La réduction des dettes publiques et la responsabilité budgétaire sont moins affaires de traités que de choix politiques. La seule contrepartie acceptable à une règle budgétaire générale qui s'appliquerait à tous les États européens consisterait en une mutualisation des dettes, une coordination de la politique économique et un minimum d'harmonisation fiscale. En ce domaine, nous sommes favorables au donnant-donnant. Je l'avais dit au moment du sauvetage de l'Irlande et je constate aujourd'hui qu'il n'y a eu aucun donnant-donnant puisque l'Irlande pratique le dumping fiscal en matière d'impôt sur les sociétés.
Nous partageons la volonté gouvernementale de mettre fin à la spirale délétère des déficits et de la dette, mais nous estimons qu'elle doit être le résultat d'un choix politique – d'ailleurs annoncé lors des dernières campagnes électorales présidentielle et législative –, et non le fruit de l'application automatique d'une énième règle européenne.
Par ailleurs, nous craignons que les politiques simultanées et coordonnées de contraction budgétaire brutale comme unique réponse politique ne conduisent l'Europe vers une récession économique qui fera empirer le problème de la dette souveraine plutôt que de le résoudre. J'invite tout le monde à lire les propos du Premier ministre finlandais, M. Katainen, actuellement en visite en France, qu'un orateur du groupe UMP a cités. Ils me semblent d'une extrême gravité. Ils montrent combien cette voie est dangereuse, puisque il affirme clairement que cette politique va aggraver à court terme la situation économique.
À l'austérité imposée, nous opposons une responsabilité démocratiquement choisie. À une approche de l'Europe fondée sur la simple application de règles, nous opposons une Europe des choix politiques.
Nous jugeons dangereux de nous laisser enfermer dans un calendrier et des objectifs qui ne seraient que budgétaires et comptables. Les objectifs de l'Europe, parlons-en. De sommet en sommet, elle a avancé sur la définition d'objectifs sociaux, environnementaux, économiques qui nourrissent le projet de l'Union.
Alors que le chômage accable nos pays, qu'en est-il des engagements du Conseil, de la Commission et du Parlement européen en matière d'emploi ? Afin de hâter la conversion technologique de nos économies, les États avaient décidé d'une accentuation de la recherche et du développement afin que les dépenses de recherche, publiques et privées, atteignent 3 % du PIB : comment espérer atteindre ce seuil si l'on applique de façon automatique une règle qui ne le prend pas en compte ?
Pour répondre à la crise écologique, des objectifs ambitieux ont été définis en matière de climat et d'énergie, avec la réduction d'émissions de gaz à effet de serre, l'augmentation de la part des sources d'énergie renouvelables. Qui peut croire que nous y parviendrons sans une part d'investissement public qui constitue une dette positive, puisqu'elle engendrera inéluctablement, demain, des économies ?
Cet agenda européen, que devient-il avec ce traité ? En quoi ce traité permet-il de le mettre en oeuvre ? En rien, en réalité !
Contrairement à ce que l'on entend ici ou là, il ne s'agit pas d'un traité d'union budgétaire. C'est un étrange glissement sémantique qui, ces dernières semaines, a fait de ce traité à l'acronyme peut-être trop difficile à prononcer un « traité d'union budgétaire ».
Il ne modifie en rien le fonctionnement d'une Union européenne dénuée de moyens d'action financiers propres. Dans le même temps, il ne prévoit en rien, dans le mode de calcul des déficits nationaux acceptables, la prise en compte des investissements qui permettraient d'atteindre les objectifs que j'évoquais à l'instant. Ce traité rend en quelque sorte l'Europe schizophrène.
Certes, depuis que le TSCG a été signé par les chefs d'État et de gouvernement sous la houlette du couple Merkel-Sarkozy, quelque chose a changé avec l'élection de François Hollande.