à ceux des plus modestes de nos compatriotes, soit de ne pas payer d'impôt sur le revenu, soit d'éviter d'en payer davantage. Ils sont 7,5 millions de foyers fiscaux dans ce cas.

Avant même que ne s'engage le débat sur la loi de finances en commission des finances – dont vous êtes membre – et dans cet hémicycle où vous êtes un des parlementaires les plus assidus, nos débats ne s'engagent pas sous de bons auspices, dès lors que la caricature remplace l'honnêteté, que le slogan remplace la réflexion. C'est avec un peu plus de sérénité et peut-être d'objectivité sur votre bilan de ces dix dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que je vous engage à rentrer dans ce débat sur la loi de finances, à l'occasion duquel, je vous l'assure, je vous répondrai. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

L'association Kokopelli, spécialisée dans la préservation et la distribution de variétés anciennes de semences, a été condamnée pour concurrence déloyale le 12 juillet dernier par la Cour de justice de l'Union européenne, qui a confirmé le jugement du tribunal de Nancy. L'ensemble des variétés, pour être commercialisées ou même données, doivent être inscrites sur une liste de semences homologuées. Le simple don de semences peut donc être considéré comme illégal et faire l'objet d'une procédure judiciaire.

Si le souci d'augmenter les rendements a pu conduire à favoriser la commercialisation de certaines variétés très productives, ce temps-là est en partie révolu aujourd'hui. D'autres critères, comme la résistance naturelle aux maladies, les qualités biologiques et gustatives ainsi que les effets sur la santé sont de plus en plus pris en compte. Ces catalogues, que les juges invoquent pour condamner l'association, sont-ils au service de la protection des producteurs et des consommateurs, ou au service d'entreprises semencières qui se réservent ainsi le marché ?

La volonté de certaines entreprises de semences de rentabiliser leurs activités de recherche et de développement peut-elle se faire au détriment de la liberté des agriculteurs et des jardiniers amateurs ? Peut-elle négliger la nécessité de préserver le patrimoine génétique que représentent les variétés anciennes quand on sait que déjà 75 % de la diversité génétique présente dans l'agriculture, d'après la FAO, ont disparu au vingtième siècle ?

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de proposer une modification de la législation pour que les semences anciennes et nouvelles appartenant au domaine public et librement reproductibles sortent du champ d'application de la législation actuelle sur le commerce des semences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre

Monsieur le député, votre intervention pose les questions plus vastes du triage des semences de ferme, de l'obtention des semences et du brevetage. Je pense que notre système d'obtention est meilleur que celui du brevetage.

En outre, une loi a été adoptée en 2011. Nous travaillons sur son décret d'application qui permettra aux agriculteurs de continuer à trier leurs propres semences. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous avez enfin évoqué l'ensemble des semences historiques, qui constituent un patrimoine sur lequel nous devons nous appuyer. Nous travaillons à l'élargissement du catalogue pour intégrer les éléments que vous évoquez. Il va de soi que ce patrimoine sera demain un potentiel d'amélioration des semences. C'est ce cadre-là que nous allons mettre en place. J'espère avoir répondu à la question que vous m'avez posée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre.

Monsieur Ayrault, vous êtes venu hier ici même nous demander la ratification du traité budgétaire européen. Je vous rassure : à l'UMP, nous allons le voter car ce traité est dans l'intérêt de la France. Il a été négocié et signé le 9 mars dernier par Nicolas Sarkozy.

Reconnaissez pourtant que vous vous êtes mis dans une situation particulièrement difficile, dès lors que vous avez passé la campagne présidentielle à dire aux Français que ce traité était le diable, qu'il allait condamner les peuples européens à une terrible austérité et, mieux encore, que votre candidat, M. Hollande, allait le renégocier et obtenir de nos partenaires, de haute lutte, un paquet croissance ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dans les faits, cette renégociation n'existe que dans votre imagination. J'ai ici les textes des deux traités, le traité signé par M. Sarkozy et celui que nous allons ratifier. Je vous mets au défi de nous montrer la moindre différence entre eux, la moindre virgule, le moindre mot !

Il en va de même du fameux paquet croissance. Les 120 milliards d'euros que vous avez inventés étaient déjà dans les tuyaux avant même l'élection présidentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) !

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Quant à la règle d'or que nous voulions inscrire dans la Constitution mais que vous avez introduite dans le droit français par une loi organique, elle permet déjà à certains de vos amis, M. Bartolone par exemple, de prétendre que cette loi est en réalité révisable et que l'objectif des 3 %, au fond, n'est pas un objectif en soi !

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Votre parti est divisé, les communistes vous critiquent et vous êtes obligés de tolérer des ministres écologistes dont le parti est contre le traité. Ma question est simple : allez-vous réellement, monsieur Ayrault, appliquer ce traité ? Quelle cohérence les Français sont-ils en droit d'attendre entre les engagements européens qui nous obligent, nous Français, à converger fiscalement avec nos partenaires et vos propres engagements de campagne ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Je vous remercie, monsieur le député, de votre question nuancée qui va me permettre d'apporter une réponse précise.

Je veux d'abord vous confirmer que la politique que nous allons appliquer en Europe n'est pas celle que vous nous avez léguée.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Cette règle d'or dont vous vouliez l'inscription dans la Constitution, le Conseil constitutionnel nous a indiqué qu'elle n'était pas de nature à remettre en cause la souveraineté nationale. Nous la présentons sous la forme d'une loi organique à la délibération du Parlement.

Vous nous expliquez depuis hier, monsieur Lellouche, avec vos amis de l'opposition, que sous prétexte que vous n'avez rien demandé pendant cinq ans pour réorienter la politique de l'Union européenne, nous n'aurions rien obtenu. Mais nous avons obtenu un pacte de croissance et la recapitalisation de la banque européenne d'investissement, qui n'était pas actée à la veille du conseil européen du mois de juin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons obtenu 60 milliards d'euros de la banque européenne d'investissement, soit 120 milliards d'euros de la part des investisseurs privés !

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro ! Zéro !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Nous avons obtenu la mise en place de la supervision bancaire pour remettre en ordre la finance, qui appelle d'autres étapes, telles que la résolution des crises bancaires et la garantie des dépôts, pour faire en sorte qu'il soit mis fin au désordre de la finance ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et nous avons enfin obtenu davantage de solidarité monétaire et financière en permettant au mécanisme européen de stabilité d'intervenir en recapitalisation directe des banques après la mise en place de la supervision bancaire.

Un député du groupe UMP. Menteur !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Face à l'Europe libérale, vous aviez renoncé à tout ! La politique que nous allons mettre en oeuvre est une autre politique que celle que vous avez voulue ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et ce que nous soumettons aujourd'hui à la délibération du Parlement n'est pas le traité, avec lequel vous entretenez une relation fétichiste, mais bien une autre politique pour l'Union européenne. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont les membres se lèvent).

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Mes chers collègues, je vous invite à écouter les réponses du Gouvernement. Les cris ne changent rien à la réponse du ministre qui s'exprime.

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La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l'intérieur, un drame terrible s'est produit à Échirolles, vendredi dernier. Kevin et Sofiane, âgés de vingt-et-un ans ont été sauvagement assassinés par d'autres jeunes pour une banale histoire de « mauvais regard » à la sortie du lycée.

Ces deux jeunes, l'un étudiant, l'autre salarié, étaient exemplaires et vivaient dans un quartier de la ville parfaitement paisible.

En notre nom à tous, je veux adresser toutes nos condoléances aux familles sous le choc. Je les ai rencontrées dimanche dernier et j'ai pu constater de quel calme et de quelle dignité elles font preuve malgré leur immense douleur.

Le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, êtes venus réconforter les familles dès lundi soir. Vous avez bien fait ! Votre visite très appréciée a montré à ce quartier effondré votre solidarité dans ce moment tragique.

Ce crime, purement gratuit, interroge la société sur les causes profondes qui ont conduit des jeunes à cette violence extrême. Comment ne pas penser à la représentation quasi-permanente de la violence dans les médias et sur les réseaux sociaux ? Comment ne pas penser aux effets des déstructurations familiales ? La plupart des jeunes de ces quartiers dits difficiles ont des parcours tout à fait normaux en termes d'études et d'intégration dans la vie professionnelle. Pour les autres, il faut poursuivre inlassablement le travail de terrain mené par les communes, les travailleurs sociaux et les associations pour que cette violence absurde, gratuite et impardonnable n'ait plus jamais cours.

Il est aussi permis de penser que la présence renforcée d'une police de proximité, demandée depuis longtemps par les élus locaux, aurait peut-être permis d'éviter tout cela.

Monsieur le ministre, je sais que pour vous, et pour le Gouvernement, la sécurité est un droit fondamental. Pouvez-vous nous dire où en est l'enquête qui permettra d'arrêter et de juger au plus vite et sévèrement les assassins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le député, vous avez raison de souligner la dignité des familles de Kevin et de Sofiane. Cette dignité a d'une certaine manière ébloui le pays. Elle était nécessaire car il faut du calme et de l'apaisement après de tels événements. C'est ce que le Chef de l'État et venu dire à ces familles en les assurant de la compassion de la nation et de la volonté de l'État d'agir avec la plus grande fermeté face à ce drame, cet assassinat.

J'ai parlé de « massacre ». C'est effectivement le cas : ces deux garçons ont été véritablement assassinés au cours d'un guet-apens. Cette violence est évidemment inacceptable.

Nous réagissons en prenant des mesures concrètes. Je les ai déjà présentées à Michel Destot et à Renzo Sulli, respectivement maires de Grenoble et d'Échirolles. Les quartiers de La Villeneuve de chacune de ces deux communes, mais aussi les quartiers Mistral et Teisseire de Grenoble, seront inclus dans la zone de sécurité prioritaire dont le Président de la République a annoncé la création cet été.

Au-delà de ces zones de sécurité prioritaire, d'effectifs supplémentaires et d'une coordination encore plus efficace, notamment avec les collectivités territoriales, c'est une véritable mobilisation de la société, une mobilisation de tous – comme ceux qui participaient à la marche blanche organisée hier – qui s'impose car notre réponse ne se faire seulement en termes de sécurité et de moyen. Une prise de conscience, un retour de l'autorité et une responsabilisation des parents s'imposent pour lutter contre une violence qui tue et qui a tué d'abord des jeunes, des jeunes aux origines différentes, des jeunes Français, dans un quartier qui n'en peut plus de cette violence et qui réclame autorité, fermeté et réussite, comme l'a dit le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, UDI et UMP.)

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La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, vous nous proposez de voter le traité européen. Vous avez raison, même si c'est le contraire de ce que vous aviez promis.

Dans la crise, nous avons réduit les déficits en 2010 et en 2011. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, vous nous proposez de vous conformer à notre engagement de 3 % de déficit en 2013 : c'est bien ! Toutefois, dans le même temps, cet objectif est contredit par de nombreux responsables de la majorité. Dans ces conditions, l'atteindrez-vous ? Pour y parvenir, vous proposez des économies théoriques, mais vos chiffres sont faux. Ils sont contredits par la Cour des comptes. Vous proposez surtout un coup de matraque fiscal sur les familles, même modestes, et vous portez atteinte aux emplois familiaux et au quotient familial. Quant aux entreprises, vous leur faites subir la rétroactivité fiscale. Bref, vous nous proposez un budget injuste, contraire à l'emploi et à la compétitivité.

Monsieur le Premier ministre, tout cela rendra d'autant plus difficile de parvenir à 3 % de déficit. Mais le voulez-vous vraiment ? Il y a tant de contradictions dans la majorité : vos alliés du Front de gauche et des Verts sont opposés à cet objectif et, au sein même du parti socialiste, le président de notre assemblée, M. Claude Bartolone, le premier secrétaire du parti, M. Harlem Désir, la présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée, Mme Élisabeth Guigou, sont contre l'objectif des 3 %. Ils l'ont dit, chacun à leur manière. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

L'histoire est hélas ! prévisible. Les Français vont payer pour les 3 %. Vous allez laisser filer la dépense et les Français paieront en conséquence sans que vous ayez atteint l'objectif. Vous serez rattrapé par le traité, et il faudra payer encore plus.

Si vos mots sont heureux quand vous parlez de justice et de redressement, quelle est la réalité ? Votre politique n'a ni sens ni cap. Croyez-vous en ce que vous faites ? Savez-vous où vous allez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Monsieur Hervé Mariton, si je ne craignais pas de plagier Jérôme Cahuzac, je dirais qu'il est compliqué de vous répondre tellement l'avalanche de contrevérités prononcées en quelques minutes est imposante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je veux toutefois répondre à votre question et réagir en particulier à la plus importante des contrevérités que vous venez d'énoncer. Vous nous avez laissé des déficits qui étaient de 5 % en 2011 et encore de 5 % en 2012. Cette année préélectorale a été une année blanche : aujourd'hui, c'est nous qui devons entreprendre l'effort nécessaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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L'effort, c'est les Français qui le font ! Ce sont les impôts des Français !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Cet effort n'est pas fait pour tenir vos engagements ; il est demandé parce que nous pensons que le désendettement est une nécessité impérative pour la France car nous ne voulons pas que notre pays soit livré aux mains des marchés. Nous voulons conserver notre souveraineté, c'est la raison de l'objectif de 3 %. Il sera tenu ; le Gouvernement s'y engage. Encore une fois, il ne s'agit pas d'une contrainte européenne mais d'un impératif français.

Notre politique est crédible, monsieur le député. Plus, en tout cas, que celle que vous n'avez pas menée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La vérité, c'est que les économies sont là. Dans le projet de loi de finances pour 2013, nous avons voulu préserver à la fois la consommation et l'investissement. Nous le ferons. La vérité, c'est que nous avons préservé le pouvoir d'achat des couches populaires et moyennes. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) La vérité, c'est que nous avons préservé les PME-PMI. Alors faites-nous confiance ! Ce cap sera tenu.

S'il y a débat, il est européen ; pour ce qui est de la France, les 3 % sont un objectif clair. Le projet de loi de finances est un budget de redressement et de justice, crédible et responsable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous le défendrons et nous réussirons à le mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur la situation extrêmement préoccupante qui sévit actuellement au Mali ; je voudrais y associer M. Pouria Amirshahi, député des Français de l'étranger.

Monsieur le ministre, le Mali connaît depuis six mois une période d'instabilité majeure. En effet, ce pays, qui entretient depuis longtemps des relations très étroites avec la France, a connu en l'espace de quelques mois un coup d'État militaire et l'occupation d'une partie importante de son territoire par des groupes islamistes.

Aujourd'hui, les enjeux sont à la fois humanitaires et géopolitiques : 3 millions d'enfants de moins de cinq ans pourraient à brève échéance souffrir de formes graves de malnutrition, des sites archéologiques majeurs ont été irrémédiablement détruits, et les journaux se font chaque jour l'écho d'atteintes aux droits de l'Homme du fait de l'instauration de la charia et d'un climat de terreur. Au-delà, ces milices islamistes menacent l'équilibre de la région tout entière et il y aurait assurément beaucoup à craindre de la constitution d'un « Sahelistan » au coeur de l'Afrique.

Toutefois, en raison même des liens historiques qui la lient au Mali, la France doit faire preuve d'une extrême prudence, d'autant que plusieurs de nos ressortissants sont actuellement retenus en otage au Sahel.

Monsieur le ministre, quelle réponse la France compte-t-elle apporter à la récente demande du gouvernement malien d'intervenir militairement dans le nord du Mali ? La France saura-t-elle concilier à la fois les exigences de la solidarité internationale contre le fondamentalisme et la sauvegarde de nos intérêts nationaux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Monsieur le député, votre terme de « Sahelistan » – contraction de « Sahel », qui désigne une bande de territoire désertique plus grande que la France, et d'« Afghanistan », où a sévi le terrorisme – résume, hélas, la situation. (« Bravo ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Celle-ci soulève évidemment, sur tous les bancs, beaucoup d'émotion.

Les terroristes dont je parle détiennent des otages français, des armes, dont une partie vient de Libye, ainsi que des moyens financiers considérables liés au trafic de drogue ; ils se livrent à des exactions multiples, n'hésitant pas à violer, à amputer et à tuer.

La France s'est, dès la nomination de ce gouvernement, portée aux avant-postes. Ceux d'entre vous qui suivent ces questions, en particulier les membres des commissions des affaires étrangères, savent que nous avons entretenu des contacts très précis, non seulement avec les autorités du Mali, mais aussi avec tous les pays voisins.

La semaine dernière, à l'assemblée générale des Nations unies, un début de consensus s'est dessiné en faveur d'une intervention en plusieurs étapes. Le discours du Président de la République a été salué par le premier ministre du Mali, qui a déclaré – c'est optimiste – qu'il s'agissait peut-être du début de la fin de la crise. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Voilà où nous en sommes. La France joue un rôle de facilitateur ; elle est aux côtés des Africains. C'est notre devoir et leur intérêt. Nous serons parmi les premiers à leur porter secours. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la ministre de la santé, de nombreux hôpitaux de proximité ont disparu sous l'ère Sarkozy, et des établissements ont été contraints de fusionner, au nom de la qualité des soins, de la sécurité sanitaire et de la recherche des équilibres financiers. En réalité, l'hôpital public, soumis à la purge libérale, a été mis à mal.

En juillet dernier, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales relevait que ces méthodes étaient, en définitive, source de surcoûts et de dysfonctionnements. Pourtant, aujourd'hui, le processus engagé se poursuit, comme si de rien n'était. Le projet de fusion de l'hôpital de Noyon avec celui de Compiègne, situés dans ma circonscription, en est un exemple. Le scénario est toujours le même : on ferme d'abord la maternité, puis la chirurgie, enfin l'hôpital est fermé la nuit et le week-end. Actuellement, l'Agence régionale de la santé accélère le mouvement pour aboutir à la fusion le 1er janvier prochain. Des exemples similaires sont nombreux à l'échelle du pays.

Madame la ministre, il est temps de rompre avec cette logique qui tend à constituer de grandes structures hospitalières au détriment des établissements de proximité et à appliquer à l'hôpital public des méthodes et des critères de gestion mis en oeuvre dans les entreprises privées. Le plus urgent est de décider d'un moratoire sur toutes les opérations de fusion et de fermeture en cours et de revenir aux principes du service public et de l'accès aux soins pour tous.

Madame la ministre, êtes-vous prête à prendre cette décision et à faire ainsi en sorte qu'à l'hôpital public, le changement, ce soit maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le député, vous avez raison lorsque vous soulignez que la politique menée ces dernières années a été néfaste pour l'hôpital public. (Protestations et rires sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Eh oui, mesdames, messieurs de l'opposition, il va falloir vous y habituer ! Vous avez marqué votre défiance à l'égard de l'hôpital public. Vous avez démobilisé les personnels, affirmant que ce qu'ils faisaient n'avait pas de valeur. Vous avez expliqué que l'hôpital public devait être géré comme une entreprise privée, que s'engager pour le service public n'avait pas de spécificité ni d'importance dans notre pays, alors que les Français sont plus que tout attachés à leur hôpital public, en particulier à l'hôpital public de proximité.

Monsieur le député, vous avez raison (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

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Écoutez la réponse de Mme la ministre, mes chers collègues.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

…il faut changer de politique. C'est ce que nous ferons dès le PLFSS que vous aurez à examiner dans les prochaines semaines.

Parce qu'on ne peut pas financer l'hôpital public comme une entreprise privée, nous mettrons fin à la convergence tarifaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)

Parce qu'on ne peut pas considérer l'hôpital public comme une entreprise privée, nous rétablirons la notion de service public hospitalier dans la loi.

Parce que nous ne pouvons pas considérer avec mépris et défiance celles et ceux qui travaillent à l'hôpital public, j'ai lancé un pacte de confiance pour que le dialogue social soit mieux accompagné, la reconnaissance et la pénibilité du travail mieux évaluées dans notre hôpital public.

Pour ce qui est des hôpitaux de proximité, en particulier celui auquel vous êtes attaché, nous faisons en sorte que les projets de rapprochement se fassent dans l'intérêt des patients et des territoires. C'est dans ce sens que j'ai demandé à l'ARS de travailler sur le centre hospitalier de Noyon. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

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La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, vous venez de proposer le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de votre gouvernement après avoir, durant des années, combattu avec constance et pugnacité les PLFSS de la majorité précédente.

Je dois vous dire que votre projet comporte quelques contrevérités et nous paraît bien peu responsable. Ainsi, dans un contexte économique très difficile, vous augmentez de façon importante l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, contre l'avis de la Cour des comptes, alors que nous avions contenu les dépenses lors des deux dernières années, grâce aux efforts de tous – sur ce point comme sur d'autres, je conteste le tableau que vous venez de dresser de la situation.

Par ailleurs, vous ne pourrez pas tenir vos engagements et serez obligée de trouver d'autres recettes. Est-ce la CSG qui servira de variable d'ajustement ? Les Français aimeraient savoir comment vous allez mettre en oeuvre le conseil que vous a donné le premier président de la Cour des comptes.

La presse a déclaré récemment qu'après le matraquage fiscal que votre gouvernement vient d'enclencher, vous alliez vous attaquer aux travailleurs indépendants, aux auto-entrepreneurs et aux professionnels de santé, en renforçant leurs taxes – conformément à votre credo : « toujours plus de taxes » !

Enfin, madame la ministre, vous mentez aux Français (Protestations sur les bancs du groupe SRC) en ne procédant pas, dans votre texte, à la suppression de la taxe sur les mutuelles, ce qui a pourtant été l'un des engagements du Président de la République et du Gouvernement durant toute la campagne électorale (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les mutualistes apprécieront !

Pouvez-vous nous expliquer, madame la ministre, comment vous comptez ne pas pénaliser les assurés sociaux et les professionnels de santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le député, nous avons effectivement eu l'occasion, par le passé, de batailler sur le thème du PLFSS, et je pense que cela va continuer. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La présentation que vous faites de notre PLFSS est mensongère. Contrairement à ce que vous avez fait, nous avons rompu avec la logique comptable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), avec la logique des prélèvements sans amélioration de la qualité du système de soins. (Mêmes mouvements.)

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Allons, mes chers collègues, écoutez la réponse de Mme la ministre !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Nous avons décidé, monsieur le député, qu'il fallait demander à chaque Français de contribuer en fonction de ses revenus, sans que les revenus les plus aisés soient épargnés – contrairement à ce que vous faisiez – afin que nos concitoyens, dans leur ensemble, soient mieux protégés.

Ce que nous vous proposons, c'est un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui permettra de mieux protéger tous les Français (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

…de garantir les petites retraites ; de mieux accompagner les familles, auxquelles vous aviez enlevé 350 millions d'euros, …

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

…puisque nous améliorons la situation de la branche famille, avec un milliard d'euros de recettes, donc de financements supplémentaires.

Nous faisons en sorte de renforcer l'hôpital public et de mettre en place les soins de proximité, notamment dans les territoires ruraux.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et la taxe sur les mutuelles ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Nous répondons aux attentes des agriculteurs qui, pour certains, n'étaient pas reconnus dans leur retraite. Nous reconnaissons la pénibilité du travail de ceux qui ont souffert au contact de l'amiante.

Nous n'avons pas besoin d'augmenter la CSG, monsieur le député : nous l'avons dit, nous sommes très clairs sur ce point, nous sommes transparents (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

…nous disons la vérité et avec nous, les Français savent que demain, ils seront protégés. Ils savent qu'avec nous, ils seront accompagnés et soutenus et que le temps de l'austérité, de la casse sociale est terminé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

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La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, vous avez récemment déclaré : « l'hôpital public est unique. Il soigne, il accueille tous les patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il prend en charge toutes les pathologies, y compris les plus difficiles. En plus de sa mission de soins, il assure la formation des étudiants et la recherche ».

Malheureusement, au cours de ces dernières années, les gouvernements de droite ont nié cette spécificité et imposé une logique d'entreprise privée, limité la démocratie sanitaire et freiné le progrès à l'hôpital. Le beau nom d'hôpital public a même été abandonné au profit de celui d'établissement hospitalier.

Plus graves encore ont été l'application aveugle de la T2A et surtout l'objectif idéologique de convergence tarifaire avec les cliniques. Les hôpitaux se sont endettés et, pour la première fois depuis 1945, ont largement diminué leurs effectifs de personnels soignants, y compris de médecins et d'infirmières, au détriment de la qualité et de la sécurité des soins.

Les travaux indispensables de réhabilitation et de modernisation, promis il y a vingt ans, sont en panne. Certains chantiers sont à l'arrêt faute de trésorerie et d'accès au crédit. Les patients trouvent de plus en plus difficilement un accueil décent.

Je sais, madame la ministre, que vous envisagez heureusement un changement d'objectifs, un « pacte de confiance » et un retour de l'humanisme à l'hôpital. Au moment où le PLFSS 2013 est en cours d'examen, et malgré la difficile conjoncture financière dont nous héritons, que proposez-vous pour redonner espoir à toux ceux qui partagent les valeurs du service public hospitalier ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez évoqué, cet été, la possibilité de recourir à une partie des fonds du grand emprunt. Pourrons-nous ainsi construire l'hôpital du xxie siècle en menant à terme les indispensables investissements immobiliers, les équipements de modernisation, tout en inversant le cours de la préjudiciable hémorragie de personnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le député, chacun connaît votre fort engagement personnel et politique en faveur de l'hôpital public. Avec vous, je veux redire que ce gouvernement entend oeuvrer pour que l'hôpital public soit reconnu dans ses missions et sa spécificité, et pour que celles et ceux qui y travaillent soient mieux valorisés que par le passé. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, des mesures vont être prises en vue du financement et de la reconnaissance du service public hospitalier.

Vous attirez également mon attention sur la nécessité d'engager des investissements afin de garantir aux Français l'avenir de leurs hôpitaux. De ce point de vue, je dois dire que nous avons hérité d'une situation très difficile (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Entre le mois de février et le mois de mai 2012, le gouvernement précédent a adressé de très nombreuses lettres aux élus de la majorité, des lettres contenant des promesses au sujet des hôpitaux. On découvre, à la lecture de ces courriers, que tout le Who's who de l'UMP s'est fait promettre de beaux hôpitaux, des maternités, des blocs opératoires ! Il y en a pour 400 millions d'euros de promesses, sans un début de financement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Tout ce papier n'est que de la monnaie de singe, et il nous appartiendra de prendre nos responsabilités pour que l'hôpital de l'avenir puisse enfin se construire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire

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Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse au ministre du travail. Je la pose au nom d'un collectif d'une trentaine d'ouvrières que j'ai rencontré samedi. Jusqu'au 31 juillet, chacune d'elles bénéficiait tous les mois de 180 euros grâce aux heures supplémentaires qu'elles effectuaient dans leur usine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Au retour de leurs vacances bien méritées, le 3 septembre, le directeur leur a annoncé qu'il n'y aurait plus une seule heure supplémentaire.

Plusieurs députés SRC. Et alors ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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Pourquoi ? Parce qu'au mois de juillet, vous avez détricoté le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, simplement parce qu'il avait été mis en place par le gouvernement Fillon, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy.

Voyez, monsieur le ministre, ces dames étaient en colère contre vous. Mais j'ai surtout senti dans leur propos une grande désespérance et une profonde incompréhension de ce que vous avez fait. Elles venaient en effet de recevoir leur feuille de paie, et, constatant qu'il y manquait 180 euros, elles m'ont dit : « Monsieur Dord, le problème, c'est que non seulement on a perdu 180 euros, mais que dans l'usine, il n'y a pas eu un seul emploi supplémentaire créé. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pourquoi, monsieur le ministre ? Parce que le propriétaire de l'usine, comme beaucoup en France, en possède une autre, située en Allemagne, de l'autre côté du Rhin. (« Ah ! sur les bancs du groupe SRC.) Il a pris quatre commandes traitées dans l'usine française et les a fait passer dans l'usine allemande.

