Par cette proposition de loi, nous souhaitons mieux faire partager les valeurs de la République. Éric Ciotti, citant l'article 1er de la Constitution, a rappelé le principe de laïcité.
La loi de 2004 a été une conquête. Elle a constitué une avancée réelle vers plus de République, plus de République à l'école. Je voudrais ici en témoigner, rappeler ce qui nous a conduits à légiférer et ce qui a guidé Jacques Barrot, à partir du travail de certains d'entre nous, François Baroin en particulier.
Jacques Barrot avait souligné que la loi devait se concevoir comme un signal fort et rassurant sur la volonté démocratique de rester fidèle à une conception largement partagée dans toute la communauté nationale, celle d'une égalité de l'homme et de la femme. Elle devait permettre aux chefs d'établissements et aux enseignants d'adopter des attitudes harmonisées et, par là même, mieux acceptées. Je veux témoigner du progrès qu'a constitué cette loi dans nos écoles. Elle a apporté de la stabilité et de la sérénité. Ce fut un message fort en direction des chefs d'établissements qui avaient été abandonnés par les pouvoirs publics.
C'est dans la droite ligne de la loi de 2004 que j'ai été amené, en tant que ministre de l'éducation nationale, à réglementer la question des parents accompagnateurs de sorties scolaires par une circulaire. J'étais confronté à la question des mères qui accompagnaient des sorties scolaires en étant voilées. Interpellé par les chefs d'établissements, j'ai voulu traiter cette question en rappelant les principes républicains et en affirmant que, l'école républicaine étant laïque, on ne devait pas, lorsqu'on participait à l'action éducative, manifester ses convictions religieuses.
C'était une position que je considérais comme simple, républicaine. Elle n'était pas nécessairement évidente à affirmer mais j'avais voulu trancher car j'estimais qu'il en était de notre responsabilité.
Aujourd'hui, je considère que nous sommes appelés à nous inscrire dans la continuité de ces avancées républicaines. Nous devons adapter la loi à la sphère privée pour permettre au chef d'entreprise, au directeur d'association, de disposer d'un outil simple et clair pour réguler le bon fonctionnement de sa structure, quand et seulement quand cela s'avère nécessaire.
En effet, nous savons tous que les questions qui se posent aujourd'hui sont principalement liées à des difficultés d'intégration, notamment de la part de personnes – il faut le dire – de religion musulmane, comme on l'a vu dans l'affaire Baby Loup.
Nous osons, avec Éric Ciotti, avec le groupe UMP, apporter ici une réponse à la question du religieux qui se pose avec de plus en plus d'acuité ces dernières années dans le champ social. Dans la droite ligne des différentes recommandations rappelées dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi – avis du Haut conseil à l'intégration, résolution de l'Assemblée nationale entre autres – nous proposons une forme de neutralité qui ne constitue pas une sanction de l'expression religieuse mais un appui au bon fonctionnement de l'entreprise ou de l'association, en son sein comme dans son rapport aux usagers.
Il est important de fixer aujourd'hui une règle claire, valable dans chaque lieu de travail, dans le but de donner au chef d'entreprise ou d'association un outil au service du bon fonctionnement de sa structure, et ce afin d'éviter à l'avenir la situation ubuesque de ce qui est devenu l'affaire Baby Loup, dont les rebondissements se poursuivent depuis 2008.
Nous ne légiférons pas par opportunité ou par opportunisme. Ce que nous souhaitons, c'est que le récent arrêt de la Cour de cassation ne fasse pas jurisprudence. Finalement, l'on voit les conséquences dommageables d'une faille juridique qui a conduit à cinq ans de combat et d'incertitude pour la personne licenciée d'un côté et à la mise en péril de la crèche Baby Loup de l'autre, par la publicité donnée à cette affaire. Il en va de l'intérêt de tous de préciser les limites du port et de la pratique de signes religieux dans la sphère professionnelle privée.
Nous ne cherchons pas à étendre le principe de laïcité à l'ensemble des entreprises en calquant la règle qui s'applique dans le service public, nous voulons permettre à celles qui le souhaitent d'encadrer avec proportion la libre expression d'une appartenance religieuse sur le lieu de travail. Nous proposons une forme de réserve en matière d'expression religieuse – et non une interdiction – qui soit respectueuse de la cohésion entre les salariés et qui ne vienne pas heurter certains d'entre eux.
Ce que nous voulons, c'est créer une règle pour tous ces lieux où en raison des échanges, de l'accueil de personnes extérieures – je pense aux crèches mais aussi aux cliniques privées, aux établissements pour personnes âgées, aux commerces – ou même de contraintes liées à l'activité de l'entreprise, des valeurs et des principes communs doivent prévaloir.
Il en va, à notre sens, de la cohésion de notre société et du bon fonctionnement des lieux de travail, qui sont des lieux de vie primordiaux. Ce sera au chef d'entreprise, au directeur de proposer d'éventuelles règles en matière de neutralité dans le règlement intérieur, en soumettant bien sûr celui-ci au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, afin d'en faire une règle de vie commune. Nous lui proposons cette loi pour le guider, mais laissons à son jugement éclairé de l'appliquer avec intelligence.
À chaque fois que la République avance, je considère que nous devrions nous rassembler. C'est la raison pour laquelle, chers collègues de la majorité, je vous invite à vous inspirer de votre vote positif au moment de la loi de 2004, qui a été un grand progrès en matière de laïcité, une grande avancée dans le partage des valeurs républicaines.