Alors ces ouvrières m'ont dit : « Monsieur le député, quand est-ce qu'ils vont arrêter, là-haut, avec leur idéologie ? Quand est-ce qu'ils vont arrêter de renvoyer la balle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Quand est-ce qu'ils vont enfin s'occuper des problèmes qui sont les nôtres ? »

Je vous pose la question, monsieur le ministre : quand avez-vous prévu d'atterrir ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, si au lieu de faire de la démagogie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) nous regardions les choses en face ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La démagogie, dans vos propos, tient à un mensonge et à une erreur grossière de politique économique et sociale. Le mensonge, c'est de faire croire aux Français que la réforme de cet été consistait à supprimer les heures supplémentaires. Les ouvriers, y compris le collectif que vous avez rencontré, savent que des heures supplémentaires continuent d'être effectuées, parce que dans un certain nombre d'entreprises, elles sont absolument nécessaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

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C'est n'importe quoi ! (M. Dord quitte l'hémicycle – Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

L'erreur économique grossière, c'est d'avoir subventionné les heures supplémentaires dans un contexte de hausse du chômage. La France est le seul pays européen à l'avoir fait ! Jamais l'Allemagne n'a payé des heures supplémentaires ; en revanche, elle a mis en place des dispositifs de chômage partiel afin de maintenir l'emploi dans les entreprises. Résultat : le nombre de chômeurs y est beaucoup moins important qu'en France. Vous avez payé davantage d'heures supplémentaires d'un côté, et de l'autre vous avez payé plus de chômage. Voilà la politique que vous avez menée ! Voilà la politique à laquelle nous avons mis fin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP - Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Nous sommes bien conscients que pour quelques-uns, cela représente une perte. Mais, contrairement à vous, qui privilégiez l'intérêt individuel, nous privilégions l'intérêt collectif et général ! (Les députés des groupes SRC et plusieurs députés du groupe écologiste se lèvent et applaudissent longuement – applaudissements sur les bancs du groupe RRDP – huées sur les bancs du groupe UMP)

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La parole est à M. Christian Assaf, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen

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Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre des sports. Elle concerne l'affaire des paris illicites, qui secoue actuellement le monde du handball et plus largement l'ensemble du sport français. J'associe à ma question l'ensemble des députés de l'Hérault.

Mes premiers mots seront pour les victimes de cette déferlante médiatique. Je pense au Montpellier Agglomération Handball, à ses dirigeants – son président, son entraîneur – mais aussi à ses bénévoles et à ses supporters, qui se dépensent sans compter et qui ont tant donné au handball français.

Je pense aussi aux gamins sur les terrains et dans les cours d'école qui pratiquent un sport à la popularité grandissante et qui rêvent tous de devenir champions du monde ou champions olympiques.

Pour eux, nous devons faire en sorte que cela ne se reproduise pas. Il nous faut éviter que le handball, qui a tant contribué au palmarès sportif français, ne sombre à son tour dans le sport business, où l'argent est roi.

Nous assistons à une explosion de l'offre de paris, que permettent Internet, la téléphonie mobile et la télévision par satellite. En septembre 2009, l'Union européenne permettait aux États de conserver ce monopole pour les protéger contre la menace que faisaient peser les paris en termes de sécurité et de santé publique.

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Malgré cet avertissement, le gouvernement précédent faisait voter en mai 2010, dans l'urgence, à coups d'incidents de séance renouvelés, et contre l'avis du groupe auquel j'ai l'honneur d'appartenir, la loi d'ouverture à la concurrence des jeux en ligne. Pourquoi cette précipitation ?

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Eh bien, pour satisfaire aux appétits de la trop fameuse « bande du Fouquet's » (Protestations sur les bancs du groupe UMP – applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.).

Madame la ministre, pouvez-vous me dire ce que vous comptez faire contre cette menace pour le sport, pour la sécurité et pour la santé ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, l'actualité nous rappelle brusquement qu'aucun pays, aucun sport n'est à l'abri de la menace des paris sur les résultats sportifs. Oui, les paris sportifs, qu'ils soient « en dur » ou sur le net, sont une activité sensible qui comporte des risques.

En mai 2010, l'ancien gouvernement a fait voter en urgence l'ouverture à la concurrence des paris en ligne, dans la perspective du mondial de football, et d'une poule aux oeufs d'or guettée par certains…

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Les résultats n'ont pas été à la hauteur de leurs espérances, mais nous avons assisté depuis à la multiplication des possibilités de paris, des offres, des publicités, des bonus, lesquels interviennent à tous moments des manifestations sportives, et ce sur les deux réseaux, le « dur » et le net.

Le système d'alerte a fonctionné, mais nous ne pouvons en rester là. L'État doit être plus protecteur et sensibiliser encore les acteurs du jeu et leur environnement, par voies réglementaire et législative, dans le cadre de la loi de modernisation du sport de 2013. La déclaration de soupçon sera prise en compte, l'ensemble du mouvement fédéral sera concerné. La lutte contre l'addiction au jeu, essentielle, passe par la mutualisation des droits aux paris. Le combat doit être mené à l'échelle internationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne l'avenir des entrepreneurs en France.

Pourquoi tant de haine, monsieur le Premier ministre ? Pourquoi tant de haine envers les auto-entrepreneurs et les autres ? Les prendre pour des « pigeons » n'est pas la solution ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Où est le choc de compétitivité promis d'ici fin 2012 ? Comme l'a rappelé hier mon excellente collègue Laure de La Raudière, ce sont 10 milliards d'euros supplémentaires que vous allez faire peser sur la compétitivité des entreprises françaises. On a connu plus subtil pour soutenir l'investissement, la croissance et l'emploi ! Ce n'est plus un choc, c'est une agression fiscale ! Ce n'est plus une agression fiscale, c'est un véritable racket !

Pourtant, le Président de la République s'est élevé récemment contre cette instabilité fiscale permanente. Il est vrai qu'alors il remettait à l'Élysée le prix de « l'audace créatrice » devant des entrepreneurs, et il devait être sous le charme.

Pourtant, le ministre de l'éducation nationale a proposé aujourd'hui de « changer le contenu des diplômes pour répondre aux besoins de l'économie et des entreprises ». Je l'en remercie, car c'est mon combat depuis vingt ans.

Mais, lorsque je regarde votre projet de budget 2013, je n'y retrouve pas ces belles paroles ; au contraire, j'y décèle une attaque permanente contre l'esprit d'entreprendre. Taxer à plus de 60 % les gains en cas de revente d'une entreprise est une aberration économique et une incitation, non seulement à délocaliser, mais aussi à créer son entreprise hors de France. Leur supprimer la déduction des intérêts d'emprunt pour se développer, c'est donner la possibilité à nos voisins européens, qui, eux, peuvent les déduire, de mettre la main, demain, sur nos entreprises !

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Alors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire ce que vous allez vraiment faire pour permettre aux entrepreneurs de France de travailler et d'entreprendre en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

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Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Monsieur le député Olivier Dassault, je peux vous assurer que nous ne nourrissons envers les entrepreneurs aucune forme de haine mais, au contraire, une très grande considération. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Envers ceux en tout cas qui, dans ce pays, entreprennent au sens fort du terme, c'est-à-dire innovent et créent des emplois, et non envers ceux qui spéculent ou profitent de la fiscalité pour faire jouer je ne sais quels mécanismes d'optimisation.

Le budget que nous avons construit est un budget équilibré. Il fallait – et vous le savez – réduire les déficits. Pour cela, nous avons sollicité de manière tout à fait équilibrée, d'abord la dépense publique, avec des économies avoisinant les 10 milliards ; ensuite les ménages, sur qui seront également prélevés environ 10 milliards, mais concentrés chez les plus aisés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; enfin, les entreprises, car chacun doit participer à l'effort.

Nous avons veillé cependant à faire en sorte que les PME soient épargnées par le projet de loi de finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

C'est la vérité ! Demandez à M. Roubaud, le président de la CGPME, ce qu'il en pense.

Chaque fois, des effets de seuil ont été prévus. La déductibilité des intérêts d'emprunt, par exemple, ne s'applique qu'à partir de 3 millions d'euros, ce qui bénéficie à de nombreuses PME.

Nous avons également pris d'autres mesures favorables aux PME, comme la sanctuarisation du crédit impôt recherche qui, de surcroît a été étendu aux dépenses d'innovation des PME et PMI, mesure demandée depuis des années mais que vous n'aviez pas prise !

J'ajoute que, s'il y a ici ou là un malaise, si les jeunes entrepreneurs se posent des questions, ils seront entendus. Je les recevrai demain, car nous avons à coeur, le Premier ministre et moi-même, d'écouter les entrepreneurs de ce pays.

Vous ne nous prendrez pas en défaut en matière d'esprit d'entreprise. Nous savons que c'est l'entreprise qui crée la richesse. Nous avons besoin des entreprises, et ce budget les respecte, les défend et les protège. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe RRDP.)

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La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Pendant une dizaine d'années, les banques françaises et européennes ont proposé aux collectivités territoriales, aux hôpitaux et à certains organismes de l'habitat social des prêts structurés. Parmi ces prêts consentis, il y en a dont les profits sont bien supérieurs à ceux des crédits classiques, il s'agit des prêts dits toxiques, estimés en 2011 à 18,8 milliards d'euros, selon les conclusions de la commission d'enquête parlementaire présidée par Claude Bartolone, qui a rendu son rapport le 13 décembre 2011.

Par exemple, à Asnières, les taux d'intérêt varient selon la parité entre le yen et le dollar, le cours du franc suisse ou, pire encore, selon l'état de santé de la banque des collectivités locales américaines. En d'autres termes, si la commune souhaite construire une école, elle doit regarder outre-Atlantique !

En 2012, de nombreux emprunts toxiques voient leurs taux d'intérêt exploser, mettant en péril l'équilibre financier de leurs souscripteurs. C'est donc une ponction invraisemblable qui s'annonce pour les contribuables locaux, les malades de nos hôpitaux et les locataires du parc social, et ce n'est évidemment pas acceptable.

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Cette situation résulte avant tout d'un manquement des banques dans leur obligation de conseil. Elles ont délibérément trompé la confiance des élus en usant de formules totalement absconses et d'indices financiers très variés.

Le Gouvernement a apporté une réponse pour l'avenir en mobilisant la Caisse des dépôts et consignations ainsi que la Banque postale. Il y a eu un plan de sauvetage de Dexia, la banque des collectivités locales ; il faut désormais un plan de sauvetage pour les victimes des emprunts toxiques.

Le Gouvernement se doit d'agir rapidement pour aider les collectivités et les établissements publics à solder leur dette structurée. La création d'une structure de mutualisation gérée par des experts pour solder ces emprunts pourrait être une des solutions en optimisant les gains et en amoindrissant les pertes.

Ma question est simple : Comment le Gouvernement peut-il accompagner les cinq mille collectivités locales victimes des emprunts toxiques ?

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La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

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Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Monsieur le député Sébastien Pietrasanta, j'ai écouté votre message avec gravité, car je connais bien les sujets que vous avez évoqués, les exemples que vous avez donnés et les solutions qui ont été envisagées.

Personne ne peut ici ignorer la crise économique grave que traverse le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je sais l'énergie que déploient les collectivités locales, confrontées à la problématique des dettes structurées, pour désensibiliser les encours de ces dettes.

Vous savez qu'a été mis en place un système d'assistance du médiateur pour les emprunts à risque. Nous restons cependant préoccupés par les marges de négociation de plus en plus limitées avec certaines banques. Nous sommes conscients des difficultés spécifiques des petites et moyennes collectivités, qui n'ont pas toujours accès aux conseils ou aux outils permettant de désensibiliser.

C'est pourquoi – et vous le savez – nous étudions aujourd'hui les mesures permettant d'améliorer les dispositifs d'accompagnement. Le Gouvernement est mobilisé pour apporter de nouvelles réponses aux collectivités et aux établissements publics, afin de leur permettre de solder leurs dettes structurées. Toues les pistes sont ouvertes, y compris le renforcement des moyens d'accompagnement ou la mise en place d'un moratoire permettant de capter les taux pendant une période déterminée.

Je veux rappeler ici qu'aucune des parties contractantes au contrat de prêt ne peut décider de s'arranger avec la loi. Les banques doivent, de leur côté, respecter leurs obligations ; les collectivités doivent, de l'autre, honorer leurs échéances, sauf à avoir fait constater les manquements ou fautes.

Notre rôle est de concevoir des solutions durables, et le Gouvernement s'y engage.

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La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le premier ministre, ma question s'adresse à vous car elle concerne un certain nombre de ministères au sein de votre gouvernement. Elle concerne les ministres en charge de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la justice, de la politique de la ville, des droits des femmes, et bien d'autres.

Cette question, récurrente et grave, inquiète nos concitoyens. Elle ne date pas d'hier. Il s'agit de la violence au sein de l'école.

Elle ne date pas d'hier : je n'aurai donc pas le mauvais goût d'en rendre responsable le Gouvernement que vous dirigez. De même, je suis certain que vous n'aurez pas la mauvaise manière de recourir une nouvelle fois à votre antienne de l'héritage…

Un député du groupe UMP. Ce n'est pas certain !

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…comme si la violence avait débuté juste avant l'entrée en fonction de votre Gouvernement.

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Vous avez agi pendant dix ans, tout de même !

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Si vous aviez cette mauvaise manière, je pourrais, comme de nombreux collègues ayant exercé dans le milieu enseignant, dire combien la violence existait déjà auparavant, en particulier durant les années Jospin.

Monsieur le Premier ministre, la violence en milieu scolaire est celle des élèves entre eux, mais aussi des élèves en direction des enseignants dont certains ont la peur au ventre avant de rejoindre leur classe, et des parents en direction des enseignants.

La violence en milieu scolaire reflète la mise en cause de l'autorité de l'école au sein de la société, ainsi que la difficulté que rencontre la société pour assurer l'autorité au sein de l'école. L'autorité n'est pas l'autoritarisme, mais le respect des lois de la République.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour mettre fin au fléau de la violence à l'école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n'est pas le Premier ministre ! Où est Jean-Marc Ayrault ?

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Mes chers collègues, veuillez retrouver votre calme pour écouter la réponse !

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Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur Geoffroy, j'apprécie la manière dont vous avez posé la question…

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C'est le vice-premier ministre ! C'est écrit dans le journal !

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Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Comme vous l'avez dit, ces questions de violence sont au coeur de notre société, à l'intérieur mais d'abord à l'extérieur de l'école qui n'est souvent que le réceptacle de ces violences. Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement est mobilisé contre ces phénomènes. Dans notre société, nous ne pouvons pas admettre que les personnes dépositaires d'une autorité, qu'il s'agisse des policiers, des gendarmes, des sapeurs-pompiers, des agents du service public et d'abord des enseignants, soient frappées, violentées ou rouées de coups par des élèves ou des parents d'élèves. Vincent Peillon, que je tiens à excuser, est totalement mobilisé sur ce sujet. Il vient d'ailleurs de nommer un délégué interministériel (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), dont chacun connaît la qualité, notamment à travers les enquêtes de victimation qu'il a menées.

Cependant, je veux aller plus loin. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, une véritable mobilisation des services du ministère de l'intérieur, de la justice…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…et de toute la société est nécessaire pour lutter contre ce défi à l'autorité. Nous parlions tout à l'heure d'Échirolles : je veux dire combien j'ai été frappé, il y a deux jours, par la mobilisation des enseignants, des élèves et des parents d'élèves du lycée Marie Curie qui a mis l'excellence et la réussite éducative au service de la lutte contre cette violence.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Pour lutter contre cette violence, nous devons nous mobiliser mais nous avons aussi besoin de moyens. Puisque le Président de la République fait de l'école et de la jeunesse la grande priorité de son quinquennat, il apporte sans aucun doute la réponse que nos compatriotes attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'intérieur. Monsieur le ministre, je vous interroge au sujet d'une pratique qui consiste à contrôler systématiquement l'identité des Français en provenance de la France d'outre-mer, lorsque ceux-ci débarquent dans les aéroports de la France hexagonale. Ils ont déjà fait l'objet d'un contrôle à l'embarquement, ce qui est normal. Pour quelle raison sont-ils à nouveau contrôlés à leur arrivée, alors qu'aucune escale n'a été effectuée ?

Les régions ultra-périphériques comme la Réunion font partie intégrante de l'Union européenne, mais non de l'espace Schengen. Or le travail de contrôle mené par la police aux frontières à l'entrée de certaines régions d'outre-mer, notamment à la Réunion, démontre une maîtrise totale de l'immigration illégale. J'ai bien conscience que l'État a la légitimité et le devoir de lutter contre l'immigration illégale en France. Toutefois, cette pratique appliquée à nos concitoyens de la Réunion et de certains territoires de la France d'outre-mer, qui sont aussi Français que vous et moi, n'est pas simplement maladroite : elle est surtout perçue par nos compatriotes d'outre-mer comme discriminante.

Monsieur le ministre, je ne cherche pas à mettre en cause vos services qui effectuent un travail remarquable au quotidien. Je souhaite seulement vous alerter sur cette anomalie. En effet, cette pratique ne doit pas contrarier l'objectif d'une équité entre tous les territoires de la République française. C'est un symbole fort pour tous nos compatriotes de la France d'outre-mer.

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire, et dans quels délais, pour que nos compatriotes de la Réunion et de toute la France d'outre-mer n'aient plus à subir ce double contrôle d'identité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le député Thierry Robert, je ne peux pas vous laisser parler, même si vous l'avez fait avec modération…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…d'une discrimination à l'encontre des Réunionnais, en matière de contrôles d'identité comme ailleurs. Le régime juridique des voyageurs en provenance ou en direction de la Réunion est clair et connu. Bien évidemment, le département de la Réunion appartient au territoire de la République au même titre que la métropole ; en revanche, il ne fait pas partie de l'espace Schengen. La police aux frontières accomplit donc pleinement sa mission en appliquant à la lettre le code des frontières européennes. La non-appartenance des départements d'outre-mer à l'espace Schengen provient d'ailleurs souvent d'une demande de leurs élus.

Évidemment, notre objectif est de limiter au maximum les contraintes imposées aux voyageurs. Dans le sens métropole-Réunion, les autorités de police ont pu fusionner les contrôles : elles n'exercent donc qu'un seul contrôle à l'embarquement. Toutefois, cette solution ne peut être mise en place dans le sens Réunion-Paris en raison de la taille et de la configuration des aéroports de Roissy et d'Orly.

Monsieur le député, je vous le répète : le contrôle au débarquement à Paris des voyageurs provenant de l'outre-mer ne résulte que du régime normal des contrôles aéroportuaires européens. Ce régime du double contrôle à l'embarquement et au débarquement s'applique à tous les voyageurs. Nous veillons à ce que les contrôles s'exercent dans les règles et dans le respect de chacun, mais nous avons également besoin de maintenir une politique forte de lutte contre l'immigration clandestine. Avec Victorin Lurel, nous sommes attachés à cette politique qui se poursuivra. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, mesdames, messieurs, madame, le 23 mars de cette année, Jean-Yves Besselat nous quittait à l'âge de soixante-neuf ans, au terme d'un combat qu'il a livré, de manière discrète et exemplaire, durant neuf années, avec acharnement et sans jamais se plaindre. Tenace et fort jusqu'au bout, il laissait paraître à tous, dans l'exercice de son mandat parlementaire, et à son entourage immédiat, qu'il surmonterait cette maladie implacable.

Cependant, il s'en est allé avant les élections législatives auxquelles il avait décidé finalement de ne pas se représenter, passant le témoin à notre collègue Édouard Philippe, son suppléant. Homme d'une foi solide, qui aura été le coeur de sa vie, il est alors parti sereinement.

La représentation nationale rend hommage à ce grand défenseur des gens de mer et de l'économie portuaire.

Le destin a voulu, qu'en ce jour de mars, fut signée entre l'État, la région et la communauté d'agglomération du Havre, la convention sur les nouveaux locaux de l'École nationale de la marine marchande. C'était l'un des projets les plus chers de l'élu normand.

Conseiller général de 1982 à 2008, élu du 5e canton du Havre, il exerce cette fonction pendant vingt-six ans, jusqu'en 2004, et devient, en 1998, vice-président du Conseil général.

En 1983, il entre au conseil municipal du Havre où il siège pendant dix-huit ans, jusqu'en 2001.

Il n'était certes pas homme à poursuivre chimères et honneurs ni à se présenter sans risque au suffrage des électeurs. C'est avec grand courage qu'il s'est lancé tout entier dans la vie politique, après avoir hésité à renoncer à sa carrière de cadre dans l'ancien groupe havrais Trouvay et Cauvin.

Animé par de profondes convictions qu'il puisait dans le gaullisme social, il s'est consacré avec enthousiasme et détermination aux autres, qui lui ont rendu un hommage empreint de grande émotion au moment de sa disparition.

Député depuis 1995, à l'occasion d'une élection partielle, à la suite de la démission d'Antoine Rufenacht, devenu maire du Havre et dont il a été le fidèle suppléant en 1988 et en 1993, il est constamment réélu en 1997, en 2002 et en 2007.

« Ma passion, c'est la mer ! », aimait-il rappeler, faisant comprendre qu'il s'agit pour la France d'un enjeu capital.

Né à Quimper, nul doute que ce goût a trouvé à s'exprimer dans sa Normandie d'adoption, baignée par la mer, des falaises cauchoises jusqu'aux grèves du Cotentin. Comme en Bretagne, la mer a procuré aux habitants du littoral une subsistance, mais elle a imposé aussi, bien des épreuves. Pourtant, note André Siegfried, « la Normandie n'en reste pas moins une personnalité originale et distincte, (...) originale, elle l'est, par sa façon spéciale d'envisager les problèmes de la vie publique, de concevoir les questions de partis et de gouvernement ».

En fait, Jean-Yves Besselat se considérait surtout comme havrais et observait même qu'au Havre il y avait beaucoup de Bretons.

Jean-Yves Besselat a su faire de cette passion de la mer, de sa compétence des dossiers maritimes, et de sa ténacité au service de l'indépendance maritime de la France, l'axe de ses mandats.

Il utilise les moyens de l'institution parlementaire pour interroger le gouvernement et défendre de nombreux amendements.

Il exerce aussi un rôle majeur en qualité de rapporteur du budget de la mer et il est, à ce titre, reconnu, par les acteurs du monde socio-économique et par ses collègues, comme un expert des questions maritimes et notamment de la sécurité en mer. Aussi, était-il même désigné comme « Monsieur littoral ».

C'est avec humour qu'il fustigeait, dans la deuxième puissance maritime du monde, par la superficie de sa zone économique, une trop grande indifférence terrienne aux problèmes de la marine et des ports : il demandait, pressant les gouvernements d'agir, d'« affecter davantage de crédits à la mer, quitte à faire moins de ronds-points sur les routes ».

Il s'est beaucoup dépensé en faveur du dispositif des quirats, qui autorisait les personnes physiques à déduire de leur revenu imposable les sommes investies dans la flotte de commerce française.

Rapporteur en 2005 de la proposition de loi relative à la création du registre international français, déplorant que les navires transportant nos marchandises ne soient, pour l'essentiel, pas français, il entend rendre le pavillon français compétitif et permettre à la France, en qualité d'« État du pavillon », de jouer son rôle en matière de contrôle du respect des normes internationales de sécurité maritime et des droits sociaux fondamentaux des marins.

Rapporteur en 2008 du projet de loi portant réforme portuaire, il est considéré comme l'un des pères du renouveau des ports français, dans un contexte de gigantisme et de mutation de l'économie maritime et portuaire mondiale.

Administrateur de l'Institut français de la mer, il a beaucoup oeuvré en faveur du cluster maritime français, afin de développer, à l'instar de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas, des synergies entre les différents secteurs d'activité liés à la mer et de les promouvoir en France et à l'étranger.

Attaché aux relations maritimes historiques avec l'Europe du Nord, il a exercé la présidence du groupe d'amitié France-Danemark.

Il n'a pas peu contribué à sensibiliser nos concitoyens au rôle de la mer et au développement des activités maritimes de la France dans les domaines de l'économie, de la défense, de l'écologie, des loisirs ainsi que des sciences et techniques.

Défenseur inlassable du dossier de l'École de la marine marchande, il a été l'un des inspirateurs de l'enseignement maritime français.

Il voulait encourager les vocations et faire savoir que le métier de marin, même s'il est exigeant, est l'un des plus beaux qui soit.

Jean-Yves Besselat aimait aussi attirer des manifestations nationales au Havre. C'est lui par exemple qui organisa l'inoubliable escale du Charles de Gaulle en juin 2004. C'est lui aussi qui avait fait revenir l'ancien France dans la cité océane. Cinquante ans après le premier départ pour New York de ce fleuron de la flotte transatlantique française, l'exposition, organisée au Havre, qui témoigne du lien charnel entre la ville et le navire, lui est dédiée.

Il parlait toujours de Linaïk, la femme de sa vie, comme d'un soutien immense. Il partageait avec elle, toujours présente au Havre comme à Paris, le goût des voyages. Il aimait, comme elle, les mers chaudes et les îles lointaines.

Avec elle, sur le front de mer, au cours de longues promenades, il contemplait la mer, le jour, celle décrite dans son Journal par le grand peintre Eugène Delacroix, qui a transfiguré le décor de notre assemblée.

Et le soir, Jean-Yves Besselat fixait la rade, admirée par Guy de Maupassant, dans laquelle les feux de Sainte-Adresse se réfléchissent et les phares jettent leurs longs et puissants regards : « Puis, sur l'eau profonde, sur l'eau sans limites, plus sombre que le ciel, on croyait voir çà et là les étoiles. Elles tremblotaient dans la brume nocturne, petites, proches ou lointaines, blanches, vertes ou rouges aussi. Presque toutes étaient immobiles, quelques-unes, cependant, semblaient courir ; c'étaient les feux des bâtiments à l'ancre, attendant la marée prochaine, ou des bâtiments en marche, venant chercher un mouillage. »

Homme de bien, ouvert, généreux, honnête, attentionné, il a été à sa façon, a-t-on pu dire, un de ces gens de mer qui sont notre fierté.

À son épouse, Linaïk Besselat, qu'il a tant aimée et protégée, à sa famille, ses amis et ses proches, à ses collègues du groupe UMP, j'adresse au nom de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame, le Gouvernement s'associe à l'hommage rendu aujourd'hui à Jean-Yves Besselat, député de Seine-Maritime. Chacun dans cette assemblée regrette un homme de grande qualité, déterminé et fidèle à ses convictions. Jusqu'au bout, il aura mené d'une façon exemplaire un long et discret combat contre une maladie qui aura eu raison de sa pugnacité et de son courage. Jusqu'au bout, il a tenu à s'investir dans sa tâche afin de défendre ses idées avec respect et sérénité.

C'est en Haute-Normandie, au Havre, que ce breton de naissance, passionné par la France, par sa région et plus spécifiquement par tout ce qui touche au maritime avait choisi de défendre les valeurs qui étaient les siennes. Cet attachement local s'exprima au cours de vingt-six années durant lesquelles il siégea au sein du conseil général de Seine-Maritime tout en étant élu municipal.

Cadre commercial dans une entreprise privée, Jean-Yves Besselat était entré en politique en 1976, aux côtés d'Antoine Rufenacht. Il lui succéda à l'Assemblée nationale en 1995 et siégea parmi vous, dix-sept ans d'affilée sans discontinuer.

Sa passion pour la mer fit de lui un expert des questions maritimes, reconnu et considéré de tous, collègues comme forces vives du pays.

À l'Assemblée, il n'eut de cesse de s'investir dans les questions liées à l'aménagement du territoire, à la mer, au littoral et aux ports. Par ses prises de parole dans l'hémicycle, il défendit ainsi ardemment les quatre piliers sur lesquels reposait, selon lui, la politique maritime française : la réforme portuaire, l'enseignement supérieur maritime, l'audit portant sur le pavillon français et son développement futur, la sécurité maritime. Il fut presque naturellement, allais-je dire, un rapporteur écouté et efficace du budget de la mer.

Jean-Yves Besselat a notamment participé à la commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et à celle portant sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur.

C'est au Havre, sa ville d'adoption, qu'il vit son engagement pour la politique maritime de la France se concrétiser par les plus belles réalisations : l'immense chantier portuaire Port 2000, inauguré en 2006, l'organisation du grand succès populaire que fut l'escale du porte-avions Charles de Gaulle en juin 2004, mais aussi et surtout le projet de la nouvelle école de la marine marchande.

Pour Jean-Yves Besselat, le 23 mars 2012 devait être un jour de fête. Après tant de travail et de détermination, il était parvenu à réunir les partenaires financiers nécessaires à la construction de cette nouvelle école de la marine marchande qu'il défendait avec force. C'est le 23 mars 2012 que ce projet majeur pour la politique maritime de la France allait prendre forme puisque tous les acteurs concernés étaient réunis dans les locaux de l'ancienne école pour lancer officiellement le projet de déménagement vers les docks du Havre. Hélas, Jean-Yves Besselat ne put s'y rendre, vaincu par la maladie après une bataille de plusieurs années.

Son courage et sa ténacité forcent l'admiration. Jusqu'au bout, il consacra toute son énergie à son travail d'élu, avec la détermination d'un homme qui voulait que chaque jour gagné sur la maladie fût un jour utile pour son travail et pour ses projets.

En 2011, il était parmi les tout derniers députés présents jusqu'à la fin des travaux parlementaires. Le mercredi 2 novembre 2011, la voix de Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission du développement durable pour les affaires maritimes, résonna pour la dernière fois dans cet hémicycle. Cette prise de parole fut à l'image de l'ensemble de son engagement : pleine de force, de dignité et de conviction. Les cinq minutes qui lui étaient initialement accordées étaient forcément trop courtes car pour Jean-Yves Besselat : « Essayer d'être bref s'agissant de la politique maritime de la France relève de la gageure ».

Beaucoup savent ici que sa référence était Charles de Gaulle. En rendant aujourd'hui hommage à Jean-Yves Besselat, comment ne pas évoquer ce passage des Mémoires de guerre : « La difficulté attire l'homme de caractère, car c'est en l'étreignant qu'il se réalise lui-même ».

Jean-Yves Besselat était un député qui a fait honneur à la France et à la République.

À son épouse, à sa famille ainsi qu'à ses proches et à ses collègues, j'exprime au nom du Gouvernement et en mon nom personnel nos condoléances les plus sincères.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En hommage à la mémoire de notre collègue décédé, j'invite notre assemblée à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, qui êtes venus en grand nombre (Sourires), je souhaiterais mobiliser votre attention quelques instants seulement.

Je ne serai pas long, le Premier ministre ayant exposé hier avec pertinence les raisons pour lesquelles l'ensemble des textes qui vous sont soumis devaient être adoptés.

En outre, M. le ministre délégué chargé des affaires européennes développera dans un instant, avec le talent aimable et convaincant qu'on lui connaît, des arguments tout aussi probants.

Je souhaiterais pour ma part souligner deux points particulièrement convaincants, qui justifient l'approbation de ce traité.

Tout d'abord, je laisserai de côté la question importante de la souveraineté. Plusieurs d'entre vous l'ont déjà soulevée, et nous pourrions en débattre à l'infini ; mais elle a été tranchée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue en août dernier. Comme vous le savez, il a estimé que les dispositions du traité ne portaient aucune atteinte à la souveraineté, rendant du coup caduques les discussions qui pouvaient naître sur ce sujet.

Je n'interviendrai pas non plus dans le débat, relativement nourri, sur la notion d'austérité – le traité proposé va-t-il ou non dans le sens de l'austérité ? – car nous pourrions en débattre longuement. Connaissant comme vous ces sujets, je pense que la fixation d'un taux de 0,5 % en matière structurelle et la prise en compte de la notion de circonstances exceptionnelles ne changent pas grand-chose à la question de l'austérité.

De plus, soyons précis : le budget présenté par le Gouvernement est rigoureux en raison non des obligations créées par le traité, mais tout simplement de l'état de nos finances publiques. La situation que nous avons trouvée en arrivant au pouvoir ne nous a en effet pas laissé d'autre choix.

J'élimine donc ces thèmes, souvent développés mais qui ne me paraissent pas tout à fait pertinents dans notre discussion.

Je retiendrai seulement deux séries d'arguments.

Le premier argument – M. Cazeneuve l'a longuement et avec pertinence évoqué hier, tout comme M. Jean-Marc Ayrault – porte sur le fait que nombre d'entre nous avons souhaité une réorientation de la politique européenne de la France.

À l'examen du traité ainsi que des dispositions qui l'accompagnent – car elles ne peuvent en être détachées – l'on constate que cette réorientation est en route. Elle n'est certes pas terminée, loin de là, mais elle en constitue les premiers pas.

Comme vous le savez, et sans vouloir être trop abstrait, à la fin du mois de juin dernier a été adopté, sous l'impulsion notamment de la France, le pacte de croissance. Celui-ci va dans le sens d'une réorientation de la politique européenne.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Oui, il reste du chemin à parcourir, monsieur Myard ; mais on ne peut se rendre au bout du chemin si on n'en prend pas le début…

Les décisions concernant la Banque européenne d'investissement, les project bonds ou l'utilisation des fonds structurels, qui seront traduites d'ici quelques jours, représentent 240 milliards d'euros selon les calculs du ministre des affaires européennes. Loin d'être une abstraction, ces montants financeront des projets dans chacune des régions ici représentées.

De plus, au-delà du pacte de croissance existent d'autres décisions, et reconnaissons que le sérieux budgétaire affiché par ce traité a contribué à en faciliter l'adoption.

Ainsi, la décision relative à la supervision bancaire permettra d'améliorer la situation, même si le travail n'est pas terminé. Dès lors que la Banque centrale européenne contrôle ce qui se passe dans les différentes banques, nombre d'abus commis par le passé, et que vous aviez tous dénoncés, ne pourront plus se produire. En outre, la garantie des dépôts, que beaucoup d'entre nous réclamions depuis très longtemps, sera mise en place.

De même, la taxe sur les transactions financières, dont nous n'arrivions pas à obtenir la création alors que nombre d'entre vous l'appeliez de vos voeux, a enfin été adoptée.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Le ministre de l'économie français et son collègue allemand viennent d'écrire à l'ensemble des membres de l'Union européenne concernés. Cette taxe sur les transactions financières fait désormais l'objet d'une coopération renforcée.

Il en va de même pour le fameux « mécanisme Draghi », dont M. Sarkozy – je ne reviendrai pas sur son bilan – n'avait jamais réussi obtenir la mise en place.

Mes positions sur les questions européennes sont connues : je n'ai cessé de réclamer que la Banque centrale européenne sorte de son rôle initial et prenne à sa charge, de façon illimitée, les obligations à court terme émises par les États, afin de les soulager. C'est désormais chose faite.

Voilà une mesure que nous demandons depuis de nombreuses années et qui n'est rendue possible qu'en raison du sérieux budgétaire et de la dimension de croissance.

Si, comme le disait M. Myard, à juste titre, on n'est pas au bout du chemin,…

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

…on ne pourra pas passer à la deuxième étape si vous n'approuvez pas la première. Voilà pourquoi il vous est proposé d'approuver un début de réorientation de la politique européenne.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Un certain nombre d'entre vous se demandent s'ils doivent approuver ce traité, s'abstenir ou voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce sont plutôt les députés de la majorité qui s'interrogent…

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Je m'adresserai plus particulièrement à ceux qui envisagent de ne pas voter pour. J'ai trop de respect pour leur position pour penser qu'ils sont dans une espèce de confort en estimant qu'ils peuvent voter comme bon leur semble puisque de toute façon la majorité approuvera ce texte. Je vois M. Asensi opiner du chef et je sais que ses collègues sont sincèrement convaincus de leur vote et qu'ils souhaitent que l'ensemble de l'Assemblée nationale, en tout cas la majorité, vote comme eux.

Mais que se passerait-il si la majorité de cette assemblée et du Parlement décidait de repousser ce traité ? D'abord, celui-ci continuerait d'exister puisqu'il y a suffisamment de pays qui vont l'approuver. Ensuite, la France ne serait pas soumise à ce traité.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Quelle serait alors la réaction inéluctable des marchés ? Dès lors que l'ensemble des pays de l'Union européenne, à l'exception de la France, auraient approuvé les mesures de sérieux contenues dans ce traité, point n'est besoin d'être un grand financier ou un grand économiste pour comprendre que la spéculation se déchaînerait immédiatement sur la France. Je peux malheureusement vous le garantir. Cela veut dire que les taux d'intérêt, qui actuellement sont faibles, augmenteraient et que la France serait obligée, indépendamment d'autres conséquences, de payer budgétairement beaucoup plus que ce qu'elle ne fait actuellement.

Il y aurait encore d'autres conséquences sur lesquelles je veux insister. Le mécanisme européen de stabilité qui a été adopté en 2010 prévoit, dans son dernier considérant, qu'il ne s'applique qu'aux pays qui ont adopté le traité dont nous parlons.

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Cela veut dire que vous voulez changer le MES !

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Cela signifie, monsieur Myard, vous qui vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure, qu'au moment même où la France serait attaquée pour avoir refusé le traité, elle ne pourrait bénéficier des moyens du MES puisqu'elle aurait voté contre.

Et cela va encore plus loin puisque ce que j'appelle de façon quelque peu triviale le mécanisme Draghi, qui permet à la Banque centrale d'intervenir pour alléger le fardeau des États, ne pourrait pas non plus s'appliquer à la France.

Quand on regarde attentivement ce qui figure dans le mécanisme européen de stabilité et l'interprétation qu'en a donnée la Cour de Karlsruhe, on s'aperçoit que la Banque centrale européenne ne pourra intervenir pour soutenir les États en leur rachetant des obligations à court terme que si ces États ont présenté préalablement leur demande au mécanisme européen de stabilité.

Un vote négatif sur ce traité, comme le recommandent certains, aurait donc pour conséquence, dans un premier temps de déclencher une spéculation contre la France puis de la priver de la possibilité de résister à cette spéculation. Mesdames, messieurs les députés, je pense qu'aucun d'entre vous ne souhaite cela. Ce serait pourtant la conséquence mécanique d'un vote majoritaire contre ce traité.

Dès lors que ce texte amorce une réorientation de la politique européenne et que son refus entraînerait le déclenchement d'une spéculation contre la France et l'impossibilité d'y répondre, la conclusion s'imposera à nombre d'entre vous.

En conclusion, je souhaite m'adresser aux quelques représentants de l'opposition qui ont eu la gentillesse de venir m'écouter et qui vont voter ce traité, et leur dire que nous les remercions beaucoup de leur soutien, même si nous apprécierions que les arguments qu'ils font valoir n'amoindrissent pas considérablement cette action de soutien.

Quant à la majorité, et là est probablement l'essentiel, je lui dirai que nous avons beaucoup de choses à faire pour développer la réorientation de la politique européenne. Au mois d'octobre, un premier sommet européen se penchera sur les problèmes de l'Espagne et d'autres, et au mois de novembre, une discussion fort importante aura lieu pour évoquer le cas de la Grèce et d'autres aspects. Nous devons aussi parfaire la supervision bancaire et définir le budget pour les prochaines années. Dans toutes ces occurrences, la voix de la France sera d'autant plus forte qu'elle représentera une Assemblée nationale et un Parlement unis.

À la majorité que je remercie de son soutien au Gouvernement, je veux dire qu'il serait pour le moins légitime que cela se traduise par un nombre de votes nettement plus important que les votes de ceux qui s'apprêtent à adopter le texte mais qui conspuent le Gouvernement.

C'est pourquoi je souhaite avec force, ayant travaillé sur ces sujets depuis de nombreuses années, ayant souhaité comme beaucoup d'entre vous une réorientation de la politique européenne, qu'au moment où elle intervient, vous la souteniez massivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le ministre des affaires étrangères pour les arguments très précieux qu'il vient d'exposer devant la représentation nationale et qui, au moment où nous devons faire un certain nombre de choix stratégiques pour l'Europe, permettent à la majorité de s'engager sur le bon chemin.

Je veux profiter de ce débat pour reprendre un certain nombre des interrogations qui ont été formulées au cours des dernières heures à cette tribune, dans la majorité comme dans l'opposition, et qui renvoient à des questions essentielles.

La première concerne l'avenir de l'Union européenne. Finalement, ce qui nous anime, nous mobilise, nous motive et nous conduit à vouloir convaincre la majorité, la gauche dans son ensemble et le Gouvernement dans l'entreprise de réorientation de l'Union européenne dans laquelle nous nous sommes engagés, c'est la volonté très forte du Président de la République de proposer pour l'Europe un autre projet que celui pour lequel elle était engagée depuis de nombreuses années.

Il est important, comme l'ont indiqué certains orateurs de la majorité ainsi que M. Lequiller, de profiter de ce débat pour clarifier les orientations que nous entendons faire prévaloir, le projet européen que nous voulons porter pour les cinq prochaines années et la dimension stratégique de l'entreprise : avec qui voulons-nous le faire, comment entendons-nous organiser nos relations avec l'Allemagne pour faire en sorte que ce que nous souhaitons faire prévaloir en termes de valeurs et de projets puisse l'emporter ?

Au moment où a lieu ce débat, je pense à tous les indignés qui manifestent dans les capitales européennes, à Lisbonne, à Madrid, à Athènes. Ces peuples inquiets qui souffrent de l'austérité et qui expriment des indignations justes nous envoient un message simple, clair, accessible à l'entendement de chacun de nous et dont nous devons tenir grand compte au moment où nous nous proposons ensemble de dire ce que nous voulons pour l'Europe. Ils nous disent ne plus pouvoir continuer à payer dans la désespérance et dans l'austérité, à perte de vue, la facture de la finance démente, de la spéculation déraisonnable qui a conduit l'économie financière à divorcer depuis longtemps de l'économie réelle jusqu'à voir les banques dans l'incapacité de financer les entreprises qui créent de la richesse et de la valeur sur les territoires. Ces peuples qui souffrent, qui sont à la peine, attendent un projet pour l'Europe qui les réconcilie avec elle.

Par-delà la souffrance qui leur est imposée, la crise économique, financière et monétaire qui ronge l'Europe depuis 2008 nous envoie une deuxième question, celle de la capacité de l'Europe, qui a toujours globalement suscité de l'adhésion depuis qu'elle a été posée sur les fonts baptismaux par ses pères fondateurs, à continuer à emporter cette adhésion.

Si nous ajoutons une couche de crise politique à la crise économique, financière, monétaire, dès lors que nous voyons par ailleurs que ceux qui manifestent leur hostilité à l'égard de l'Europe expriment aussi parfois de l'hostilité à l'égard des valeurs de la démocratie, on court le risque de ne pas voir l'Europe répondre rapidement concrètement au défi auquel elle est confrontée.

Je veux insister sur la volonté absolue du Gouvernement de réconcilier les peuples d'Europe avec l'ambition européenne.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Il faut faire en sorte que, face à la crise, il puisse rapidement apporter des réponses concrètes au défi auquel l'Europe se trouve confrontée. Grâce à la solidarité, à un projet pour l'Europe, à des modalités d'intervention sur les marchés différentes, grâce à un effort de croissance, il faut faire en sorte que nous puissions apporter dans l'urgence les réponses dont l'Europe a besoin.

Sur les bancs de l'opposition, on nous a souvent demandé si nous étions favorables à d'avantage d'union politique et comment nous comptions répondre aux propositions formulées notamment par nos partenaires allemands. Je profiterai de ce débat pour y répondre. Nous sommes à l'avant-garde sur bien des sujets, nous souhaitons davantage d'intégration et de solidarité. Nous sommes convaincus que nous pourrons trouver un accord avec notre partenaire allemand sur toutes ces questions, précisément parce que nous sommes à l'avant-garde. Cet accord, ce compromis utile pour la solidarité pour l'autre Europe, est un combat.

Je voudrais esquisser quelques-uns des sujets qui permettent de montrer que nous sommes engagés dans cette autre Europe, qu'elle est possible et répondre à la question de savoir si le traité dont nous débattons nous empêchera de la construire ensemble. Enfin, je conclurai mon propos en évoquant les étapes qu'il nous reste à franchir.

Cette autre Europe, cette ambition, cette perspective pour l'Europe, quelle est-elle concrètement ? Comment la faire vivre, comment la mettre en perspective ?

D'abord, je veux revenir, comme l'a évoqué à l'instant le ministre des affaires étrangères, sur l'ambition de croissance. Ce qui a présidé à la politique de l'Union européenne voulue par le Président de la République et par le Gouvernement et appuyée, j'en suis convaincu, par une large majorité de députés, c'est la préoccupation qui est la nôtre de voir la croissance remise au coeur des politiques de l'Union européenne.

Nous avons trouvé une situation où la France était affaiblie, la compétitivité dégradée, le déficit du commerce extérieur historique, le déficit du budget incommensurable, où les dettes avaient explosé. La France était affaiblie dans sa relation avec l'Allemagne au point que cette relation était déséquilibrée. La difficulté, pour nous, est de sortir de ces logiques qui veulent que le rétablissement des comptes publics dans sa dimension la plus punitive, condamnant l'Europe et la France à l'austérité à perte de vue, ne soit plus considérées comme l'horizon indépassable de la politique de l'Union européenne.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Nous avons voulu remettre la croissance au coeur de l'Union européenne, à travers le plan de croissance – 55 milliards d'euros de fonds structurels seront mobilisés pour des investissements structurants demain – et la recapitalisation de la BEI qui permettra d'accorder 60 milliards d'euros de prêts qui déclencheront 120 milliards d'euros d'investissements privés.

Je pourrais évoquer aussi les 230 millions d'euros de garantie mobilisés par la Commission pour déclencher 4 milliards d'euros d'obligations de projets, pour financer les investissements structurants de développement durable, de la transition énergétique, de la mise en place des mécanismes d'interconnexion de transports en Europe, tous ces investissements qui feront la compétitivité de demain et dont nous avons besoin.

Ce plan pour la croissance n'est pas un solde de tout compte et nous avons encore beaucoup de combats à mener, qui sont autant de perspectives.

Le premier combat est en cours, il se négocie autour de la table des Vingt-sept. Il s'agit du budget de la Commission de l'Union européenne pour la période 2014-2020. Plus de 1 000 milliards d'euros d'investissements pour l'agriculture répartis entre les aides directes du premier pilier de la politique agricole commune, celles qui doivent permettre le développement rural, deuxième pilier de cette politique, et les fonds de cohésion, avec la nécessité de doter les régions intermédiaires françaises des moyens dont elles ont besoin pour investir dans les infrastructures, dans le développement de demain. Nous avons la volonté de faire contribuer le budget de la recherche, près de 80 milliards, à l'accompagnement des innovations structurantes de demain afin d'en faire des outils de la politique industrielle de l'Europe pour ses filières d'excellence. Nous avons engagé un groupe de travail pour l'électromobilité, qui doit permettre d'avoir une politique industrielle dynamique en Europe, dont le levier sera l'innovation.

De ce point de vue, nous avons une approche très différente de celle du précédent Gouvernement, qui proposait d'amputer le budget de l'Union européenne. Aucune démarche n'avait été engagée pour que la taxe sur les transactions financières, en coopération renforcée, puisse être affectée au budget de l'Union européenne comme ressource propre.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Aujourd'hui encore, d'ailleurs, ce combat doit être mené, car, parmi les pays qui accepteraient de signer la lettre sur les transactions financières, tous ne sont pas d'accord sur une telle affectation de cette taxe. De la même façon, la taxe carbone pourrait être, demain, une ressource de l'Union européenne. Le budget de l'Union, nous le voulons dynamique, nous le voulons doté de ressources propres parce qu'il reste encore des initiatives à prendre pour la croissance, qui pourraient prolonger le plan de croissance de 120 milliards d'euros.

Ce débat sur le budget de l'Union européenne se mène comme un combat dans lequel il nous faut parfois affronter certains de nos partenaires, y compris ceux qui proposent d'aller plus loin dans l'Union mais qui, dès lors qu'il s'agit de poser des actes concrets, en matière de budget ou de croissance par exemple, nous laissent volontiers en avant-garde. Cela dit, toujours, nous finissons par trouver avec eux le bon compromis qui permet de faire la bonne croissance et l'Europe de demain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Outre le budget de l'Union européenne, nous avons d'autres perspectives. Je pense à la politique industrielle, à la nécessité de mettre en place en Europe le juste échange. Il n'y a aucune raison, en effet, que des pays qui n'ouvrent pas leurs marchés publics à nos industries voient ceux de l'Union européenne ouverts aux leurs.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Le juste échange, ce n'est pas le refus du libre-échange, c'est la régulation des échanges commerciaux pour faire en sorte que leur développement apporte la croissance partout en Europe. Nous sommes favorables au développement du juste échange, à la possibilité pour l'industrie européenne de se protéger.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

C'est ce que nous défendrons pour tous les accords à venir, que nous ne signerons pas aussi longtemps que nous ne serons pas assurés qu'ils garantissent un équilibre des relations commerciales dans la concurrence, qui favorise autant le développement de nos industries que celui des industries des autres pays.

On pourrait parler aussi de l'harmonisation sociale et fiscale,…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

…de la nécessité de faire en sorte que l'impôt sur les sociétés soit harmonisé au sein de l'Union européenne, de même que les assiettes fiscales, notamment la fiscalité de l'épargne, pour faire du marché intérieur aussi un outil de croissance, de développement, d'industrialisation, là où l'Europe, à l'exception de quelques pays, se désindustrialise au profit de pays qui n'ont pas les mêmes clauses sociales et environnementales que nous.

Voilà les combats de demain pour l'Europe, voilà les perspectives qui se présentent à nous. Il serait illusoire de considérer que, dans le concert des conservatismes de l'Europe, tout cela s'obtiendra sans soutien, sans énergie, sans que combat soit mené. Pour remporter ce combat, nous avons besoin de la force de ceux qui, dans cet hémicycle, nous soutiennent, et de leurs forces rassemblées. Voilà pour ce qui est de l'enjeu de la croissance.

Le deuxième enjeu est la remise en ordre de la finance. Nous avons souhaité l'union bancaire et avons mis sur le métier la supervision bancaire. Celle-ci a été décidée au sommet européen de juin comme la condition et le préalable à la mise en place de la recapitalisation des banques par le mécanisme européen de stabilité au profit des banques espagnoles, mais aussi de toutes les autres qui sont en difficulté.

La supervision des banques est importante également pour garantir la stabilisation de la finance à terme. Si nous l'avons voulue, c'est parce que, avec la résolution des crises bancaires et la garantie des dépôts, elle est l'instrument de la remise en ordre de la finance. Et elle est la garantie, pour nous, que les errements spéculatifs d'hier ne pourront pas se reproduire demain. Nous avions donc absolument besoin de ces outils.

La décision a été prise mais le combat se poursuit. En effet, certains, en Europe, considèrent que la supervision ne devrait pas concerner toutes les banques ou qu'elle ne devrait pas nécessairement être assurée par la Banque centrale européenne. Nous, nous voulons la supervision de toutes les banques par la Banque centrale européenne parce que nous considérons que c'est la garantie de la remise en ordre durable de la finance.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Nous agissons avec la volonté de faire en sorte – là aussi, parce que nous sommes à l'avant-garde, le fer de lance de ce combat en Europe –, de rassembler autour de nous d'autres partenaires, notamment nos amis de l'Europe du Nord et nos amis allemands.

Pourquoi, chers amis du groupe GDR, poser comme préalable la supervision bancaire ? Parce que, sans elle et sans la possibilité pour les mécanismes de solidarité d'intervenir sur les marchés en substitution des États lorsqu'il faut recapitaliser les banques qui ont, on peut le regretter mais c'est ainsi, des actifs toxiques dans leurs comptes, ce sont les États qui devront le faire, en se finançant sur les marchés aux taux que l'on connaît, les fameux spread, qui sont encore très élevés. Ces spread très élevés sur les marchés ruinent les efforts accomplis par les États, qui ont pourtant tout mis en oeuvre pour rétablir leurs comptes. Si les mécanismes de solidarité que nous avons souhaités n'interviennent pas sur les marchés pour éviter aux États d'avoir à le faire pour recapitaliser leurs banques, alors les États continueront à subir des taux d'intérêt très élevés pour remettre en ordre leur système financier. Ils répercuteront le coût de ces taux sur les peuples qui souffrent de l'austérité. On ne peut pas vouloir lutter contre l'austérité et ne pas accepter la mise en place des dispositifs de solidarité qui, par leur intervention, permettent d'épargner à ces peuples l'effort supplémentaire que le financement des États sur les marchés engendre nécessairement.

C'est là une affaire de cohérence. Si l'on veut lutter contre l'austérité, si l'on veut l'épargner aux peuples, il faut engager l'intervention des mécanismes de solidarité. C'est parce que nous l'avons fait, alors que certains ne le voulaient pas, que nous avons pu obtenir de la Banque centrale européenne, dans le cadre de son mandat de défense de la monnaie et de la stabilité des prix, qu'elle intervienne sur les marchés pour lutter contre la spéculation. Nous avons donc là des pare-feu efficaces qui nous permettront demain, si le dispositif se développe, de lutter durablement contre la spéculation.

Nous devons aller plus loin encore, nous avons mille combats à mener, telle l'émission concomitante d'obligations par les États qui pourrait constituer une première étape de mutualisation des dettes. Nous avons aussi la volonté de rendre totalement possible, demain, la mutualisation des dettes à travers la mise en place des eurobonds.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Certains pays nous disent, et on les comprend, qu'on ne peut pas mutualiser les dettes si les politiques budgétaires ne convergent pas, si l'on n'organise pas une discipline budgétaire.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Nous-mêmes, nous prenons nos responsabilités pour rétablir nos comptes parce que le sérieux budgétaire n'est pas négociable et qu'il constitue un de nos engagements de campagne, et parce que nous savons aussi que la monnaie unique ne peut pas être sauvée sans convergence des politiques économiques et budgétaires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Dans le même temps, nous disons également que, dès lors que cette convergence est organisée et que les politiques respectent le sérieux budgétaire, parce que nous ne voulons pas laisser aux générations futures une dette qui empêcherait la croissance,…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

…alors il n'y a pas de raison de ne pas aller plus loin dans la solidarité, dans la mutualisation pour avoir une Europe intégrée et unie. Dans cette perspective d'intégration et d'unité, l'Europe deviendrait plus forte et, plutôt qu'un problème, elle serait une solution aux difficultés économiques, de croissance et de récession, auxquelles les pays européens se trouvent aujourd'hui confrontés.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Dès lors que les efforts de convergence des politiques et de sérieux budgétaire conduisent à plus de solidarité, dès lors qu'encore plus de solidarité est reconnue comme souhaitable demain, nous acceptons que cette solidarité fasse l'objet d'un processus d'intégration supplémentaire. C'est ce que le Président de la République a appelé l'intégration solidaire.

Je prends l'exemple de l'union bancaire. Si, demain, nous voulons aller plus loin dans la mise en place d'un système de résolution des crises bancaires ou d'une garantie des dépôts, il faudra peut-être aller au-delà des traités actuels. Nous ne sommes pas contre si tout ce qui peut être fait pour assurer la solidarité et le redressement dans le cadre des traités d'aujourd'hui est effectivement fait. Nous ne sommes pas contre aller au-delà des traités actuels si ce qui se fait de plus va dans le sens de la solidarité, de la cohésion, de l'Europe sociale que nous voulons, de l'Europe où les pays se tendent la main les uns les autres lorsque certains sont confrontés à des difficultés inextricables qui les conduisent à imposer à leurs peuples une austérité dont ils ne peuvent plus. Voilà ce que nous voulons faire, voilà quel est notre projet !

J'entends certains acteurs des médias ou de la politique s'interroger sur le souhait de la France de davantage d'intégration et d'union, sur sa volonté de prendre la main que l'Allemagne lui tend sur l'union politique. Cette question appelle une réponse claire.

D'abord, nous aussi, nous tendons la main sur bien des sujets, tous ceux que je viens d'évoquer. C'est l'intégration concrète, la réponse immédiate aux problèmes qui se posent, la volonté de faire en sorte que, dans l'urgence, face à la crise, nous puissions apporter des réponses que justifient la gravité de la situation et l'austérité qui organise partout la désespérance dans les peuples. Nous considérons que tout ce qui peut être fait aujourd'hui doit l'être, ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas prêts à aller plus loin demain,…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

…si plus de solidarité justifie davantage d'intégration.

Je ne pense pas que les peuples qui manifestent à Lisbonne, à Madrid ou à Athènes attendent comme réponse : « Vous souffrez de l'austérité et, pour nous, l'urgence est de faire une convention et un référendum ».

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Ils sont prêts à cela, à condition que, préalablement, nous ayons apporté la démonstration que, dans l'urgence, nous sommes capables de répondre aux questions qu'ils se posent.

Faisons en sorte que, dans le cadre des traités existants, tout ce qui peut être fait pour renforcer la solidarité, renforcer l'intégration et sortir de la crise le soit. Si davantage de solidarité justifie davantage d'intégration, faisons-le, nous y sommes prêts. D'ailleurs, nous le faisons jour après jour avec tous nos partenaires, notamment avec l'Allemagne, avec laquelle nous nous apprêtons à signer le cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée. Nous nous parlons dans le cadre d'une relation rééquilibrée, car la relation franco-allemande n'est jamais aussi forte que lorsqu'Allemands et Français sont capables de se dire les choses clairement. On ne construit pas une solidarité forte avec l'Allemagne sur l'ambiguïté. La célèbre formule du cardinal de Retz qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment ne peut pas s'appliquer à cette relation franco-allemande, où il faut se dire les choses pour construire des compromis solides.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sarkozy et Merkel ne se parlaient pas franchement ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Voilà ce que nous essayons de faire. J'entends dire qu'il y aurait une dégradation de cette relation et que nous ne serions pas capables de construire des compromis avec les Allemands pour demain. Nous les construisons à partir de ce que nous voulons pour l'Europe, en entendant ce que les Allemands veulent pour l'Europe, dans le respect mutuel. D'ailleurs, le ministre Laurent Fabius a souhaité que nous participions au travail de réflexion du ministre Westerwelle en apportant notre contribution alors que, jusqu'à notre arrivée, nous n'étions représentés que par des ambassadeurs dans ce groupe.

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Qu'avez-vous contre les ambassadeurs ? Monsieur le ministre des affaires étrangères, défendez-les ! (Sourires).

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Nous sommes prêts à faire ce travail et nous le ferons. Croissance, solidarité, remise en ordre de la finance, volonté d'aller vers la mutualisation des outils de politique monétaire et financière pour soulager les peuples qui souffrent, voilà les perspectives pour l'Europe, voilà le projet que nous portons.

Ce traité nous empêche-t-il de le faire ? La politique que nous voulons mettre en oeuvre est largement tributaire du passé : ce traité est un héritage.

Je répondrai à trois arguments. Peut-on, avec ce traité, mener des politiques contracycliques ? Laurent Fabius l'a rappelé tout à l'heure : le déficit structurel déduit du déficit public les dépenses mobilisées par les États pour faire face à des chocs conjoncturels. Cela signifie que, dans le cadre du semestre européen qui lie la France à la Commission européenne en matière d'équilibre budgétaire, la discussion est possible pour que nous tenions compte des moyens que nous aurons mobilisés autour des investissements structurants destinés à entretenir la croissance, sans remettre en cause l'objectif de sérieux budgétaire. Ainsi, la notion de déficit structurel permet de faire face à des chocs contracycliques.

Ensuite, y a-t-il un effet cumulatif entre la réduction de la dette et la réduction des déficits ? – M. Chassaigne m'a interpellé sur le sujet la semaine dernière. Non. La réduction de la dette d'un vingtième par an de la part supérieure à 60 % du PIB, est applicable trois ans après le rétablissement des comptes publics, trois ans après que la France en aura fini avec un déficit excessif. Il n'y a donc pas d'effet cumulatif entre la diminution de la dette et la diminution des déficits, qui soit susceptible d'entraîner une récession.

Enfin, le traité dessaisit-il le Parlement de sa souveraineté en établissant, au profit de la Commission ou au profit du juge européen des pouvoirs dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent ? La Cour de justice de l'Union européenne aura en effet le pouvoir de se saisir de la non-transposition en droit national des clauses du traité. Or, dans quelques heures, ce traité sera transposé dans le droit français. Nous échapperons donc au risque de voir ladite Cour nous rappeler à notre devoir puisque nous l'aurons accompli. À aucun moment le traité ne précise que la Cour de justice de l'Union européenne pourra s'ériger en juge des équilibres budgétaires de la France. C'est dans le cadre du semestre européen, indépendamment, donc, de l'adoption du traité, que la Commission et les gouvernements veillent de conserve à ce que la trajectoire budgétaire des gouvernements soit bien conforme aux engagements pris par eux devant elle.

Le Conseil constitutionnel a constaté qu'il n'y avait pas de transferts de souveraineté. Les travaux conduits par Pierre Lequiller et Christophe Caresche, sous la présidence d'Élisabeth Guigou et de Danielle Auroi, ont bien montré qu'aux termes de l'article 13 du traité existait une possibilité pour le Parlement européen et les parlements nationaux de travailler ensemble pour faire en sorte que la dévolution démocratique des pouvoirs donnés aux parlementaires en matière de contrôle continue à s'exercer.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Il reste donc beaucoup à faire pour changer l'Europe. Nous ne changerons pas l'Europe en étant faibles dans nos rapports avec nos partenaires. Pour changer l'Europe, pour aller au bout du chemin évoqué par le ministre des affaires étrangères, nous avons besoin de la force qui a ici son creuset : la majorité présidentielle. Et je forme le voeu que tous les parlementaires se rassemblent afin que le Président de la République et le Gouvernement disposent de la force dont ils ont besoin pour changer résolument le visage de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, rapporteure.

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J'espère qu'elle, au moins, sera synthétique !

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Madame la présidente, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, contrairement à ce que de nombreux commentateurs prétendaient, il semble qu'une large majorité des Français – 64 % plus exactement, selon un sondage publié lundi – soient partisans de la ratification du traité qui nous est soumis.

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Alors soumettez-le au référendum ! Chiche !

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Alors soumettez-le au référendum ! Chiche !

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Ce sondage signifie que les sondés n'ont pas compris le texte !

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Je ne vous le cache pas, ce chiffre m'a quelque peu surprise car nous traversons la plus grande crise de l'histoire de l'Union européenne. C'était une crise bancaire qui s'est répercutée sur les États ; c'est devenu une crise économique et sociale majeure avec son cortège de malheurs individuels et collectifs. L'idée même d'Europe aurait pu être irrémédiablement abîmée par les dérives libérales qui nous ont conduits à cette situation.

C'est pourquoi, chers collègues, nous ne devons pas sous-estimer l'enjeu. Ne pas ratifier ce traité serait un désastre pour notre pays – le ministre des affaires étrangères vient de rappeler très précisément pourquoi –, provoquerait une implosion de la zone euro, sonnerait le glas de la monnaie unique et, par contrecoup, ferait sombrer l'Union européenne.

En effet, la question qui nous est posée dépasse largement la simple autorisation de ratifier un traité qui, d'ailleurs – je vais avoir l'occasion de le montrer –, innove peu. La question qui nous est posée est bien plus importante : voulons-nous, avec nos partenaires, surmonter la crise de la zone euro et appuyer la réorientation de l'Europe engagée par le Président de la République ? Si nous le voulons, alors nous devons, sans hésitation, ratifier le traité budgétaire car il est un élément d'un accord global qui réoriente l'Union européenne vers la croissance et la solidarité. C'est sur cet enjeu historique que l'Assemblée est appelée à se prononcer.

Il est par conséquent de notre responsabilité, face aux légitimes interrogations qui ont pu naître ces dernières semaines et ces derniers mois, de prendre l'exacte mesure du choix qui nous est soumis. Nous devons en faire une analyse honnête et objective, sans faire abstraction des compléments apportés au traité budgétaire et sur lesquels j'entends revenir après vous avoir présenté les principales dispositions du traité.

Il me semble d'abord utile de rappeler – comme je l'ai fait hier lors du débat sur les perspectives européennes – que le traité budgétaire n'est pas une innovation. Il s'inscrit dans la filiation des textes précédents qui, depuis le traité de Maastricht, ont posé les règles fondamentales de l'union économique et monétaire car, on l'oublie trop souvent, existent, depuis vingt ans, des règles d'or de la monnaie unique.

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Règles qui ont été violées sans discontinuer !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La limitation des déficits publics à 3 % du PIB et des dettes publiques à 60 % s'impose à nous depuis vingt ans. La procédure de surveillance et de sanction en cas de non-respect de ces règles a été formalisée dès 1997 avec le pacte de stabilité et de croissance. Ce dispositif a été modifié plusieurs fois – la dernière en 2011 par l'ensemble de règlements et de directive que l'on appelle le six-pack.

Ce traité n'a donc rien inventé, contrairement à ce que certains ont voulu nous faire croire. Il s'inscrit dans la continuité de ces règles, lesquelles sont indispensables voire consubstantielles au fonctionnement de toute union économique et monétaire. Certaines des clauses du traité se limitent même à la reprise de dispositions déjà en vigueur. Il en est ainsi de l'article 4 sur le rythme de réduction des dettes dépassant 60 % du PIB, avec des aménagements qui en atténuent la portée. Cet article ne fait que reprendre à l'identique une règle posée par le six-pack. Il ne change rien aux règles déjà en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En outre, le traité n'est pas le carcan budgétaire ni l'atteinte à la souveraineté nationale que certains redoutent.

L'article 3 pose le principe d'un déficit structurel annuel des administrations publiques qui ne peut excéder 0,5 % du PIB. L'introduction d'une référence au déficit structurel remonte à la révision du pacte de stabilité en 2005. Ce que le traité budgétaire change, c'est de fixer la limite maximum de déficit structurel à 0,5 % du PIB au lieu de 1 %.

Cette notion de déficit structurel laisse ouvertes des possibilités de négociation et offre des marges de manoeuvre importantes aux politiques nationales – nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du projet de loi organique. D'abord, il y a des débats sur la méthode de calcul de ce déficit. Ensuite, sur le principe, le fait de neutraliser l'impact de la conjoncture et de définir une trajectoire à moyen terme pour atteindre l'objectif voulu permettra de mener, si nous le souhaitons, des politiques contracycliques, c'est-à-dire de soutenir l'activité dans les périodes de faible croissance. S'y ajoute la possibilité de tenir compte de circonstances exceptionnelles, notamment de la perspective d'une récession économique.

J'insisterai enfin sur un point : des économistes ont calculé que la règle des 0,5 % de déficit structurel est en fait moins contraignante que les engagements politiques de réduction des déficits pris par le Président de la République et le Gouvernement. Car les choix budgétaires que notre majorité a faits ne sont pas imposés par le traité. Nous les tiendrons parce que le Président de la République a été élu par les Français sur ce programme et parce qu'ils correspondent à notre intérêt national.

Car, alors que le service de la dette est devenu le premier budget de la nation avec 50 milliards d'euros, seul le retour progressif à l'équilibre des comptes peut dégager des marges de manoeuvre pour financer nos priorités et nous libérer de la pression des marchés financiers. C'est aussi un devoir moral : nous ne pouvons pas faire supporter aux jeunes générations le poids du surendettement de leurs aînés.

Enfin, nous devons rassurer nos partenaires européens et les investisseurs financiers sur le sérieux de la politique budgétaire française, après – je le souligne une nouvelle fois – une décennie où la France n'a pas été un exemple en la matière, et c'est un euphémisme. De 2002 à 2011, notre pays a en effet affiché un déficit public global de plus de 3 % du PIB durant sept années sur dix. Au cours de la même période, notre dette a augmenté de 800 milliards d'euros et son poids dans le PIB s'est accru de 45 %. Bien sûr, il y a eu la crise, mais l'augmentation de la dette a été plus forte en France que chez tous nos principaux partenaires.

Pour tous ces motifs, et contrairement à ce qu'a prétendu M. Mariton tout à l'heure lors des questions au Gouvernement, je considère que le Gouvernement a raison de vouloir faire de nouveau passer le déficit public au-dessous de la barre des 3 % du PIB.

En ce qui concerne l'atteinte à la souveraineté nationale, je ne crois pas non plus que l'on puisse la retenir comme argument. Certes, l'article 3 stipule aussi que chaque État doit se doter d'un mécanisme de correction dit « automatique » des dérives. Il exige également que des organismes indépendants soient désignés, au niveau national, pour contrôler l'application et le respect de la règle de l'équilibre budgétaire. Enfin, il impose que, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du traité, les États signataires transcrivent, dans leur droit national, l'ensemble des obligations que je viens de décrire.

Cependant, la rédaction du traité laisse ouvertes des options multiples quant à cette transposition. Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel et comme l'ont rappelé les ministres, nous n'avons pas besoin d'une révision de la Constitution et nous pouvons nous en tenir à une loi organique.

Le Président de la République, contrairement à ce que souhaitait son prédécesseur, a choisi cette voie. Le recours à la loi organique préservera entièrement la souveraineté nationale et les prérogatives du Parlement. De même, comme l'a observé le Conseil constitutionnel, le traité laisse à chaque État le soin de définir le mécanisme de correction et garantit le respect des prérogatives des parlements. Quant à l'obligation de disposer d'un conseil « indépendant » sur les questions budgétaires, comment le Parlement pourrait-il s'en offusquer après tant d'années à discuter de la validité des prévisions économiques et budgétaires des gouvernements successifs et à chercher à développer sa propre expertise ?

Les autres dispositions du traité ne me paraissent pas non plus justifier les craintes que beaucoup expriment.

L'article 7 porte sur les votes au Conseil quand un État ne respecte pas les règles relatives aux déficits et que l'on doit déclencher une procédure de surveillance. Il empêchera simplement le renouvellement des malheureuses expériences de 2003 et de 2007 lorsqu'une simple minorité de blocage avait évité l'application de procédures à la France et à l'Allemagne.

L'article 8 donne compétence à la Cour de justice de l'Union européenne pour contrôler la transposition par les États de la règle d'équilibre budgétaire prévue à l'article 3. Là encore, la portée de cet article ne doit pas être surestimée : en aucun cas les lois de finances de chaque État membre ne seront déférées aux juges de Luxembourg. Ces lois sont et demeureront des actes de souveraineté et seront adoptées par chaque parlement, conformément aux constitutions nationales.

Enfin, le traité comprend également deux autres titres, consacrés à la coordination des politiques économiques et à la gouvernance de la zone euro. Sur le principe, je ne peux qu'approuver ce souci de meilleure coordination et de meilleure gouvernance. En pratique, la portée de ces dispositions apparaît assez limitée. Je salue tout de même la mention, à l'article 13, d'une conférence réunissant les représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des Parlements nationaux. J'y reviendrai.

Vous le voyez, la portée du traité budgétaire ne doit pas être surestimée. Les innovations qu'il contient sont, somme toute, marginales. Et, comme j'ai eu l'occasion de le préciser, les engagements qu'il impose ne sont pas plus élevés que ceux que nous avons pris devant les Français et que nous tiendrons car c'est notre intérêt national.

Au-delà, on ne peut considérer le traité isolément. Il est indissociable des compléments qui lui ont été apportés grâce à l'action du Président de la République et du Gouvernement.

Lors du Conseil européen du mois de juin dernier, les chefs d'État et de gouvernement ont adopté un pacte pour la croissance et l'emploi – le ministre délégué aux affaires européennes vient de l'évoquer –, avec des retombées concrètes dont certaines ont été chiffrées et, pour notre pays, identifiées – le ministre délégué a donné des indications précises à la commission sur les projets d'investissement dont les retombées, j'y insiste, peuvent se révéler importantes pour la France.

Certains d'entre vous estiment que le montant du pacte de croissance est trop limité. Sans doute ne s'agit-il, de fait, que d'un premier pas, mais je vous conseille, mes chers collègues, de ne pas dédaigner un dispositif de 120 milliards d'euros qui, par un effet de levier sur l'investissement privé, pourrait très bien atteindre la somme de 240 milliards. Dans la situation actuelle, et avec l'héritage que nous avons à gérer, il ne me semble pas que nous puissions refuser la mise en place d'actions pouvant représenter cinq, six, voire sept milliards d'euros de retombées concrètes pour notre pays.

Outre le pacte de croissance, le Conseil européen a également accompli d'importants progrès en faveur de la mise en place prochaine d'une taxe sur les transactions financières et d'une supervision bancaire européenne : il s'agit là des premiers pas vers une union bancaire, laquelle devrait déboucher un jour, selon nous, sur une garantie européenne des dépôts.

Enfin, le Conseil européen a souhaité mettre l'accent sur l'approfondissement de la solidarité financière et a notamment accepté que le mécanisme européen de stabilité puisse recapitaliser directement les banques, pour mettre fin au scandale du renflouement de ces mêmes banques par les budgets de certains États, c'est-à-dire par les contribuables eux-mêmes. Le ministre des affaires étrangères a suffisamment insisté sur ce point pour que je n'y revienne pas davantage.

L'ensemble de ces éléments a insufflé un nouveau climat de confiance, et je suis convaincue que c'est ce climat qui a encouragé la Banque centrale européenne à envisager enfin, en toute indépendance, le rachat illimité de titres de dettes, d'abord ceux des banques puis, depuis le mois d'août, ceux des États.

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Rejeter le traité aurait pour conséquence de faire voler en éclats toutes ces avancées, monsieur Myard, car il s'intègre dans un compromis global de sérieux budgétaire et de solidarité, qui est directement inscrit dans les textes. Comme l'a rappelé M. le ministre des affaires étrangères, le traité budgétaire et celui qui a instauré le mécanisme européen de stabilité sont en effet liés : à l'avenir, un État n'ayant pas ratifié le premier traité ne pourra pas bénéficier de l'aide prévue par le second.

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Si la France refusait de ratifier le traité budgétaire, elle se priverait de la possibilité de bénéficier, à l'avenir, du principal outil de solidarité financière de la zone euro…

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…un outil capable de venir en aide aux États en difficulté – pensons à la Grèce, dont le peuple souffre, ou à l'Espagne – mais aussi, et c'est ce qui importe le plus pour la France, aux banques en difficulté en les recapitalisant directement. Monsieur Myard, vous qui êtes si soucieux de notre intérêt national, je ne comprends pas que vous ne soyez pas convaincu par ces arguments.

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Pour conclure, je tiens à rappeler que le traité budgétaire n'est pas une fin en soi, et qu'il n'est certainement pas la fin de l'histoire. Pour consolider durablement l'intégrité de la zone euro, il faut fédérer les énergies autour de projets d'intérêt commun capables de bénéficier concrètement à nos concitoyens, dans les domaines de l'industrie, des énergies renouvelables, des transports et des réseaux de communication. Nous devrons également faire en sorte que le projet d'une communauté européenne de l'énergie devienne une réalité.

Il faudra aussi que l'Union économique et monétaire se dote d'un gouvernement économique, capable de coordonner les politiques européennes comme cela a été prévu en 1992, mais jamais mis en oeuvre. C'est ainsi que nous pourrons résorber les déséquilibres croissants des balances des paiements, lesquels ne peuvent perdurer dans une zone monétaire intégrée. Cette intégration implique aussi que nous nous dirigions progressivement vers une mutualisation des dettes publiques nationales.

Il importe enfin de relancer l'harmonisation fiscale et sociale entre les États membres, pour mettre fin à la concurrence déloyale et mortifère. Le dumping fiscal et le nivellement par le bas des normes sociales ne sont pas tolérables, car ils sont la négation de l'Union. La concurrence fiscale et sociale entre États membres alimente les divisions, au lieu de rapprocher, les uns des autres, les États et les peuples. J'ai été heureuse d'entendre hier que l'opposition se ralliait à l'harmonisation fiscale et sociale, sur laquelle, reconnaissons-le, elle a peu proposé et agi lorsqu'elle était dans la majorité.

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Nos concitoyens, comme nous autres, qui sommes réunis dans cette Assemblée, aspirent à un renforcement du contrôle démocratique de l'Union, et c'est sur ce point que je conclurai.

C'est le Parlement européen, mais aussi et surtout les parlements nationaux, qui doivent assurer ce contrôle. La commission des affaires européennes et la commission des affaires étrangères de notre assemblée ont ainsi adopté, sur la proposition de M. Caresche, une résolution en ce sens, qui sera bientôt débattue dans cet hémicycle. J'ai également déposé des amendements sur le projet de loi organique relatif à la programmation et la gouvernance des finances publiques. L'objectif est de développer un contrôle effectif de notre assemblée à chacune des phases du processus de dialogue économique et budgétaire qui se met en place entre les institutions européennes et les gouvernements. Cela nous amènera aussi à poser la question de l'harmonisation des calendriers budgétaires, national et européen. Par ailleurs, la conférence interparlementaire prévue par le traité budgétaire doit être instituée rapidement et nous autres, députés français, aurons à y jouer un rôle actif.

Ces orientations en faveur d'une intégration solidaire devraient être les premiers jalons d'une union politique plus étroite. Une fois surmontée la crise actuelle et renforcée la gouvernance de la zone euro, il faudra en effet que la France – en particulier l'Assemblée nationale – avance ses propres idées pour une union politique européenne : nous ne pouvons en effet laisser l'Allemagne formuler seule des propositions sur ce sujet.

Je souhaite, pour ma part, que l'on donne corps au concept de « fédération d'États nations » forgé il y a vingt ans par Jacques Delors. S'engager dans cette voie n'impliquerait pas nécessairement de réviser les traités européens, du moins dans un premier temps, puisque le cadre institutionnel actuel offre déjà de nombreuses possibilités.

Prenons l'exemple de la désignation du futur président – ou de la future présidente – de la Commission européenne, qui aura lieu en 2014. Pour lui donner une légitimité démocratique, Mme Merkel a proposé d'organiser une élection au suffrage universel.

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Le Parti socialiste européen fait une proposition très simple, qui s'inscrit dans le cadre des traités actuels : les socialistes et les socio-démocrates européens ont décidé que leur futur candidat serait désigné avant les élections européennes de 2014, dans le cadre d'une sorte de primaire européenne. La personnalité qui aura été élue mènera, au nom de tous les partis adhérents au PSE, une campagne européenne sur un projet commun.

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En mettant ainsi en lumière une personnalité qui portera un projet politique à l'échelon européen, nous espérons mobiliser davantage les citoyens et combattre l'abstention aux élections européennes, dont l'ampleur est devenue préoccupante. Je me demande d'ailleurs, chers collègues de l'opposition, pourquoi les autres partis européens, en particulier le Parti populaire européen et les libéraux, n'ont pas adopté la même démarche.

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…avec des personnalités exposant publiquement des différences programmatiques identifiables par tous : nous verrons alors nettement les différences qui existent entre l'Europe des conservateurs libéraux et l'Europe des progressistes.

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Une évolution de ce type conforterait tout à la fois l'autorité de la commission et celle du parlement. Si, parallèlement, comme le Président de la République le suggère, le conseil des chefs d'État et de Gouvernement se réunit plus souvent et joue un rôle plus important en matière économique et monétaire, alors c'est l'ensemble des institutions européennes, le Conseil comme la Commission, qui en sortira renforcé.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le projet de loi de ratification du traité budgétaire.

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Je vous invite surtout, car c'est là l'essentiel, à travailler sans tarder à la réorientation de notre Union européenne vers davantage de croissance durable, de solidarité et de projets concrets susceptibles d'apporter un mieux-être à nos concitoyens, à réaliser une union politique qui fasse enfin entendre la voix de l'Europe dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

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Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, je viens d'écouter très attentivement votre défense et illustration, somme toute modérée, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

Nous avons tous, dans les yeux et dans les oreilles, les images et les sons des manifestations qui ont résonné très fortement ce week-end, en France, mais plus encore au Portugal et en Espagne. Ce qui, à Paris, à Lisbonne et à Madrid, jette les femmes et les hommes dans les rues, c'est la crainte d'une austérité sans fin, synonyme de chômage et de mal vivre. Le traité budgétaire européen cristallise toutes leurs angoisses.

N'est-il qu'un bouc émissaire, ou bien représente-t-il un réel danger ? Ce texte, au bout du compte, est-il si fondamental ? Les orateurs qui m'ont précédé ne le pensent pas, et ils ont expliqué que ce texte embarrassant constituait l'héritage d'une période politique passée. C'est vrai, et il s'agit d'un héritage bien lourd !

S'il est donc bien nécessaire de replacer ce texte dans son contexte et d'en relativiser l'impact, il faut aussi en souligner les difficultés, qui sont bien réelles. D'abord et avant tout, il pèche moins par ce qu'il comporte que par ce qui ne s'y trouve pas. Ce traité, qui a vocation à proclamer solennellement notre attachement à la discipline budgétaire, est une contrepartie très douloureuse à la solidarité financière de l'Union européenne.

À quels succès peut bien prétendre une austérité aveugle, dont on néglige l'impact sur l'économie et sur les peuples ? Croit-on pouvoir réconcilier l'Europe avec les citoyens, en se contentant de les abreuver de règles disciplinaires, aux définitions souvent byzantines ? Vous avez du reste souligné, messieurs les ministres, que les questions européennes restent souvent cantonnées à un petit cénacle.

Je salue certes l'indispensable avancée obtenue par le Président de la République qui, en imposant le pacte de croissance, a donné des perspectives d'emploi et de développement, mais le traité demeure, et, avec lui, certaines arrière-pensées de ses rédacteurs.

Prenons la définition du déficit structurel, qu'il prétend limiter à 0,5 % du PIB. En dépit des efforts du Parlement européen et du consensus solidement forgé parmi les économistes, la mesure du solde structurel aujourd'hui retenue par Bruxelles ne préserve toujours pas les investissements d'avenir assumés par les États. Or, ces investissements, en particulier dans le domaine de la transition écologique, sont tout le contraire d'une charge pour l'économie, ou d'une dette sur le dos de nos enfants : ce sont, au contraire, les gages de leur prospérité future.

Évoquons, dans la même veine, les fameuses « circonstances exceptionnelles » prévues par le traité pour aménager la rigueur des ajustements, dont le caractère exceptionnel tient surtout à leur caractère restrictif. Ne sommes-nous pas aujourd'hui, en France comme ailleurs, dans des « circonstances exceptionnelles » ? Chers collègues, nous qui parcourons nos circonscriptions en ces jours difficiles, nous constatons à chaque instant combien la situation est exceptionnelle !

Les modestes dispositions relatives à la gouvernance économique de la zone euro ne sont guère de nature à nous rassurer : corsetés par la seule logique intergouvernementale, les éternels « sommets de la dernière chance » ont définitivement montré leurs limites. L'impératif démocratique aurait été gommé si les députés français, entraînés par Pierre Lequiller, n'avaient milité avec force pour la mise en place d'une conférence interparlementaire, sur laquelle je reviendrai.

Mais, à côté des aspects négatifs que j'ai énumérés plus haut, je remarque l'indéniable souplesse des principales prescriptions du texte qui nous est soumis.

Comme vous l'avez souligné, Monsieur le ministre, le traité se contente bien souvent de solenniser des procédures déjà en vigueur, ou d'en tirer certains prolongements logiques. La contrainte de la maîtrise des déficits est certes exigeante, mais l'état dans lequel la précédente majorité nous a laissé le pays nous impose, hélas ! des efforts bien plus importants. J'ai conscience aussi que la clôture de cet interminable épisode permet de donner des gages à nos partenaires européens, à commencer par l'Allemagne. Celle-ci a su évoluer, tant au sujet de la Banque centrale européenne, que sur la réactivité de nos pare-feu communs que constituent les mécanismes de stabilité. En adoptant une attitude d'abstention bienveillante, elle a rendu possible de réelles avancées.

Il me semble urgent – et je crois que MM. les ministres partagent mon avis – que l'on tourne la page du traité, pour s'atteler enfin à l'essentiel. L'essentiel, c'est évidemment la réorientation de l'Union européenne. L'essentiel, c'est de relever les grands défis qui sont devant nous, à savoir la régulation des excès de la finance et la mobilisation de toutes les forces européennes en faveur de la croissance, ou plutôt d'un développement soutenable mieux ancré d'un point de vue social, environnemental et démocratique.

Sur ces deux points, nos débats ont montré combien les choses ont changé en quelques mois. S'agissant du pacte pour la croissance et l'emploi, de l'union bancaire, de la taxe sur les transactions financières ou de la réflexion sur un vrai budget européen, nous devons saluer les efforts gouvernementaux. Il en va de même pour la mise en place des futurs eurobonds.

Croyez bien, messieurs les ministres, que vous trouverez dans la commission des affaires européennes, déjà fortement engagée dans le suivi de ces politiques décisives, une force de proposition à la hauteur des ambitions dont l'Union européenne a besoin. La proposition de résolution que Christophe Caresche vous présentera bientôt en séance publique, comme la table ronde que nous organisons le 24 octobre sur la démocratisation de l'Europe, participent déjà de cette volonté.

En effet, l'essentiel du travail demeure devant nous quant au défi démocratique. La Commission européenne, en prétendant infléchir les trajectoires budgétaires et les politiques économiques des nations, ne doit jamais oublier qu'elle a des comptes à rendre à tous les citoyens.

Dans cet esprit, notre Commission a souhaité concrétiser au plus vite l'une des rares dispositions du traité qui emporte toute ma conviction.

L'article 13 prévoit en effet, à l'initiative de la France, la réunion d'une conférence budgétaire regroupant les parlementaires nationaux et les députés européens. C'est bien le moins, reconnaissons-le, que les représentants du peuple puissent débattre régulièrement des choix économiques de l'Europe, et qu'ils puissent faire entendre leur voix dans le déroulé des lourdes procédures européennes de surveillance des politiques nationales.

Pour accélérer les choses, M. Caresche nous propose des recommandations précises sur les missions et le calendrier de cette conférence. Notre commission et celle des affaires étrangères les ont approuvées dans un très large consensus.

À lui seul, cet article 13 ouvre la perspective d'un renforcement parlementaire ambitieux dans les prises de décisions économiques européennes.

Enfin, je me permettrai, sur cette question de la gouvernance, une incise. Le Parlement européen vient de rappeler la BCE à l'ordre quant à l'absence de femmes dans son directoire. J'appelle donc votre attention, messieurs les ministres, sur la nécessité de veiller à ce que les femmes soient représentées de manière paritaire dans le futur Haut conseil des finances publiques ! L'égalité entre les femmes et les hommes est au coeur de l'aventure européenne. Ayons le souci de la faire avancer au sein de nos sociétés, mais aussi – pensons à elles – pour les femmes qui, ailleurs, en Tunisie, en Ukraine ou en Russie, par exemple, aspirent à la reconnaissance de leurs droits et de leur liberté…

J'en reviens au traité lui-même, qui, je vous l'ai dit en préambule, suscite ma réserve plutôt que mon enthousiasme. Je ne crois pas que jouer à se faire peur en nous disant que, s'il n'était pas adopté, ce serait une catastrophe, fasse avancer notre réflexion globale.

Cependant, la perspective du travail parlementaire au travers de la Conférence budgétaire, d'une part, et l'ampleur des enjeux qu'accompagne la ratification, d'autre part, me conduisent à titre personnel à choisir la voie médiane de l'abstention.

Néanmoins, en tant que présidente de la commission des affaires européennes, je dois vous dire que cette commission vous propose de soutenir l'adoption de ce traité.

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La présidente de la commission des affaires européennes s'abstient…

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C'est un très mauvais signal ! Une honte ! Pauvre Daniel Cohn-Bendit !

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Monsieur Plagnol, vous aurez la parole en temps et en heure.

La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des affaires européennes.

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Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, je vous remercie de permettre au rapporteur de la commission des affaires européennes de s'exprimer en séance, car ce n'est pas, dans notre règlement intérieur, une règle totalement admise. Je suis heureux de m'exprimer en tant que rapporteur et de créer ainsi un précédent.

Je voudrais essayer, comme je l'ai fait dans mon rapport, de répondre à certaines des interrogations que suscite ce traité et que beaucoup d'entre nous ont en tête au moment de le voter.

La première question qui me semble devoir être posée a trait à la manière dont se construit l'Europe.

Certains considèrent qu'il faut en finir avec l'Europe des petits pas, l'Europe des compromis laborieux et opaques qui désespèrent ceux qui attendent une orientation ambitieuse et déterminée.

Ce traité ne serait au fond qu'une étape de plus dans cette logique délétère. C'est cet argument qui amène des Européens convaincus – je n'ai pas à mettre en doute leurs convictions – à le rejeter au-delà même de son contenu. Je comprends cet argument – car, comme beaucoup, je regrette le manque de lisibilité du projet européen et je pense que tous ceux qui se reconnaissent dans l'idéal européen peuvent partager cette préoccupation –, mais je ne peux l'accepter.

Pour une raison simple, c'est qu'il n'y a pas, aujourd'hui, d'alternative à l'Europe telle qu'elle se construit. Nous n'avons pas d'autre choix que de peser pour orienter l'Europe dans la direction que nous souhaitons. Nous devons être dans la mêlée. Nous ne pouvons pas sortir du terrain parce que les règles du jeu ne nous conviennent pas ou parce que l'Europe serait inachevée.

Condamner la construction de l'Europe actuelle au nom d'une Europe idéalisée, c'est tout simplement condamner l'Europe.

Élisabeth Guigou l'a dit, il y aura en 2014 un grand rendez-vous européen et je ne doute pas que ceux qui souhaitent une autre Europe, une Europe plus fédérale, sauront s'associer avec leurs homologues dans les autres pays européens, en Allemagne, notamment, pour présenter une offre politique commune aux Européens. C'est, en tout cas, l'engagement que prennent les sociaux-démocrates.

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Je vois Jean-Christophe Cambadélis, nouveau premier vice-président du parti socialiste européen, acquiescer…

C'est l'engagement que nous prenons : faire en sorte de nous saisir des élections de 2014 pour présenter une offre politique commune à l'échelle du continent européen, avec un candidat commun pour la présidence de la Commission. C'est ainsi que nous répondrons à la crise du projet européen.

D'ici là, nous devons rechercher des solutions rapides, concrètes, pour répondre à cette crise qui prend les pays européens à la gorge. Nous devons lever le doute qui pèse sur l'Europe, et le lever rapidement. Nul ne peut contester sur ce plan que la donne a profondément changé depuis l'élection de François Hollande.

L'Europe est en train d'élaborer une réponse globale à la crise, que ce soit sur le terrain de la solidarité avec la mise en place du MES et les modalités d'intervention de la BCE, auxquelles personne ne pouvait croire il y a quelques semaines, ou sur le terrain de la croissance avec le pacte pour la croissance et l'emploi.

Certes, ce traité n'a pas été formellement renégocié, mais il s'inscrit dans un ensemble qui, lui, a profondément évolué. Sur ce point, le Président de la République, lorsqu'il était candidat, a toujours associé le terme « renégociation » au fait de compléter ce traité par un volet sur la croissance. Cela a été fait. Je ne suis pas certain qu'il aurait obtenu le même résultat s'il n'avait pas utilisé ce terme de « renégociation », faisant ainsi comprendre à nos partenaires, et en premier lieu à l'Allemagne, qu'il était prêt à une crise s'il n'avait pas satisfaction !

En tout cas, ce n'est pas au moment ou les pièces du puzzle commencent à se rassembler qu'il faut le casser.

La deuxième question que je voudrais évoquer concerne les conséquences du traité sur nos politiques budgétaires. Il me semble que dans ce domaine, on confond deux choses.

S'il est incontestable que les modalités d'élaboration et d'examen du budget inscrites dans la loi organique – qui est discutée en ce moment même en commission, ce qui pose quelques problèmes à ceux qui déposent des amendements – instaurent une véritable discipline, elles préservent, en revanche, la possibilité de mener des politiques dites contracycliques.

Ayons quand même l'honnêteté et la lucidité de dire que, ces dernières années, nombre de budgets ont été élaborés, non seulement sur des hypothèses fantaisistes – nous l'avons souvent dénoncé quand nous étions dans l'opposition –, mais avec l'intention avérée de ne pas respecter nos engagements européens. C'est d'autant plus facile pour nous de le reconnaître que nous n'étions pas au pouvoir !

La majorité sortante a en effet une responsabilité écrasante dans la remise en cause du pacte de stabilité qui a été, en partie, à l'origine des problèmes que connaît l'euro aujourd'hui. Élisabeth Guigou l'a dit, c'est Jacques Chirac qui a décidé en 2004 de s'affranchir du pacte de stabilité, d'un commun accord avec Gerhard Schröder. C'est Nicolas Sarkozy qui, à peine élu, a indiqué que la France ne respecterait pas ses engagements européens en matière de déficits.

L'opposition actuelle voudrait voir graver la règle d'or dans la Constitution, sans doute parce qu'elle a beaucoup à se faire pardonner !

De ce point de vue, on ne peut pas vouloir plus de coordination, plus de solidarité et récuser la discipline qui est le ciment de la confiance entre les pays européens. Là aussi, il faut être cohérent.

Pour autant, les dispositions du traité telles qu'elles seront transposées dans notre législation permettront de continuer à mener des politiques de relance si nécessaire. On peut même considérer que la définition en termes de déficit structurel, qui tient compte des aléas conjoncturels, est plus satisfaisante que celle du sacro-saint déficit « maastrichtien » de 3 %.

En outre, les capacités d'appréciation politique et les prérogatives du Parlement seront préservées. La Cour européenne de justice, contrairement à ce que j'ai souvent lu, n'aura pas la possibilité de se prononcer sur l'exécution des budgets nationaux : elle a seulement la capacité de vérifier la transposition du traité dans les législations nationales, pas celle de censurer un budget.

Le Conseil constitutionnel continuera, certes, à se prononcer sur la sincérité du budget, mais pas sur nos engagements européens.

Enfin, si le Haut conseil des finances publiques est présent à tous les stades de la procédure budgétaire, il n'émet que des avis, laissant au législateur le soin de décider.

Dernière question, enfin, que je voudrais traiter ; la place des parlements dans la construction européenne.

Beaucoup soulignent, à juste titre, le caractère intergouvernemental de plus en plus prononcé de la construction européenne. Il est indéniable que la crise, mais aussi la volonté de personnalisation de son traitement par Nicolas Sarkozy, notamment, a contribué à marginaliser les parlements, le Parlement européen, mais aussi les parlements nationaux.

Il faut impérativement rééquilibrer le mode de gouvernance européen au profit des parlements. C'est pourquoi, avec le groupe socialiste, nous avons voulu préciser l'article 13 du traité qui prévoit la possibilité de créer une conférence budgétaire interparlementaire réunissant des membres du Parlement européen et des membres des parlements nationaux.

Cette proposition, que Pierre Lequiller, que je veux saluer, avait portée auprès des autorités françaises, doit désormais se concrétiser.

Avec Elisabeth Guigou, nous avons donc formulé des propositions précises dans une résolution qui a été adoptée à l'unanimité tant à la commission des affaires européennes qu'à la commission des affaires étrangères, afin d'entamer des discussions avec le Parlement européen et nos partenaires européens.

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Je vous remercie de le dire, cher collègue.

Nous disposons, avec cette résolution, d'un cadre qui doit permettre aux parlements nationaux de jouer tout leur rôle dans le processus d'élaboration des orientations économiques et budgétaires européen.

D'une manière plus générale, il me semble que l'Assemblée nationale doit également se mettre en position de participer au grand débat sur les questions d'intégration politique, notamment à travers le rapport qui va être remis par M. Van Rompuy. J'ai entendu dire que le Président de la République lui-même s'exprimerait sur ces questions. Nous avons l'opportunité d'essayer de rééquilibrer un mode de construction, un mode de discussion et de négociation qui, aujourd'hui, a prouvé ses limites, mais que nous pouvons réformer dans la bonne direction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et UDI.)

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J'ai reçu de M. André Chassaigne et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. François Asensi.

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Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Union européenne est dans l'impasse. Elle traverse une de ses plus graves crises, c'est un constat partagé. Cette crise est celle de la finance folle, de la spéculation et de la dérive bancaire.

Prétendre que nous sommes dans la crise du fait du surendettement des États est une contre-vérité ! Ce mensonge est au coeur de la règle d'or.

Il y a urgence à sortir des aveuglements idéologiques qui nous ont conduits à cette débâcle économique et sociale.

Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche, profondément attachés à l'idéal européen de paix et progrès, sont pleinement engagés dans cette bataille.

Non, l'Europe économique ne souffre pas des dépenses, si utiles, de ses États membres. Elle souffre de sa soumission au capitalisme financier et à ses logiques spéculatives.

Non, l'Europe politique ne pâtit pas de l'expression démocratique des citoyens européens. Elle pâtit d'une construction coupée des peuples, véritable monstre technocratique.

Endossée aussi bien par les sociaux-démocrates que par les libéraux-conservateurs, cette tragique erreur de diagnostic nous conduit à l'Europe de la misère et du chômage de masse ! Ce n'est pas une formule, dans un continent où 115 millions de personnes sont menacées de pauvreté ! Où plus de 50 % des jeunes Espagnols ou des jeunes Grecs sont au chômage !

À mauvais diagnostic, mauvais remède.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance n'est pas une cure salutaire, mais une potion si amère qu'elle risque d'anéantir l'économie européenne, de nourrir la défiance des peuples et de faire le jeu des pires nationalismes.

Votre règle d'or est une arme antidémocratique, antisociale et antiéconomique. Le traité que nous examinons aujourd'hui n'a rien d'anecdotique, contrairement à ce que prétend le Gouvernement depuis plusieurs semaines, avec l'aide du Conseil constitutionnel. Si tel était le cas, pourquoi un tel entêtement de la part de l'Allemagne ? Pourquoi un tel empressement du Gouvernement, qui engage la procédure accélérée pour couper court au débat avec les Français ?

Les dirigeants européens tentent de masquer les véritables enjeux de ce texte, rendu complexe à dessein. Mais les citoyens ne sont pas dupes.

Premièrement, ce traité bafoue la souveraineté du peuple français.

Deuxièmement, il transfère l'élaboration du budget de la nation aux institutions européennes et à leurs experts non élus.

Troisièmement, il vide de sa substance parlementaire notre assemblée.

Quatrièmement, il s'oppose au caractère social de notre République et détricote le programme du Conseil national de la Résistance.

Ce traité dicte à notre pays ses orientations politiques fondamentales, grave dans le marbre les politiques d'austérité et place les budgets nationaux sous tutelle et sous sanction. Il remet ainsi gravement en cause les fondements constitutionnels de notre démocratie, de notre République. Je m'attacherai à vous en convaincre en défendant cette motion de rejet préalable.

Chaque jour, la construction européenne aggrave un peu plus son déni démocratique. Une Europe sans les peuples, voilà le projet que vous semblez défendre ! Le traité d'austérité européen en est le dernier avatar. Le principe de souveraineté du peuple, inscrit à l'article 3 de notre Constitution, devient une formule plus qu'une réalité. Quitte à déranger, je tiens à rappeler que la crise démocratique en Europe a des racines profondes et des acteurs bien identifiés. En 2005, les peuples français et néerlandais ont repoussé le traité constitutionnel. À l'époque, nous avions gagné ensemble, monsieur le ministre des affaires étrangères !

Ce non à l'Europe des marchés financiers et à la concurrence libre et non faussée n'a pas été écouté. Nous payons encore le prix de cet autisme. À peine deux ans plus tard, en effet, le traité de Lisbonne reprenait les mêmes dispositions, de l'aveu même de son rédacteur, Valéry Giscard d'Estaing. Pour assurer le succès de ce passage en force, interdiction était faite aux États membres d'organiser un referendum sur ce texte. L'Irlande, seul pays constitutionnellement tenu à une consultation de son peuple, a dû s'y reprendre à deux fois pour parvenir à son adoption, en exerçant un chantage indécent en faveur du oui. En France, l'abstention de la majeure partie des députés socialistes et écologistes au Congrès de Versailles a permis à la droite de faire adopter ce traité. Ce fut une véritable forfaiture !

Après tant de scrutins foulés aux pieds, comment s'étonner de la défiance des citoyens à l'égard de la construction européenne ? Comment expliquer autrement le désamour des Européens et en particulier des Français envers l'Union ? Pour notre part, nous avons toujours défendu une même position. À chaque étape majeure de la construction européenne, le peuple doit être associé et consulté. Ses choix doivent être respectés. C'est le sens de la proposition de loi constitutionnelle de mon ami Marc Dolez, prévoyant que tout traité modifiant en profondeur nos institutions soit soumis aux Français.

Depuis 2005 et la trahison de la souveraineté populaire, jamais les Français n'ont été consultés sur l'orientation de l'Union européenne. Depuis ce péché originel, l'Europe avance contre les peuples. Il existe un principe républicain, simple et basique, auquel nous tenons : ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le défaire. La souveraineté du peuple est inaliénable et les parlementaires ne peuvent être une nouvelle fois les censeurs du peuple. Le Conseil constitutionnel, garant de ce principe, aurait dû déclarer ce traité budgétaire européen incompatible avec notre Constitution.

La constance de notre position tranche singulièrement, disons-le, avec les engagements reniés de la social-démocratie. Comment accepter que le déni démocratique orchestré par M. Sarkozy et Mme Merkel se poursuive dans notre pays après l'élection d'un Président de la République de gauche ? Qu'il est loin, le temps où celui qui est aujourd'hui Premier ministre défendait une motion appelant à la consultation des Français, par référendum, sur la ratification du traité de Lisbonne ! Le référendum, disait-il, « est une exigence démocratique. Parce que l'Europe le vaut bien. Parce que c'est le droit des Français ». « Je ne veux plus, ajoutait-il, de cette Europe obscure, de cette Europe honteuse. Je veux une Europe au grand jour. »

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Je n'ai pas bien entendu. Qui tenait ces propos ?

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Alors pourquoi ne pas consulter les Français sur ce traité budgétaire dont les conséquences pour notre pays sont majeures ? Le choix de contourner une révision de la Constitution pour masquer les enjeux n'honore pas notre Gouvernement, je le dis très sincèrement. Qu'il est loin, le temps où les socialistes s'abstenaient de voter le mécanisme européen de stabilité pour marquer leur refus du traité budgétaire ! Qu'il est loin, le temps où le candidat François Hollande s'engageait de la manière la plus explicite à renégocier ce traité à la faveur de son élection ! Cette promesse, énoncée dans le discours du Bourget et inscrite dans les engagements de campagne, a succombé devant l'intransigeance de l'Allemagne et, je crois, devant la peur d'affronter les marchés financiers et les spéculateurs.

Hormis un pacte de croissance assez maigre et relégué en annexe, le traité accepté par le Gouvernement français lors du Conseil européen de juin dernier n'a bougé d'une seule virgule. Oubliées, les conditions posées par François Hollande concernant la création d'eurobonds ou l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, celle-ci étant encore reportée de plusieurs mois ! Quelques mois à peine après l'élection présidentielle, ce renoncement creuse encore plus le fossé entre la politique et les citoyens. Dans ces conditions, rien d'étonnant à voir dimanche dernier des dizaines de milliers d'électeurs de François Hollande – j'insiste bien : il s'agissait d'électeurs de François Hollande –manifester contre le traité Sarkozy-Merkel et pour une Europe sociale et solidaire. Comment ne pas leur donner raison ? La souveraineté du peuple est à nouveau bafouée !

En validant la transposition du traité par une loi organique, le Conseil constitutionnel a dépossédé les Français de leur vote. C'est inacceptable. Peu osent l'avouer, mais les élites politiques et administratives sont convaincues que l'Europe est trop complexe pour les citoyens. Les Français ne seraient pas capables de comprendre des sujets aussi sérieux alors même qu'ils concernent leur avenir ! Dimanche, le ministre du budget estimait, non sans condescendance, que les manifestants contre le traité d'austérité commettaient une erreur de fond. De la droite à la social-démocratie, ce dessaisissement des citoyens fait consensus.

Nous nous y opposons. On ne peut continuer à construire une Europe sans les peuples. J'ai entendu hier M. Borloo parler à cette tribune, et de manière prolixe, de chiffres, de graphiques, de résorption des déficits budgétaires. Je ne l'ai pas entendu prononcer un seul mot au sujet des peuples, du chômage, des jeunes, des indignés qui manifestent en Grèce, en Espagne, un peu partout. Jamais ! C'est absent, ça n'existe pas !

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La démocratie représentative que nous incarnons s'effacerait donc devant une démocratie des experts – juges, économistes, financiers –, qui s'arrogent le droit de décider des orientations politiques les plus fondamentales. De l'Italie à la Grèce, les gouvernements font d'ores et déjà la part belle à ces experts, qui ont, le plus souvent, émargé dans des banques d'affaires et défendent ardemment un parti pris ultralibéral. De l'Italie à la Grèce, les gouvernements d'union nourrissent le sentiment désastreux qu'il n'existe aucune voie politique alternative. Cette évolution alarmante imprègne le coeur du traité d'austérité. Le politique s'efface devant l'économique et les marchés financiers exigent de placer les nations en pilotage automatique.

Dans son dernier essai, le philosophe allemand Habermas, pourtant ardent défenseur de la construction européenne, met en garde contre un traité européen d'austérité qui, écrit-il, « permettrait de transférer les impératifs des marchés aux budgets nationaux sans aucune légitimation démocratique propre ». Il dénonce en termes forts et lourds de sens une Europe post-démocratique.

En France, ce gouvernement des juges et des experts adviendra si ce traité est adopté. Il prendra les traits du Haut comité des finances publiques : cheval de Troie de la Commission européenne, il veillera au respect des critères de réduction des déficits et rognera les pouvoirs du Gouvernement, pourtant chargé de conduire la politique de la nation. Pour cette mission, il n'aura reçu aucun mandat de nos concitoyens.

Le Conseil constitutionnel, autre étage de la fusée austéritaire, contrôlera la conformité des lois de finances à la règle d'or et pourra les censurer, là encore, sans mandat. Nous nous interrogeons, avec de nombreux juristes, sur la constitutionnalité de cette nouvelle compétence obligatoire dévolue au Conseil constitutionnel par le biais d'une simple loi organique.

J'en viens au coeur de mon propos, c'est-à-dire les dispositions mêmes du traité d'austérité qui bafouent notre souveraineté. Sa constitutionnalité fait débat, c'est le moins que l'on puisse dire ! La vice-présidente de l'Association française de droit constitutionnel, Anne-Marie Le Pourhiet, déclarait cet été : « Je trouverais incroyable qu'on estime que le traité budgétaire ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale alors que, pour cette raison précise, il a dû être ratifié en Allemagne à la majorité des deux tiers. »

Constamment, lors des traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Lisbonne, le Conseil constitutionnel avait jugé que les transferts de compétences portaient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Mais l'incroyable est devenu réalité le 9 août dernier. Dans sa décision, le Conseil s'est écarté de cette jurisprudence, en avalisant un transfert de souveraineté sans modification constitutionnelle. Reconnaissons-le, cette décision est fondée sur des considérations politiques plus que juridiques. Dois-je rappeler ici que plusieurs membres du Conseil constitutionnel ont été les concepteurs des traités européens ? Y siègent notamment M. Valéry Giscard d'Estaing et, depuis peu, M. Sarkozy.

Comme l'affirme le constitutionnaliste Didier Maus, « le budget est une prérogative régalienne. C'est un des piliers de la souveraineté nationale. » Sous l'Ancien Régime, dans une France surendettée, la première décision du Tiers état a consisté à confier au peuple la pleine souveraineté sur la collecte de l'impôt et l'emprunt public. Par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la Révolution française a placé les finances publiques au service de l'intérêt général.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance constitue un terrible coup de boutoir contre ce principe de souveraineté du peuple en matière budgétaire. Quel parlementaire, quel républicain, quelle que soit son appartenance politique, peut accepter une telle régression ? Corseté par des règles absurdes et arbitraires, délocalisé à Bruxelles, poursuivi devant la Cour de justice au Luxembourg, notre budget ne nous appartiendra plus, chers collègues ! Subsisteront seulement des miettes de souveraineté budgétaire.

La règle d'équilibre budgétaire, qui n'est certes pas nouvelle, se trouve en effet considérablement durcie dans sa définition par un déficit structurel de 0,5 %. Plus préoccupant, le traité instaure un contrôle permanent et coercitif de la Commission européenne sur l'effort de réduction des déficits des États membres. Sa mission se résume à deux mots : surveiller et punir.

En cas de déficit trop important, un mécanisme de correction automatique frappe l'État concerné. En clair, il doit présenter pour approbation un programme de réformes structurelles à la Commission et au Conseil. La Commission a tout loisir de lui imposer des réformes structurelles désastreuses : programme de privatisations, flexibilité du marché du travail, baisse des dépenses sociales. Par l'article 7, chaque État devra soutenir les mesures antisociales imposées par la Commission à un État voisin. Que reste-t-il des relations bilatérales entre États ? En cas de non-respect de la discipline budgétaire, les États vertueux peuvent traduire en justice les États en difficulté et leur infliger de lourdes sanctions. Ce mécanisme de délation, détestable, sape la solidarité européenne !

Le traité qualifie ce processus de partenariat budgétaire et économique, mais il s'agit purement et simplement d'une mise au pas, qui s'ajoute aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance et du six-pack. L'élaboration du budget de la France sera constamment placée sous l'étroite surveillance de la Commission européenne. Celle-ci confortera son rôle de directoire du capitalisme financier à l'échelle de l'Europe. En amont, les orientations budgétaires des États devront être validées, en mai et juin, par les instances européennes. En aval, les projets de loi de finances trop dépensiers pourront être attaqués et détricotés selon les canons de l'ultralibéralisme. Un nouveau pas est franchi vers un fédéralisme européen autoritaire.

Malgré ces bouleversements majeurs, le Conseil constitutionnel a jugé que ce traité n'apportait rien de nouveau ! Une telle mauvaise foi est remarquable ! Le Gouvernement prétend que la ratification du traité renforcera la souveraineté de la France. C'est difficilement soutenable, devant ces éléments. Quelle souveraineté asseoir sur l'asservissement à la finance ? Quelle souveraineté préserver dans la soumission à l'orthodoxie allemande ?

Nous ne sommes pas opposés – ce que je vais dire va peut-être vous surprendre – à des transferts de souveraineté, mais à la condition qu'ils soient consentis par les peuples et placés sous leur contrôle. Rien de tel dans ce traité d'austérité budgétaire. Face à un projet fédéraliste qui vise en réalité à la dissolution de la sphère publique dans le marché, nous défendons plus que jamais une Europe des peuples basée sur une coopération renforcée des États nations.

Je souhaite également, mes chers collègues, souligner le reniement absolu du parlementarisme dont ce traité est porteur. Le vote de la loi de finances représente, comme le souligne le constitutionnaliste Jean Gicquel, l'acte politique le plus important de l'année. La pratique présidentialiste sous la Ve République a grandement dénaturé nos institutions, ainsi que la prééminence du Parlement en matière budgétaire, pourtant reconnue par les articles 24, 39 et 47 de notre Constitution. La ratification de ce traité marquera un nouvel affaiblissement, pour ne pas dire l'extinction de nos pouvoirs budgétaires.

Que se passera-t-il demain ? Le budget, issu de négociations communautaires, sera ficelé et la discussion parlementaire se tiendra au sein d'une simple chambre d'enregistrement. Nos amendements seront systématiquement écartés par le Gouvernement, au prétexte de satisfaire à la discipline budgétaire imposée par Bruxelles. Bientôt, mes chers collègues, nous regretterons la clémence de l'article 40 ! Le Haut comité des finances publiques occupera la place de co-législateur, en qualité de chien de garde de la règle d'or.

L'article 13 du traité résume et consacre l'abaissement des Parlements nationaux. En guise de renforcement de leur rôle dans les institutions européennes, ces derniers se réuniront en conférence. Dans quel but ? « Débattre », « discuter », ce sont les termes employés. Cette supercherie est consternante. Fini le vote du budget ; place à la simple discussion ! Mes chers collègues, avons-nous été élus pour cela ? Accepterez-vous de siéger dans une chambre fantoche où tout se discutera et où rien ne se décidera ?

La proposition de résolution de M. Christophe Caresche sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen démontre d'ailleurs un certain malaise. Cet ancrage n'existe plus, le bateau est à la dérive.

La réaffirmation, par les mots, de la souveraineté budgétaire des Parlements nationaux ne masque pas son affaiblissement dans la réalité. Députés communistes, républicains et du Parti de gauche, nous nous opposons à cette grave atteinte à la nature parlementaire de notre République et au spectre d'un véritable gouvernement des juges et des experts.

Ce traité d'austérité renferme aussi une attaque au caractère social de notre République.

Allons droit au but : ce traité, je le dis solennellement, interdira purement et simplement de mener une politique de gauche en France. J'irai même plus loin : il interdira de mener une politique social-démocrate dont votre gouvernement se revendique.

Comment ne pas voir que ce traité bloquera tous les fondements économiques de telles politiques : refus de la relance budgétaire, refus de l'investissement public dans l'économie, refus de l'utilisation de l'arme monétaire ?

J'ai lu, dans une interview au Monde, que M. Moscovici se réclamait de Keynes. Mais plus on en parle, moins on en fait !

Monsieur le Premier ministre a déclaré à propos du traité de Lisbonne : « On n'institutionnalise pas le libéralisme. On ne grave pas dans le marbre la concurrence libre et non faussée. ». Je regrette, mais j'ai le sentiment que Jean-Marc Ayrault a changé d'avis.

On ne dira jamais assez que figer des politiques économiques dans la loi est une absurdité, de l'avis même des économistes. Le politique se prive alors de toute marge de manoeuvre pour agir avec discernement et pragmatisme devant une conjoncture économique toujours changeante. Il s'agit d'idéologie pure et de mauvaise gestion économique.

Mais les ultralibéraux se moquent du bien-fondé de leur dogme. Leur seul but est de réduire à néant la place de l'État dans la société et de faire place nette pour la loi du marché, la loi du plus fort, et le développement sans borne des inégalités.

Dans le cadre de ce corset budgétaire absurde et inefficace du traité européen, comment imaginer mettre en oeuvre le préambule de 1946, partie intégrante de notre Constitution ? Qu'en est-il de ce qui est gravé dans le marbre de notre loi suprême : de la garantie de la sécurité matérielle, de la protection sanitaire, du repos et des loisirs ; de la propriété collective des services publics et des monopoles ; de l'égal accès à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ; de la prise en charge de toute personne dans l'incapacité de travailler ?

Je ne crois pas inutile de rappeler le premier article de notre Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. ». Quel sens donner à cette République sociale avec une austérité gravée dans le marbre ? De fait, l'ensemble du legs du Conseil national de la Résistance est remis en cause.

En limitant à 0,5 % le déficit de toutes les administrations publiques, le traité impose une triple camisole néolibérale : une camisole sur le budget de l'État, une camisole sur le budget de la sécurité sociale, et une camisole sur le budget des collectivités locales.

Les coupes drastiques prévues dans le projet de loi de finances pour 2013 illustrent les méfaits de ce malthusianisme économique. Baisse du nombre de fonctionnaires, étranglement du budget des collectivités, frein aux dépenses sociales, hausse des taxes indirectes ne sont que l'avant-goût de reculs plus durs encore.

Mais n'oublions pas que sans l'investissement et l'endettement de l'État, bien peu de droits sociaux et d'innovations technologiques auraient vu le jour dans notre pays. Nous sommes en train de scier la branche du progrès sur laquelle notre société repose. C'est cela dont les Français qui ont porté la gauche au pouvoir prennent conscience, ou du moins une grande partie d'entre eux.

Antidémocratique et antisociale, la règle d'or est une absurdité économique. Des voix autorisées s'élèvent, chaque jour plus nombreuses, pour tirer la sonnette d'alarme. Les doutes s'expriment également dans la majorité sur l'objectif de réduction des déficits à 3 % du PIB, qualifié par certains d'objectif « intenable ». Le rapporteur de la commission des affaires européennes a lui-même évoqué une « obsession contre-productive » et un « fétichisme » des 3 %.

Ne nous mentons pas à nous-mêmes : l'austérité mène impitoyablement à la récession. C'est la conclusion d'une étude récente de l'OFCE sur l'application de l'austérité en France. Le FMI est tout aussi direct : selon ses analyses, respecter le critère des 3 % conduirait automatiquement à une augmentation de 300 000 du nombre des chômeurs en France.

Les prix Nobel Joseph Stiglitz et Paul Krugman ont démontré depuis de nombreuses années l'échec des plans d'austérité autrefois appliqués dans les pays en développement par le FMI, et désormais sur le Vieux Continent. Après neuf plans d'austérité, la Grèce s'enfonce dans la récession et son déficit s'accroît. Soyons clairs : ce traité ne répond pas à la crise, il l'aggrave.

Pourquoi refusez-vous d'écouter les oppositions politiques, intellectuelles, syndicales, qui rejettent ce traité ? Pourquoi s'entêter dans des politiques inefficaces ? Pourquoi chercher à tout prix à sauver les créanciers, au détriment des peuples ?

Car telle est la ligne de fracture, aujourd'hui, devant un surendettement historique. La ligne de partage n'est plus entre libéraux et sociaux-démocrates. La social-démocratie est en grande difficulté. Elle est en voie d'extinction en Europe depuis qu'elle a abandonné le keynésianisme pour faire siennes les armes du libéralisme : baisse du coût du travail, privatisations, réduction des dépenses publiques.

La ligne de partage se situe désormais entre ceux qui veulent à tout prix sauver les créanciers, sauver l'économie virtuelle, et ceux qui veulent sauver l'économie réelle, les emplois, les salaires, les amortisseurs sociaux à la crise.

Comme les gouvernements Zapatero, Papandréou ou Schröder, votre gouvernement semble avoir pris le parti de sauver la finance et de répondre aux diktats des marchés financiers plutôt que de les affronter.

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Si François Hollande déclarait il y a quelques mois que l'ennemi était la finance – et il avait raison –, Pierre Moscovici apporte un petit amendement et déclare désormais que l'ennemi n'est plus la finance mais la dette. Ce changement radical est révélateur. Vous vous prêtez à la mystification de l'Union européenne et des libéraux présentant le surendettement des États comme cause de cette crise. Ne confondons pas cause et conséquence, n'inversons pas l'ordre des facteurs ! Souvenons-nous que les États aujourd'hui les plus en difficulté, comme l'Irlande ou l'Espagne, étaient parmi les moins endettés avant l'éclatement de la crise financière de 2008 !

La dette est la résultante de la crise financière des subprimes, et du rachat par les États des dettes pourries des banques privées.

Députés communistes, républicains, du Parti de gauche, nous avons conscience de l'impasse économique où vous nous menez. Nous avons conscience du désastre moral qui guette l'Europe, propre à faire ressurgir les pires idéologies. Contre l'Europe des égoïsmes, de la concurrence par le bas, imposée par l'Allemagne et par les marchés financiers, nous voulons ouvrir d'autres perspectives.

Nous plaidons pour un pôle public européen, sous le contrôle des citoyens et favorisant l'emploi. Nous plaidons pour la possibilité de prêt direct aux États par la Banque centrale, pour les libérer du chantage des marchés financiers et réinvestir vers l'économie productive les dizaines de milliards d'intérêts versés par la France aux banques privées. Nous plaidons pour la mise en place immédiate d'une taxe sur les transactions financières et de mécanismes visant à briser la spéculation et l'évasion fiscale.

Sous cette nouvelle majorité, ces propositions de bon sens, de gauche, devraient faire consensus et faire au moins l'objet d'un débat. Elles devraient être des bases de négociations avec nos partenaires européens.

Je crois avoir montré, qu'en plus de bafouer notre souveraineté et l'équilibre des pouvoirs, ce traité n'a pas lieu d'être car il n'apporte aucune réponse valable à la crise.

Alors, oui, il y a toutes les raisons d'adopter cette motion de rejet et de travailler à une réorientation profonde des traités européens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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C'était excellent, monsieur Asensi ! Et vous avez touché là où ça fait mal !

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Monsieur Asensi, vous venez à mon sens de développer trois types d'arguments à l'appui de la motion de rejet préalable.

Une première série d'arguments renvoie à des considérations constitutionnelles et concerne la souveraineté. Vous évoquez la nécessité d'un référendum qui justifierait l'adoption de cette motion car ce traité entraîne, selon vous, un abandon de la souveraineté parlementaire.

Deuxièmement, vous invoquez le risque d'austérité à perte de vue qui résulterait de la mise en oeuvre du traité en raison de l'impossibilité dans laquelle il place les gouvernements de conduire des politiques keynésiennes.

Troisièmement, vous affirmez que le rejet préalable permettrait d'établir un rapport de forces qui inciterait l'Europe à s'engager dans une autre voie.

Je veux répondre à ces trois séries d'arguments.

En ce qui concerne le référendum, je veux insister sur la limite du raisonnement selon lequel on aurait le devoir d'en organiser un à chaque fois que les sondages montrent que les Français le souhaitent.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Je vous rappelle qu'il y a seulement quelques mois, nous nous indignions, dans cet hémicycle, des propositions d'un candidat à la présidence de la République qui, considérant que les Français souhaitaient, selon les sondages, que l'on s'interroge sur le droit des étrangers,…

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

…ou sur les modalités d'indemnisation du chômage, préconisait que l'on soumette toutes ces questions à un référendum.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Certes, mais la pente sur laquelle s'engage ce type de raisonnement peut nous conduire, sur bien des sujets, à voir le Parlement se dessaisir des prérogatives qui sont les siennes. Nous parlons de surcroît d'une Assemblée qui vient d'être élue…

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Une grande consultation populaire a eu lieu qui a conduit les Français à se prononcer pour un Président de la République et pour une majorité au sein de l'Assemblée nationale.

La logique de votre raisonnement voudrait que la démocratie directe, dans sa dimension quelque peu spontanéiste, soit meilleure que le travail du Parlement. Je n'y adhère pas du tout ; je pense même qu'il s'agit d'une pente extraordinairement dangereuse. Au cours de l'histoire de la représentation nationale, sur plusieurs sujets essentiels, toute la gauche a pu se rassembler pour affirmer qu'il fallait résister à toutes les dérives césaristes portées par la tentation du référendum portée jusqu'à la « référendite ».

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

À l'occasion des élections présidentielle et législatives, nous avons indiqué que nous souhaitions procéder à une réorientation de l'Europe. Nous avions annoncé que si nous l'obtenions, le Parlement serait amené à statuer sur la politique européenne du Gouvernement. C'est précisément cet engagement, sur lequel nous avons été élus, que nous tenons devant la représentation nationale en lui demandant de se prononcer par un vote sur la réorientation globale de la politique de l'Union européenne.

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la question de l'abandon de souveraineté. M. Asensi, dans un exposé qui comportait bien des arguments qui m'ont convaincu, a aussi énoncé quelques inexactitudes qui, malheureusement, gâchent beaucoup la pertinence du raisonnement. Ainsi, en ce qui concerne la souveraineté parlementaire, à aucun moment il n'y a, en raison de ce traité, des abandons de souveraineté qui conduiraient le Parlement à ne plus pouvoir délibérer des sujets qui relèvent de sa compétence souveraine.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Les dispositions qui régissent les relations entre le Parlement et la Commission en matière budgétaire ne conduisent à aucun moment le Parlement à renoncer à sa compétence souveraine. Les dispositions relatives au semestre européen posent le principe de la transmission à la Commission par le Gouvernement français – comme par tous les gouvernements européens – de la trajectoire budgétaire sur laquelle il s'engage. Dans un délai de six mois, la Commission, constatant l'existence d'un décalage entre la trajectoire sur laquelle la France s'est engagée et la trajectoire réelle des finances publiques, peut être amenée à demander au Parlement, en cas de constat de déficit excessif, de se prononcer sur les mesures à arrêter afin de corriger ce déficit. Mais à tout moment, c'est le Parlement lui-même qui, par sa délibération, avec le Gouvernement, définit les conditions, les voies et moyens par lesquels il décide de procéder aux choix budgétaires qui sont les siens.

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Autrement dit, le Parlement a le droit d'obéir !

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Contrairement à ce qui a été dit, à aucun moment ni la Commission ni le juge européen ne viennent se substituer à la représentation nationale pour définir les conditions dans lesquelles il est procédé à un rééquilibrage budgétaire.

C'est la réalité du droit, monsieur Asensi. Ce que vous avez dit à ce sujet n'est donc pas exact. On peut condamner ce traité européen en raison des clauses qu'il comporte, mais, si l'on veut être rigoureux – et c'est le devoir du parlementaire –, on ne peut pas le condamner en raison de clauses qu'il ne comporte pas. Je le répète, ce traité n'entraîne pas d'abandon de souveraineté.

J'irai même plus loin – et je sais qu'en homme rigoureux, vous irez vérifier tout cela. Quand bien même ne voterions-nous pas le traité, la procédure budgétaire sur laquelle vous vous interrogez s'appliquerait, car elle relève, non pas du traité lui-même – qui ne fait que la reprendre –, mais de dispositions qui ont été adoptées antérieurement. Je veux parler du six-pack, qui s'applique depuis le mois de novembre 2011 et qui continuerait à s'appliquer même si nous ne ratifiions pas ce traité. Encore une fois, toutes les dispositions que vous déplorez sont en réalité appliquées depuis longtemps ; elles figurent dans le traité uniquement pour mémoire.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Le two-pack, monsieur Dolez, mais il n'est pas encore en vigueur. Je ne parle que du contenu du traité, car j'estime que, sur un sujet aussi important, il est de notre devoir d'être rigoureux, honnête et scrupuleux. Donc, je le répète, ce que vous dénoncez dans ce traité relève de textes antérieurs et s'appliquerait – sans, du reste, remettre en cause la souveraineté nationale – si le traité n'était pas adopté.

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Pourtant, vous vouliez le renégocier, ce traité, pendant la campagne !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Par ailleurs, vous avez indiqué, monsieur Asensi – et le compte rendu des débats en témoignera –, que nous allions passer de 3 % à 0,5 % de déficit public et que, ce faisant, nous condamnerions le pays à l'austérité, à la suppression de postes de fonctionnaires et à la remise en cause des services publics. C'est faux. En effet, l'objectif de 3 % de déficit public, fixé dans le traité de Maastricht, continuera à s'appliquer, mais, pour garantir qu'il sera respecté, on définit un objectif à moyen terme de 0,5 % de déficit structurel. Or, celui-ci ne recouvre pas, comme vous l'avez affirmé, la même chose que le déficit public ; il correspond au déficit public dont sont déduites l'ensemble des dépenses mobilisées par l'État pour faire face à des chocs conjoncturels. Le déficit structurel est donc bien, contrairement à ce que vous avez dit, une notion qui permet de mener des politiques keynésiennes.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

C'est, du reste, tellement vrai que, grâce à l'opportunité qui nous est offerte par le déficit structurel, nous aurons par la suite à négocier avec nos partenaires et la Commission la possibilité de mener de grandes politiques d'investissements structurants qui feront, demain, la compétitivité de l'Union européenne et de notre pays.

Ainsi les raisons qui vous ont conduit à défendre cette motion de rejet préalable, soit ne relèvent pas du traité, soit sont infondées en droit, soit relèvent d'une interprétation erronée des notions qui rend votre raisonnement inopérant. C'est pourquoi j'invite la représentation nationale à ne pas adopter votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe RRDP.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, je serai très bref, car nous allons avoir l'occasion d'exprimer notre point de vue dans la discussion générale.

Le groupe RRDP ne votera pas cette motion, pour deux raisons.

Premièrement, hier, lors du débat sur les nouvelles perspectives européennes, on nous a expliqué que la ratification du traité ne s'accompagnerait pas de transfert de souveraineté et qu'en conséquence, un référendum ne s'imposait pas.

Deuxièmement, sur le fond, ce traité n'est certes pas un texte idéal, mais c'est un compromis qui permet de faire avancer la construction européenne. C'est la raison pour laquelle notre groupe ne peut partager votre position, qui nous paraît s'inscrire encore dans la campagne électorale, laquelle est bien terminée. Il ne faut pas amener les citoyens qui doutent, qui souffrent, qui ont des difficultés en matière d'emploi, à désigner comme seule coupable l'Europe. Les causes sont nombreuses, et nous allons nous y attaquer au cours des années qui viennent.

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La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe GDR.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, notre collègue Asensi s'est remarquablement exprimé.

Le débat sur la ratification de ce « pacte d'austérité » a lieu vingt ans après le traité de Maastricht, un traité qui, s'il était à nouveau soumis aux Français, serait, selon un récent sondage, rejeté à 64 %. On comprend donc l'erreur qui consiste à proposer aujourd'hui un « super Maastricht », qui consacre l'orthodoxie budgétaire, les diktats supranationaux de la Commission européenne et les sanctions quasi automatiques en cas de non-respect de la discipline des marchés financiers. En outre, ce traité porte, rappelons-le, la signature de Nicolas Sarkozy, battu par les Français, qui lui ont préféré le mot d'ordre du changement.

Le constat est accablant. La zone euro renvoie au chômage et à la pauvreté sans cesse croissants. Or, d'après les estimations, ce traité va réduire le PIB de la zone euro de près de sept points. Ce serait un véritable cataclysme. Il y a, au contraire, urgence à sortir de la crise. Il faudrait, pour cela, réhabiliter le déficit pour des dépenses utiles et pour l'investissement public, axe majeur de l'action publique pour la création de richesses et la planification des activités. Il y a urgence à tourner le dos aux intérêts des rentiers et au dogme capitaliste du remboursement de la dette. La seule règle d'or est, pour nous, l'humain d'abord !

J'ajoute que la notion de déficit structurel annuel, qui ne devra pas excéder 0,5 % du PIB, pose un problème méthodologique reconnu par M. le ministre du budget lui-même. Personne, en effet, ne le calcule de la même manière. Ne jouons donc pas aux apprentis sorciers. Pour nous, le résultat de l'opération sera de toute manière le même : austérité et récession.

Le rejet de ce traité est, non pas un acte de repli, mais un acte républicain de résistance, un acte progressiste, fondé sur un projet international libéré de la tutelle des marchés financiers. Je vous invite à tirer les leçons de l'histoire en votant pour cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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La parole est à Mme Estelle Grelier, pour le groupe SRC.

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Nous faisons nôtres les positions du ministre des affaires étrangères et du ministre délégué aux affaires européennes.

Monsieur Asensi, je vous ai écouté très attentivement. Même si ce texte n'est pas la huitième merveille du monde, nous sommes sensibles au fait qu'il n'altérera pas la souveraineté budgétaire et que le contrôle parlementaire sera renforcé. Nous sommes également sensibles à la réversibilité des décisions que nous prendrons, puisqu'elles pourront être revues en fonction de la trajectoire de nos finances publiques, et à la non-automaticité des sanctions – notamment la majorité qualifiée inversée pour le déclenchement de la procédure contre les États en déficit excessif –, que la droite européenne n'était pas parvenue à obtenir.

S'agissant du contexte, Bernard Cazeneuve l'a dit, nous sommes, nous aussi, très attentifs à ce que pensent les citoyens européens, notamment lorsqu'ils manifestent. Ce témoignage d'une exigence sociale forte légitime notre position dans la négociation d'un pacte de croissance et d'une plus grande régulation financière, grâce notamment à l'union bancaire et, surtout, à la taxation des transactions financières, dont nous pouvons nous réjouir collectivement qu'elle soit à l'ordre du jour, car c'est un combat que la gauche européenne et syndicale mène depuis des décennies. Nous n'obtiendrons plus de solidarité et de régulation que par la ratification de ce traité.

C'est la raison pour laquelle, même si nous respectons les arguments développés par M. Asensi, le groupe SRC votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe UMP.

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Monsieur Asensi, je vous ai également écouté avec beaucoup d'attention et je dois dire que la position du Front de gauche a le mérite de la constance et de la cohérence. Néanmoins, nous ne la partageons pas, car nous avons évidemment un désaccord sur le fond.

M. Chassaigne a déploré tout à l'heure que ce traité, qui devait être renégocié, ne l'ait pas été. Je comprends la déception du Front de gauche, car il est vrai que, durant la campagne, M. Hollande avait promis cette renégociation.

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Nous pensons qu'il y avait des choses à changer, oui !

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Vous avez donc sans doute le sentiment d'avoir été bafoués.

Je veux insister sur la nécessité de respecter nos institutions, notamment le Conseil constitutionnel. Dès lors que celui-ci a indiqué qu'il n'y avait pas de transfert de souveraineté, il n'y a pas de raison d'organiser un référendum.

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On peut dire ce que l'on veut, mais le pouvoir de ratifier ce traité appartient au Parlement.

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J'ajoute que la moitié des États ont déjà ratifié le traité et que, la France ayant été l'un des pays qui l'ont négocié, il est grand temps qu'elle le ratifie à son tour.

Je rejoins le ministre sur le semestre européen : celui-ci existe déjà et les transferts de souveraineté n'ont pas dépassé la limite de l'acceptable. Par ailleurs, il est nécessaire que, parallèlement à la mise en oeuvre du traité, soit instauré un meilleur contrôle par l'Assemblée nationale des décisions européennes ; il n'y a pas seulement la conférence interparlementaire. À ce propos, je veux saluer la résolution de M. Caresche, dans laquelle il insiste sur la nécessité d'un meilleur contrôle parlementaire des décisions qui seront prises. Beaucoup d'autres parlements exercent un tel contrôle ; nous devrons nous en inspirer.

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Sans surprise, le groupe UDI ne votera pas la motion de rejet préalable qui a été défendue par notre collègue Asensi et dont je tiens à souligner qu'elle est parfaitement fidèle aux orientations idéologiques de son groupe.

Elle repose essentiellement sur deux arguments.

Le premier, c'est que la signature du traité entraînerait le malheur des peuples européens. Or, ceux-ci ne pensent pas comme vous, mes chers collègues. En effet, toutes les enquêtes d'opinion témoignent qu'en dépit des sacrifices très importants qui leur sont demandés, les peuples italien, espagnol, portugais, irlandais et même grec continuent de vouloir rester dans la zone euro, car ils savent que sans l'Europe, il n'y a pas de salut. Du reste, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a parfaitement fait litière de cet argument en démontrant que le rejet du traité provoquerait immédiatement une catastrophe économique en France.

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Parce qu'actuellement, il n'y a pas de catastrophe économique ?

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Le deuxième argument, c'est que ce traité serait attentatoire à la souveraineté. Contrairement à vous, l'UDI n'a aucun doute sur la légitimité démocratique des institutions européennes : la Commission européenne, que vous diabolisez régulièrement, est l'émanation des chefs d'État élus et du Parlement européen. Et puis, de quelle souveraineté parlez-vous ? Qui peut penser que, face à la nouvelle donne internationale et à la gravité de la crise, la France pourrait à elle seule répondre aux défis qu'elle doit relever ? La réponse réside dans une co-souveraineté partagée qui permette de peser sur les régulations internationales, comme vous le souhaitez.

Telles sont les raisons essentielles pour lesquelles nous ne voterons évidemment pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

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La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

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Comme chacun le sait, la majorité du groupe écologiste s'oppose à la ratification du traité. Mais cette opposition n'est pas du tout motivée par les mêmes arguments que ceux avancés par le groupe GDR. Afin de pouvoir exposer nos arguments, nous souhaitons que le débat se poursuive, jusqu'au vote solennel qui permettra de déterminer la position finale de chacun des groupes. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas que cette motion soit adoptée. Nous ne participerons pas au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Braillard.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement ne sera certainement par surpris d'apprendre que les députés radicaux de gauche approuveront le traité européen soumis à notre ratification, puisque M. le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, nous a fait l'honneur et le plaisir de participer, ce dimanche, aux travaux de clôture de notre congrès national, un congrès consacré en bonne partie à l'examen de cette question.

En votant à la quasi-unanimité en faveur de la ratification, les radicaux ont voulu exprimer deux idées simples et liées de longue date à la philosophie politique radicale : réalisme et solidarité.

Lorsqu'ils font le choix du réalisme, les radicaux n'abdiquent pas leur vision idéale de l'Europe. Résolument fédéralistes, nous rêvons d'une Union européenne enfin investie des compétences qui ne peuvent plus, on le voit chaque jour, s'exercer efficacement au niveau des États. Si nous appelons de nos voeux un transfert de compétences des États vers l'Union, nous voyons ce transfert comme une perspective, un horizon qui pourrait s'envisager dans six grands domaines.

Il s'agit tout d'abord de la diplomatie, encore balbutiante, et de son inévitable ponctuation, la défense commune ; de l'économie, du contrôle des finances et de l'action monétaire – j'aurai l'occasion de revenir sur ce qui constitue, à nos yeux, l'une des avancées de ce traité.

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Il s'agit également de l'instauration de minima sociaux au sein de l'Union, afin d'annihiler tout dumping social en Europe ; du traitement des grands problèmes environnementaux ; de l'aide au développement, qui pourrait enfin être mutualisée ; enfin, de la création de grands services publics européens, à l'instar de la volonté affichée par le Premier ministre, hier, dans son intervention à cette tribune – une création qui ferait plus, aux yeux de nos concitoyens, que le démantèlement des services publics nationaux pour que vive et prospère l'idée européenne.

Ainsi armée de ces compétences exclusives, l'Union Européenne tiendrait un rôle moteur et elle pourrait pour le reste – tout le reste – enfin laisser respirer les libertés nationales et locales. Mais, je le répète, cette vision d'une Europe soudain révélée dans sa perfection à ses citoyens est une image idéale. De toute son histoire, la construction européenne ne s'est jamais faite sur la base d'un schéma décidé a priori par ses concepteurs, les quelques tentatives en ce sens s'étant toujours soldées par des échecs : qu'elle soit celle des Six, des Douze, des Quinze, ou a fortiori des Vingt-Sept, l'Europe ne peut se construire que par compromis.

Tous les traités que nous avons eus à connaître étaient par nature imparfaits. Mais chacun a permis, d'une part, d'enregistrer un progrès et, d'autre part, d'enclencher une dynamique. Tel est bien le cas du traité qui nous est soumis et que j'appellerai, pour simplifier, traité de discipline budgétaire européenne, la solidarité entre membres de l'Eurogroupe ayant été traitée par ailleurs.

On peut, tout d'abord, s'étonner devant la levée de boucliers des eurosceptiques ou europhobes, qui n'hésitent pas à parler de « transfert de souveraineté » à propos du simple pouvoir de lecture des budgets et d'observation conféré à la Commission européenne. Je rappelle que je suis, pour ma part, favorable à une compétence budgétaire fédérale, mais tel n'est pas le cas dans ce traité, pour trois raisons.

Premièrement, les budgets nationaux ne peuvent faire l'objet d'une censure que si les États ne respectent pas les engagements qu'ils ont déjà pris, spécialement lors du traité de Maastricht. Deuxièmement, ils encourent également la censure lorsque, malgré le respect apparent des critères de convergence, ils présentent des budgets « arrangés » par des procédés cosmétiques, comme l'a fait la Grèce pendant longtemps, avec les résultats que chacun peut aujourd'hui constater. Troisièmement, surtout, il me semble que la perte de souveraineté nationale est infiniment moins grave lorsque la Commission européenne vise un budget que lorsque l'État correspondant est dans la main des banques, souvent étrangères, et des fonds de pension qui détiennent des créances contre lui.

Décidément, non, il n'y a dans ce traité aucun abandon de souveraineté. J'y vois au contraire l'esquisse de cette gouvernance économique commune à la zone euro que nous avons appelée de nos voeux.

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Esquisser la tutelle des activités bancaires, au moins leur surveillance, me paraît également aller dans le bon sens.

Mais, comme je l'ai dit, un traité n'est pas, par sa signature ou sa ratification, gravé dans le marbre : il évolue, il crée une dynamique. Certes, le texte initial s'arrêtait trop à fixer des contraintes financières de maîtrise des déficits. C'est ainsi que, dans la renégociation qu'il avait promise durant la campagne de l'élection présidentielle, le Président de la République, François Hollande, aidé par les Européens du sud et encouragé par les États-Unis, a pu obtenir notamment la création d'un fonds de croissance et d'emploi, l'instauration de la taxe sur les transactions financières et bien d'autres choses. C'est un vrai progrès, une réorientation majeure s'imposant à tous.

Ce pacte pour la croissance et l'emploi, décidé par le Conseil européen des 28 et 29 juin derniers, prévoit bien la mobilisation de 120 milliards d'euros, soit 1 % du PIB européen. Il a également fallu reprogrammer les fonds structurels, recapitaliser la Banque européenne d'investissement et mettre en oeuvre les project bonds. Le codicille au traité, que l'UMP – qui brille actuellement par son absence dans l'hémicycle – a fait mine d'ignorer, a été suivi par la décision de la Banque centrale européenne d'intervenir en acheteur sur le marché des dettes souveraines des États membres. C'est un progrès capital.

Par le passé, en approuvant les critères de convergence arrêtés à Maastricht, et donc nos marges de manoeuvre budgétaire et monétaire, et en choisissant l'indépendance de la Banque centrale européenne, nous n'avons jamais fait le choix de sa neutralité, c'est-à-dire le choix de l'abandon du pouvoir monétaire. La Réserve fédérale américaine n'est pas neutre lorsqu'elle accepte des milliards de dollars de dettes de l'État. Et la banque centrale chinoise, avec son yuan notoirement sous-évalué, n'est pas neutre non plus.

Les deux premières puissances économiques mondiales jouent de leviers monétaires, et précisément de la valeur de leur monnaie, en fonction de leurs intérêts en matière de commerce extérieur et d'emploi. J'estime que l'Europe doit, avec la Banque centrale européenne, s'engager enfin dans une vigoureuse politique de création monétaire et abandonner le dogme mortifère de l'euro fort. Cette orientation, présentée par M. Draghi, nous paraît excellente.

Telles sont, mes chers collègues, les deux raisons qui nous amèneront à voter la ratification du traité. Le pragmatisme des radicaux leur fait préférer un progrès ponctuel et limité à l'attente d'une Europe idéale, malheureusement hors d'atteinte pour le moment. Comme Laurent Fabius l'a parfaitement expliqué tout à l'heure, un rejet de ce traité entraînerait des conséquences dramatiques pour nos concitoyens, pour la France. Sans vouloir jouer à se faire peur, la réalisation de ce scénario catastrophe mettrait en cause la construction européenne elle-même.

Pour conclure, la solidarité et la loyauté des radicaux, membres à part entière de la majorité, les amènent à soutenir le progrès pour lequel le Président de la République – et il s'agit bien de François Hollande –, après avoir amélioré l'accord, a engagé la parole de la France. Il nous a tous engagés.

La solidarité et la loyauté des radicaux permettent, par notre vote, de consolider une majorité de gauche par l'adoption de ce texte – et je sais, monsieur le ministre, qu'il est important à vos yeux que la gauche soit majoritaire, grâce aux radicaux, pour l'adoption de ce texte.

La solidarité et la loyauté des radicaux confortent également la confiance que nous avons envers la volonté du Président de la République et du Gouvernement de développer, pour l'avenir de l'Union européenne, la notion d'intégration solidaire – ce que Roger-Gérard Schwartzenberg, président de notre groupe, a déjà affirmé hier.

Enfin, la solidarité et la loyauté des radicaux les amènent à prendre, au sein de la majorité, une posture politique plus claire que celle consistant à soutenir sans participer ou à participer sans soutenir. Nous voterons ce traité car nous sommes persuadés, comme le disait François Mitterrand, que l'Europe est notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à bien écouter M. le ministre, c'est le pacte dit de croissance qui permettrait de ratifier le traité budgétaire européen, un traité signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel le 2 mars dernier, et qui n'a pas été modifié d'une seule virgule – on ne peut donc pas dire qu'il ait été renégocié.

Je passe brièvement sur le fait que le pacte dit de croissance n'est qu'une annexe aux conclusions du sommet du 29 juin dernier, et qu'il n'a pas de force contraignante – pour cela, il faudrait que la Commission présente un programme législatif en vue de son application. J'en viens directement au fond du texte.

Ce texte met, certes, la croissance en débat, mais ne s'émancipe pas de la logique austéritaire et reprend les politiques libérales de l'Union. Dès son préambule, il s'inscrit dans le cadre de la très libérale stratégie Europe 2020, et souligne l'importance et la nécessité des réformes dites « structurelles ». On a pu voir, depuis près vingt ans, ce que ce terme signifie au sein de l'Union européenne. Le pacte évoque ainsi la réforme structurelle des marchés du travail, demande la pleine et entière application de la directive Services – ex-directive Bolkestein…

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…et prône l'ouverture à la concurrence des secteurs du transport et de l'énergie, demandant même que le marché unique de l'énergie soit achevé pour 2014. Il évoque également la « viabilité » des régimes de retraites – une expression qui, on le sait bien, signifie le recul de l'âge de la retraite et la baisse du niveau des pensions.

Bref, le pacte, en dépit de son titre et des arguments avancés – souvent avec talent, monsieur le ministre –, n'est qu'un rideau de fumée. En effet, l'accord donné par les États à ce pacte de croissance ne modifie aucune des dispositions initiales du traité budgétaire européen que nous examinons aujourd'hui.

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Bien au contraire, le pacte et le traité relèvent tous deux de la même inspiration et reposent sur le même postulat erroné, selon lequel seules des politiques d'austérité peuvent réduire les déficits et relancer la croissance. Or, l'austérité ne peut évidemment entraîner que la récession, et la récession ne peut entraîner à son tour que des déficits encore plus grands.

Dans son article 5, le traité budgétaire prône lui aussi des réformes structurelles, menées sous la surveillance de la Commission. Il le revendique d'ailleurs très clairement, inscrivant les propositions envisagées dans la suite de tous les accords passés au sein de la zone euro depuis 1997. Il est l'aboutissement, le couronnement de ces accords.

Il est en particulier le prolongement du Pacte pour l'euro plus, également élaboré par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, et signé le 25 mars 2011. Le Pacte pour l'euro plus prône, rappelons-le, la baisse des salaires et des pensions, que ce soit dans le public ou dans le privé, demande la déréglementation du marché du travail et la diminution des droits sociaux, promeut les systèmes de protection assurantiels et non solidaires, et, bien entendu, exige des coupes claires dans les dépenses publiques, ce qui signifie davantage de privatisations. À un point tel que les syndicats européens, dans leur diversité, y ont vu une offensive antisociale sans précédent, et ont qualifié le texte de véritable déclaration de guerre aux peuples d'Europe.

Cela explique, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la Confédération européenne des syndicats appelle massivement à s'opposer au traité budgétaire européen, ce qu'elle n'avait pas fait – je me permets de le rappeler – pour le projet de Constitution européenne en 2005. Cette opposition devrait, dans cet hémicycle, interpeller toutes les forces qui se reconnaissent dans la gauche.

Par essence, ce traité budgétaire est antisocial. C'est pourquoi nous le qualifions de traité de l'austérité. S'il était déjà entré en vigueur, monsieur le ministre, jamais votre gouvernement n'aurait pu engager le retour, même partiel, à la retraite à 60 ans.

C'est l'autre dimension de ce traité, qui prétend donner les moyens à la Commission et au Conseil de passer par-dessus les Parlements nationaux afin d'imposer, partout, l'austérité.

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La contrainte intérieure, la « règle d'or », même si elle ne figure pas dans la Constitution mais simplement dans la loi organique, s'imposera à toutes les lois, et donc à toutes les lois de finances. Cela remet en cause la prérogative première du Parlement qui, depuis près de deux siècles, est de voter le budget.

Les contraintes extérieures – les mécanismes supranationaux de surveillance et de contrôle de la discipline budgétaire des États – sont également renforcées. Nous considérons, monsieur le ministre, que le dispositif prévu, qui sera encore durci par le two-pack, mettra les Parlements nationaux sous tutelle de la Commission, des autres États – en clair, de l'Allemagne – et de la Cour de justice de l'Union européenne. Cette remise en cause de la souveraineté nationale devrait entraîner, sur tous les bancs de cette assemblée, le rejet massif du texte.

De même, tous ceux qui entendent mener une politique de justice, de progrès et de transformation sociale dans notre pays devraient s'opposer à la sanctuarisation des politiques d'austérité, conçues comme l'unique moyen d'assainir les finances publiques.

Ce ne sera malheureusement pas le cas. Mais une chose est certaine : l'acceptation de la mise sous tutelle du Parlement, l'acceptation de la sanctuarisation des politiques d'austérité vous interdit désormais de nous resservir cette antienne que l'on nous sert à chaque traité, selon laquelle la refondation de la construction européenne est en marche et que l'Europe sociale sera évidemment pour la fois d'après.

Les députés du Front de gauche, fidèles au vote des Français du 29 mai 2005, s'opposeront résolument à ce traité. Ils entendent ainsi poursuivre avec détermination et acharnement leur combat contre l'austérité et leur lutte pour une autre Europe, sociale et démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire – chaque mot a son importance – s'inscrit dans un mouvement d'organisation du processus décisionnel des pays de la zone euro, en cours depuis la fin des années 2000.

Il constitue une des pièces du puzzle de la solidarité et de la souveraineté européennes. En cent jours seulement, les engagements de campagne de François Hollande ont été tenus et le travail de conviction du chef de l'État auprès de ses partenaires européens a payé.

Le Président de la République ne voulait pas d'une « règle d'or » inscrite dans la Constitution. Le Conseil constitutionnel lui a donné raison. Il voulait un pacte de croissance pour faire contrepoids au pacte de stabilité. Il l'a arraché au sommet de Bruxelles des 28 et 29 juin. Il revendiquait la création d'une taxe sur les transactions financières. Il l'a obtenue. Il a exigé d'inscrire la question de la spéculation sur les dettes souveraines des États à l'agenda européen. La BCE achètera de manière « illimitée » la dette des pays en difficulté. La France a eu gain de cause : l'intégration solidaire est en marche. La gauche voulait mettre fin au « Merkozy ». C'est chose faite ! Voilà qui plaide pour l'approbation du traité européen.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous proposer quatre raisons de voter ce texte, même si beaucoup de choses ont déjà été dites.

La première, c'est qu'il correspond à une nécessaire solidarité, qui s'appuie sur des engagements précis. Les aides apportées depuis 2009 aux États en difficulté – Grèce, Irlande, Portugal – ne sont pas des aides européennes issues du budget européen. C'est regrettable, mais c'est ainsi. Elles ne sont pas non plus des mutualisations de la dette, et elles ne proviennent pas davantage d'un rachat de la dette par la BCE. On peut le regretter. Ce sont des aides financées sur les fonds des autres États membres de la zone euro – notamment de ses deux principaux acteurs, l'Allemagne et la France, dans un cadre bilatéral ou au sein du FESF, et demain du mécanisme européen de stabilité.

Dans ce contexte, les payeurs ne disposent pas de fonds infinis. Les gouvernements des États aidants ne peuvent s'engager – notamment en apportant des fonds de garanties au MES afin que celui-ci puisse emprunter sur le marché international – que s'ils ont l'assurance que les États aidés entreprendront de remettre en ordre leurs finances publiques.

La solidarité dans le domaine des aides versées s'appuie sur les engagements pris de diminuer les dépenses. De quel droit le Gouvernement français, par exemple, prélèverait-il des fonds sur les impôts qu'il collecte pour les prêter à des partenaires sans que ceux-ci s'engagent à les rembourser ? Et comment ces derniers pourraient-ils rembourser si leurs dettes ne diminuaient pas ?

J'entends les critiques, et je les partage. Mais puisque nous voulons faire de la politique sur ce sujet, je pose la question : où en seraient les mouvements populistes dans les pays contributeurs si les pays débiteurs n'avaient pas pris d'engagements en termes d'économies et de redressement ?

Par ailleurs, où en serions-nous si les pays de la zone euro n'étaient pas intervenus – certes avec retard – depuis 2009 aux côtés de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande ? Où ces derniers auraient-ils trouvé les moyens de financer les retraites, les dépenses publiques et les investissements « non compressibles » ?

On peut, on doit s'interroger sur les rythmes du remboursement, sur la méthode et les objectifs de la politique d'austérité continentale instaurée par M. Sarkozy et Mme Merkel. On doit affirmer avec force que les exigences drastiques demandées aux peuples grec, espagnol et portugais n'ont pas débouché sur la réduction des dettes mais sur la récession. Mais on ne peut critiquer le fait qu'un mécanisme d'aide nécessite, en contrepartie, des engagements précis.

Le TSCG participe à la constitution d'un contrôle concerté et réciproque des priorités budgétaires des États membres de la zone euro. Il facilite l'instauration de la démocratisation des choix économiques en Europe. Certes, il n'en jette que les bases. Mais il devrait permettre, à l'avenir, de discuter ensemble des choix budgétaires nationaux, pour éviter, précisément, que les stratégies nationales des plus forts empêchent une utilisation optimale et stratégique des dépenses nationales.

Nous devons tout autant dialoguer avec les États qui connaissent des déficits excessifs – la France en fait partie – qu'avec ceux qui constatent des excédents et refusent de relancer leur consommation intérieure. Cette démarche, initiée par le MES et par le TSCG, conforte la solidarité entre États européens. En combinant leurs efforts, ils voient leur poids international renforcé.

Ainsi, le traité MES prévoit l'inclusion de « clauses d'action collective » dans tous les titres émis par les États de la zone euro à compter du 1er janvier 2013. Ces clauses, déjà pratiquées par un certain nombre de pays, dont les États-Unis, ont pour objectif de faciliter un accord entre l'emprunteur souverain et ses créanciers du secteur privé. Il s'agit notamment d'organiser en amont la représentation et la prise de décision des détenteurs d'obligations. Cela permettra d'éviter les difficultés que la Grèce a rencontrées à l'été 2011 lorsqu'elle a eu recours à cette opération.

La deuxième raison de voter ce texte est que la nécessaire remise en ordre des finances publiques ne dépouille pas les gouvernements nationaux de leurs capacités à agir, contrairement à ce que certains affirment. Le TSCG n'impose pas des règles mécaniques et définitives de bonne gestion financière et budgétaire. Dans son article 3, il impose à ses signataires de tendre à l'équilibre, voire à l'excédent budgétaire. Mais enfin, ce n'est pas une grande nouveauté ! Cet objectif figure déjà dans la version de 1997 du pacte de stabilité et de croissance ! Je ne voudrais pas être cruel, mais tous ceux qui ont participé au gouvernement de la France depuis cette date le savaient et l'ont accepté. Il ne faut pas qu'ils s'en offusquent aujourd'hui.

Par contre, deux voies sont mentionnées dans le TSCG pour intégrer au droit national le respect de l'exigence d'équilibre budgétaire : une révision constitutionnelle ou une loi organique. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a opté pour la seconde, choix validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 août 2012.

Il convient d'ailleurs de souligner que le gouvernement Fillon, sans prendre la peine de demander au Conseil constitutionnel de vérifier la conformité à la Constitution du TSCG, avait choisi l'inscription dans le marbre de la Constitution desdites règles d'équilibre,…

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…préemptant par cette manoeuvre les décisions du gouvernement issu des élections de mai et juin 2012.

Il y a là un changement majeur qui semble avoir échappé à l'UMP. Car hier, l'inscription de la règle d'or dans la Constitution était l'argument principal développé en faveur de l'adoption du traité.

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Aujourd'hui, il a disparu et vous n'en parlez plus.

Ce ne sont pas les dispositions du TSCG qui imposent à la France de suivre tel ou tel calendrier. Ces engagements sont pris dans le cadre de la gouvernance de la zone euro au sein de l'Eurogroupe ou des sessions du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement des pays de la zone euro.

Ces engagements, et bien d'autres, expliquent en partie la faiblesse des taux d'emprunt à moyen terme de notre pays sur les marchés nationaux et les taux négatifs à court terme. Cette situation diminue d'autant la charge de nos remboursements. Et lorsqu'on voit l'extraordinaire effort demandé à la France pour atteindre les 0,5 % de déficit, on ne saurait s'en plaindre, même si certains s'en inquiètent.

Ce ne sont pas les dispositions du TSCG qui conduiraient à la sanction de la France en cas d'absence de suivi de ces engagements en matière de déficit et de dette publique. Cette sanction trouve son fondement dans les dispositions du pacte de stabilité et de croissance rénové par les textes du six-pack, entrés en vigueur en novembre 2011 : il s'agit de règlements du droit de l'Union, directement applicables.

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Il est d'ailleurs intéressant de souligner que le TSCG ne prévoit de sanction que si la règle d'équilibre budgétaire et les mécanismes automatiques de correction ne sont pas transposés – ce qui sera fait, nous a dit à l'instant le ministre, dès que le texte sera adopté.

Et encore, cette sanction ne s'applique-t-elle que dans des conditions guère évidentes à réunir. La décision du Conseil constitutionnel précitée et le contrôle qu'il exercera sur la conformité de la loi organique de transposition de l'article 3 du TSCG rendent improbable une censure de la Cour de justice sur ce point.

Je voudrais faire observer à François Asensi que, contrairement à ce qu'il prétend, l'interprétation protectrice faite par le Conseil sauvegarde les prérogatives du Parlement, en interdisant tout caractère permanent et automatique à la règle d'équilibre budgétaire et au mécanisme de correction automatique. Il ne met donc aucunement en cause la souveraineté budgétaire de la France, ni du point de vue du pouvoir exécutif, ni du point de vue du pouvoir législatif.

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Par ailleurs, en aucun cas la Cour de justice de l'Union européenne ne pourrait intervenir pour dicter les finances d'un État. La Cour veille seulement à ce que les États transposent en droit interne la règle d'équilibre budgétaire prévue par les traités. C'est seulement si la Cour a déjà constaté qu'un État n'avait pas rempli cette obligation et qu'il persiste à ne pas transposer la règle qu'une sanction peut être exigée.

Par ailleurs, il n'est pas sûr que le choix, par le TSCG, d'objectifs d'équilibre budgétaire en termes structurels – et non en termes nominaux comme dans le pacte de stabilité et de croissance – alourdisse véritablement la contrainte pesant sur les États. La règle de réduction annuelle des 120e de la différence entre le seuil des 60 % de la dette et le niveau effectif de cette dernière comporte une exception. Sont ainsi exemptés de cette règle les États membres « soumis à une procédure concernant les déficits excessifs à la date du 8 novembre 2011 », ce qui est le cas de la France – et de la plupart des États membres, d'ailleurs. Cette exemption vaut « pendant une période de trois ans à compter de la correction du déficit excessif ». Tant que l'exemption s'applique, « l'exigence relative au critère de la dette est considérée comme remplie si l'État membre concerné réalise des progrès suffisants vers la conformité, tels qu'évalués dans l'avis formulé par le Conseil sur son programme de stabilité ou de convergence ». Il n'y a donc pas d'effet cumulatif entre la réduction des déficits publics et de la dette.

Le troisième argument concerne le poids particulier de la France au sein de la zone euro et du mécanisme européen de stabilité, qui rendrait coûteux le rejet du TSCG. Une des conséquences de la non-ratification par la France du TSCG serait de priver notre pays de l'aide du MES en cas de difficultés. En effet, comme l'a développé Laurent Fabius en introduction de nos débats, d'après le considérant n° 5 du MES, les deux traités sont liés l'un à l'autre : « Le présent traité et le TSCG sont complémentaires dans la promotion de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l'Union économique et monétaire. Il est reconnu et convenu que l'octroi d'une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du TSCG par l'État membre concerné. »

Mes chers collègues, le rejet du traité n'empêcherait pas l'entrée en vigueur du MES, qui est maintenant sûre depuis l'autorisation donnée par la Cour de Karlsruhe, le 12 septembre dernier, au président allemand Gaucke de signer le TSCG et le MES. D'ailleurs, la première réunion du conseil des gouverneurs du MES est prévue le 8 octobre prochain, c'est-à-dire dans cinq jours.

En outre, la remise en cause par la France, second contributeur du MES, de son engagement de ratifier le TSCG, volet de sécurisation des fonds engagés à l'appui des aides versées par le MES, affaiblirait ce dernier. En effet, Mario Draghi, le président de la BCE, a clairement lié l'intervention de la BCE sur le marché secondaire des dettes souveraines émises par les États en difficulté et l'appel au MES par lesdits États. L'affaiblissement du MES rendrait donc impossibles les avancées évoquées par le président de la BCE, qui ouvrent la voie à la mutualisation d'une partie des dettes souveraines.

La dernière conséquence de la non-ratification par la France du TSCG serait de nous marginaliser dans le concert européen : le TSCG peut entrer en vigueur sans notre signature, puisqu'il suffit que douze des dix-sept États membres de la zone euro le ratifient.

J'ajouterai, en conclusion, un quatrième argument. Il me semble difficile de voter contre les aspects les plus positifs de ce qui est un compromis.

Un mot sur le contexte. Depuis plus de dix ans, l'Europe est dirigée par les conservateurs. Une Europe en panne, où des pays entiers sont dans la récession : tel est le bilan de dix ans de gestion conservatrice. Avec vingt et un gouvernements de droite, l'Europe n'avance que par compromis entre des nations au sein desquelles le rapport de force entre progressistes et conservateurs ne nous est guère favorable. Il suffit pour s'en convaincre d'avoir entendu le Premier ministre finlandais Jyrki Katainen nous expliquer, lors de sa visite à Paris, qu'il fallait rester dans un processus budgétaire vertueux.

Lorsque nous discutons avec nos partenaires, nous ne sommes pas entre nous. Nous sommes face à des gouvernements de droite, avec lesquels il faut trouver un compromis. On peut estimer que le compromis de Bruxelles ne va pas assez loin, mais penser faire sans compromis est impossible.

Le compromis en soi, par nature équilibré, est moins intéressant que son dénouement. Et le compromis qui nous est proposé permet un dénouement plus qu'intéressant, puisque l'Union européenne reconnaît le bien-fondé de la demande française d'instaurer des règles de réciprocité commerciale avec les pays qui pratiquent le dumping social et environnemental, et que nous avons ouvert la voie à la coopération renforcée sur la taxation des mouvements de capitaux. Peut-on balayer tout cela d'un revers de main ?

Concernant ensuite l'union bancaire, peut-on se battre pour la régulation et se détourner de son premier pas ? Sans revenir sur les récentes décisions de la BCE, faut-il ruiner ce petit pas ? À propos du pacte de croissance, certains font la fine bouche, mais les déclarations de Mme Merkel, le 22 juin, sont une première étape. Il y a quelque paradoxe à critiquer le traité parce qu'il ne permet pas la croissance tout en refusant de soutenir ce qui va en ce sens.

Le pacte pour la croissance et l'emploi, adopté par les chefs d'État et de gouvernement les 28 et 29 juin derniers, représente une première étape. L'augmentation du capital de la BEI, le lancement des project bonds pour financer des investissements dans les infrastructures de transport, d'énergie et de télécommunication, la reprogrammation des fonds structurels permettent de financer 120 milliards d'euros d'investissements publics, auxquels viendront s'ajouter les investissements privés des partenaires des projets financés.

Certains critiquent ce redéploiement. Mais, mes chers collègues, si cela était si simple, si évident, il ne fallait pas se gêner et le faire lorsque vous étiez aux responsabilités ! D'autres estiment que cela n'est pas suffisant. J'entends bien, mais on ne peut pas refuser un pas en avant au prétexte qu'il faudrait un grand bond en avant. Ce texte est une étape nécessaire mais pas suffisante. Le repousser serait néanmoins suffisant pour rendre caduc ce qui est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, sur le traité, l'UMP sera logique avec elle-même. Ce traité est, à la virgule près, celui qui avait été négocié entre Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et les vingt-trois autres pays signataires. Il est d'ailleurs déjà ratifié par treize pays, dont neuf au sein de la zone euro.

Parce que nous avons l'ambition européenne chevillée au coeur, nous voterons massivement un texte indispensable à l'Europe et à la France, que nous aurions d'ailleurs voulu voir adopté depuis longtemps. C'est l'obstruction de la gauche qui, pour des raisons électoralistes, a empêché la France d'être dans les premiers à ratifier un traité que le Président de la République française avait largement contribué à élaborer.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous plaidons pour les engagements de responsabilité que retranscrit ce traité, qu'il s'agisse de la règle d'or, du déficit structurel limité à 0,5 %, des mécanismes de correction automatique ou du renforcement du respect des limites fixées par le traité de Maastricht, avec l'accélération des procédures pour déficit excessif ou, comme l'a dit Mme Guigou, en cohérence avec le six-pack.

Nous avons obtenu que ce traité comporte aussi des avancées pour la gouvernance européenne. Premièrement, l'institutionnalisation des sommets de la zone euro, que Nicolas Sarkozy avait créés pendant sa présidence de l'Europe, en 2008, au moment de la crise des subprimes ; deuxièmement, l'engagement d'avancer au sein de la zone euro, au besoin par des coopérations renforcées. J'insiste ici, après Mme Guigou et M. Cambadélis, sur le fait que la Cour de justice européenne n'intervient pas dans les discussions parlementaires, contrairement à ce que certains prétendent, mais se borne à vérifier la capacité de transposition de chacun des pays. Troisièmement, à mon initiative, alors que j'étais président de la commission des affaires européennes, avec le soutien du Président Accoyer et en liaison avec notre représentation à Bruxelles, nous avons même pu insérer à l'article 13 du traité l'institution d'une conférence interparlementaire rassemblant députés nationaux et européens, car il fallait intégrer un volet parlementaire dans la nouvelle gouvernance.

J'approuve évidemment la résolution de Christophe Caresche et sa proposition d'un meilleur contrôle interne du Parlement, et notamment de l'Assemblée nationale, proposition à laquelle Élisabeth Guigou est également très attachée. J'ai eu l'occasion de passer une journée au sein du groupe CDU et d'assister aux discussions qui y avaient lieu sur l'aide à la Grèce. Ces discussions n'ont pas leur équivalent au sein de notre assemblée.

Je ne dis pas du tout qu'il faut copier le Bundestag. Mais il faut peut-être s'en inspirer davantage : à partir du moment où on délègue des responsabilités au niveau européen, les instances nationales, notamment parlementaires, doivent être plus actives.

Nous voterons également, a priori, la règle d'or, même si nous aurions préféré son inscription dans le marbre de la Constitution, pour lui donner plus de force. Vous préférez la voie de la loi organique qui, quels que soient vos arguments, n'aura pas la même portée juridique ni la même solennité que celles que lui aurait données l'inscription dans la Constitution que voulait Nicolas Sarkozy, à l'instar de l'Autriche, de l'Allemagne ou de l'Espagne. Toutefois, nous adopterons la loi organique à condition qu'elle soit équilibrée – elle est actuellement discutée en commission spéciale, et je crois savoir qu'elle pose quelques problèmes –, parce qu'il faut évidemment une règle d'or et que, encore une fois, seuls nous importent l'intérêt de l'Europe et celui de la France.

Pendant que l'UMP se montre totalement responsable, vous conviendrez que le comportement de la gauche concernant ce texte majeur est, au contraire, surréaliste. Il est vrai que le mensonge de François Hollande pendant la campagne électorale a trompé tout le monde, à commencer par la gauche elle-même, en particulier le Front de gauche. Le candidat Hollande s'était engagé à renégocier le traité qu'il jugeait néfaste.

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Nous avions alors dénoncé la supercherie : comme le savait François Hollande lui-même, il était évident que nos partenaires n'accepteraient jamais de renégocier un traité si longuement discuté et signé par les Vingt-Cinq. François Hollande ne pouvait qu'échouer. Et parce qu'il a échoué, il invite maintenant avec insistance la représentation nationale à voter le même traité, mot pour mot. Ce qui était néfaste hier est devenu indispensable aujourd'hui !

Et qu'on ne nous redise pas que le pacte pour la croissance constitue une renégociation ! En l'occurrence, il ne s'agit que d'un codicille de 120 milliards d'euros…

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…dont 55 milliards correspondent en réalité à des fonds structurels jusqu'ici inutilisés, tandis que le reste rassemble des financements accrus de la Banque européenne d'investissement déjà sur la table dès le début de l'année 2012.

Évidemment, l'imposture conduit à la cacophonie. Malgré son nom qui comporte le mot « Europe », Europe Écologie les Verts se désolidarise et vote contre, mais M. Hollande refuse de mettre fin aux fonctions de ses deux ministres.

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Il affiche son manque d'autorité et s'attire les foudres d'un journal du soir pourtant traditionnellement bienveillant avec lui.

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Je cite ce journal : « Au nom de la cohérence de son action […], c'est à François Hollande de […] mettre fin aux fonctions des deux ministres d'EELV. » Le désordre atteint même le parti socialiste, à tel point que Gaëtan Gorce dénonce, avec d'autres, la confusion la plus totale de son parti sur la question européenne.

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Aucun député UMP n'est présent pour vous écouter !

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C'est vrai : que comprendre ? Ici à cette tribune, il y a quelques mois, Jean-Marc Ayrault avait prôné avec ferveur et grandiloquence l'abstention sur le mécanisme européen de stabilité. Il n'avait d'ailleurs été que partiellement suivi par le groupe socialiste, dont un tiers des membres avaient voté contre, sur un sujet désormais unanimement reconnu comme majeur. Aujourd'hui, à propos de ce traité totalement lié au mécanisme européen de stabilité, il dramatise avec la même ferveur dans le sens contraire : « Le monde nous regarde. Ceux qui ne votent pas le traité veulent tuer l'euro ».

À mon sens, le Premier ministre a raté le débat d'hier. Au lieu de présenter une vision européenne, il n'avait qu'une préoccupation : faire oublier à sa majorité l'échec du Président de la République à renégocier le traité, ainsi que sa volte-face.

Alors, nous avons assisté à la mise en oeuvre de deux recettes classiques : on critique les prédécesseurs de façon caricaturale, et on dit qu'on a tout changé et qu'on va tout changer.

La taxe sur les transactions financières serait une victoire de François Hollande. Mais qui avait fait voter cette taxe dans cette enceinte ? Qui l'avait vendue aux Européens ? On sait très bien qu'une lettre d'intention de neuf pays avait été rédigée. Qui l'avait prônée devant le G20, sinon Nicolas Sarkozy ?

L'infléchissement de la BCE serait le fait de François Hollande. Mais cette institution, au demeurant indépendante, ne s'était-elle pas déjà engagée à hauteur de plus de 200 milliards d'euros avant l'élection présidentielle ?

La gouvernance économique serait née avec François Hollande. Mais qui a créé en 2008 le Conseil européen de la zone euro pour réaliser, lors de la plus grave crise que nous ayons connue depuis 1929, le sauvetage des banques, sinon Nicolas Sarkozy ?

François Hollande veut une Europe désormais solidaire. Mais qui a créé le Fonds européen de stabilité financière puis le mécanisme européen de stabilité, et sans cesse étendu sa capacité d'intervention ?

Même la France forte en Europe est souhaitée par Jean-Marc Ayrault. Mais cela me rappelle la Géorgie et la Libye : qui est intervenu, sinon Nicolas Sarkozy ?

Le juste échange ? Nous en parlions sous un autre terme : la réciprocité. L'harmonisation fiscale ? Elle avait été engagée entre l'Allemagne et la France.

Monsieur Cazeneuve, j'ai préféré votre propos d'aujourd'hui, qui se projetait davantage dans l'avenir. Cependant j'aurais souhaité, hier comme aujourd'hui, qu'on ne travestisse pas la vérité, et qu'on n'oppose pas l'ombre d'hier à la lumière de demain, comme si tout ce qui avait été fait jusqu'ici était mauvais, et comme si, notamment en matière européenne, il n'y avait pas de continuité ni de possibilité de rapprocher les points de vue. L'ampleur de la crise en Europe nécessite que la voix de la France soit forte et claire.

Nous regrettons que la voix de la France soit aujourd'hui affaiblie, et le discours du Premier ministre d'hier ne la rendra pas plus audible.

Les initiatives viennent d'ailleurs : Mario Draghi a eu l'intelligence d'annoncer, le 6 septembre dernier, que la Banque centrale européenne allait désormais racheter sans limite les dettes à court terme des pays en difficulté. Il a pu le faire avec l'appui courageux d'Angela Merkel, en dépit des fortes réticences du président de la Bundesbank, de la presse et de l'opinion allemandes.

La Chancelière, forte du feu vert donné par la cour de Karlsruhe au traité, continue à avancer des propositions hardies pour l'avenir de l'Europe : création d'un ministre européen des finances, nouveaux transferts de souveraineté, élection du président de la Commission européenne au suffrage universel, convocation d'une nouvelle convention pour l'avenir de l'Europe. Le président de la Commission européenne reprend cette idée et le président du Conseil européen propose la création d'un Trésor européen.

Monsieur le ministre, je vous l'ai déjà indiqué lors de votre audition conjointe devant la commission des affaires étrangères et celle des affaires européennes : la France n'apporte aucune contribution à ces propositions et reste étonnamment silencieuse. Je vous avais interrogé en commission, et vous aviez paru excédé des propositions allemandes que vous jugiez irréalistes. C'est tout à fait votre droit, mais si le dialogue consiste à répondre, à critiquer si nécessaire, i consiste aussi à proposer. L'heure est à une relance de l'Europe, et la France devrait faire preuve d'imagination et d'ambition. La politique européenne de la France devrait être fondée sur un dialogue fructueux avec l'Allemagne, mais aussi avec les Vingt-Sept, les institutions européennes, le Parlement européen et les Parlements nationaux. Dans le cas contraire, le groupe de travail constitué par MM. Van Rompuy, Barroso, Juncker et Draghi aura rendu sa feuille de route avant que la France n'ait donné son avis, en décembre 2012.

Je m'interroge sur la cohérence entre ce traité et la politique économique de la France. Dans ce traité, il est question d'harmonisation fiscale, sociale et environnementale. Au moment même de sa présentation devant le Parlement, le Président de la République annonce 20 milliards d'euros d'impôts supplémentaires qui toucheront les ménages, notamment l'ensemble de la classe moyenne, ainsi que les entreprises. Outre le coup fatal que ce matraquage fiscal portera à notre compétitivité et au pouvoir d'achat des Français, où est l'objectif d'harmonisation fiscale ? La France a déjà un taux de prélèvements obligatoires de 56 %, soit 10 points de plus que l'Allemagne et 10 points de plus que la moyenne des pays européens. Or, en annonçant 20 milliards d'euros d'impôts supplémentaires, le Président de la République choisit d'aggraver notre situation et de creuser encore l'écart.

Logique avec elle-même et responsable, l'UMP approuvera ce traité, parce qu'il est la condition de la sortie de la crise. Cette crise n'est pas celle de l'euro, dont le cours se maintient d'ailleurs malgré les attaques successives des marchés. C'est la crise des États et des administrations publiques – nous n'en avons pas suffisamment parlé, mais cela concerne aussi, en France, les régions – qui n'ont pas su contenir leurs dépenses, et qui creusent la dette et les déficits. L'objectif de ce traité est de mettre un terme à ces dérives.

Nicolas Sarkozy avait su placer la France en tête de l'Europe, pour laquelle il avait une grande ambition. La France doit y garder son rang. Pour ce faire, François Hollande ne devra plus louvoyer pour contenter les positions inconciliables de son camp, mais trancher et convaincre.

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On ne peut que regretter qu'il ait préféré que le débat d'hier ne soit pas sanctionné par un vote. Il devra engager un dialogue résolu et franc avec l'Allemagne car sa stratégie de contournement est vouée à l'échec. Il ne recevra alors que des fins de non-recevoir, comme cela a d'ailleurs été le cas s'agissant de la renégociation du traité, ou encore à propos des eurobonds.

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Depuis le traité de Rome, c'est une règle de l'histoire de l'Europe : elle ne peut avancer que si le couple franco-allemand est solide, dans la confiance et le compromis, qui permettent des solutions, et non dans la défiance. Nous attendons du Président de la République des initiatives fortes, ambitieuses, courageuses. Je ne peux pas dire que les débats d'hier et d'aujourd'hui nous aient permis d'en déceler les contours.

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Monsieur le ministre, madame la présidente, chers collègues,…

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Chers collègues du groupe UDI ? Mais aucun n'est là pour vous écouter !

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…le groupe UDI votera unanimement la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Pour nous, c'est un oui du coeur car nous sommes fiers d'être le porte-drapeau de ceux pour qui l'Europe est le choix du coeur avant d'être celui de la raison.

Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, je me réjouis de votre conversion à ce traité. Certes, il s'agit d'une demi-conversion, avec beaucoup de postures, de palinodies, de regrets, de surenchères et de prétentions sur lesquelles le président de notre groupe, Jean-Louis Borloo, a tout dit hier, de façon admirable et drôle. Je n'y reviendrai donc pas. Il reste que vous allez honorer la parole de la France – enfin ! –, et nous vous soutiendrons.

J'ai bien compris que vous vous adressiez plutôt aux membres réticents de votre majorité, et j'avoue avoir été attristé par le symbole très regrettable de l'abstention à titre personnel de la présidente de la commission des affaires européennes. Une telle position est choquante, surtout à propos d'un texte qui vise notamment à encourager le contrôle parlementaire.

Nous votons pour la ratification de ce traité, parce que c'est un bon traité. Je voudrais faire litière des regrets de ceux qui craignent qu'il porte atteinte à la souveraineté nationale. Ce débat est totalement dépassé. Quelle souveraineté illusoire, en effet, que celle d'une nation qui prétendrait répondre seule à la crise de la zone euro !

Que signifie refuser un traité qui ne fait qu'inscrire, enfin, l'Union économique, pilier manquant tragiquement à l'Union monétaire depuis la création de l'euro ?

Surtout, cessons de faire croire à nos concitoyens que, par nature, les institutions européennes seraient illégitimes. Ce procès n'a que trop duré. Les instances européennes sont doublement légitimes. Elles le sont parce qu'elles procèdent du choix de chefs d'État et de gouvernement eux-mêmes élus, et parce qu'elles sont investies par la majorité du Parlement européen.

Les instances européennes sont donc parfaitement démocratiques et nous, à l'UDI, nous n'avons pas peur de dire qu'il faut aller vers un partage de la souveraineté, notamment dans le domaine économique, et que sinon, la zone euro éclatera tôt ou tard.

Par ailleurs, c'est un bon traité pour la France, et les Français le savent bien. Vous avez du reste rappelé, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, que, massivement, les Français veulent son adoption. Au moment où l'on demande aux peuples des sacrifices, il est tout de même extraordinaire et très encourageant de constater que tous les peuples de la zone euro, y compris ceux qui font le plus de sacrifices, veulent y rester. Ils ne veulent surtout pas la quitter, parce qu'ils savent bien que ce serait pour eux le début d'une catastrophe.

En réalité, l'indépendance d'une nation, vous l'avez dit, monsieur le ministre, est d'abord commandée par la capacité à réduire sa dette et ses déficits. Ce traité ne fera qu'inscrire des principes de bonne gestion – règle d'or, contrôle mutuel –, des principes de responsabilité. Il ne peut y avoir d'Union économique s'il y a d'un côté les payeurs – les contribuables allemands, français et de l'Europe du Nord – et de l'autre, les emprunteurs, qui n'auraient jamais à rendre des comptes. Cela n'a pas de sens et ne peut marcher longtemps.

Je rappelle que, si l'on parle souvent de l'Allemagne, la France a déjà donné comme garantie pour plus de 150 milliards d'euros d'emprunt. Pour les contribuables et les épargnants français, il est donc important d'aller vers davantage de contrôle mutuel.

L'essentiel, maintenant, c'est que la France cesse d'être silencieuse sur l'avenir de l'Europe, qu'elle cesse d'être à l'arrière-garde, le dernier pays à ratifier ce traité. Il faut aller plus loin, et pour cela il y a deux conditions.

La première, c'est que la France ne s'isole pas par des choix économiques et sociaux uniques en Europe. On ne peut pas prétendre, comme vous l'avez fait, souhaiter davantage de convergence fiscale et sociale si la France est le seul pays à augmenter massivement ses prélèvements obligatoires et à différer plus longtemps les réformes de compétitivité que lancent courageusement l'Espagne, l'Italie, le Portugal, l'Irlande et l'ensemble de la zone euro.

Le Premier ministre et le Président de la République ont récemment dit qu'ils allaient, avec les partenaires sociaux, esquisser des réformes pour redonner à la France sa compétitivité. Souhaitons que ces réformes aillent dans le sens de l'Europe et ne renforcent pas la désastreuse exception française qui veut que nous soyons le pays dont les prélèvements obligatoires détiennent le triste record en Europe. Cela ne peut plus continuer.

La seconde condition, c'est que la France saisisse la main tendue par l'Allemagne et dise, enfin, au-delà du concept fumeux d'intégration solidaire que vous avez évoqué, monsieur le ministre, ce qu'elle propose comme vision pour une Europe plus fédérale. Jusqu'à présent, le silence de la France déconcerte nos partenaires, qu'ils soient au sud ou au nord.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

N'importe quoi.

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Il est triste que même le geste historique de Wolfgang Schäuble proposant un référendum n'ait reçu aucune réponse en France.

Permettez-moi de vous livrer modestement quelques pistes de réflexion :

Renforcer à très court terme le gouvernement économique de la zone euro ; doter le futur président de l'Eurogroupe de réels pouvoirs, de vrais moyens pour pouvoir suivre les décisions prises par les chefs d'État et faire en sorte qu'elles entrent en vigueur le plus rapidement possible ; donner à la Banque centrale européenne les pouvoirs les plus étendus pour aller vers un contrôle précis de l'ensemble des banques avec une véritable union fédérale bancaire.

Au-delà de la zone euro, il faut courageusement poser le problème de la gouvernance de l'Union européenne. Là, je me limiterai à deux questions majeures qui n'ont jusqu'à présent pas été évoquées dans le débat.

La première est celle des moyens budgétaires de l'Europe. Je sais que c'est une question difficile pour tout gouvernement et qu'il est plus facile de l'évoquer lorsque l'on est dans l'opposition. C'est vrai. Mais on ne peut pas sérieusement parler d'un levier budgétaire pour la croissance en Europe – et c'est une idée dont j'ai cru comprendre qu'elle était chère au coeur du Président de la République, du Premier ministre, du ministre des affaires étrangères ainsi que du ministre des affaires européennes – sans aller vers un levier fiscal, sans donner à l'Union européenne des ressources propres.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

C'est ce que nous proposons.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Les conservateurs de l'Europe n'en veulent pas. Les sociaux-démocrates le veulent, mais pas les autres.

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Ces ressources propres permettraient d'aller vers la relance des investissements, vers une politique industrielle commune, vers l'encouragement des nouvelles technologies, vers la réforme de la PAC – bref, tout ce que vous avez évoqué – et même d'aller davantage vers l'Europe du développement durable. Nous, à l'UDI, nous sommes prêts à vous accompagner sur ce chemin, mais pour cela, encore faudrait-il que dès maintenant, la France mette sur la table des propositions claires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Il faut adhérer à l'Internationale socialiste !

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Le second sujet est celui de la légitimité des institutions de l'Union. Personnellement, je ne crois pas possible, à court terme, l'élection d'un président de l'Union au suffrage universel. Dans quelle langue ferait-il campagne ?

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Au lieu d'avoir trois présidents de l'Union – la présidence tournante, le président du Conseil européen et le président de la Commission –, il n'en faudrait plus qu'un et qu'il soit légitime.

Pourquoi ne pas aller jusqu'à proposer un congrès comprenant des représentants de tous les Parlements de l'Union, et naturellement les députés européens, qui serait chargé d'investir le prochain président de la Commission, lequel serait libre de choisir les commissaires sans dépendre des États ? Cette ratification directe issue de l'élection du Parlement européen avec l'apport de représentants des Parlements nationaux donnerait au président de la Commission les moyens d'incarner l'Union européenne, avec une investiture véritablement démocratique.

Telles sont mes propositions.

En conclusion, je vous invite à aller jusqu'au bout de votre conversion à la foi européenne. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

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Faites en sorte que la France soit à l'avant-garde des propositions pour aller vers une Europe plus fédérale et faites en sorte que la France soit dans le wagon de tête avec l'Allemagne, puisque, vous l'avez dit, nous allons célébrer solennellement les cinquante ans de l'amitié franco-allemande.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de m'entendre porter devant vous une opposition assumée à ce traité.

Nous avons eu l'occasion de répondre à de multiples questions sur le sujet : les instances nationales d'Europe Écologie Les Verts en ont publiquement débattu.

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Pourquoi y a-t-il « Europe » dans le nom de votre parti ?

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Un débat et un vote qui nous ont valu bien des railleries et bien des critiques – pratiquement toujours marquées du sceau de la caricature.

Mon intervention ne va pas effacer ces expressions souvent injustes, pour ne pas dire malhonnêtes. Mais c'est l'occasion d'y répondre point par point.

Je le dis très tranquillement, les écologistes ne vont pas s'excuser d'avoir joué collectivement la carte du débat ouvert et de la démocratie interne sur un sujet, qui, reconnaissons-le, divise toutes les familles politiques. J'ai entendu un orateur de l'UMP dire qu'il fallait être uni sur le sujet, mais son parti est également divisé.

Ainsi M. Jacob, président du groupe UMP, dont le propos est toujours tout en nuance, n'a pas hésité à parler d'explosion de la majorité. Devrions-nous parler d'explosion de son groupe – je note d'ailleurs que l'orateur de UMP qui s'est exprimé tout à l'heure était le seul membre de son groupe présent dans l'hémicycle –…

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…au simple motif qu'un certain nombre de députés UMP vont voter différemment de la majorité de leur groupe ? C'est absurde !

Certains voient dans le débat interne aux écologistes une faiblesse : j'y perçois plutôt un signe de maturité démocratique. Oui, ce débat, les écologistes l'assument, et c'est fort de cette réflexion collective que je m'exprime devant vous.

Ce n'est pas la première fois que notre assemblée est amenée à se prononcer sur ces questions, puisqu'une première discussion, suivie d'un vote, a été organisée en février dernier sur le MES – le mécanisme européen de stabilité, et non de solidarité, comme il fut dit à un moment – quelques jours avant la signature de ce fameux TSCG dont nous connaissions les grandes lignes. Juger de la cohérence des positions des uns et des autres sans évoquer cette étape de notre vie parlementaire me semble donc un peu artificiel.

J'invite donc chacun – notamment les commentateurs politiques qui ont cru bon, au cours de ces derniers jours, de critiquer un prétendu virage écologiste sur la question européenne – à se référer au compte rendu des débats d'alors. Chacun pourra constater que l'UMP, comme elle le fait aujourd'hui, endossait sans barguigner le soutien à ces nouveaux traités. Cela n'avait aucune cohérence avec l'irresponsabilité fiscale et budgétaire dont elle avait fait preuve pendant cinq ans, voire dix ans.

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Mais l'heure de la facture de cette politique était venue, et le temps était à l'idylle avec Mme Merkel, à qui l'on ne pouvait rien refuser. Le Président de la République Nicolas Sarkozy attendait même son soutien dans un meeting de campagne électorale !

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Parlez-nous plutôt du traité, ou de Daniel Cohn-Bendit !

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L'UMP a donc voté pour le MES, comme elle s'apprête à le faire aujourd'hui pour le TSCG.

Nos collègues communistes avaient voté contre le texte. Comme d'habitude, allais-je dire, puisque dans tous les rendez-vous européens, ils ont fait preuve d'une constance remarquable : non à la Communauté européenne de défense, non au référendum de 1973, non à l'acte unique, non à Maastricht, non au TCE, non au présent texte.

Dans le même temps, le président du groupe socialiste de l'époque, aujourd'hui Premier ministre, annonçait que son groupe s'abstiendrait sur le MES, afin de « laisser sa chance à la négociation ». Sans reprendre mot pour mot son propos d'alors, il indiquait que son groupe attendait une réorientation de la politique européenne et une inflexion permettant de compléter les règles issues du traité par des mesures de croissance et une nouvelle approche du rôle de la Banque centrale européenne.

Ces avancées, elles ont été en grande partie réalisées, le Premier ministre en a longuement parlé hier. Dès lors, nul ne saurait s'offusquer de voir le groupe socialiste voter le traité. En quelque sorte, il disait : « Oui, si ». Et la condition qu'il posait alors, il la juge aujourd'hui remplie.

Et puis, il y avait le point de vue écologiste. Certes, nous étions peu nombreux, donc sans doute moins écoutés qu'aujourd'hui. Mais comme je portais déjà dans ce débat parlementaire de février la parole de mes collègues écologistes, je me souviens parfaitement de notre position : nous avions formulé une mise en garde forte contre le TSCG qui était sur le point d'être adopté par le Conseil. Nous disions alors que, quand bien même on obtiendrait des avancées sur les dettes souveraines ou le financement de mesures contracycliques, ce texte comportait à nos yeux des défauts rédhibitoires. Aujourd'hui, nous nous apprêtons à formuler un vote négatif. Et certains s'en offusqueraient ? Drôle de conception de la cohérence politique, à laquelle on nous rappelle pourtant avec insistance ces derniers jours.

Avant d'expliquer les raisons de notre opposition à ce traité, je voudrais écarter quelques faux débats. Le débat d'aujourd'hui, ce n'est pas le retour du débat de 2005 sur le traité constitutionnel européen. Certains, à l'extérieur de cet hémicycle surtout, semblent vouloir rejouer 2005, chaque fois que l'occasion se présente, comme s'ils étaient engagés dans une sorte de quête du Graal de la contestation, quête qui conduit de Paris à Bruxelles, de la présidentielle aux européennes, en faisant parfois un étrange détour par Caracas. Les écologistes ne rouvriront pas les plaies de 2005 et ne s'engageront pas dans cette voie aussi vaine que stérile pour la France comme pour l'Europe.

Le débat sur le TSCG n'est pas non plus un débat entre pro- et anti-européens, comme on essaie de le faire croire, ni un débat entre fédéralistes et souverainistes. Ce traité n'a rien de fédéraliste et les souverainistes s'y opposent. Certains pro-européens comme les écologistes le rejettent et des opposants récurrents à toute avancée de l'Europe politique vont sans aucun doute le soutenir par leur vote. Ce débat ne correspond pas non plus à un clivage gauche-droite ou majorité-opposition. C'est une évidence qu'aucun effet de tribune ne pourra effacer.

Le contexte a changé depuis le 6 mai, c'est une évidence. Mais c'est sur le texte du traité que nous devons nous prononcer. Les écologistes abordent donc ce débat en jugeant ce qu'est le TSCG, et ce à travers deux critères principaux : apporte-t-il quelque chose à la construction politique de l'Europe ? Apporte-t-il quelque chose par rapport à la situation de crise économique qui touche l'Europe ?

Du point de vue de la construction politique de l'Europe, nous jugions négativement ce traité et nous n'avons pas changé d'avis.

Paralysée par un élargissement à marche forcée et un strict fonctionnement intergouvernemental – le rejet du traité constitutionnel de 2005 est passé par là –, l'Union Européenne croit trouver son salut et masquer son impuissance politique à travers la définition de règles prétendument intangibles, censées rassurer les investisseurs. L'expérience nous montre pourtant que cela n'est jamais suffisant aux yeux des spéculateurs. L'expérience nous montre aussi que ces objectifs sont très peu souvent tenus. Pourquoi ? Pas seulement à cause d'une prétendue faiblesse des responsables politiques mais le plus souvent à cause de la réalité économique.

S'imaginer que la mise en oeuvre de sanctions automatiques suffira à gommer les effets des aléas économiques est, à notre sens, illusoire. Illusoire, mais aussi dangereux, parce que cela revient à enfermer les instances européennes dans un rôle aussi ingrat qu'injuste de gendarme des budgets nationaux, facile bouc émissaire désigné à la vindicte de l'opinion publique. Telle sera la position dans laquelle se retrouvera l'Europe.

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La réduction des dettes publiques et la responsabilité budgétaire sont moins affaires de traités que de choix politiques. La seule contrepartie acceptable à une règle budgétaire générale qui s'appliquerait à tous les États européens consisterait en une mutualisation des dettes, une coordination de la politique économique et un minimum d'harmonisation fiscale. En ce domaine, nous sommes favorables au donnant-donnant. Je l'avais dit au moment du sauvetage de l'Irlande et je constate aujourd'hui qu'il n'y a eu aucun donnant-donnant puisque l'Irlande pratique le dumping fiscal en matière d'impôt sur les sociétés.

Nous partageons la volonté gouvernementale de mettre fin à la spirale délétère des déficits et de la dette, mais nous estimons qu'elle doit être le résultat d'un choix politique – d'ailleurs annoncé lors des dernières campagnes électorales présidentielle et législative –, et non le fruit de l'application automatique d'une énième règle européenne.

Par ailleurs, nous craignons que les politiques simultanées et coordonnées de contraction budgétaire brutale comme unique réponse politique ne conduisent l'Europe vers une récession économique qui fera empirer le problème de la dette souveraine plutôt que de le résoudre. J'invite tout le monde à lire les propos du Premier ministre finlandais, M. Katainen, actuellement en visite en France, qu'un orateur du groupe UMP a cités. Ils me semblent d'une extrême gravité. Ils montrent combien cette voie est dangereuse, puisque il affirme clairement que cette politique va aggraver à court terme la situation économique.

À l'austérité imposée, nous opposons une responsabilité démocratiquement choisie. À une approche de l'Europe fondée sur la simple application de règles, nous opposons une Europe des choix politiques.

Nous jugeons dangereux de nous laisser enfermer dans un calendrier et des objectifs qui ne seraient que budgétaires et comptables. Les objectifs de l'Europe, parlons-en. De sommet en sommet, elle a avancé sur la définition d'objectifs sociaux, environnementaux, économiques qui nourrissent le projet de l'Union.

Alors que le chômage accable nos pays, qu'en est-il des engagements du Conseil, de la Commission et du Parlement européen en matière d'emploi ? Afin de hâter la conversion technologique de nos économies, les États avaient décidé d'une accentuation de la recherche et du développement afin que les dépenses de recherche, publiques et privées, atteignent 3 % du PIB : comment espérer atteindre ce seuil si l'on applique de façon automatique une règle qui ne le prend pas en compte ?

Pour répondre à la crise écologique, des objectifs ambitieux ont été définis en matière de climat et d'énergie, avec la réduction d'émissions de gaz à effet de serre, l'augmentation de la part des sources d'énergie renouvelables. Qui peut croire que nous y parviendrons sans une part d'investissement public qui constitue une dette positive, puisqu'elle engendrera inéluctablement, demain, des économies ?

Cet agenda européen, que devient-il avec ce traité ? En quoi ce traité permet-il de le mettre en oeuvre ? En rien, en réalité !

Contrairement à ce que l'on entend ici ou là, il ne s'agit pas d'un traité d'union budgétaire. C'est un étrange glissement sémantique qui, ces dernières semaines, a fait de ce traité à l'acronyme peut-être trop difficile à prononcer un « traité d'union budgétaire ».

Il ne modifie en rien le fonctionnement d'une Union européenne dénuée de moyens d'action financiers propres. Dans le même temps, il ne prévoit en rien, dans le mode de calcul des déficits nationaux acceptables, la prise en compte des investissements qui permettraient d'atteindre les objectifs que j'évoquais à l'instant. Ce traité rend en quelque sorte l'Europe schizophrène.

Certes, depuis que le TSCG a été signé par les chefs d'État et de gouvernement sous la houlette du couple Merkel-Sarkozy, quelque chose a changé avec l'élection de François Hollande.

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Comme l'a très bien dit ma collègue Barbara Pompili lors du débat d'hier, nous reconnaissons les avancées qui ont été arrachées – oui, arrachées – par le Président de la République et nous les saluons. Oui, les dernières décisions vont dans le bon sens, mais ce n'est pas le sens du TSCG. Nous avions souligné en février que ce traité était en grande partie inutile. Aujourd'hui, il nous apparaît aussi en grande partie caduc.

Les débats entre écologistes n'ont donc pas porté sur la qualité du traité – tous s'accordent à en constater la nocivité –, mais sur l'opportunité de faire prévaloir nos convictions sur la simple constatation d'un point d'accord entre gouvernements européens. Cela nous a amenés à nous poser des questions sans tabou.

Fallait-il voter ce traité quasi mort-né afin de ne pas affaiblir le Président ? L'argument, souvent entendu, ne nous a pas convaincus : la majorité d'Angela Merkel n'a pas été unanime lors du vote du TSCG au Bundestag et personne n'en a pour autant conclu que la Chancelière avait été affaiblie sur la scène européenne. Bien au contraire. Que la majorité présidentielle française au Parlement comporte une composante opposée au TSCG n'est pas seulement la traduction d'une réalité sociale, politique, ou d'un fait d'opinion, c'est également, pour peu que l'on abandonne une lecture bonapartiste de nos institutions, une ressource pour les gouvernants.

Fallait-il voter ce traité parce qu'il serait à ce point essentiel et central que le refuser reviendrait à refuser l'Europe et à mettre en danger l'euro ? À cela également, nous avons beaucoup réfléchi, sans trouver en quoi ce TCSG serait brusquement devenu l'alpha et l'oméga de l'avenir de l'Europe. D'ailleurs, à part l'Irlande, qui y est contrainte par sa constitution, aucun de nos partenaires ne l'a trouvé à ce point essentiel qu'il ait dû faire l'objet d'une ratification référendaire.

L'opposition au TSCG que j'exprime aujourd'hui devant vous est donc tout sauf pavlovienne, tout sauf idéologique : elle est le fruit d'une réflexion pragmatique. C'est dans cet esprit que le groupe écologiste a arrêté sa position, sachant que certains de ses membres voteront différemment, à titre individuel. On retrouve d'ailleurs les mêmes débats et les mêmes positionnements au sein du mouvement écologiste dans son ensemble, en France comme dans d'autres pays européens.

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Les débats au sein d'Europe Écologie - Les Verts se sont traduits par une très nette majorité en faveur du non et une minorité non négligeable en faveur du oui. Très majoritairement, le groupe écologiste à l'Assemblée nationale votera donc contre le TSCG, certains de ses membres exprimeront toutefois un choix personnel différent.

Mes chers collègues, il n'y a pas de suspense dans le résultat de ce vote. L'hystérie politico-médiatique de ces derniers jours cédera bientôt de nouveau la place à la réalité. Et la réalité, c'est celle d'une Europe en équilibre instable sur la ligne de crête qui sépare le désendettement raisonné de l'austérité contre-productive. Pour en sortir, pour s'en sortir, il faudra un cap, des moyens, une nouvelle façon de mener la cordée. Le Premier ministre a défini hier ce cap : nous y souscrivons. Il a dessiné des moyens pour y parvenir : nous les soutenons. Mais force est de constater que rien de ce qui est présent dans ce traité ne nous y aidera. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron